Hannya Shingyô (sûtra du cœur de la Sagesse transcendante) en japonais et en français
Tous ceux qui ont pris part ne serait-ce qu'une fois à un sesshin au centre Assise savent que très tôt le matin, bien avant d'avoir pris le petit déjeuner, avant la première assise en zazen, le responsable du zendô crie : « Sutra ! Page neuf…». À cette page, dans leur petit livret[1], ils trouvent le Hannya Shingyô. Ils entendent alors une voix grave entonner : MA KA HAN YA HARA MITA SHINGYÔ… après quoi tout le monde[2] reprend la suite au son du mokugyo (un petit tambour) qui rythme le chant[3]. Le midi, avant de déjeuner, au moment où tout le monde se met à table, a lieu de nouveau le chant du Hannya Shingyô[4], cette fois le texte est sur une feuille à côté de l'assiette.
Que signifient ces paroles ? Sur le petit livret il y a bien une traduction, mais elle est en anglais puisque le livret a été donné au centre Assise par Eizan Rôshi[5], l'actuel responsable du Ryutakuji, le monastère zen fondé au Japon par Hakuin près de Mishima.
Cette étude que je publie sur ce blog, je l'ai faite en m'aidant de ce que d'autres ont fait, je ne suis pas une spécialiste du zen japonais[6] ! Le message lui-même évoluera !
Christiane Marmèche
- Pour lire, télécharger, imprimer le texte, c'est ici en fichier pdf : Hannya_Shingyo (pour une raison de mise en page l'introduction du II se trouve après la traduction)
- PLAN du message :
I – Texte du Hannya Shingyô chanté.
II – Proposition de traduction française du Hannya Shingyô.
III – Traduction phrase par phrase à partir du japonais.
1) Présentation du travail du 2° par Christiane Marmèche.
2) Texte japonais avec translitération en caractères romains, et traduction française.
3) Début de Maka Hannya Haramitsu de Maître Dôgen.
BIBLIOGRAPHIE ET AUTRE.
Pour ceux qui veulent entendre le chant tel qu'au Ryutakuji (Japon), le voici sous forme de fichier MP 3 : Hannyah_Shingyo_Japon
« Quand les adeptes du zen crient le Hannya Shingyô, ce ne devrait pas être seulement pour donner de l'exercice à leurs poumons comme on l'affirme parfois, ni pour apprendre à ne penser à rien en disant n'importe quoi… Je crois au contraire que nous pouvons, et même que nous devons comprendre, ne fut-ce qu'un peu, le sens de ce texte grave et fondamental… Ce texte majeur du Mahâyâna – à peu près contemporain de la Bhagavad Gitâ et du Nouveau Testament – mérite d'être étudié, médité, expérimenté, confronté… » (Pierre-François de Béthune)
« Le soutra nous donne une indication précieuse dans sa conclusion. Après avoir longuement annoncé et détaillé la vacuité universelle, il évoque l'aboutissement de cette quête de la Sagesse Transcendante. Et cet aboutissement n'est pas un constat désabusé, il est une remise en marche : “Aller, aller, dépasser, traverser [le fleuve de l'existence vers la rive de] l'Éveil.” Il faut tout dépasser pour accéder à l'Éveil, même et surtout ce qu'on en dit. L'intuition du bouddha est un témoignage qui nous met en route, pour aller, dépasser, traverser les expressions, des définitions et toutes les explications, pour faire l'expérience directe de la vacuité, l'expérience de l'éveil » (P-F de Béthune[7])
Hannya Shingyô
En France le zen nous arrive par deux écoles : l'école sôtô et l'école rinzai. À part quelques détails, la récitation repose sur le même texte[8]. Ici c'est la version rinzai. La mélodie diffère.
Le problème est alors de savoir lire la transcription du japonais en caractères romains.
