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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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27 mars 2018

La méthode de maître Noro, le Kinomichi ; L'apparition de K G Dürckheim dans la vie de Maître Noro

Graf Dürckheim est "apparu" dans la vie de Maître Noro en 1970. C'est ce que nous découvrons dans cette interview parue dans l'un des Cahiers du centre Dürckheim où il répond aux questions de Pierre Willequet, il y parle aussi de sa méthode.

Cette amitié entre Maître Noro et Graf Dürckheim est un élément qui jouera un rôle important dans la vie de Jacques Breton : « Sur ma route, j'ai eu l'opportunité de rencontrer un grand sage et mystique allemand : K. Graf Dürckheim. Dans son centre en Forêt Noire, il m'aida à me réconcilier avec moi-même. À mon retour en France, un nom me fut donné pour poursuivre mon cheminement, celui de maître Noro. » ("Kinomichi et christianisme", article qui paraîtra prochainement sur le blog).

En annexe figure un extrait du livre de George Lamarque (Les six dojo de NORO Sensei, au fil du temps vrai) où il raconte cette "apparition" de Dürckheim dans la vie de Maître Noro.

Cet article est paru dans les Cahiers du centre Dürckheim, 1984, p. 6-17 et 24. Un grand merci à Jean-Pierre Sarton qui l'a sorti de ses archives pour me le donner.

Christiane Marmèche

 

 

 

La méthode de maître Noro, le Kinomichi

Interview de Pierre Willequet

Cahiers du Centre Dürckheim, 1984, p.6-17 et 20

 

 

Maître Masamichi Noro

► Maître Noro, pourriez-vous nous dire ce qu'est le kinomichi ?

Maître NORO : Cette technique est née de la rencontre entre l'Orient et l'Occident ; de la rencontre entre deux cultures différentes, ayant chacune un art et une conception de vie différents. Je suis né au Japon issu d'une famille profondément religieuse, shintoïste, ma mère est d'ailleurs prêtresse dans un temple shintoïste et mon maître, Maître Morihei Ueshiba pratiquait également la religion shintoïste. J'ai donc été baigné dans une culture et une conception de la vie radicalement différente de celles que j'ai ensuite rencontrées en Europe, et ma méthode est l'enfant, pourrait-on dire, né de la rencontre entre ces deux univers. Une profonde mutation s'opère au Japon depuis quelques années ; dans ma famille, par exemple, ma mère est la seule personne qui pratique encore sa religion. Les gens sont de plus en plus occupés à travailler, à acquérir une position sociale, ils ont peu de temps pour leurs loisirs, peu de vacances, peu de possibilités de faire autre chose que travailler. Ici, en Europe, les gens sont concernés par d'autres choses, et j'ai dû effectuer une recherche que je n'aurais peut-être jamais faite si j'étais resté dans mon pays. L'exigence des Européens, leurs questions, leurs manières de penser m'ont obligé à modifier la technique initiale. Il y a également eu un terrible accident de voiture qui m'a appris que, du jour au lendemain, on peut passer de la toute-puissance de la maîtrise, de la technique parfaite à… n'avoir plus rien. J'avais un bras paralysé, un poumon qui me faisait horriblement souffrir, le dos complètement bloqué… J'ai alors sérieusement envisagé de retourner au Japon, mais ma mère, que j'avais prévenue m'a dit : « Tu dois rester. Tu as décidé de tout abandonner ici, ton honneur, ta fierté doivent faire en sorte que tu restes en Europe. » Elle avait peut-être raison.

C'est après cet accident que j'ai rencontré plusieurs personnes ayant un travail sur le corps qui m'a beaucoup aidé. Dans un premier temps, j'ai travaillé avec Mlle Gisèle de Noiret et Marie-Thérèse Foix, et dans leur technique quelque chose m'a touché. C'était la première fois que j'acceptais – surtout de la part de femmes – une autre expérience que celle que m'avait proposée mon Maître. C'est là qu'a commencé cette ouverture à l'Occident, bien qu'auparavant j'avais très bien senti que quelque chose devait changer de mon enseignement, les Européens étant tellement différents des orientaux, et l'accident m'a sans doute permis de faire ce pas ; c'était probablement le moment juste pour effectuer ce changement.

 

Quelque temps après, j'ai rencontré Mme le Docteur Ehrenfried. Elle m'avait demandé de participer à un de ses cours, et après cette heure de travail, je lui ai dit : « Madame, vous viendrez chez moi enseigner votre méthode. » Ce à quoi elle a répondu : « Il n'en est pas question, je n'enseigne qu'aux médecins et aux kinésithérapeutes ! », et nous nous sommes tenus tête pendant un bon moment… Mais finalement, elle a accepté. Et c'est peu à peu, depuis cette période, que s'est créée ma méthode.

