Lettres de Jacques Breton nous introduisant aux fêtes chrétiennes et aux saisons
Nos années s’écoulent au rythme des saisons et des grandes fêtes. Très souvent dans sa "Lettre aux amis" qui paraissait dans la Voix d'Assise, Jacques nous introduisait à ces fêtes et saisons. Voici une sélection qui pourra aider à vivre pleinement chacun de ces temps. Les trois piliers d'Assise[1] (voie chrétienne, expérience zen, référence à Graf Dürckheim) sont évoqués à un moment ou un autre.
Comme le blog des Voies d'Assise est créé en janvier-février, cela commence par les vœux de Bonne année ! Mais la fête centrale chrétienne est Pâques qui est la célébration de la Résurrection.
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- I – Naître à la nouvelle année
II – Le carême
III – PÂQUES, le printemps
IV – PENTECÔTE
V – Les vacances d'été
VI – La rentrée de septembre
VII – La TOUSSAINT
VIII – L'automne
IX – NOËL
Voix d'Assise n°29 - janvier 2005
En ce début d'année, c'est de tout cœur que je vous transmets mes meilleurs vœux de "Bonne année".
Quel sens donnons-nous à ce rite ? N'est-ce pas une manière de garder de bonnes relations avec notre famille, nos amis et tous ceux avec qui nous avons certains liens ? Mais aussi nous désirons pour eux que l'avenir puisse leur apporter de grands bienfaits. Ce vœu peut s'exprimer de différentes manières. Nous pouvons leur souhaiter le "bonheur" mais, nous le savons bien, ce n'est qu'un état qui ne dure pas ici-bas. Certes, nous y sommes appelés et les "béatitudes" font partie du premier enseignement du Christ.
Mais ce bonheur ne trouvera son plein épanouissement qu'après notre mort quand nous entrerons dans ce royaume de lumière, de paix, d'amour. En attendant il nous faut passer par bien des épreuves, des situations difficiles, des souffrances physiques et morales. Celles-ci, heureusement, sont accompagnées aussi par des moments d'allégresse, de paix… qui passent également.
Aujourd'hui, je prie pour que cette année vous ouvre à la joie. Comme le souligne Lytta Basset dans son beau livre La joie imprenable, la joie est plus que le bonheur et la joie peut se vivre à tout instant. Elle est essentiellement un mouvement, le mouvement de la vie. Or, quel que soit notre état, nous avons en nous la possibilité d'accueillir jusqu'au fond de nous-même tout ce qui nous atteint, pour trouver là, dans la source intérieure, ce "Souffle" qui va redonner vie à ce qui est mort. La tristesse, l'angoisse proviennent de ce que nous nous enfermons dans nos maux et perdons toute espérance. Nous arrêtons le mouvement de la vie qui se rythme sur la respiration. N'est-ce pas ce que nous enseigne le zen ?
Oui, la joie profonde est de ne rien garder et d'accepter d'aller jusqu'au bout de notre expiration pour recevoir cette inspiration qui va transformer notre existence et lui donner un élan nouveau, une force et une lumière véritables. Même à travers les plus dures épreuves, nous pouvons entretenir cette joie. Cela nécessite de notre part une confiance absolue en ce Souffle intérieur, Esprit de vie, d'unité, d'amour, qui ne peut nous quitter si nous faisons appel à lui. Nous ne pouvons pas vivre physiquement sans respirer, nous ne pouvons pas non plus vivre humainement et spirituellement sans entrer dans ce mouvement du souffle qui peut être sans cesse à l'œuvre en nous. […]
"Demandez et vous recevrez, et votre joie sera parfaite" (Jean 16, 24). C'est à cette joie que vous êtes tous appelés. Qu'elle puisse animer votre vie quotidienne ! C'est le meilleur souhait que je puisse formuler pour vous : "Joyeuse année !"