En japonais toutes les lettres se prononcent, contrairement au français où il y a beaucoup de lettres muettes et où deux lettres sont parfois associées. Exemples connus : samurai (samouraï) ; zazen et kôan (le "n" doit toujours s'entendre). Les voyelles A, I et O se prononcent comme en français ; le E se prononce toujours "é" (Ze se prononce zé) ; le U se prononce toujours "ou" (butsu se prononce boutssou). Le G se prononce toujours "gu" (Gen se prononce guen') ; le H se prononce avec une forte expiration (Hara se prononce autrement que ara) ; le R se prononce "l" (hara se prononce hala) ; le S se prononce toujours "s" (pas "z"), et le W se prononce "ou" comme en anglais (watsu se prononce ouatssou).
Il n'y a pas de ponctuation comme dans le texte chinois initial où les kanjis se suivent.
KAN JI ZAI BO SA GYO JIN HAN NYA HA RA MI TA JI SHO KEN GO ON KAI KU DO IS SAI KU YAKU SHA RI SHI SHIKI FU I KU KU FU I SHIKI SHIKI SOKU ZE KU KU SOKU ZE SHIKI JU SO GYO SHIKI YAKU BU NYO ZE SHA RI SHI ZE SHO HO KU SO FU SHO FU METSU FU KU FU JO FU ZO FU GEN ZE KO KU CHU MU SHIKI MU JU SO GYO SHIKI MU GEN NI BI ZES SHIN NI MU SHIKI SHO KO MI SOKU HO MU GEN KAI NAI SHI MU I SHIKI KAI MU MU MYO YAKU MU MU MYO JIN NAI SHI MU RO SHI YAKU MU RO SHI JIN MU KU SHU METSU DO MU CHI YAKU MU TOKU I MU SHO TOK KO BO DAI SAT TA E HAN NYA HA RA MI TA KO SHIN MU KEI GE MU KEI GE KO MU U KU FU ON RI IS SAI TEN DO MU SO KU GYO NE HAN SAN ZE SHO BUTSU E HAN NYA HA RA MI TA KO TOKU A NOKU TA RA SAN MYAKU SAN BO DAI KO CHI HAN NYA HA RA MI TA ZE DAI JIN SHU ZE DAI MYO SHU ZE MU JO SHU ZE MU TO DO SHU NO JO IS SAI KU SHIN JITSU FU KO KO SETSU HAN NYA HA RA MI TA SHU SOKU SETSU SHU WATSU GYA TEI GYA TEI HA RA GYA TEI HARA SO GYA TEI BO JI SOWA KA HAN NYA SHIN GYO
Remarques et introdution.
La traduction n'est pas évidente car le texte est en caractères chinois – donc par exemple pas de différence entre le singulier et le pluriel – et comme on le voit sur les reproductions, le texte initial n'a pas de ponctuation… De nombreuses traductions françaises du sûtra sont en fait des traductions en français de traductions anglaises. La traduction précédente a été réalisée en s'aidant de deux documents de Pierre-François de Béthune cités dans la bibliographie : un fichier pdf et un petit fascicule. La disposition en paragraphes numérotés est faite d'après la traduction que Patrick Carré a faite à partir du chinois de Xuanzang (jap. Genjô) (612-664). Elle se trouve en 1ère page du fichier pdf de P. F. de Béthune.
Dans ce II le nombre d'explications en notes est limité, il y en a plus dans l'étude du III – 2°. Dans la traduction que Xuangzang a faite, il a gardé de nombreux termes sanskrits sans les traduire, la traduction proposée ici est faite dans le même esprit.