Pour nous, Japonais, le bonheur est un état concernant l'homme entier : le bonheur n'est pas localisé dans la tête. Il passe par la totalité de notre corps, par l'équilibre de la totalité de notre corps ; des pieds à la tête, il s'agit de créer un équilibre. Malheureusement, nous avons perdu cet équilibre de paix. Il faut donc, à l'aide de certaines techniques, par un travail intérieur et extérieur, arriver à retrouver cet équilibre, harmoniser en nous les forces de vie.

Il est intéressant de remarquer que dans l'esprit européen s'est développée une notion très typique, à savoir : l'affrontement, la confrontation entre deux pôles (négatif et positif par exemple) qui permet la création. Création de force, de chaleur, d'énergie etc… Cette notion peut amener à une véritable force, à un véritable art de vie, mais personnellement, ce n'est pas dans cette direction que je cherche. Je ne cherche pas l'affrontement, mais l'harmonisation et pour cette voie là, une technique est indispensable… beaucoup de technique.

La paix se crée, selon moi, par l'harmonisation de tout le potentiel, de tout ce qui existe : l'homme et la nature, l'intérieur et l'extérieur, le positif et le négatif. Deux possibilités s'offrent donc à nous dans la recherche du bonheur : soit par la création de l'harmonisation de l'homme avec l'univers, soit par l'affrontement avec l'autre, la comparaison, le dualisme. Jésus-Christ nous a laissé la croix… j'y vois une forme d'harmonisation comme dans l'atome par exemple. Dans l'atome, il y a une force positive et une force négative. Entre ces deux forces sans manifeste une troisième qui les unit ; c'est le mouvement, la force KI. Lorsque ces deux forces positive et négative sont en présence, il n'y a pas là objet d'affrontement. Lorsque l'harmonisation entre ces deux forces existe, la vie apparaît, mais si elles s'affrontent, c'est la mort de l'atome. L'attitude antagoniste est donc une attitude de mort. Nous pouvons constater la même chose pour le soleil et la terre : il y a là deux éléments qui ne s'affrontent pas, qui gardent constamment un équilibre, une harmonie depuis des millions et des milliards d'années ! Et ils tournent, si l'un l'emporte sur l'autre, le soleil par exemple, la terre meurt… mais le soleil, lui aussi, meurt ! C'est clair. Je tiens à le répéter, l'attitude antagoniste est une attitude de mort, de destruction, et en cette fin du XXe siècle, nous constatons la catastrophe suivante : l'homme contemporain accepte en lui-même cette attitude de mort. Nous pensons par exemple : « Mon esprit domine mon corps… » et dès ce moment apparaît la négation de notre propre vie. L'atome nous montre ces choses-là. Le Centre ne domine jamais l'Extérieur, la Périphérie. Si, dans l'univers, le Centre domine l'Extérieur, c'est la catastrophe. Harmonisation entre terre et ciel, entre infiniment grand et infiniment petit, là est le vrai travail, car ces deux dimensions ne s'affrontent jamais. C'est comme cela que notre univers s'est créé, et notre corps, nous-mêmes, sommes partie de cet univers.

J'explique souvent, parlant de la respiration, que nous devons être un simple tuyau de passage des forces de l'infiniment grand à l'infiniment petit, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Autrement dit, les forces du ciel passent dans notre corps et vont vers la terre, les forces de la terre vont ensuite vers le ciel ; voilà ce que sont l'inspiration et l'expiration. (Cette idée se retrouve d'ailleurs dans l'acupuncture où est recherché l'équilibre entre les forces yin et yang.) Notre respiration ne se limite donc pas aux poumons, et il ne faut pas perdre de vue cette force qui relie la terre et le ciel. Si nous symbolisons maintenant, nous voyons que la force qui descend du ciel passe dans notre corps, pénètre la terre par nos racines. Cette force descendante, nous l'appelons la « Force de l'eau ». La force de terre, elle, monte vers le ciel, nous l'appelons la « Force du feu ». En japonais, le mot "Dieu" se dit KAMI : KA veut dire "feu" et Mi veut dire "eau". Littéralement, le mot "Dieu" se dit donc "Feu-Eau" et, en rapport avec la Croix du Christ, nous retrouvons cette même symbolique de l'eau et du feu : matière et esprit, horizontale et verticale, positif et négatif.

 

► C'est donc l'union des opposés qui est Dieu ?

Maître NORO : Voilà, c'est cela. La croix est le symbole de cette harmonisation. Malheureusement, beaucoup de gens ignorent ces choses-là. Derrière ces symboles, se cachent beaucoup de belles choses, mais nous avons perdu cette façon de percevoir, de comprendre les choses, parce que nous sommes devenus trop logiques et que cette logique ne concerne que ce que nous percevons de l'extérieur – et encore pas même la totalité de l'extérieur des choses – il n'y a plus de logique de l'intérieur. Notre recherche de vie est donc la recherche de l'équilibre de ce Ka-Mi où ni l'un ni l'autre ne doit dépasser, écraser l'autre. Les deux sont en constant équilibre.