En toute amitié,
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°19 – mars 2002
Chers amis,
Nous allons bientôt vivre le printemps, vivre la Pâque. Et s'annonce pour nous un rude passage à faire, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Pour les uns, il peut être source d'espérance ; pour d'autres, un peu dépressifs, il devient source d'angoisse. Nous sortons de l'hiver, ce temps où nous avions tendance à nous calfeutrer pour nous protéger du froid et à vivre loin du soleil, à la lumière artificielle qui nous confine dans une certaine obscurité. L'hiver est aussi un temps de sommeil où normalement l'activité est plus réduite, au moins dans nos campagnes. Certes, loin de la nature, dans nos villes, nous ignorons cet état. Mais le corps, lui, fait partie de cette nature et malheureusement nous le malmenons. Il n'est pas étonnant qu'il réagisse quelquefois de manière brutale.
La nature est d'ailleurs une très bonne pédagogue. Quelle merveille de voir sortir de terre les jonquilles ! Qu'elle est étonnante, cette force vitale qui permet à ces plantes, malgré leur faiblesse et leur légèreté, de percer la croûte de terre ! Or, cette force est à l'œuvre dans tous les êtres vivants et donc aussi dans l'homme. Mais, à la différence des végétaux qui obéissent à leur loi propre, nous en sommes responsables. Elle ne peut agir sans notre participation active. Et précisément nous ne croyons pas assez à la puissance de cette vie capable de bousculer toutes nos pulsions de mort et nos angoisses.
Je crois que dans le carême chrétien l'Église, au siècle dernier, a trop insisté sur les sacrifices, les privations, alors que ce temps est essentiellement un temps de reconversion – ce que traduit le mot "pénitence". Trop habitués au cours de l'hiver à une vie un peu repliée sur elle-même, nous essayons de nous ouvrir à cette vie nouvelle qui jaillit du fond, de la source, capable de restaurer ce qui a pu être abîmé et même détruit dans le passé.
La prière qui nous est particulièrement demandée a surtout pour but de nous relier à cet Esprit de vie, de lumière, et de rétablir la confiance en Celui qu'aucun obstacle ne peut arrêter pour nous transmettre cette force vitale.
S'il est question de jeûne pendant le carême, il serait grave de ne voir en ce jeûne qu'une ascèse alimentaire. Il nous rappelle qu'il est un moyen de reconversion. Nous n'avons que trop tendance à entretenir une vie assez superficielle où nous donnons la première place à la satisfaction de nos sens et même de nos facultés. Loin de puiser la vie à la source vitale, nous la recherchons uniquement à l'extérieur dans les "nourritures terrestres".
De la même manière, l'aumône qui est recommandée en ce temps ne consiste pas seulement à donner de l'argent. C'est toute une ouverture du cœur qui nous est demandée pour nous sortir de l'enfermement de l'hiver, ouvrir nos portes et nos fenêtres à la lumière pour accueillir ce qui vient de l'autre et lui répondre d'une manière juste.
La Vie doit couler en nous, entraînant tout notre être dans une créativité, un service, une disponibilité toujours en mouvement, portés par un amour que rien n'arrête.
Joyeux printemps, joyeuses Pâques. Que votre vie, malgré ces temps un peu maussades, puisse se renouveler dans la paix et la lumière.
En toute amitié,
Jacques BRETON
Lettre aux amis, N°34 - avril 2006
Nous venons de vivre la Pâque à Assise avec un groupe d’une trentaine de personnes. Ce temps très fort nous a permis d’entrer davantage dans ce mystère qui nous habite, ce mystère de ténèbres et de lumière, de mort et de vie, et finalement de fermeture et d’ouverture… Ce n’est pas un hasard si cette fête se situe au printemps. Nous faisons partie de cette nature qui elle aussi vit un renouvellement. Quel étonnement de contempler la transformation aussi rapide des arbres, des plantes et l’émergence de toutes ces fleurs ! J’ai un prunier sous ma fenêtre, en deux jours il s’est mis à fleurir. C’est sa première floraison, quelle merveille ! Toutes ces plantes paraissaient mortes, et pourtant la vie était là, prête à se manifester au moment voulu.
Pâques est la fête de notre renouvellement. Certes, tous les ans nous prenons de l’âge, le corps en ressent les conséquences. Mais les vieux arbres aussi bourgeonnent et fleurissent. Ils apportent à la nature un autre aspect de la beauté de la vie. Ils ont leur charme. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour nous ? Nous aussi, nous avons tous à nous renouveler. Pour les chrétiens c’est le temps de la résurrection. L’Esprit qui a ressuscité Jésus est en eux et les ouvre à une vie toute nouvelle, pleine de lumière et d’amour. Mais quelles que soient notre foi, nos convictions, il nous faut quitter nos vieux vêtements, notre carapace qui, pendant "l’hiver", nous a protégés du froid, des insécurités, de toutes les atteintes à notre sensibilité. La source intérieure ne demande qu’à s’écouler en nous pour nous apporter force, fraîcheur, vitalité. Nous pouvons tous en faire l’expérience.
