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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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21 septembre 2024

Laisser jaillir l’élan vital, pratique du Champ d'argile® en groupe, par B. de Nazelle

"L’Être authentique en permanence nous meut de l’intérieur" dit Graf Dürckheim, c'est ce qu'on peut expérimenter à travers la pratique du Champ d'argile. Ceci peut se faire dans des séances individuelles ou en groupe. Le présent message en donne un exemple. Il est lié à l'actualité.

En effet, en octobre prochain a lieu un stage de six jours sur le thème "Laisser jaillir l’élan vital : yoga et argile". Organisé par l’École Française de Yoga (EFY), il est accueilli à Saint-Gervais (Val d'Oise) par le Centre Assise dont Bénédicte fut l'un des membres fondateurs, et où elle anime d'autres rencontres que le stage d'octobre :

D'autres articles d'elle sont parus sur le présent blog (tag Bénédicte de Nazelle)

Bénédicte co-anime donc le stage d'octobre avec Pascale Brun, formatrice à l'EFY. Elles ont d'abord animé plusieurs fois ce stage à Méridon, c'est la 2e fois qu'il a lieu à Saint-Gervais. Cela a donné lieu à un article de Bénédicte publié dans la Revue Française de Yoga, n° 60 de Juillet 2019 intitulé "Expérience de l’intensité, intensité de l’expérience", l'article lui-même ayant pour titre : « Laisser jaillir l’élan vital par la pratique du Champ d’Argile®. » (L'article complet est sur Laisser jaillir l’élan vital.)

Voici les extraits de cet article, essentiellement ceux concernant les séances de groupe.

 

 

 

Laisser jaillir l’élan vital par la pratique du Champ d’Argile®

Extraits de cet article de Bénédicte de Nazelle

 

"Lâcher prise" signifie admettre, laisser s’accomplir sans nous occuper de nos représentations, projections, désirs ou préjugés ; admettre ce que nous rencontrons spontanément qui est Vie ; admettre ce qui jaillit de l’Être authentique qui en permanence nous meut de l’intérieur. (Karlfried Graf Dürckheim – Pratique de la voie intérieure)

 

(…) Je ressens de plus en plus la complémentarité soulignée très souvent par les participants entre le travail de Pascale et ce que je propose. Le titre de notre stage depuis plusieurs années « Laisser jaillir l’élan vital : yoga et argile » indique clairement notre objectif : que ce stage soit une opportunité pour libérer la dynamique intérieure créatrice, l’impulsion de croissance dont parle Marie Louise von Franz, collaboratrice de C.G. Jung dans "L’homme et ses symboles" :

 « On peut considérer le Soi comme un guide intérieur qui est distinct de la personnalité consciente » … Elle en parle comme du « centre régulateur qui provoque une extension et une maturation croissante de la personnalité », et elle rajoute « mais cet aspect plus riche, plus total de la psyché n’est d’abord qu’une virtualité innée… et son degré de développement dépend de la bonne volonté que met le Moi à écouter les messages du Soi…. Le Moi doit être capable d’écouter attentivement, et renonçant à ses fins, à ses projets propres, de se consacrer à cette impulsion intérieure de croissance ».

Écoute attentive, impulsion intérieure, extension, maturation croissante de la personnalité sont des mots qui parlent de ce qui se joue dans le travail au Champ d’Argile. La pratique que je propose est le plus souvent expérimentée en séance individuelle. Dans le cadre particulier du stage organisé par l’EFY, il est prévu un travail en groupe. Son but est de permettre aux participants de se relier à eux-mêmes, à leurs ressources intérieures, ceci grâce au toucher de l’argile, en se mettant à l’écoute des sensations et des ressentis.

Une personne décrit de façon très pertinente l’expérience qu’elle a eue :

« À chaque Champ d’Argile j’ai le sentiment de me rencontrer, sensiblement.
Et à chaque fois j’ancre plus profondément la confiance que la vie sait ce qu’elle fait, que je peux laisser faire, que tout est là et que mon travail consiste à permettre, à laisser passer, à livrer passage
. »

 

Origine de cette pratique

 

Le Champ d’Argile, cadre en bois rempli d’argile, a été inventé par Heinz Deuser, lorsque, jeune homme, il séjournait dans les années 1970 dans le centre fondé et animé par Karlfried Graf Dürckheim. C’est donc dans cet environnement très particulier que s’est développé cette approche. Et c’est cette racine commune qui nous réunit, Pascale Brun et moi. Nous avons toutes les deux été très imprégnées des écrits de Karlfried Graf Dürckheim et du mouvement de la thérapie initiatique[1]

(…)

 

LE DISPOSITIF DU CHAMP D'ARGILE

 

Il est très simple : un cadre en bois muni d’un fond rempli d’argile malléable (20 kilos d’argile, quantité qui offre du poids et de la résistance) posé sur une table, et un récipient rempli d’eau – quelque chose de concret qui peut être touché, dont on peut faire l’expérience ; cela s’offre aux mains de la personne. Chacun de ces éléments présente des qualités sensorielles très différentes et complémentaires offrant une palette très grande de sensations, selon les besoins de la personne.