Shingyô 心 経 est composé des deux caractères shin 心 (cœur) et gyô 経 (sûtra). Hannya Shingyô est le "Sûtra du Cœur de la Sagesse transcendante" car il représente le cœur de la grande Sagesse, il est aussi leCœur du Sûtra de la Sagesse transcendante car il contient en résumé tout ce qui se trouve dans les sûtra de la Sagesse transcendante – il y en a une quarantaine dont certains font des milliers de lignes! Il fut écrit en Inde, en sanskrit, dans les premiers siècles de notre ère – la date retenue est 350 – et traduit en chinois par Xuanzang (jap. Genjô) en 649 (c'est la présente version), mais aussi par Kumârajîvâ. Il y a une autre version plus longue diffusée au Tibet. Commun à toutes les lignées du bouddhisme, c'est le sûtra le plus connu.
Le contexte du sûtra.
Dans ce sûtra le bodhisattva Avalokiteshvara donne un enseignement à Shâriputra, un disciple du Buddha, le premier pour la prajñâ (intelligence, sagesse).
« Le Sūtra du cœur se présente comme une remontrance aux abhidharmistes - les métaphysiciens - des écoles anciennes dont le saint patron n’est autre que Śāriputra. Les abhidharmistes ne considèrent que l’inexistence du soi et croient à l’existence des dharmas, alors que les adeptes du Grand Véhicule contemplent la double vacuité du soi et des dharmas. La sagesse des premiers est «superficielle», la seconde est «profonde». Tout le Sūtra du Cœur se déploie à partir de cette vision en vidant les catégorisations des abhidharmistes de toute substance et de toute saisie, successivement les cinq agrégats, les dix-huit éléments, les douze chaînons de coproduction conditionnée et les quatre nobles vérités. Ils sont tout autant vides. » (D'après un commentaire fait par Jiun (Éric Rommeluère) de "Un zen occidental")
Le sûtra du cœur de la Sagesse transcendante
1. Au moment où le Boddhisattva Avalokiteshvara[9] pratiquait[10] la profonde prajñâ-pâramitâ (Sagesse transcendante)[11], il voit clairement que les 5 skandhâ (agrégats)[12] sont tous vacuité[13], [ce faisant] il s’affranchit de toute souffrance et de toute infortune.
2. Ô Shâriputra, les formes ne sont pas différentes de la vacuité, la vacuité n'est pas différente des formes. Les formes, c'est vraiment la vacuité ; la vacuité, c'est vraiment les formes. Pour les sensations, les représentations, les volitions et la conscience, il en va aussi de même.
3. Ô Shâriputra, tous ces dharmas[14] sont marqués par la vacuité, ils ne sont ni nés ni détruits, ni souillés ni purs, ils ne croissent ni ne décroissent.
4. C'est pourquoi, dans la vacuité[15],
il n'y a pas de formes, de sensations, de représentations, de volitions ni de conscience,
pas d'œil, d'oreille, de nez, de langue, de corps, de mental,
pas de forme, de son, d'odeur, de goût, de toucher, d'objet mental,
pas de sphère visuelle, et ainsi de suite… jusqu'à il n'y a pas de sphère de conscience,
pas de d'ignorance (non-clarté), ni de fin de l'ignorance, et ainsi de suite jusqu'à pas de vieillissement-et-mort ni cessation du vieillissement-et-mort,
pas de souffrance (dukkha), d'origine [de la souffrance], de cessation [de la souffrance], de voie [pour parvenir à la cessation de la souffrance], pas de sagesse ni d'obtention ni d'objet d'obtention.
5. Comme il n'y a rien à obtenir, le boddhisattva qui s'appuie sur la Prajnâ Pâramita, a l'esprit sans sans obstruction ; comme il est sans obstruction, il n'a pas peur ; il se sépare de toutes les distorsions de l’esprit et des pensées illusoires, et accomplit de manière ultime le nirvâna (la grande extinction).
6. Les Buddha des 3 âges (passé, présent et futur) s'appuient sur la Prajnâ Pâramita, ils réalisent le parfait Éveil, complet et insurpassable.