Mais avons-nous le désir réel et la force d’oser nous « dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses pour être renouvelé par la transformation spirituelle de notre intelligence et revêtir l’homme nouveau créé dans la justice… qui vient de la vérité » (Ep 4,22-24) ? Les marmottes sortent de leur trou ; ayons nous aussi le courage de sortir de notre frilosité et de notre enfermement.
Nous voyons bien, à travers ce que nous avons vécu ces temps derniers sur le plan social, combien il est difficile d’établir de vraies réformes pourtant si nécessaires dans ce monde en pleine transformation. Tout le monde y aspire mais sans vouloir perdre quoi que ce soit de son passé. N’est-ce pas une illusion d’en rester à de belles pensées, à de belles paroles ? Le passage à l’acte peut être douloureux. Briser nos attaches, nos carapaces, peut faire mal. Aussi faut-il réveiller notre désir de vivre, être plus présent à notre source intérieure et surtout être plus heureux pour rendre notre entourage plus heureux.
La nature chante la beauté, la joie de transmettre toutes ses couleurs merveilleuses. Puissions-nous aussi laisser jaillir toute cette richesse de vie qui demande à éclore. Laissons tomber le passé, et que la foi en cet Esprit qui renouvelle l’univers nous habite. Qu’un homme nouveau et une femme nouvelle naissent en ce printemps, pleins de force, de vérité et de lumière. Joyeuse Pâque !
en toute amitié,
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°44 - juin 2009
Chers amis,
À cette période de printemps, quelle merveille de voir la nature s'éveiller ! Les fruits commencent à se former ; ce sera une bonne année.
Nous sommes aussi appelés à donner du fruit. C'est notre raison de vivre. Mais à la différence des arbres qui produisent des fruits selon leur nature, selon leur espèce, nos fruits sont notre œuvre. Nous en sommes responsables. Cependant, il serait bon au préalable de nous poser la question : quels fruits recherchons-nous ? Il ne peut s'agir que des biens spirituels. En effet, si nous sommes en quête seulement d'une meilleure santé physique et morale, d'un plus grand bien-être, de plus de commodités, ces fruits ne sont bons à rien. Un bon fruit est fait pour être cueilli, donné et mangé. Seuls les fruits spirituels peuvent nous combler dans la mesure où nous les communiquons et les recevons. Quelle joie de pouvoir les partager !
Mais que faire pour produire en nous de tels fruits ? Regardons nos arbres. Que faisons-nous pour qu'ils donnent de bons fruits ? Nous commençons par sarcler autour d'eux, labourer la terre et y mettre du compost. Puis nous les émondons en temps voulu et, enfin, les protégeons du gel et des insectes.
Il en est de même pour nous. Nous aussi, nous devons cultiver notre terre en nous enracinant davantage en elle, en la débarrassant de tous ses parasites, en la nourrissant de la Parole, en nous ouvrant à notre intériorité. C'est là que nous puiserons la sève qui portera la vie dans toute notre personne. Encore faut-il être émondé pour porter davantage de fruit. L'arboriculteur coupe toutes les branches mortes ou qui sont trop éloignées du tronc. Nous aussi, nous devons avoir le courage de nous séparer de tout ce qui nous écarte de la vraie vie, comme le désir de posséder, le pouvoir, la peur etc. Ce long travail de nettoyage, de purification est toujours à refaire, il n'est jamais fini. Et il doit tenir compte de nos faiblesses. Nous avons encore besoin de sécurité, de reconnaissance, de nous protéger. Souvent, nous nous heurtons à l'impossible, à toutes nos résistances, nos habitudes, nos peurs, nos ignorances.
Heureusement, l'Esprit, la force d'en-haut, nous est donné, et si nous le demandons, il peut s'unir à notre propre énergie pour nous aider dans nos faiblesses et, surtout, nous communiquer l'Amour divin, d'où naîtra la vie nouvelle, source de tous les bons fruits.