Une chose très intéressante existe dans ce mouvement de montée et de descente : ces deux forces se croisent précisément dans le Hara. C'est là qu'est le lieu de cette magnifique rencontre, de cette magnifique harmonisation. On ne peut donc jamais limiter le Hara à cet endroit du ventre, non, c'est beaucoup plus profond que cela. Pour le débutant, il est important d'arriver à le sentir là, au ventre, mais il ne faut pas en rester là. Il y a peu de temps, j'ai rencontré le professeur Dürckheim, et c'était très amusant, parce que d'habitude, il parle beaucoup, moi aussi d'ailleurs, disons moitié moitié, mais cette fois-ci il s'est contenté de me poser des questions et encore des questions. « Qu'est-ce que le KI ? » et je lui ai parlé de cette force du KAMI, de ce passage entre le ciel et la terre, et il a dit à un de ses élèves, ici à Paris : « Ah ! Si j'étais encore jeune, je voudrais sentir ce passage de KAMI… » Mais il cherche… il a déjà KAMI dans son ventre, dans son corps.

Miroir de Maître NoroNous, japonais, symbolisons le Hara, donc Dieu, par un miroir. Le Hara est un miroir. Le miroir est également le symbole du mystère, de l'inconnu. Mais c'est un objet qui se salit très vite ! Si le mouvement intérieur s'arrête, la poussière s'installe.

Prenons comme exemple le silence. Très souvent ici, je parle du silence et je sens bien que pour l'occidental le silence est quelque chose de mort, d'immobile. Non ! non ! Ce n'est pas ça du tout ! Le public occidental a beaucoup étudié toutes les théories et philosophies orientales, mais il se trompe souvent. Le silence n'est pas un état immobile, pétrifié, sans mouvement. Si c'est ce silence-là qui est recherché dans les pratiques méditatives, la poussière s'installe. Il faut donc constamment nettoyer, purifier notre miroir, à l'aide notamment du silence, qui est attention, vigilance permanente. Mais ce mot "attention" n'exprime pas exactement ce que je veux dire ; c'est beaucoup plus profond que cela. Ce qui est recherché est l'attention exempte d'agitation. Si l'agitation s'installe, le miroir casse ou se couvre de vagues. Ce miroir est donc le symbole du reflet de tout : intérieur, extérieur, tout ! Tout se reflète dans ce miroir… normalement. Le silence est donc très important. Il faut arriver à faire naître ce calme qui permet la vigilance. S'il est trop agité, le miroir se casse. Mais faites bien attention au mot "silence". Silence, oui, mais pas un silence de mort. Il faut appliquer cela dans notre corps.

Qu'est-ce que ce nettoyage ? Il y a plusieurs techniques. Celle utilisée par les pratiquants zen est la méditation. Ils reçoivent la force de l'eau, la force descendante dans le Hara. Cette force est extraordinaire. Si quelqu'un vous dit qu'il médite pour se détendre ou pour se relaxer, il n'a rien compris. Rien ! La force qui vient de l'eau est une puissance extraordinaire ! Une autre technique de "nettoyage" est, par exemple, le Kinomichi, le mouvement, le feu.

Chagall, La traversée de la mer rougeL'eau et le feu ont toujours été des éléments de purification intérieure. Suivant les siècles, l'un alterne avec l'autre, comme Lao Tseu nous l'a dit : « Le cycle ne s'arrête pas de tourner, le cosmos est en constant mouvement. » À certaines époques, l'eau sera utilisée comme élément purificateur, à d'autres, le feu. Tout un temps, ce fut l'eau qui a été utilisée : avec Moïse, par exemple, également par la tradition du baptême avec l'eau. Mais si vous regardez la civilisation égyptienne par exemple, le taureau, le soleil, le feu était l'élément dominant, comme dans notre civilisation chrétienne certaines fêtes ou célébrations sont dédiées au feu, la Pentecôte par exemple. Le feu, comme élément purificateur revient petit à petit dans nos vies et grandit ; le Kinomichi est l'utilisation de cette force du feu pour le nettoyage, le développement de notre corps et de nous-mêmes. Je remarque d'ailleurs que cet exercice a de plus en plus d'impact sur le public, ce qui traduit, à mon sens, une certaine évolution de notre conscience du corps.

Ici, en Europe, vers la fin du Moyen Âge et le début de la renaissance, l'homme a commencé à oublier l'existence de son corps. On a oublié que le corps est un tout et on a décrété la supériorité de l'esprit. Le centre devient donc la tête, tout se porte en haut. Ce qui est supérieur, c'est le cerveau, ce qui fait qu'il s'est de plus en plus développé, jusqu'à ce que le bas du corps soit abandonné, oublié, déserté. On se contente alors d'accepter ce corps en tant qu'élément fonctionnel nous permettant d'assimiler et de digérer la nourriture, de faire l'amour… et voilà le corps se réduit au plaisir de la peau et c'est logique. Nous avons alors oublié ce tuyau, et une faiblesse extraordinaire s'est installée dans notre corps. Un blocage général s'installe dans notre corps puisqu'on ne vit plus qu'en tant que tête. Le blocage n'est rien d'autre que cette fermeture à cette force, à ce passage. C'est en se fermant que notre corps se remplit de crispations musculaires.