7. Il faut donc comprendre que la Prajnâ Pâramita est le grand mantra[16], le mantra lumineux, l'insurpassable mantra, l'incomparable mantra capable d'ôter toute souffrance (dukkha). Voilà qui est authentique et non pas vain ; et l'on dira le mantra de la Prajnâ Pâramita comme suit :
Gate gate pâragate pâra samgate bodhi svâhâ
[Allez[17], allez, allez au-delà (dépassez), Allez tout à fait au-delà (traversez) ; hommage à l'Éveil]
1) Présentation du fascicule de P. F. de Béthune utilisé entre autres pour le travail du 2°.
Pour faire ce travail j'ai regardé d'autres traductions[18], et je me suis aidée de deux documents de Pierre-François de Béthune (voir bibliographie) : un fichier pdf et un petit fascicule. je me suis beaucoup servie du fascicule. Pierre Roman (un membre du centre Assise) a parlé de ce fascicule dans la revue interne au centre, voici ce qu'il a dit.
● Présentation faite par Pierre Roman.
Parfois, entre deux méditations, on jette un œil curieux aux traductions qui figurent en italique sous la version très originale du Hannya Shingyô qui est à la page 9[19]. Et on s'aperçoit alors qu'il faut commencer par parler l'anglais pour y avoir accès. On dira ce qu'on voudra, on n'est pas vraiment chez nous au pays des Sutras.
C'était vrai. Mais tout a changé depuis que Pierre-François de Béthune, appartenant au monastère de Clerlande en Belgique, s'est penché sur la question, ou plutôt s'y est plongé tout entier. Le résultat semble discret (dans le zen c'est bon signe) : un joli petit cahier ressemblant lui-même à un recueil de sûtras. À l’intérieur, après une courte introduction, on découvre une cinquantaine de pages exclusivement dédiées au Sutra du Cœur, et dont la vocation est de "donner à ceux qui récitent le Hannya Shingyô de mieux comprendre ce beau texte pour arriver à en goûter toute la saveur…". On trouve ainsi dans l’ordre deux traductions françaises, les textes sanscrits, chinois et sino-japonais accompagnés de leur translittération, une analyse philologique très complète, un glossaire et une bibliographie.
Le Sutra du Cœur est un hymne à la vacuité. Le travail de Pierre-François de Béthune nous donne soudain tout le sens de ce texte, qui contient en lui-même le but sans but de ceux qui pratiquent le zen. C’est un magnifique cadeau.
2) Texte japonais avec translitération en caractères romains, et traduction française.
Référence : T.8, n°251 (canon sino-japonais Taishô[20]).
Les écoles sôtô et rinzai ajoutent le terme maka 摩訶 (grand) qui n'est pas dans la traduction de Xuanzang.
摩訶 般若 波羅蜜多 心 経
Maka Hannyâ Hârâmitâ Shin gyô
Le sûtra du cœur de la grande Prajñâ pâramitâ
1. 感 自在 菩 薩 行 深 般 若 波羅蜜多 時
Kanjizai bôsatsu[21] gyô jin hannyâ hârâmitâ jî
Au moment où le Boddhisattva Avalokiteshvara pratiquait la profonde Prajnâ Pâramita (Sagesse transcendante),
照 見 五 蘊 皆空 度 一切 苦 厄
shôken gô on kai kû dô issai kû yaku
il voit clairement que les 5 skandhâ (agrégats)[22] sont tous vacuité, [ce faisant] il s’affranchit de toute souffrance et de toute infortune
2. 舎利子 色 不 異 空 空不 異 色
Shârîshî shiki fû i kû kû fû i shiki
Ô Shâriputra, les formes (les phénomènes) ne sont pas différentes de la vacuité, et la vacuité n'est pas différente des formes
色 即 是 空 空 即 是 色
shiki soku zê kû kû soku zê shiki
les formes c'est vraiment la vacuité, la vacuité c'est vraiment les formes
NB. Ceci est souvent traduit : "La forme n'est autre que vide, le vide n'est autre que la forme"
受 想 行 識 亦 復 如 是
jû sô gyô shiki yaku bû nyô zê
Pour les sensations, les représentations, les volitions, la conscience, il en va aussi de même.