En ce temps de Pentecôte, mon meilleur souhait est que vous vous ouvriez à cet Esprit plein de Lumière et d'Amour. Qu'il soit en vous cette sève généreuse d'où naîtront des fruits magnifiques.
En toute amitié.
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°35 - juillet 2006
L'été est là. Beaucoup d'entre vous pensent déjà aux vacances. Il est normal qu'après une année chargée nous ayons besoin de repos, de calme, et surtout de dépaysement. Ces vacances peuvent aussi être un moment très fort. Loin de notre travail habituel, de nos occupations, nous sentons la nécessité de faire le point sur nous-mêmes, sur nos relations avec notre entourage, sur le sens que nous donnons à notre vie à travers nos différentes activités. Ne voir dans nos vacances qu'une détente risquerait de nous conduire à une espèce de farniente qui, loin de nous aider à mieux vivre, renforcerait la pression de nos instincts et l'enfermement dans notre ego. De plus, nous avons tellement tendance à nous fuir que ce temps si précieux ne ferait qu'accentuer ce mouvement.
La plus grande difficulté que nous rencontrons sur notre chemin est le refus de la réalité. Parce que celle-ci nous fait souvent très peur, nous nous projetons ailleurs. Ceci nous permet de survivre mais non de vivre. Le vrai chemin doit, au contraire, nous rendre plus présents à nous-mêmes, à la situation dans laquelle nous sommes, aux personnes avec qui nous vivons, à l'activité que nous entreprenons.
Prenons un exemple : le Mondial de football qui se déroule en ce moment, quel impact il a sur notre société ! Certes, je reconnais que ce sport, quand il est bien joué, est très beau à regarder et nous offre un bon spectacle de courage, d'endurance. La beauté du jeu dépend de toute une longue préparation, tout un entraînement, dont on ne peut qu'admirer les résultats. Tant qu'il reste un jeu, nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais est-ce encore un jeu ? Il y a trop d'intérêts financiers pour qu'il conserve sa gratuité.
Surtout, il devient la vedette de tout un pays. Que la victoire de l'équipe provoque une véritable fête, qui réunit les hommes de tous bords, nous en sommes heureux. C'est une occasion unique de créer une certaine unité. Mais cette unité est bien factice et repose sur une illusion, celle qui consiste à confondre l'équipe de football avec la société française. Lorsque les Bleus remportent une victoire, nous entendons cette clameur : "La France a gagné !" Or cette victoire n'est que celle d'une équipe sur l'équipe moins chanceuse d'un autre pays. Mais nous nous identifions à cette équipe et, à travers elle, à notre pays. Il est étonnant de voir à quel point nous pouvons projeter sur quelques personnes nos désirs, nos ambitions, notre besoin d'être reconnu, d'être le plus fort, de vaincre nos adversaires intérieurs.
Cet exemple nous montre avec quelle facilité nous nous reposons sur d'autres pour régler nos problèmes et nous dispenser de faire effort sur nous-mêmes. En projetant sur eux nos idéaux, nos rêves, nous évitons d'affronter notre réalité. Identifiés à eux, nous en sommes prisonniers. Nous étouffons toutes nos aspirations profondes, cette vie qui seule peut nous apporter paix et joie et nous met en relation juste avec nos proches.
La religion, chez beaucoup, peut aussi être un dérivatif. Nous transposons sur Dieu toutes nos difficultés à vivre, en oubliant l'essentiel. Il est vrai que la réalité que nous sommes peut être douloureuse. Étant entièrement relationnelle, elle est marquée par un passé difficile. Notre inconscient est plein de nos épreuves, des souffrances que nous avons refoulées. Nous avons souvent besoin d'être aidés pour l'affronter.
Seule la conviction que, au cœur de nous-mêmes, nous sommes habités par l'Esprit que nous recevons sans cesse du Christ, peut nous permettre de dépasser nos peurs, nos doutes, nos résistances, nos fragilités, pour nous ouvrir à toutes ces richesses inexplorées, qui peuvent alors nous combler. Cette réalité est tout Amour et elle nous met en communion avec nos frères. Elle nous réconcilie avec nous-mêmes et crée la paix entre nous.