Dans la pratique de ma méthode, nous essayons de dégager ce tuyau, nous essayons de nous débarrasser de ces crispations et ça, c'est le côté très matériel, très logique du travail. Je suis logique. Je crois et sens les forces du ciel et de la terre, et que notre tâche est l'harmonisation entre ces deux forces. Dans ma recherche et mon enseignement, je n'utilise pas uniquement ce que j'ai reçu de mon Maître. Si je trouve d'autres techniques capables de débloquer, je les accepte. Je cherche partout, je cherche. Beaucoup de personnes pensent que le kinomichi sera toujours le même… non ! Je réponds « non » ! Je continue à chercher, et si je fais l'expérience approfondie de tel ou tel exercice et qu'elle se révèle positive, j'essayerai peut-être de la partager avec mes élèves. Si demain encore, je sens quelque chose d'autre, je le partagerai. Et quelquefois, je me trompe ; il faut donc être extrêmement attentif pour enseigner ; il faut vivre les choses.

Bouddha a dit, avant de mourir après avoir passé sa vie en méditation : « je crois que cette manière de pratiquer sera très importante pour l'homme. » Puis cet enseignement s'est transmis de disciples en disciples pour aboutir au bouddhisme zen par exemple. Si Bouddha s'était trompé… tous les autres se seraient trompés. Il faut donc bien vivre son exercice, beaucoup pratiquer, jusqu'à ce que l'expérience, la compréhension du développement du corps soient réalisée. Alors, comme pour le Bouddha, 2500 années plus tard, d'autres peuvent encore profiter de son expérience et de son enseignement. Je ne puis plus me permettre de faire une erreur. Je crois en la parole et en l'enseignement de mon Maître, et c'est avec ces racines-là que je veux travailler.

maître Noro, disciple de maître UeshibaMon Maître était un génie parce qu'il a donné la synthèse de l'union entre le ciel, la terre et l'homme. Il ne disait d'ailleurs pas « Ciel - Terre - Homme » parce qu'il était japonais, ce sont les Chinois qui utilisent cette symbolique, et souvent les Japonais refusent d'utiliser ces termes-là. Pour mon maître, le ciel était le cercle, la terre le carré, et l'homme le triangle. Plus il vieillissait, plus il cherchait.

Vous savez, quand l'homme commence à chercher, cela ne s'arrête plus, c'est sans arrêt, sans arrêt, cette recherche de la perfection, même si nous savons très bien qu'elle est inaccessible. Le changement de génération a donné lieu à de multiples interprétations de la part de ses disciples, parce qu'à son époque, sa recherche était purement l'harmonisation homme-terre-ciel. Mais lorsqu'on observe la nouvelle génération qui, même au Japon, est entrée dans le système "logique", ce sens du travail se perd. C'est dommage… Ciel, infiniment grand ; terre, infiniment petit : ces deux forces ne s'arrêtant jamais, se manifestent constamment, passant dans notre corps, dans notre Hara, et au moment où elles se croisent, elles donnent de la lumière. L'amour est dans le Hara, il faut sentir l'amour dans votre Hara. Deux forces s'harmonisent parfaitement, créant la lumière qui est lumière d'amour.

 

► Vous dites souvent dans vos cours que le kinomichi est un exercice de prière.

Maître NORO : J'ai dit cela, moi ?

► Oui, oui, vous l'avez dit… mais peut-être peut-on vous demander plutôt : qu'est pour vous la prière ?

Maître NORO : L'harmonisation. Tout est dans l'harmonisation. Comme je vous l'ai déjà dit. Mais souvent la prière est utilisée à des fins égoïstes, pour obtenir quelque chose. Si quelqu'un se sent déprimé ou mal, il va à l'église ou au temple ou au sommet d'une montagne et s'écrit : « J'ai encore envie de rester sur terre ! donnez-moi de l'argent ! donnez-moi de la matière ! » Mais non ! la prière est apprentissage, exercice de création de lumière d'amour. J'insiste là-dessus, parce que beaucoup de gens ont totalement oublié cette recherche intérieure. Beaucoup de personnes refusent l'existence de racines, de profondeur. « Ça n'existe pas tout ça ! Respiration cosmique ? qu'est-ce que c'est que ça ? » C'est pour cela que je dis que notre exercice est une prière. Mais si quelqu'un commence à pratiquer avec un esprit logique (le mauvais côté de la logique d'ailleurs) ces choses-là n'entrent pas en ligne de compte. Il passe à côté du sens du travail. Je répète ces choses inlassablement, et si on ne les accepte pas, tant pis. C'est mon droit de faire comme cela, c'est ma profession.

