Trois grands axes de la Règle de St-Benoît valables aussi pour les laïcs, par le Père Abbé de St-Benoît sur Loire
La règle de Saint Benoît est une règle monastique écrite par Benoît de Nursie vers 530 qui débute par un Prologue :
« 1 Écoute, mon fils, l'invitation du maître, et incline l'oreille de ton cœur ! Recueille avec amour l'avertissement du Père qui t'aime, et par tes actes accomplis-le ![…]
8 Levons-nous donc enfin une bonne fois ! La Bible nous réveille en disant : « C'est le moment de sortir du sommeil » (Romains 13, 11). 9 Ouvrons nos yeux à la lumière de Dieu. Laissons la voix puissante de Dieu frapper nos oreilles, et écoutons ce qu'elle nous dit. Tous les jours elle nous crie : 10 « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, ne fermez pas votre cœur ! » (Psaume 94, 8). […]
45 C'est pourquoi nous allons ouvrir une école du service du Seigneur…»[1]
En 2010 le Père Abbé de l'abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire a répondu à l'invitation de Jacques pour co-animer le WE des responsables et membres actifs d'Assise les 11 et 12 décembre, et c'est à cette occasion qu'il a partagé son expérience de moine vivant la Règle de Saint-Benoit et a transmis comment cette Règle peut être valable aussi pour les laïcs.
Pour compléter ce message :
- Le lien d'amitié entre l'abbaye de Fleury et le centre Assise : échos des deux côtés ;
- Échos d'une visite de Bernard Ducruet (St-Benoît-sur-Loire) au centre Assise, et de son intervention : La prière du moine ;
- "De la lectio à l’oraison", article de Bernard Ducruet paru en 2010 dans Lumière & Vie n°287 ;
Trois grands axes de la Règle de St-Benoît valables aussi pour les laïcs,
par le Père Abbé de Saint-Benoît sur Loire
Texte paru dans le n°48 de la Voix d'Assise
1/ Un chemin d'intériorité
Tout homme, quelque part, est moine, en ce sens qu’il est un chercheur de Dieu : « Les hommes cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons, et la trouver » (Ac 17,27). Le désir de Dieu habite l’homme au plus secret de lui-même. Le moine privilégie cette aspiration en faisant de la recherche de Dieu l’unique but de sa vie ; le laïc vit cette même recherche tout "en s’occupant des choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu" (Concile Vatican II, Constitution Lumen Gentium, n° 31).
Chercheur de Dieu, le moine découvre qu’il est d’abord cherché par Dieu : dès le prologue de la Règle, le moine est mis en dialogue avec Dieu qui l’appelle, lui parle, sollicite sa réponse ; cette réponse, il l’inscrit dans un mode de vie particulier, la vie monastique, où tout est ordonné à Dieu, du lever au coucher, dans le travail comme dans la prière, dans les repas et l’hospitalité : le monastère est le lieu où Dieu est cherché et glorifié. Pour le laïc qui vient s’y ressourcer, il est école où il apprend les choses de Dieu, oasis où il se repose en Dieu, table où il se nourrit de Dieu. Le monastère est pour le moine comme pour l’hôte le lieu où "l’homme est regagné à lui-même" (Paul VI). Saint Benoît éduque en effet l’homme à devenir lui-même, lui apprend la vie personnelle, le réconcilie avec lui-même, le fait "habiter avec lui-même sous le regard de Dieu", comme saint Grégoire le dit de saint Benoît lui-même. « Le message de saint Benoît à notre temps est surtout une invitation à l’intériorité ; c’est un remède à l’exubérance de la vie sociale, fait d’excitation, de bruit, d’agitation fébrile, d’extériorité » (Paul VI).
Dans un monde d’où Dieu est exilé, le laïc est appelé à devenir porteur de Dieu. Il le fait en particulier en nourrissant sa vie intérieure : « Ne va pas au-dehors, rentre en toi-même ; la vérité habite dans l’homme intérieur » (saint Augustin). S’il vit au niveau de son cœur profond, il sera signe pour ses contemporains : « Où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12,34). Tout laïc peut vivre le monachisme intérieur s’il unifie son cœur dans la quête de Dieu.
2/ Une sagesse pratique
La règle d’or de saint Benoît, c’est de vivre en vérité :
- « Ils seront vraiment moines s’ils vivent du travail de leurs mains » (Règle 48,8) ;
- « On examinera si le novice cherche vraiment Dieu » (58,7) ;
- « L’abbé réalisera par ses actes le nom de supérieur » (2,1) ;
- « L’oratoire sera ce que signifie son nom » (52,1).