3. 舎利子 是 諸 法 空 相
Shârîshî zê shô hô kû sô
Ô Shâriputra, tous ces dharmas (choses, lois, réalités) sont marqués par la vacuité.
不 生 不 滅 不垢 不浄 不増 不 減
fû shô fû metsu fû kû fû jô fû zô fû gen
ils ne sont ni nés ni détruits, ni souillés ni purs, ils ne croissent ni ne décroissent.
4.是 故 空 中 無 色 無 受 想 行 色
zê kô kû chû mû shiki mû jû sô gyô shiki
Pour cette raison, dans la vacuité, il n’y a pas de formes, pas de sensations, de représentations, de volitions, de conscience
無 眼 耳 鼻舌 身 意 無 色 声 香 味 触 法
mû gen nî bî zes shin nî mû shiki shô kô mî soku hô
pas d'œil, d'oreille, de nez, de langue, de corps, de mental ; pas de forme, de son, d'odeur, de goût, de toucher, d'objet mental,
無 眼 界 乃至 無 意 織 界
mûgen kai naishî mû î shiki kai
pas de sphère visuelle, et ainsi de suite jusqu'à il n'y a pas de sphère de conscience
無 無 明 亦 無 無 明 尽 乃 至 無 老 死 亦 無 老 死 尽
mû mûmyô yaku mû mûmyô jin naishî mû rô shî yaku mû rô shî jin
pas de d'ignorance (non-clarté), ni de fin de l'ignorance, et ainsi de suite… jusqu'à pas de vieillissement-et-mort, ni de cessation du vieillissement-et-mort ;
無 苦 集 滅 道 無 智 亦 無 得
mû kû shû metsu dô mû chî yaku mû toku
pas de[23] souffrance (dukkha, d'origine [de la souffrance], de cessation [de la souffrance], de voie [pour parvenir à la cessation de la souffrance] ; pas de sagesse ni d'obtention ni d'objet d'obtention.
5. 以 無 所 得 故 菩提薩多 依 般若 波羅蜜多 故 心 無 卦 礙
î mû shô tok-kô bôdaisattâ ê hannyâ hârâmîta kô shin mû kei gê
Comme il n'y a rien à atteindre, le boddhisattva qui s'appuie sur la Prajnâ Pâramita, a l'esprit sans obstruction ; ;
無 卦 礙 故 無 有恐怖 遠離 一切 顛倒 夢想 空 竟 涅 槃
mû kei gê kô mû û kû fû on rî issai tendô mûsô kû kyô nêhan
comme il est sans obstruction, il n'a pas peur ; il se dégage de toutes les distorsions de l’esprit et des pensées illusoires, et accomplit de manière ultime le nirvâna (grande extinction).
三 世 諸 仏 依 般若 波羅蜜多 故 得 阿 耨 多 羅 三 藐 三 菩 提
san zê shô butsu ê hannyâ hârâmîta kô toku â noku tâ râ san myaku san bôdai
Les Bouddha des 3 âges (passé, présent et futur) s'appuient sur la Prajnâ Pâramita, ils réalisent le parfait Éveil, complet et insurpassable[24].
6. 故 知 般若 波羅蜜多 是 大 神 呪 是大 明 呪 是 無 上 呪 是 無 等 等 呪
kô chi hannyâ hârâmîta zê dai jin shû zê dai myô shû zê mû jô shû zê mû tô dô shû
Il faut donc comprendre que la Prajnâ Pâramita est le grand mantra, le mantra lumineux, l'insurpassable mantra, l'incomparable mantra
能 除 一切 苦 真 実 不 虚
nô jô issai kû shin jitsu fû kô
capable d'ôter toute souffrance (dukha) ; voilà qui est bien vrai.