 

► Vous avez rencontré le comte Dürckheim, vous avez vu son travail, vous avez senti qui il est… Quelles sont les affinités entre son travail et le vôtre ?

Maître NORO : Je ne connais pas son travail ! Je sais qu'il parle beaucoup du Hara…

Hara, vital center of man, DürckheimMais je voudrais d'abord vous raconter ma rencontre avec Dürckheim. J'avais appris qu'il vivait en Allemagne et pratiquait le zazen, assis en silence, et je commençais à le connaître au travers de sa réputation ; il avait été au Japon, etc., etc… Un jour, il me téléphone et me dit, d'emblée : « Je suis Dürckheim. » Ça, je n'aime pas du tout. J'ai répondu du tac au tac (c'est normal, j'étais jeune…) : « Je ne vous connais pas ! » Il reprend : « J'ai écrit un livre qui s'appelle : Hara, centre vital de l'homme, vous l'avez lu ? » J'ai répondu : «Ah ! vous parlez du japonais Hara, mais non, je ne l'ai pas lu. » Et tout le reste de la conversation, j'ai tout refusé. Dürckheim a continué : « Voilà, ce soir j'ai envie de vous inviter à dîner avec Deshimaru. » Bien entendu, j'ai refusé : « Non, Monsieur, je ne puis accepter votre dîner, au revoir Monsieur. » C'était net. Très mal élevé. C'était très très mal élevé. Le lendemain midi, il est venu me saluer dans le local où je travaillais à l'époque, m'invitant salle Pleyel, à une de ses conférences. À cette conférence, je n'ai rien compris ; mais j'étais assis à côté de lui, je le regardais, j'étais bien. Il m'a ensuite invité à Todmoos, où je suis resté dix jours. Il a voulu que nous soyons photographiés ensemble, il me parlait beaucoup de son Hara, et encore de son Hara mais pour moi, cela n'avait pas d'importance. Son travail n'a pas d'importance pour moi. De plus, à l'époque, je ne voulais pas voir le travail des autres, je pensais que mon exercice était le meilleur de tous, et ce n'est qu'assez récemment que j'ai commencé à approcher le travail d'autres personnes, d'autres techniques occidentales. Ensuite, il m'a donné son livre du Hara, en me recommandant de le lire attentivement. J'ai ouvert la première page et me suis arrêté là. Je ne connais donc pas son travail. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis heureux avec un homme comme lui. C'est cela le plus important. Il y a un an et demi, je lui ai dit : « J'ai trois pères : mon père, Maître Ueshiba, et maintenant, je vous ai rencontré vous, ici, comme père. » C'est ce que je lui ai dit. Ce qui se passe avec lui n'est pas du domaine de son travail. C'est l'homme qui me touche. C'est pourquoi je donnerai tout ce que j'ai pour qu'il puisse vivre encore longtemps. Il était malade quand il est arrivé à Paris, j'ai été le voir et je lui ai dit : « Professeur, je vous donnerai ma vie ! alors prenez ma vie ! Essayez ! Je vous la donne. Prenez tout si vous voulez. » Ça n'a rien à voir avec son travail.

Je me rappelle une fois, j'étais à Todtmoos et il avait fait venir de Californie une nouvelle technique. C'est une espèce de tank dans lequel on baigne dans de l'eau chaude. Il m'a invité à me mettre dedans… et je me suis ennuyé. J'ai dormi, combien de temps ? Je ne sais pas. Peu après, il m'a demandé : « Qu'avez-vous senti ? » J'ai répondu : « Professeur, c'était magnifique ! J'ai bien dormi ! » Il a repris : « Houlà ! C'est raté ! Ce n'est pas possible, il faut encore une fois essayer aujourd'hui même ! » J'ai répondu : « Non, non, c'est assez comme ça. Si j'y retourne, je dormirai encore. »

Beaucoup de personnes pensent que c'est un homme extrêmement curieux, qui cherche beaucoup de choses ; mais il a cette foi dans la possibilité qu'a l'homme d'évoluer, ça c'est important. L'autre jour, par exemple, malgré son état, il entrait en méditation. Je sais que si j'avais son âge, et son état à ce moment-là, je n'aurais pas été capable de le faire. Je n'ai pas encore assez de force malgré tout mon travail. J'ai la foi… mais je n'y arriverai pas. Pour moi, c'est cela son enseignement.