Que cette paix vous accompagne tout au long de cet été !
Avec toute mon amitié
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°39 - septembre 2007
Chers amis,
L'été se termine avec un temps plus ensoleillé. Et voici la rentrée, rentrée scolaire sans doute, mais qui concerne en réalité chacun de nous. C'est la fin des vacances et le travail reprend non sans quelque inquiétude. Nous avons joui d'une certaine liberté et maintenant il nous faut subir les contraintes d'horaire, de transports, d'activités diverses, de relations parfois difficiles. Devons-nous dire adieu à notre liberté ? Mais de quelle liberté parlons-nous ?
Les vacances nous laissent une liberté de choix. Nous en avons besoin pour vivre une vraie détente loin de toutes les obligations de notre quotidien. Cette liberté nous permet de réaliser ce que nous ne pouvons vivre pendant l'année, et qui est nécessaire à notre épanouissement. Mais cette possibilité de choisir ne représente qu'un aspect de la véritable liberté à laquelle nous sommes tous appelés. Il vaudrait mieux appeler celle-ci "libération". C'est elle qui va nous délivrer de ce qui, en nous-même, est vécu comme un esclavage. Il s'agit d'un exercice de libération que nous avons à mener en vacances comme au travail, à travers le quotidien. Les contraintes, loin de nous dispenser d'agir, peuvent être au contraire des occasions de travailler intérieurement à cette quête de liberté intérieure.
Quelle que soit notre situation, il nous est possible de prendre conscience de tout ce qui entrave notre vie personnelle. Tous, nous sommes plus ou moins conditionnés par notre nature humaine, notre hérédité, notre éducation, les aléas de notre passé... Comment sortir de cette prison ? Il est trop facile d'en prendre son parti, de se résigner ou, au contraire, de vouloir forcer la porte. Or, comme nous le rappelle Graf Dürckheim, cette porte s'ouvre de l'intérieur. C'est au cœur de nous-même que nous devons accueillir le dynamisme spirituel qui l'ouvrira peu à peu.
Si nous sommes chrétien, nous croyons que c'est le Christ qui est là par son Esprit pour œuvrer avec nous à cette libération. Mais il ne nous dispense pas de participer activement à ce travail. Là, le zen peut être d'un grand secours. Il nous aidera à abandonner dans un lâcher-prise tous nos conditionnements, pour les accueillir au fond de nous-même et pour, finalement, nous en libérer.
Et là nous trouverons une nouvelle énergie infiniment plus forte, qui va lutter en nous pour ne plus subir toutes les contraintes, intérieures comme extérieures, mais pour les transformer en amour. Liberté et amour se rencontrent. Et au lieu de forcer, d'agir par devoir nous pourrons mettre tout notre cœur pour vivre tout ce qui se présente en toute liberté.
C'est un chemin. C'est le seul chemin qui nous comblera de joie et de paix.
Bon courage ! Avec toute mon amitié,
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°36 - novembre 2006
Cette lettre vous parviendra certainement après la Toussaint alors que je vous écris la semaine d'avant, ce qui explique le thème de ma réflexion avec vous.
Si, comme le mot l'indique, cette fête est celle de tous les saints, elle est aussi celle des morts de notre famille ou de nos amis. En nous rendant au cimetière nous sommes bien obligés de nous poser des questions sur la mort. Bien souvent nous évitons ces questions ; elles nous dérangent. Nous voyons en elles une des causes de nos souffrances. Il n'y a rien de plus dur à vivre que ces ruptures qui nous séparent de ceux que nous aimons. D'autre part notre propre mort peut nous inquiéter et même nous angoisser.
La mort est certes un mystère en ce sens que toutes les explications ne peuvent en rendre compte. Nous avons la certitude que nous mourrons un jour, même si nous repoussons l'échéance d'une dizaine d'années. Quel sens donner à cette mort ? Au départ elle peut signifier la caducité de notre vie terrestre. En dehors de la croyance en l'Absolu, il est impossible de lui donner un sens. Elle n'est qu'un retour au néant. Ceci rend la vie d'autant plus absurde que l'homme aspire à la plénitude de vie, au bonheur, à la joie, à la liberté, à l'amour total. Mais si nous croyons à cet Absolu vital, pourquoi la mort ?
