Enmei Jukku Kannon Gyo : sutra chanté, enseignement d'Eizan Roshi, traduction française, texte japonais interlinéaire
Au centre Assise, lors des sesshin, on récite ce sûtra de dix vers tous les matins en le répétant sept fois avec une intensité croissante. Pierre-François de Béthune dit qu'au Japon il est répétée trente trois fois avec un grand cri à la fin.
Historiquement ce sûtra était chanté pour prolonger la vie, d'où son titre qui veut dire quelque chose comme "Sûtra de Kannon en dix vers pour prolonger la vie". Et comme le dit Eizan Rôshi dans son enseignement, Kannon c'est nous-même.
Sutra chanté au Ryutakuji, fichier MP 3 : Enmei_Yukko_Kanon_Gyo_du_Ryutakuji
1) Texte chanté et traduction en anglais
2) Enseignement de Eizan Rôshi au 6ème jour du sesshin 1999 (paru dans la Voix d'Assise n° 15, juillet 2000)
3) Traduction française tenant compte de l'enseignement précédent.
4) Traduction terme à terme à partir du texte japonais, avec des notes
1) Texte chanté et traduction en anglais.
ENMEI JUKKO KANNON GYO
KAN ZE ON NA MU BUTSU YO BUTSU U IN YO BUTSU U EN BUP PO SO EN JO RAKU GA JO CHO NEN KAN ZE ON BO NEN KAN ZE ON NEN NEN JU SHIN Kl NEN NEN FU RI SHIN
延命 十句 観音 経
Ēnmēi Jūkko Kānnōn Gyō
観世音 kan ze on
南無仏 na mu butsu
与仏有因 yo butsu u in
与仏有縁 yo butsu u en
仏法僧縁 butsu ho so en
常樂我淨 jō raku ga jō
朝念観世音 cho nen kan ze on
暮念觀世音 bo nen kan ze on
念念從心起 nen nen jū shin ki
念念不離心 nen nen fu ri shin
● Traduction anglaise du livre des sûtra du centre Assise.
Adoration to Kanzeon ! Adoration to the Buddha !
To the Buddha we are related;
In terms of cause and effect.
Depending on the Buddha, the Dharma, and the Sangha;
(Nirvana is possible which is) eternal, ever-blessed, autonomous, and free from defilements.
Every morning my thoughts are on Kanzeon;
Every evening my thoughts are on Kanzeon;
Every thought issues from the mind;
Every thought is not separate from the mind
2) Enseignement de Eizan Rôshi au 6ème jour du sesshin 1999.
Kan-ze-on, trois syllabes. Cela sonne comme Kanon qui est quelquefois prise pour une déesse bouddhique. En fait il y a une statue d'une personne féminine qui représente la compassion, elle a un rôle proche de celui de la Vierge Marie en christianisme. Mais quand on récite le sûtra, il ne s'agit pas de voir cette figure populaire du Japon, cette statue qu'on retrouve dans des temples, mais dans une interprétation zen, Kanzeon c'est vous, c'est chacun d'entre vous.
Dans le passage suivant vous avez namu butsu : namu (adoration) signifie qu'il faut jeter l'égo. C'est la première condition de l'esprit religieux : jeter, perdre l'ego. Là on est loin d'un Dieu-personne, on ne vénère pas Dieu comme une personne mais c'est soi-même que l'on vénère. En fait je dis "se vénérer soi-même" mais ce n'est pas de "vous" dont il s'agit, car tout le monde a en soi un cœur impur, plein de saletés et de sentiments mauvais. Mais nous sommes le même élément pour devenir bouddha. L'éveil c'est réaliser que nous avons la nature de bouddha.
Pour cela trois conditions :
- l'homme et bouddha c'est le même élément, on l'appelle la nature de bouddha
- l'homme a la capacité de manifester qu'il a en lui la nature de bouddha
- quand cette possibilité est clarifiée, c'est le kenshô.
Tout cela n'a pas de sens s'il n'est pas capable de la réaliser, de le concrétiser.