Souvent, je lui dis : « Professeur, vous parlez trop du Hara, si vous en parlez tant, votre Hara va disparaître ! n'en parlez pas. » Mais peut-être est-ce nécessaire, pour l'apprentissage de ces exercices, pour arriver à la création de cet état, d'en parler autant. Mais souvent, nous nous trompons sur le sens de ses paroles. Au début, il ne parlait que du Hara, et maintenant il en parle de moins en moins. Mais beaucoup de personnes pensent que c'est cela son enseignement. Absolument pas. Lorsque je sens en face de moi qu'un homme est là, c'est cela son enseignement. J'ai donc essayé de l'approcher. Mais ici, en Europe, il y a tellement de paroles et d'enseignements que tout entre dans la tête. La tête domine le corps et tout se pétrifie. Mais l'enseignement suprême c'est : il est là, je suis là. Pour comprendre ça, je pense que c'est encore trop tôt. Les Occidentaux sont trop bébés. Ce sont des enfants.

À la question : « que pensez-vous du travail de Dürckheim ? », je pourrais vous répondre intellectuellement, mais ce n'est pas ça. Si je vous réponds intellectuellement, je triche. Je vous réponds donc comme cela : il est là, je suis là, j'étudie. À ce moment-là, l'Occidental dit : « Mais vous n'expliquez rien ! » Voilà. C'est ma réponse à propos de son travail. Sa parole ne m'intéresse pas. Je vois sa création, son corps, son existence, et ce n'est pas cent mille livres qui pourront décrire cela. C'est en étant "là" qu'il me donne.

O Sensei Morihei UESHIBAMaître Ueshiba était aussi comme cela. Au début de mon apprentissage, j'étais encore jeune, il m'expliquait, me parlait beaucoup, mais à la fin, ce n'était plus du tout comme ça. J'avais envie de rester là, près de lui, et tout le monde disait : « Noro est fou ! Il ne mange presque pas, du matin au soir, il travaille, il est comme un esclave… il maigrit, etc. » Quand il était assis ou debout, qu'il essayait ou commandait, tout était enseignement. Peut-être cette vision des choses commence-t-elle en Occident.

Mais le danger est par exemple de matérialiser le Hara, d'en faire une chose. Ça, c'est incroyable et dangereux.

 

► Pour vous, quel est l'obstacle le plus grand pour celui qui entreprend un travail intérieur ?

Maître NORO : Le plus grand danger est de choisir un mauvais professeur. Voilà. Ça c'est la première chose. Le professeur doit avoir l'esprit en constante évolution. Lorsqu'un élève commence, s'il a du temps, il doit chercher. Pour le Kinomichi, heureusement, je ne donne pas à tout le monde l'autorisation de travailler avec d'autres. À cause de ça, ma mission est très grande. Le danger est que si un professeur est médiocre, il transmet sa propre médiocrité aux autres. C'est un des plus grands dangers actuels. Si le professeur perd sa pureté et salit son œuvre, il assume là une très grande faute. Il faut la recherche constante, la purification constante. Tout le temps, le Hara doit être net.

Les pratiquants du kinomichi ou du zazen pensent que pour commencer ce travail, il faut utiliser son cerveau, son jugement ; c'est une erreur. Il ne faut pas poser de questions. Personnellement, lorsque je travaillais avec mon Maître, je ne posais jamais de questions. Lorsqu'il disait quelque chose, j'ouvrais mon corps totalement ou plutôt, j'essayais de l'ouvrir au maximum et j'essayais d'apprendre, de prendre. Mais notre tête ferme très souvent cette porte capable de s'ouvrir aux autres. Avec les portes fermées, il ne nous est pas possible de prendre. Pour prendre et apprendre, les portes doivent être grandes ouvertes. À ce moment-là, automatiquement, cela entre. Avec mon Maître, c'était magnifique, plus il sentait les portes ouvertes, plus il essayait de donner. C'est en cela que le Maître et l'élève sont en relation de responsabilité.

Je dis souvent à mes élèves qu'ils sont trop intelligents. Ils pensent sans doute : « Oui, bien sûr, nous sommes intelligents… » Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'en fait, ils ne sont pas intelligents. "Trop intelligent" veut dire "pas intelligent". Ils n'ont pas cette intelligence qui permet l'ouverture des portes. Lorsque quelqu'un essaye de donner à d'autres, et qu'une attitude méfiante s'installe à son égard, ça, c'est terrible et ici, en Occident, on en est venu à critiquer énormément, à tort et à travers. Le fonctionnement de la critique d'ailleurs est extrêmement pervers.

K G DürckheimPrenons un exemple : entre moi et Dürckheim, il existe une différence énorme. Il est beaucoup plus loin que moi dans son cheminement, c'est bien connu. Mais grâce à la critique, il est possible de démontrer que je lui suis égal ou même supérieur ! C'est là l'utilisation de la critique. Il existe un véritable art de la critique ; c'est l'art qu'utilisent les imbéciles. Avec une tête un peu maligne, un peu remplie, on arrive à se persuader qu'on est supérieur à l'autre, c'est comme cela que ça se passe. Mais lorsqu'on sent qu'un homme est un homme, que Hara est Hara, à ce moment-là, toutes ces choses disparaissent.