Pour le bouddhisme la réponse est relativement simple ; la mort nous fait passer de ce monde impermanent au Nirvana dans la bouddhéité, cet absolu de lumière, de paix, de compassion… Et cette mort, les bouddhistes la préparent tout au cours de leur existence en apprenant le détachement, l'oubli de soi, l'entrée dans le vide pour ne pas retourner au samsara[2], cet enfer des multiples réincarnations.
Le christianisme, sans nier ce passage de la mort à l'absolu, va insister sur d'autres aspects. La Bible nous révèle que ce monde a été créé par Dieu pour que l'homme puisse partager la vie divine, vie d'amour. Mais, il ne peut y avoir d'amour vrai sans liberté. À cause de cette liberté l'homme aura toujours tendance à abandonner la source de vie pour être à lui-même son propre maître. La mort, conséquence de cet état, va sans cesse nous rappeler qu'en tout nous sommes limités.
Toute la foi chrétienne repose sur le Christ, le Fils de Dieu venu dans ce monde pour vaincre en nous la mort et nous ouvrir à la vie. Son Esprit est sans cesse à l'œuvre, si nous le voulons. Il va nous faire vivre une réelle transformation, nous aider à passer des ténèbres à la lumière, des conflits à la paix, des divisions à l'unité, de l'égoïsme à la mort, de la mort à la Vie. La résurrection est déjà commencée et le chrétien, dès maintenant, peut en faire l'expérience. La mort physique sera la dernière transformation. Tout ce qui a été bâti ici-bas sur le plan relationnel, social et culturel ne sera pas détruit mais la résurrection amènera la vie humaine à son achèvement. Ainsi la mort n'est plus cause de désespoir mais d'espérance à condition de la vivre tous les jours pour renaître à la vie nouvelle. Loin de séparer l'homme de ceux qu'il aime, elle va lui donner de vivre une relation plus approfondie avec eux, même si la sensibilité en est affectée pendant un certain temps, c'est le temps du deuil.
Certes nous avons à prier pour nos morts, c'est une manière de les accompagner sur le chemin de la vie. Puisse cette Toussaint être pour vous une véritable fête.
En toute amitié
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°28 - novembre 2004
Chers amis,
Je vous écris cette lettre de mon bureau et à travers la fenêtre je puis contempler ces magnifiques couleurs de l'automne. Quelle merveille, cette nature ! Comment ne pas s'en réjouir ? Il est vrai que dans notre société très urbanisée nous sommes bien coupés de la nature et de sa beauté. Ce que nous connaissons de notre monde nous parvient par la télévision ou la radio et souvent d'une manière dénaturée. Loin de nous aider à nous ouvrir aux valeurs humaines et surnaturelles, ces différentes informations nous plongent dans un univers plein de violence, d'insécurité. Cela ravive nos peurs, nos inquiétudes. Quel avenir s'offre à nous, à nos enfants ? Nous baignons dans ce climat de morosité et avons beaucoup de difficultés à nous en défendre.
Aussi, ce peut être l'occasion de faire le point avec nous-même. Nous avons certainement des raisons de nous inquiéter, personne n'est à l'abri du terrorisme ou de la crise économique qui engendre le chômage et l'inflation. Mais ne sommes-nous pas tentés de grossir le côté négatif des situations au lieu de les accueillir dans leur réalité ?
Or cet état d'esprit est révélateur d'une attitude intérieure. N'avons-nous pas trop tendance à mettre notre confiance en tout ce qui constitue notre société : institution, économie, politique, social, famille ? Certes ce sont des rouages indispensables pour vivre notre condition humaine. Il serait dangereux de nous marginaliser. Ce ne peut être qu'en liaison avec toute cette humanité à laquelle nous appartenons que nous pouvons espérer nous développer.
Pourtant cette confiance a ses limites. Qui peut connaître l'avenir ? Même si nous nous efforçons de le prévoir, il y a toujours un impondérable qui vient entraver nos prévisions. Mais il serait aussi dangereux de tomber dans un certain fatalisme où la seule solution serait de se protéger le mieux possible et de se retirer du monde. Certes le zen nous permet de prendre une certaine distance par rapport à tout ce qui nous arrive, mais il ne nous dispense pas d'assumer nos responsabilités. Nous sommes solidaires de cette violence, de cet individualisme qui règne dans nos sociétés. Il est normal que nous nous sentions démunis face à tous ces événements effrayants, à ces situations parfois douloureuses, incompréhensibles, injustifiées. Mais où mettons-nous notre confiance ?