故 説 般若 波羅蜜多 呪 即 説 呪 日
kô setsu hannyâ hârâmîta shû soku setsu shû watsu
Voici le mantra de la Prajnâ Pâramita qui se dit ainsi :
羯 諦 羯 諦 波羅 羯 諦 波羅 僧 羯 諦 菩 提 薩 婆 訶
GYÂTEI GYATEI HÂRÂGYÂTEI HÂRÂSO GYÂTEI BÔJÎ SO WA KÂ
[Allez, allez, dépassez, Allez tout à fait au-delà (traversez) ; hommage à l'Éveil.]
般若 心経
Hannyâ Shingyô!
3) Début de Maka Hannya Haramitsu de Maître Dôgen.
Comme Maître Dôgen commente en 1233 le Hannya Shingyô dans ce fascicule qui figure en deuxième dans l'Ancienne édition du Shôbôgenzô, il m'a semblé intéressant de faire figurer le début de ce qu'il dit[25]. La calligraphie ci-contre est de Maître Deshimaru dans le livre cité dans la bibliographie à la fin.
Lorsque le Bodhisattva Avalokiteshvara pratique la prajñâ-pâramitâ, il voit clairement avec son corps tout entier que les cinq agrégats sont tous vacuité. Les cinq agrégats sont les formes, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Ce sont cinq manifestations de prajñâ. Voir clairement n’est autre que prajñâ. Lorsque ce principe est enseigné et réalisé, on dit que les formes ne sont pas différentes de la vacuité et la vacuité n'est pas différente des formes. Les formes ne sont autres que les formes, la vacuité n'est autre que la vacuité. Il y a des centaines d’existences et dix milles phénomènes.
Les douze portes des perceptions sont douze instances de prajñâ-pâramitâ. Il y a également dix-huit instances de prajñâ :
- les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps, et le mental ;
- les formes, les sons, les odeurs, les goûts, les sensations, et les objets mentaux ;
- la sphère des yeux, des oreilles, du nez, de la langue, du corps et du mental.
Il y a encore quatre instances de prajñâ : il s'agit de dukkha (la souffrance), de l’origine, de la cessation, et de la Voie. Il y a encore six autres instances de prajñâ : il s'agit du don, des préceptes purs, de la patience, de la diligence, de la méditation, et de prajñâ (la sagesse). Il y a une seule instance de prajñâ-pâramitâ réalisée dans l’instant présent : il s'agit du parfait Éveil complet et insurpassable. Il y a encore trois instances de prajñâ-pâramitâ qui sont le passé, le présent et le futur. Six nouvelles instances de prajñâ sont la terre, l’eau, le feu, le vent, l’espace et la conscience. Et il y a encore quatre instances de prajñâ qui sont pratiquées constamment dans la vie quotidienne : les actions de marcher, se tenir debout, s’asseoir et s’allonger.
1/ Pierre-François de Béthune a écrit au moins deux documents sur le Hannya Shingyô. De même que Jacques Breton, il est allé dans les monastères zen du Japon dans le cadre des échanges inter-monastiques. Il demeure au monastère de Clerlande en Belgique[26].
- Un fichier PDF trouvé sur Internet : Hannya Shingyo - Musée Royal de Mariemont.
- Hannya Shingyō : le Sûtra du cœur de la sagesse transcendante un petit fascicule édité en 2001 par les Voies de l'Orient. Dans ce document l'auteur s'est basé sur le texte chinois le plus connu dans sa lecture japonaise tout en se référant au sanskrit. La diffusion du fascicule a été un temps faite par les Voies de l'Orient dont le siège est à Bruxelles[27], et par P. F. de Béthune lui-même[28]. Je ne sais s'il est possible de se le procurer encore.