L’accompagnateur encourage la personne à sentir cet objet à l’aide de ses mains en gardant de préférence les yeux fermés.

La particularité du travail au champ d’argile : la personne est mise en situation d’acteur, de créateur de sa propre transformation, de sa propre vie, poussée par l’élan vital issu du Soi. Dans le champ d’argile, nous sommes invités à agir en réponse à une nécessité intérieure. Toucher l’argile met en mouvement. La principale consigne répétée tout au long du travail est : « Laisser faire les mains, suivez votre besoin ». On ne peut que s’émerveiller en voyant les mains à l’œuvre dans l’argile, les mains qui savent, animées par l’intelligence de la vie, l’intelligence du corps.

(…)

 

Le processus

 

Quand on touche, on est touché. Le sens du toucher met dans une grande proximité et à la particularité d’être toujours double, comme Heinz Deuser nous l’explicite :

« Ce que nous rencontrons dans le champ d’argile vient à notre rencontre, et notre comportement répond à ce que nous rencontrons. »

« Chaque chose qui se trouve face à nous nous renvoie à nous-même. Cela nous touche en tant que chose du monde extérieur. Et cela nous touche également en tant qu’être. »

Le fait d’être touché met en mouvement ; cela réveille des besoins liés à des manques ou à des blocages. S’impose la nécessité mue par une impulsion intérieure de transformer ce qui est là sous les mains pour arriver à quelque chose de satisfaisant, d’ajusté ; ceci se fait grâce au réveil de forces créatives portées par l’élan vital.

À propos de cette énergie que l’on contacte dans le Champ d’Argile, quelques témoignages :

« J’ai eu le sentiment de me connecter à une partie totalement enfouie mais si puissante et agissante que j’en étais profondément transformée »

« C’est bien notre corps tout entier à partir de nos mains en contact avec l’argile qui nous révèle des terres insoupçonnées et une énergie magnifique à notre service »

Pour Heinz Deuser, il y a dans le Champ d’Argile tout ce qui est nécessaire pour le développement humain : une structure, une matière qui est disponible, sur laquelle on peut agir, qui prend forme grâce aux gestes, et qui reflète qui je suis. Il écrit :

« Nous nous trouvons comme êtres vivants dans la vie et nous devons nous réaliser dans la vie. La vie elle-même devient urgence, et cette urgence – à travers les crises – cherche une réalisation, tend vers un accomplissement. Le manque est l’inaccompli, c’est-à-dire la vie elle-même qui aimerait trouver sa forme à travers nous-mêmes. Elle s’exprime dans le besoin d’agir auquel nous sommes invités en nous trouvant dans le champ d’argile ».

 

Une séance est terminée quand la personne a trouvé ce qu’elle cherchait inconsciemment, il n’y a plus de besoin dans l’instant, plus de mouvement ; cela se manifeste dans le corps par une posture alignée, un nouvel équilibre et la plupart du temps par un sentiment de complétude, de joie, d’accomplissement.

« Je me sens apaisée, unifiée » ; « Plénitude » ; « Je me sens enveloppé d’une infinie tendresse » ; « Joie, liberté » ; « Espace » ; « Je me sens nourri » ; « Moment d’accord parfait, magique » … (Échantillon de paroles dites à la fin de séance)

 

TRAVAIL DE GROUPE

 

Lors du séminaire intitulé "Laisser jaillir l’élan vital ", co-animé avec Pascale Brun, organisé annuellement par l’EFY, nous accueillons 24 participants.

Les ateliers que j’anime s’inscrivent dans une proposition globale, qui forme comme une enveloppe sécurisante et protectrice, ce qui favorise le travail d’ouverture, de lâcher-prise et d’intériorisation : temps de méditation le matin, yoga proposé dans un esprit complémentaire par Pascale (…).

Après une première réunion ou chacun est invité à exprimer ce qu’il attend du stage, nous scindons le groupe en deux. J’anime successivement deux groupes de 12 personnes, les autres pratiquant le yoga avec Pascale.