Tout homme qui cherche à se développer spirituellement doit se débarrasser de cet esprit d'antagonisme ; ne pas parler d'arts martiaux, par exemple. Voyez, si nous regardons la signification du mot "martial" au dictionnaire, nous trouvons ceci : « Vient du dieu de la guerre Mars… relatif à la guerre, à l'armée.. », vous voyez, il s'agit là d'une référence à une attitude totalement destructrice vis-à-vis de notre travail. Ce terme est souvent utilisé dans des endroits où se passe une certaine recherche spirituelle. Mais il faut se débarrasser de ce mot, les mots sont dangereux. Nous cherchons non un art de mort, mais bien un art de vie. C'est la seule façon, en cette fin du XXe siècle, d'en sortir : chercher cette harmonisation. N'utilisons pas ces mots-là, c'est même une honte. Les techniques du XVIIe siècle japonais se sont beaucoup développées à partir du sabre. Mais il faut également savoir qu'à cette époque les armes à feu existaient au Japon et y étaient même très répandues. Pourquoi alors beaucoup de samouraïs pratiquaient-ils, non le fusil, mais le sabre ? Tout le monde savait bien que le fusil était beaucoup plus efficace ! Il faut bien conclure que les samouraïs utilisaient ce sabre dans un autre but que guerrier, pour la recherche de leur équilibre. Les exercices de sabre sont des exercices extraordinaires ! Ce ne sont pas des pratiques guerrières, ils ne sont pas dédiés au dieu Mars ! Peut-être les Japonais de l'époque étaient-ils des imbéciles qui faisaient face aux canons et aux fusils ennemis, armés de leur sabre ? (On peut voir l'utilisation des armes à feu dans le film KAGEMUSHA qui se passe à la fin du XVIe siècle.) Les Japonais connaissaient tout à fait l'efficacité des armes à feu dans la guerre, et pour quelle raison les samouraïs pratiquaient-ils les techniques du sabre, jusqu'à aujourd'hui même ? C'est pour la recherche d'équilibre. Tout ce qu'on en comprend ici, en Occident, c'est que la technique du sabre est art de guerre!  un art martial ! Parallèlement, il faut voir l'origine du mot japonais qui se dit BUGEI ou "l'art de BU". BU signifie en fait « arrêter le combat », autrement dit « la Paix ». Mais il est également vrai que ce mot a été utilisé au Japon pour désigner un combat. C'est un paradoxe. Mais si on regarde l'origine même de l'utilisation de ce mot, on trouve également le "Roi de BU" qui était un des plus grands rois de Chine. Le premier empereur à rétablir la paix au Japon fut appelé le "Dieu de BU". Donc à l'origine, BU signifie "paix". Ce grand roi chinois s'appelait BUHO, on retrouve donc la même racine et ce mot BU. C'est également lui qui a apporté une paix durable et stable en Chine. Ce sont des vérités, mais souvent apparaissent de terribles malentendus sur beaucoup de choses. Il faut se débarrasser de cet antagonisme, la paix est là, très près de nous.

Un autre obstacle important que rencontrent les personnes pratiquant ma méthode est l'agressivité, l'affrontement. Soit les jeunes gens viennent pratiquer et se mesurer à d'autres et ont l'impression qu'ils ne peuvent exister qu'en comparaison avec leur voisin ; ou alors il arrive souvent également une attitude inverse, vers trente-cinq, quarante ans, les gens se sentent trop âgés, ils se sont classés parmi les "vieux" et se demandent s'ils peuvent encore se mettre à une pratique corporelle, quelle qu'elle soit. C'est là un pas très difficile à franchir du fait qu'ici on a développé une conscience de la puissance, de la force tout à fait contraire à la nature de l'homme. On représente quelqu'un de fort avec de bons gros biceps, remplis de contractures ! On confond quelqu'un de puissant avec celui dont tous les muscles sont crispés, alors que la vraie force est rayonnement, libération du corps ! Tout est à l'envers. Cette crispation musculaire est uniquement extérieure, superficielle, fausse. C'est une pseudo-force égocentrique. Notre manière de vivre actuellement est épouvantable, nous avons coupé tout contact avec le cosmos, les gens vivent dans un tout petit espace, coupé du reste du monde… Et pourquoi l'homme ne s'ouvre-t-il pas vers le ciel et la terre ? Parce qu'il a peur. Et c'est pour cela que l'apprentissage de ma technique se fait très progressivement, très lentement, autrement le pratiquant reste dans sa peur, dans sa fermeture. Mais il est également vrai que certaines personnes ne veulent pas s'ouvrir, n'acceptent pas de rayonner et là, je ne puis rien faire, je ne suis pas assez fort pour ouvrir tout le monde !