Si, en tant que chrétiens, nous cherchons la réponse en un Dieu extérieur, il y a bien des chances pour que cette confiance nous conduise à nous fuir. C'est en nous-même que nous devons trouver force et lumière pour faire face à la réalité et ne pas nous laisser prendre par le climat environnant. Nous avons en nous tout ce qu'il faut pour construire un climat de paix et de sérénité.
Aussi laissons-nous éclairer par le Souffle de l'Esprit en qui nous pouvons mettre toute notre confiance. Il renforcera nos possibilités humaines et nous permettra de dépasser nos limites pour nous ouvrir à la réalité et envisager l'avenir avec sérénité.
Puisse cette confiance s'établir en vous !
En toute amitié,
Jacques BRETON
Voix d'Assise n°50 décembre 2011
Chers amis,
Nous sommes entrés dans le temps de l'Avent qui nous achemine vers Noël. Déjà les rues s'illuminent, les devantures des magasins se décorent, les achats de cadeaux se font. Tout est là pour nous rappeler que cette fête, même pour les non chrétiens, est signe de paix, de joie, de lumière. C'est aussi la fête des enfants ! Sans renier cet aspect profondément humain de Noël, nous pouvons considérer ce temps comme un temps d'attente et nous rappeler une attitude fondamentale, celle d'accepter d'être en chemin, en chemin de réalisation. Or, quel que soit notre âge, nous ressentons encore toutes nos imperfections, nos désordres intérieurs, nos infidélités, nos tiédeurs, et nous avons tendance à les ignorer. Nous compensons nos manques en nous identifiant à nos idées, nos rêves, nos sentiments, nos émotions. Le plus souvent nous en prenons notre parti, principalement quand nous arrivons à un certain âge où les forces physiques déclinent.
À l'inverse de cette attitude, d'autres pensent qu'à force de volonté et grâce à toutes les techniques, les remèdes nouveaux, nous arriverons à vaincre tous les obstacles que nous rencontrons sur notre chemin pour réaliser ce que nous sommes.
À Noël le chrétien fête la venue en notre humanité de Celui que toutes les traditions religieuses nomment l'Au-delà, l'Être, l'Absolu. Ainsi l'Avent nous invite à développer une autre attitude, celle de l'accueil. Si Il vient, ce n'est pas pour Lui mais pour nous, pour se rendre plus présent à nous-mêmes, à notre humanité et partager nos efforts de transformation pour les rendre efficaces et réalisables. Nous ne pouvons sans Lui franchir cet abîme qui nous sépare de Lui. Loin de faire obstacle à notre liberté, sa présence va nous permettre de vivre tous les passages, les détachements et les épreuves qui y sont liés pour acquérir une vraie liberté.
Il vient à nous comme un petit enfant, très humble, pour nous transmettre l'amour divin. Cet amour est essentiellement un amour relationnel. Dieu vient à nous, il frappe à notre porte, c'est à nous de l'accueillir. Or c'est en vivant la relation au cœur de nous-mêmes que nous pouvons vivre le véritable amour. Mais trop souvent nous ne savons pas écouter et accueillir l'autre, nous ne vivons que le second mouvement de l'amour, le don, et nous faussons nos relations.
Que la fête de Noël vous apporte la joie d'accueillir ce petit enfant qui veut naître en vous pour vous ouvrir à la vraie vie, pleine de lumière, de paix et d'amour !
En toute amitié,
Jacques Breton
[1] Voir la page d'accueil ainsi que La charte du centre Assise avec des commentaires de J. Breton et des perspectives pour l'avenir et Le programme du centre Assise en 2017-2018 et d'autres propositions ailleurs.
[2] Le samsâra est le « cycle sans fin des renaissances, dénué de finalité, dans lequel tout individu erre à travers les "six états d'existence" - du plus élevé au plus bas… » (Institut d'Etudes Bouddhiques)