La vie de l'homme est un fil ininterrompu de souffrances, mais d'après jō rakuga jō, il y a un renversement total, de l'enfer en paradis. [jō raku ga jō (permanence, félicité, moi, pureté) sont les 4 attributs du nirvâna qui s'opposent aux 4 attributs du samsâra : mujô, ku, muga, fujô (impermanence, souffrances, non-moi, impureté)]
Nen nen : "un souffle après l'autre", donc "un moment". Dans la respiration vous vivez ; ce n'est pas "vivre" au sens courant du terme, mais vous respirez.
Et d'après nen nen jū shin ki, Kanzeon va sortir de vous, va s'incarner
Nen nen fu ri shin : nous dit que Kanzeon est le Soi.
3) Traduction française adaptée.
Je me vide de mon petit moi pour chanter Bouddha Kanzeon (le Soi)
Je suis relié aux bouddha en terme de cause directe ;
je suis relié aux bouddha en terme de circonstances,
[je suis relié] au Bouddha, Dharma, Sangha en terme de circonstances.
[le samsâra se renverse en nirvâna, lui qui est] permanence, félicité, identité, et pureté.
mes pensées-souffles du matin sont Kanzeon
mes pensées-souffles du soir sont Kanzeon.
Ce moment surgit du cœur-esprit
Ce moment lui-même est le cœur-esprit sans séparation
4) Traduction terme à terme à partir du texte japonais, avec des notes.
延命 十句 観音 経
enmei jūkku kannon gyō
enmei (prolonger la vie) jûkku (dix vers car Ku 句 signifie "verset") ; gyô (sûtra)
観世音
Kan-ze-on,
南無 仏,
na-mu Butsu,
adoration Buddha,
与 仏 有 因,
yo Butsu ū in,
avec Buddha il y a cause directe
- Note : Yo 与 signifie "avec" et suggère quelque chose de direct ; in 因 désigne une cause directe, à mettre avec le en 縁 du vers suivant.
与 仏 有 縁,
yo Butsu ū en,
avec Buddha il y a circonstances
- Note : en 縁 désigne, entre autres, les circonstances » : innen 因縁 désigne les causes et relations circonstancielles,, c'est ce qui fait, qu'extérieurement, une chose se produit Par exemple pour le blé, in c'est le grain de blé, et nen c'est la terre, l'eau, la lumière. C'est à distinguer de inga 因果 (cause et effet) qui est le mouvement qui va de la cause au fruit (ga),
仏 法 僧 縁,
Bup- pō sō en,
Buddha, Dharma, Sangha relation,
- Note : Bouddha, Dharma, Sangha sont les trois joyaux du bouddhisme : Bouddha (l'Éveillé) ; Dharma (Loi bouddhique) ; Sangha (communauté des disciples du Bouddha).
常 楽 我 浄,
jō raku ga jō,
permanence félicité moi pureté,
- Note : jô 常désigne "la permanence" ; raku 楽 désigne le plaisir ou la félicité, qui n'est pas la joie ni quelque chose de spirituel ; ga 我correspond au terme atman en sanskrit, c'est le moi égotique ; jô浄 veut dire "pur". Ce sont les quatre attributs du nirvâna qui s'opposent aux quatre caractéristiques de toutes les choses du samsâra, le monde des renaissances, à savoir "impermanence" (mujō 無常), "souffrances" (ku 苦), "non-soi" (muga 無我), "impureté" (fujō 不淨).
朝 念 観世音,
chō nen Kan-ze-on,
matin pensée Kanzeon
- Note : nen 念 pensée, souvenir, on le trouve dans nenbutsu 念仏 qui signifie littéralement "penser au bouddha", "se souvenir du bouddha" et "invoquer le bouddha". Le caractère chinois est une combinaison d'un élément signifiant "présent" et d'un autre qui veut dire "cœur-esprit".
暮 念 観世音,
bo nen Kan-ze-on,
soir pensée Kanzeon
念 念 従 心 起,
nen nen jū shin ki,
pensée (après) pensée suivre cœur-esprit surgir
- Note. "Pensée après pensée" peut désigner "un moment" ; Ki 起 (lever, élever, dresser, se lever, surgir etc.) : shin 心 désigne le cœur-esprit,au niveau graphique il vient du cœur organe, mais désigne aussi l'esprit en notre sens. Pour les japonais, ce cœur-esprit est le siège de la pensée.
念 念 不 離 心.
nen nen fu ri shin.
pensée (après) pensée non-séparé cœur-esprit.