De même que saint Benoît bannit le superficiel, il a horreur de l’artificiel. Le monastère est école de réalisme, et donc d’humilité. Les hommes qui peuplent le monastère ne sont pas des êtres idéaux : on y rencontre des frères "récalcitrants, désobéissants, orgueilleux, murmurateurs, méprisants" (23,1). Saint Benoît les invite à gravir l’échelle de l’humilité, c’est-à-dire un chemin de connaissance de soi, de renoncement à l’image idéale de soi, de consentement à sa pauvreté, mais dans la confiance en Dieu et le désir de se convertir (cf. 7,50).
Ce réalisme se déploie dans trois directions : le réalisme de la création par le travail manuel, le réalisme de la Révélation par la liturgie et la lectio divina où Dieu enseigne qui il est et qui est l’homme, le réalisme de l’humain par la vie fraternelle.
Appuyée sur ces trois piliers spirituels que sont l’obéissance, le silence et l’humilité, la Règle organise un art de vivre où de grands enjeux se jouent dans les petites choses ; ainsi, c’est dans le chapitre consacré à l’artisanat et au commerce que l’on trouve ce précepte : « qu’en tout Dieu soit glorifié » (57,8). Cela se vit dans les relations entre les frères, faites de services mutuels (35,1), d’obéissance mutuelle (71), de pardon réciproque (23 et ss.)… Mais aussi dans le partage des biens – « Que tout soit commun à tous » (33,6) –, le rapport aux choses – « On regardera tous les objets et tous les biens du monastère comme les objets sacrés de l’autel » (31,10) –, car là où les choses ne sont plus respectées, elles ne mettent plus les frères en communion, et là où l’on établit une hiérarchie de valeur entres les choses, on l’applique à ceux qui les utilisent et l’on sera porté à plus de respect envers celui qui gère de l’argent qu’envers celui qui manie le balai…
Mais tout est reçu et tout est donné, non dans l’égalitarisme, mais selon les besoins de chacun. Cela fait de chacun non un possesseur, mais un donateur ; cela génère l’esprit d’action de grâce et non celui de revendication ; cela rend dépendant les uns des autres et non enfermé dans les frontières de sa propriété privée ; cela éduque à distinguer ses besoins légitimes de ses envies superflues. Il n’y a ni égalitarisme, ni privilège, mais attention donnée aux plus faibles – malades, vieillards, pauvres (31,9).
3/ Le primat de la personne
Quand il parle de l’abbé, du prieur, du cellérier, de l’hôtelier, saint Benoît ne décrit pas leurs fonctions mais fait leur portrait ; les qualités humaines lui importent plus que les compétences techniques ; il choisit les hommes en fonction non des choses à gérer, mais de leur sagesse, de leur maturité, de leur crainte de Dieu.
Il fait prévaloir la miséricorde sur la justice (64,10). Le monastère n’est pas un conservatoire de vertus, mais une communauté de pécheurs pardonnés, où l’on hait le vice mais on aime les frères. La miséricorde n’est pas l’indulgence : au monastère le mal est nommé et non camouflé, il doit être réparé par de petites satisfactions ou des sanctions plus lourdes selon sa gravité. La qualité des relations dépend de l’aveu spontané et de la réparation des manquements : de l’humble reconnaissance de sa faiblesse, on sort toujours grandi ; et quand les frères sont accueillis tels qu’ils sont, ils n’ont plus peur de reconnaître leurs défaillances. Le mal nommé et dépassé ne peut plus gangrener la communauté.
La communauté est ainsi "le lieu du pardon et de la fête", selon le titre d’un beau livre de Jean Vanier : la joie de la fête y jaillit du pardon mutuel.
Père Etienne
« On rentre au Monastère pour être heureux,
on y reste pour rendre les autres heureux ».
Jacques est en lien avec l'abbaye bénédictine de Saint-Benoît sur Loire depuis son expérience d’ermite dans le Val de Loire. L’évêque d’Orléans lui avait alors conseillé de se rattacher spirituellement à l’abbaye. Depuis 1977, il vient une fois par mois transmettre aux moines de Saint-Benoît son expérience du zen et le travail d’unité et de réconciliation du corps et de l’esprit qu’il a approfondi chez Dürckheim. Il fait fréquemment des séjours à Saint-Benoît, où une cellule lui est réservée.
Jacques a reçu début 2010 de l’archevêque de Paris une lettre de mission par laquelle celui-ci reconnaît le Centre Assise comme faisant partie intégrante de l'apostolat de l'Église. Le Père Abbé de Saint-Benoît sur Loire est le garant spirituel auprès de l’Eglise du maintien de l'Esprit d’Assise au sein de l’Association.
[1] La Règle est écrite en latin, on en trouve une traduction complète sur internet : http://www.encalcat.com/images/imagesFCK/file/regle/regles_de_saint_benoit.pdf. On trouve l'orinal en latin sur http://www.scourmont.be/scriptorium/rb/lat/index.htm