2/ Catherine Despeux a écrit L'enseignement du maître chan Nan Huaijin, éd. Les deux Océans, mai 2015. On a l'extrait du Hannya Shingyô sur http://www.bouddhismes.net/Dossier_Nan-Huaijin
3/ On trouve deux livres de maître Taisen Deshimaru sur l’Hannya Shingyô :
- Le sûtra de la grande sagesse (Anne-Marie Fabbro, Jacques Foussadier, Evelyn et Marc de Smedt ont participé à la rédaction), éd. Retz-zen, 1980, 252 p., avec des calligraphies de maître Deshimaru (Edition originale limitée à 2000 exemplaires) ;
- Enseignement Oral De Maître Taisen Deshimaru - N° 6 - Maka Hannya Haramita Shingyo - Le Sutra De La Grande Sagesse ; il s'agit d'une traduction en français basée sur les commentaires de maître Taisen Deshimaru sur l’Hannya Shingyo.
La version de référence de maître Deshimaru est la traduction faite en chinois par Kumarajiva (350-409). Le texte chinois comporte très exactement 260 kanjis.
4/ Sur internet :
- traduction de Jérôme Ducor : (http://www.pitaka.ch/shingyo.htm),
- traduction et commentaires d'Éric Rommeluère : http://www.zen-occidental.net/sutras/shingyo.html
[2] Comme disait Pierre Roman dans un numéro de la Voix d'Assise : « Il y a ceux qui aiment la mélopée, et ceux qu'elle crispe ayant l'impression de sacrifier tout d'un coup à un rite aussi étrange que païen. »
[3] Mokugyo signifie "poisson en bois". Dans le bouddhisme le poisson est un symbole d’éveil car il ne dort pas. Le mokugyo est un petit tambour en bois de cèdre sculpté en une seule pièce de bois utilisé dans les temples et centres zen pour rythmer le chant des sûtras.
[4] Dans le zen sôtô, le Hannya Shingyô est chanté à la fin du zazen. Le chant est soutenu par le mokugyo aussi. Au moment où la prajñâ-pâramitâ est mentionnée, il y a aussi un son de gong en métal.
[6] Pour le Hannya Shingyô j'ai utilisé des documents de P. F. de Béthune (cf. bibliographie) et la traduction de Patrick Carré. Moi-même j'ai suivi des cours d'initiation au japonais à l'Institut d'Etudes Bouddhiques (IEB) et rédigé pendant 3 ans des messages de ce type pour le blog du Shôbôgenzô (www.shobogenzo.eu ) créé par Patrick Ferrieux du Dojo Zen de Paris. Si vous allez le voir, vous verrez que j'ai créé le blog des Voies d'Assise sur le même modèle !
[7] Cette citation provient du bulletin des Voies de l'Orient, n° 147, avril-mai 2018.
[8] Cf. http://www.zen-occidental.net/sutras/shingyo.html où Éric Rommeluère cite verset par verset les versions sôtô et rinzai.
[9] Patrick Carré traduit "le Boddhisattva Seigneur qui Regarde Vers le Bas", il s'agit d'un regard de bonté.
[10] Il "pratiquait" : il s'agit d'un exercice spirituel intense (dont une des formes est le zazen), pas d'une réflexion.
[11] La prajñâ-pâramitâ est la sixième des vertus des bodhisattvas.
[12] Les 5 skandhâ (agrégats) dont il est question juste après : shiki色 : les formes (skr. rûpa) ; jû 受: les perceptions que l'on reçoit à travers les organes des sens (skr. saṃjñâ) ; sô 想 : les représentations (skr. vedanâ) ; gyô 行 : les volitions (skr. samskâra) et shiki 識 : la conscience (skr. vijñâna).
[13] Kû 空 (vacuité) revient 38 fois dans le texte alors qu'il n'a que 276 caractères : « Ce caractère signifie à l'origine "firmament", c'est-à-dire un espace illimité, insaisissable, mais qui est aussi l'étoffe de l'univers… Le sûtra n'est pas l'éloge du vide et du néant. » (P. F. de Béthune)
[14] Le mot dharma désigne la Loi, l'enseignement, les existants… les choses dont il vient d'être question…
[15] Le texte cite 18 éléments : 6 organes des sens (œil, oreille, nez, langue, corps comme support du toucher, mental) ; 6 objets (forme, son, odeur, goût, toucher, objet mental) et 6 sphères de connaissance correspondantes.