Le séminaire a une durée de six jours, ce qui permet à chacun de rentrer à son rythme dans le travail proposé ; certains plongent dès le premier jour, d’autres ont besoin de rester sur la berge et de regarder ce qui se passe. Pour cette aventure intérieure, il faut qu’un minimum de confiance s’instaure.

 

Atelier : travail avec la boule

 

Dès la première après-midi, j’anime un atelier : ces trois heures permettent une première prise de contact entre les participants, entre les participants et moi, et ce qui est le plus important, une première prise de contact avec l’argile ; c’est l’occasion d’une initiation à ce qui sera proposé tout au long de la semaine : toucher/se laisser toucher, laisser faire, accueillir… (…)

Il s’agit pour moi dans ce premier atelier de permettre de goûter, chacun à sa manière, ce que peut signifier ce « toucher, être touché », de faire l’expérience de cette qualité de contact, de se mettre en position de réceptivité, inhabituelle et un peu « anxiogène » dans ce monde ou l’action est souvent survalorisée.

Après un premier tour ou chacun se nomme à nouveau, façon d’arriver dans le groupe et dans le lieu où nous allons vivre l’expérience, je présente brièvement le déroulé de la séance : trois temps, temps d’exercices corporels, temps d’expérience avec l’argile, puis échange en groupe sur ce qui s’est vécu.

Tout d’abord, j’anime un temps qu’on pourrait appeler méditation active : je les invite à se mettre debout et à fermer les yeux, première perte de repère ; par différentes propositions successives, je les amène à visiter les différentes parties du corps, des pieds à la tête, le but pour moi étant que les personnes se relient à leur corps, à eux-mêmes. Je porte particulièrement l’attention à l’enracinement dans les pieds, dans le sol, à la dimension verticale, l’axe terre/ciel et à l’ouverture de l’espace intérieur, grâce à la respiration. Une phrase que m’avait dite Graf Dürckheim lors d’une séance avec lui me revient souvent lorsque j’anime ce début d’atelier « La seule chose que je voudrais, c’est qu’en sortant de chez moi, vous ayez quelques millimètres de plus ».

Une fois que les personnes ont pris ce temps de retour sur elles-mêmes, d’écoute de leurs propres sensations, je leur propose de toucher les yeux fermés un morceau d’argile posé préalablement sur la table devant chacun des participants. Cela n’est possible que grâce aux exercices préalables d’enracinement et de ressenti de son propre corps, du "corps que je suis", selon la formulation de Dürckheim ; en effet il faut avoir trouver un point d’appui, une sécurité intérieure minimum pour s’ouvrir véritablement à ce contact, à cet "autre" qui va peut-être déranger, déstabiliser.

J’invite à toucher et à se laisser toucher, à sentir et à se laisser sentir, à être attentif aux sensations, perceptions, réactions ou émotions qui peuvent venir. Je donne verbalement des exemples de sensations, par exemple froid /chaud/glacé, ou de réactions – agréable/désagréable, attirant/repoussant … – pour ouvrir le champ des possibles : le premier contact avec l’argile n’est pas forcément bon ; par mon intervention, j’offre la possibilité à des réactions dites négatives comme le dégout, la mise à distance, la colère de venir à la conscience. Il est important pour qu’une transformation de la qualité de la relation soit possible qu’il n’y ait le moins possible à ce stade de blocage par rapport à ce qui est ressenti. Se laisser surprendre par ce qui vient et accueillir.

Après ce temps de réceptivité, plus ou moins facile pour les participants, je propose de prendre l’argile dans les mains et de faire une boule, façon de rassembler l’argile et aussi de se rassembler soi-même. Dans l’accompagnement verbal du travail à ce moment-là j’énonce un certain questionnement pour les amener à être de plus en plus finement au niveau du ressenti de ce qu’ils ont dans les mains : est-ce le bon poids, le bon volume, la bonne texture ; je les invite à sentir ce qui leur convient, ce qui peut les amener à prendre plus de matière, ou à en déposer sur la table, ou à transformer l’argile. La consigne qui revient régulièrement : « laissez faire les mains, laissez-vous guider par vos impulsions, vos besoins, votre nécessité du moment ».

Certains vont beaucoup manipuler cette argile qui va se transformer de multiples fois et prendre diverses formes, d’autres seront plus dans le toucher, dans la sensorialité, dans la recherche d’une certaine qualité. L’important est que s’instaure cette écoute intérieure, ce dialogue et que le geste se mette au service de la nécessité ressentie : ce n’est plus ce que je veux, ce que je décide, ce que j’ai prévu mais ce qui doit être, ce qui doit être fait qui guide les mains.