Je tiens à le répéter une fois encore, l'antagonisme est une attitude de mort. Nous cherchons une technique de vie. Le symbole du Hara, Dieu, la croix du Christ, l'Étoile de David, toutes ces recherches visent à l'harmonisation. Un philosophe occidental a déterminé la grande différence existante entre l'Orient et l'Occident. « Ici, en Occident, dit-il, positif et négatif sont deux choses différentes, donc objet d'affrontement. Pour les Orientaux, il existe entre ces deux pôles un lien d'harmonisation, ce sont deux choses égales. » Si l'on ne perçoit pas que la racine profonde du positif et du négatif est la même, autrement dit que le un crée le deux qui crée le trois, comme nous le dit Lao-Tseu, on entre dans l'antagonisme. Jour et nuit sont identiques, cela va jusqu'à dire que la vie et la mort sont identiques. La clé de cette compréhension est donc l'harmonisation. Si nous observons la création de la vie, cela a commencé par le mariage de l'eau et du feu, ces deux choses, en parfaite harmonisation, ont pu créer une cellule. Grâce à ces deux forces bien harmonisées, une cellule est née. Cette cellule, multipliée par des milliards, a formé notre corps. Notre propre corps est donc né de l'harmonisation de ces forces apparemment contraires et opposées.

Ces forces ne sont pas destinées à l'affrontement, et tant que nous ferons notre attitude dualiste, nous détruirons le sens initial de toutes ces recherches, et nous détruirons également nos corps et nos vies. Non ! non ! Il s'agit d'un message de paix, je crois que le fond du travail de Graf Dürckheim est un message de paix, tout comme le Kinomichi. Harmonisation entre le Centre et l'Extérieur, c'est pour cela que dans nos exercices nous travaillons tantôt le centre, tantôt la périphérie. C'est normal, tout y est assimilé. C'est magnifique ! C'est avec cette idée que la vie est née. C'est donc grâce à l'étude de ces mouvements que peut se comprendre l'essence de la vie. Il n'est pas nécessaire d'ajouter deux mots à cela. Voilà.

 

Du zen au kinomichi, Georges Lamarque

ANNEXE

Extrait du livre de George Lamarque

Les six dojo de NORO Sensei, au fil du temps vrai, p. 90-91
Edition à compte d'auteur 2013

 

(Georges Lamarque raconte son cheminement).  En 1970 se déroula un fait dont j'ai mesuré, depuis, l'importance. J'étais trop jeune pour faire partie des familiers de Maître Noro. C'est pourquoi je n'ai rien su de l'apparition de Graf Von Dürckheim dans la vie de notre Sensei. Si je dis "apparition", ce n'est pas seulement pour éviter le mot "rencontre" dont je crains l'ambiguïté, mais bien pour souligner l'importance du dialogue qui allait s'établir entre ces deux hommes de cultures très différentes mais dont, finalement, les chemins convergeaient. C'est donc beaucoup plus tard que j'entendis Maître Noro évoquer l'événement en ces termes imprégnés d'humour :

« Je ne connaissais pas ce monsieur lorsqu'il m'appela au téléphone : “Maître Noro ? Bonjour… Je suis Graf Dürckheim, et l'auteur d'un livre sur le hara. J'ai vu l'une de vos démonstrations. J'aimerais vous rencontrer.” Je ne sais plus pourquoi, mais à cet instant il me dérangeait. J'étais jeune et peu patient. Tout en faisant un effort pour rester poli, je lui répondis que je ne le connaissais pas… Et je raccrochais !

Qui était celui-là ? Que voulait-il ? Je n'avais pas de temps à perdre !… Il me rappela plusieurs fois et même se présenta un jour, au dojo de manière impromptue, accompagné de sa nièce. À la fin, je finis par me rendre sur invitation à l'une de ses conférences en Allemagne où j'étais souvent de passage. Quand j'entre dans la salle, je m'asseye au fond. Je ne comprends rien à ce qu'il dit mais, tout de suite, je suis d'accord avec son propos parce qu'il se tenait droit… À partir de ce moment, nous nous sommes beaucoup vus et j'ai apprécié l'intelligence et la sensibilité de cet homme qui, au fil du temps, est devenu un ami plus âgé que moi, un troisième père. Malgré ça, nous n'étions pas d'accord sur tout !

Entre autres sur l'importance qu'il accordait au hara dans son enseignement, je lui disais : Vous parlez trop du hara à vos élèves. Regardez-les : ils n'ont pas de hara ! »

Ce récit de Maître Noro m'a fortement intéressé parce que, à mon humble avis, il contient toute l'essence de la recherche qu'il a menée depuis de nombreuses années sur le corps dans le mouvement. Je crois avoir compris, maintenant, que l'élément le plus important à prendre en compte était l'unité, qui, bien sûr, incluait le centre de l'homme.

Dans son enseignement, Noro Sensei a toujours donné priorité à l'engagement total avec "tout le corps" nous a-t-il dit, pendant des années.

 

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