[16] Mantra est un mot sanskrit dont l'étymologie signifie : "outil de l’esprit". À l’origine c'est une formule courte tirée d'un texte hindou ancien, il devient une formule sonore et rythmée qu'on répète.
[17] Ce mouvement d'aller se trouve dans le titre par lequel le Bouddha se désignait : Tathâ-gata (l'Ainsi allé).
[18] Les traductions de Catherine Despeux (http://www.bouddhismes.net/Dossier_Nan-Huaijin ) et de Jérôme Ducor (http://www.pitaka.ch/shingyo.htm), la traduction et les commentaires d'Éric Rommeluère (http://www.zen-occidental.net/sutras/shingyo.html )
[19] Cf. l'introduction du message.
[20] L'édition complète des sûtras a été réalisée au Japon, à Tôkyô, au début du XXe siècle en plusieurs étapes, mais en gros, c'est aux alentours de 1923. Comme en 1923 c'est l'ère Taishô, on a appelé Taishô ce canon (Taishô Shinshû Daizôkyô). T. 8 donne le numéro du tome, et 251 est un numéro de corpus. Au total dans le canon il y a 100 tomes avec 3493 corpus : 85 tomes de corpus doctrinaux, traités, sûtra (en tout 2920 corpus) ; 12 tomes iconographiques ; et 3 tomes consacrés au catalogue.
[21] Dans la traduction chinoise de Xuangzang (jap. Genjô) Bosatsu désigne le Boddhisattva (l'être d'Éveil), il a pour qualificatif Kanjuzai : celui qui prête attention (au monde), ce qui est la traduction chinoise de Avalokiteshvara (Seigneur qui regarde en bas). Dans la traduction de Kumârajîvâ, le qualificatif du Boddhisattva est Kanze.on : celui qui prête attention au son (du monde). La traduction de Kumârajîvâ est plus populaire et est souvent donnée par le raccourci Kan.non. À noter que dans la version rinzai on ne chante pas bô satsu, mais bô sa.
[22] Voir note 12.
[23] Ce verset a trait aux quatre Nobles Vérités : kû 苦 (la souffrance, skr. dukkha), shû 集 (la cause et le terrain favorable à l'apparition de la souffrance, skr. samudâya) ; metsu 滅 (l'extinction de la souffrance, skr. nirodha) et dô 道 (la voie pour y parvenir, skr. marga).
[24] Le bouddhisme distingue plusieurs types d'Éveil. Celui-là est supérieur à tous les autres.
[25] En fait maître Dôgen s'appuie surtout sur deux textes du corpus de la prajñâ-pâramitâ : le Sûtra de l'accomplissement de la Grande Sagesse (T.5, n° 220) et le condensé qu'est le Hannya Shingyô qu'il ne cite d'ailleurs pas littéralement, puisqu'il l'écrit en partie en japonais et non en écriture chinoise. On trouve la traduction entière de Maka Hannya Haramitsu par exemple sur http://zensotoreims.fr/maka-hannya-haramitsu/ ou dans le Tome 5 de la traduction intégrale du Shôbôgenzô faite par Yoko Orimo aux éditions Sully.
[26] Il a été le Prieur du monastère de 1989 à 2004. Il y dirige des sesshins et pratique la Voie du thé (Chadô) qu'il considère comme pouvant être un lieu majeur de rencontre inter-religieuse. Il a écrit des livres.
[27] Cf. http://www.voiesorient.be/ . Contact voies.orient@euronet.be. En 2001 il était diffusé au prix de 9 € (mais pas de chèque en Belgique, il faut faire un virement)
[28] Par courriel : pdb@dimmid.org .