« car les mains ont l’intelligence de ce qui est juste à chaque instant, de ce qui doit être accompli » remarque ultérieurement un participant.

Cette deuxième partie de l’atelier a un caractère plus individuel, mais cela se passe tout de même en groupe : la respiration, les bruits que chacun produit, – il arrive que des participants tapent, ou tapotent l’argile en rythme –, forme une enveloppe sonore, énergétique et émotionnelle : je ne suis pas seule dans cette aventure, il y a d’autres qui sont là, qui me soutiennent, qui me stimulent, ou qui me dérangent…

Arrive un moment où la plupart des participants sont arrivés au bout de l’exercice proposé ; un grand calme s’installe, un climat de grande intériorité en général.

Je propose d’ouvrir les yeux et à nouveau de se laisser toucher par ce que les mains ont produit.

Lors de l’échange, je pose un cadre précis : chacun est invité à dire comment a été cette expérience mais en se respectant soi-même ; chacun est libre de partager ce qu’il a envie de partager avec le groupe. Il n’y a aucune obligation ni pression : certaines personnes ont envie de partager ce qu‘elles ont vécu, d’autres ne disent qu’un mot, quelques-uns ont besoin de temps, d’un peu de recul pour pouvoir en parler tellement l’expérience a été forte, ou déstabilisante, ou a touché à des blessures trop intimes.

J’ouvre toujours la possibilité de venir me parler en tête à tête lors des pauses.

 

Pour les participants, c’est une première prise de conscience de la diversité de ce qui peut se vivre avec l’argile. Il n’y a pas une bonne façon d’être en interaction avec la terre, il y a sa propre façon, et chacun des douze participants a vécu quelque chose d’unique et quelquefois de précieux. Cela ouvre des possibles.

La façon dont se déroule ce premier échange en groupe est très important pour la suite du séminaire : c’est là que s’instaure la confiance nécessaire : confiance qui se décline sous différents angles, confiance dans le dispositif que je propose, confiance vis-à-vis du groupe, confiance en moi en tant qu’accompagnant, et le plus important, confiance en eux-mêmes et en leurs propres mouvements intérieurs, en ce guide intérieur dont parle K.G. Dürckheim.

Pour certains, c’est la première fois qu’ils s’abandonnent de cette façon à une expérience de lâcher-prise, de laisser faire, et je suis souvent émerveillée par la profondeur de ce qui se vit déjà dans ce premier atelier.

 

Atelier de Champ d'argile

 

Le deuxième jour, quatre groupes de 6 personnes sont constitués : je laisse chacun s’inscrire là où il le désire ; la constitution des groupes est très étonnante et est mue par des motifs souvent très inconscients.

J’ai choisi de travailler avec de petits groupes car l’intimité, la confiance s’établit plus facilement. J’ai entendu plusieurs fois des participants nommer leur groupe "ma petite famille", ou "mon équipage".

Dans ces petits groupes prévus d’une durée suffisante (2 fois 3 heures) pour que chacun puisse avoir son temps pour expérimenter le Champ d’argile, l’implication demandée est plus forte : en effet chacun passe à tour de rôle et s’expose donc plus.

J’ai déjà décrit précédemment en quoi consistait le travail ; le pratiquer en groupe amène une dimension supplémentaire : il y a d’autres humains en situation de témoins, il y a d’autres "tu humain". En situation classique, c’est l’accompagnateur qui prend la place de ce "tu" nécessaire pour que le vrai "je" advienne comme l’a souligné Martin Buber dans son livre Je et Tu

Lorsqu’on est en position de témoin, ce qui se passe dans le Champ d’Argile touche, fait écho et provoque des émotions et des réactions, mais aussi ouvre des espaces de possible, donne des permissions, permet d’oser à son tour. Et lorsqu’on est les mains dans l’argile, la présence d’autres, bienveillants et accueillants densifie le processus à l’œuvre, lui donne du poids, de la valeur. Être vu, se sentir respecté et rejoint par d’autres humains est précieux dans ce processus de transformation et de maturation qui quelquefois fait traverser des zones difficiles. Le groupe est contenant et sécurisant, aspect qu’il partage avec l’accompagnant dont c’est un des rôles importants.

