Le silence dans la prière chrétienne, par Jacques Breton
Voici un texte de Jacques Breton, le fondateur du Centre Assise. Il figurait sur une feuille de papier que j'ai trouvée dans un dossier d'un ami ; au dos figurait le texte concernant Élie qui figure juste après.
Le silence dans la prière chrétienne
Par Jacques Breton
Alors que le bruit nous extériorise, nous disperse, nous distrait, au contraire le silence est lié à l'intériorité.
Notre vie intérieure est essentiellement silencieuse. Si en elle nous faisons l'expérience de notre vraie nature, celle-ci ne peut se réduire à des concepts. La réalité que nous atteignons ne peut s'exprimer en mots, en images. Elle est ineffable, indicible, au-delà de toute idée, de toute imagination. Nous ne pouvons en faire l'expérience que dans la mesure où nous rentrons dans une absence de tout bruit, de toute parole. Et cette expérience elle-même se traduit dans un silence de plénitude qui comble au-delà de toute attente. Je n'entends plus rien, sinon ce silence qui apporte une grande paix, je ne puis rien faire d'autre que de l'écouter, et cette écoute me fait entrer dans le mystère de ce que je suis, de ce qui est au cœur de toutes choses et qui est intraduisible en mots humains. Pourtant il n'est pas absence de relations, bien au contraire. C'est lui qui me met en communion intime, profonde avec mon être intérieur et par là même avec celui des autres, du monde.
Le Christ nous conduit au Père, or le Père est la source qui engendre le Verbe (la Parole). Mais lui-même est le Silence par excellence. C'est pour cela qu'on peut dire que dans le christianisme le Silence est premier. C'est du Père, de la Source, que la Parole est engendrée. Ce qui fait dire à saint Jean de la Croix :
- « Le Père céleste a dit une seule parole : c'est son Fils. Il l'a dit éternellement et dans un éternel silence. C'est dans le silence de l'âme qu'elle se fait entendre. »
La Parole, le Fils, nous conduit au vrai Silence qu'est le Père.
À notre niveau, nous pouvons dire qu'une parole authentique, porteuse de vérité, doit sortir de notre silence intérieur. C'est là qu'elle va prendre naissance. Car toute vérité ne peut être engendrée que par cette Réalité absolue. Nous ne pourrons l'exprimer qu'à partir de cette expérience du Silence.
Mais, au fond, le Silence nous fait peur. La parole rassurante, elle nous donne l'illusion d'être dans le vrai en nous dispensant de l'effort de communier à la réalité. Il est tellement plus facile de rester à des connaissances sur l'homme ou sur Dieu que de plonger dans l'Être divin.
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Du Premier Livre des Rois : 19, 11-13
Le Seigneur dit au prophète Élie : « Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le Seigneur ; voici, le Seigneur va passer. »
Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n'était pas dans le vent.
Après le vent, il y eu un tremblement de terre ; le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre.
Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le Seigneur n'était pas dans le feu.
Et après le feu, le bruissement d'un silence ténu. Alors, en l'entendant, Élie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l'entrée de la caverne.