Lors de ma dernière session à Méridon, une femme a fait cette constatation : « Je n’aurais pas pu vivre ce que j’ai vécu sans le soutien du groupe »

Dans un travail de groupe, je ne remets pas à plat l’argile après chaque travail, la personne qui passe en deuxième ou en troisième va entrer en contact concrètement avec l’argile formée par la personne qui l’a précédé. Très souvent elle y va avec beaucoup d’appréhensions, de peurs : « Je ne veux pas détruire ce que X a créé », « Je ne veux pas abimer ce qui a été fait avec tellement d’amour » …

Je suis très présente verbalement pour que la personne ose suivre son propre besoin, sa propre impulsion. Et quelques minutes suffisent en général pour que le processus se mette en route : toucher, transformer, et éventuellement détruire, séparer, dégager, sortir, trouver son fond, les gestes se succèdent guidés par son propre ressenti ….

Un exemple mémorable de ce travail "en chaîne" me revient : j’avais eu dans un groupe une personne qui avait eu le besoin de former un cœur, ce cœur était extraordinairement fidèle anatomiquement à un cœur humain, un cœur de chair (la personne a partagé après son travail qu’un de ses très proches allait se faire opérer du cœur !) ; la personne suivante a à peine eu besoin de transformer ce cœur, ses gestes étaient d’une tout autre qualité, des mains très à l’écoute, très sensibles, très réceptives qui tout doucement, très délicatement ont touché ce qui était là dans le champ et ont aménagé très délicatement une cavité dans ce cœur ; pour elle, la grotte du cœur, ce qui émanait du Champ d’Argile était très puissant et a transformé l’atmosphère générale.

Après chaque travail, nous prenons un temps de parole. Pour que cet échange soit fructueux pour tous, je donne des consignes très claires : tout d’abord la parole est à la personne qui s’est confronté au champ : comment se sent-elle dans son corps ? Son vécu de la séance, ce qui a été important pour elle. Puis je décris ce que j’ai vu, ce que j’ai ressenti, et ce qui m’a semblé être les étapes du processus pour que le processus soit vu dans son ensemble et d’une façon linéaire. Enfin je donne la parole aux autres participants, témoins, et je leur demande de parler de leur propre ressenti, de partager ce qu’ils ont éprouvé, ce qui a fait écho et ne pas faire d’interprétation. C’est un exercice difficile tellement on est habitué à expliquer, à projeter notre propre histoire, nos propres émotions… Je précise également avant les échanges que ce que dit la personne-témoin peut uniquement lui appartenir et/ou concerner la personne qui a travaillé. À chacun de prendre ou de ne pas prendre ce qui est dit.

Mais j’ai souvent constaté que les paroles des témoins sont d’une grande aide pour la personne qui a travaillé, à partir du moment où la parole est habitée, sensible et non-intrusive. Cela lui dévoile souvent d’autres facettes de son travail. Nous sommes six à avoir été présents, et chacun des six a, de par sa propre histoire, une sensibilité différente. Ces échanges sont donc particulièrement riches et donnent poids et valeur à ce qui a été vécu.

J’aime animer en groupe ; chaque groupe a sa coloration propre. Il y a souvent des coïncidences extraordinaires dans la composition des groupes, l’émergence de problématiques voisines. Chaque membre du groupe travaille pour soi mais par le chemin qu’il emprunte, donne des autorisations aux autres membres, bel exemple de notre interdépendance dans la profondeur. Souvent il y a un thème dans le groupe, thème non conscient, non "voulu" qui se manifeste dans les champs successifs et qui se décline de différentes manières, chaque traversée étant une étape pour la suivante.

Une femme a témoigné à la suite d’un travail de groupe : « Chacun travaille à tour de rôle devant les autres stagiaires. Pour moi, loin d’être pesante, leur présence est toujours réconfortante et empathique. À la fin, on sait que chacun a travaillé non seulement pour lui-même mais aussi pour les autres. Une alchimie subtile opère d’inconscient à inconscient ».

Nous partageons tous en tant qu’êtres humains les mêmes étapes de croissance, les mêmes crises existentielles, les mêmes quêtes, le même besoin de se relier à ce qui nous fonde. Il existe une connexion profonde et impalpable qui nous unit les uns les autres, une solidarité, quelque chose qui est extrêmement porteur et nourrissant. « Il y a comme un tissage d’une communauté d’êtres » comme l’a nommé au dernier stage une participante.

J’ai souvent été témoin d’une magnifique qualité humaine dans ces petits groupes : bienveillance, respect, présence à l’autre, juste distance, accueil et j’oserai dire amour. Et de vivre ces instants-là est un cadeau immense.

 

[1] Voir en particulier les articles du blog dans les tags K G Dürckheim et thérapie initiatique.

 

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