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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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1 janvier 2019

Renaître à la paix, Enseignement de Jacques Breton pour le passage d'une année à l'autre

Pour ce passage à l'année 2019, voilà un enseignement donné par Jacques Breton à qui ce blog est dédié, enseignement donné le 31 décembre 2001 lors de la session "Naître à 2002". En fin de message figurent des textes d'Etty Hillesum dont certains avaient été lus pendant la nuit.

Jacques Breton prêtreMais tout d'abord, des vœux qu'il a prononcés lors d'un autre passage d'année :

 

Je désire pour vous, de tout mon cœur, que cette année soit un temps de passage de cette vie bien limitée à la véritable joie d'une vie toute ouverte à la plénitude de la vie éternelle.

      En toute amitié.

      Jacques BRETON

 

L'enseignement suivant est paru dans la Voix d'Assise n° 19, mars 2002 avec l'introduction suivante : « Voici l'essentiel de l'un des enseignements donnés par Jacques Breton pour le passage à l'an 2002. Malgré les doutes de Jacques sur l'intérêt de ce texte, destiné à être transmis oralement et non par écrit, nous souhaitons vous en faire bénéficier, après quelques aménagements indispensables. »

Notez qu'encore aujourd'hui l'association Assise propose une session de quelques jours lors du passage à la nouvelle année (cf. http://www.centre-assise.org/activites/calendrier-des-sessions/)

 

 

Renaître à la Paix

 

Le passage d'une année à l'autre se fait dans la nuit. Nous entrons dans la nouvelle année en lâchant l'ancienne année. Comme tous les passages que nous avons à franchir, celui-ci peut nous aider à progresser sur notre chemin de vie. Or, en cette vie véritable à laquelle nous aspirons, la paix est un bien fondamental, tant sur le plan individuel que sur le plan social. La paix est très liée à la relation, à la justice, au pardon. Mais elle implique aussi un autre aspect important : la renaissance. Qu'est-ce que cela signifie pour nous ?

 

Aimer donne sens à l'existence

La Bible, l'Évangile, contiennent une sagesse extraordinaire, qui peut nous aider à répondre à nos interrogations : comment être, comment vivre en vérité ? Pour y parvenir, quelques impératifs essentiels sont rappelés.

Le premier impératif, le plus grand de tous, est : “Tu aimeras”. Ce qui donne son sens profond à l'existence, c'est l'amour. Ce qui donne sens au bonheur, à la joie, à la paix profonde, c'est d'aimer. Pas n'importe comment, mais avec tout son être, avec tout soi-même.

 

Retrouver en soi l'enfant blessé

Un autre impératif, qui concerne particulièrement notre réflexion sur la paix, est exprimé dans l'évangile de saint Matthieu, au chapitre 18 : "En vérité je vous le dis, si vous ne changez et ne redevenez comme des enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des Cieux". Cela signifie que vous devez retourner, revenir vers l'enfant que vous avez été. Or cet enfant a été blessé. Il n'a pas reçu tout ce qui lui était nécessaire pour que son existence puisse s'épanouir. Vos parents vous ont transmis la vie. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, mais le plus souvent ils n'ont pas su vous transmettre la vraie vie, pleine d'amour, de paix, de joie. Vos parents (ou les circonstances) ne vous ont pas permis de développer votre existence propre. Vous n'avez pas été assez écoutés, accueillis, respectés tels que vous étiez, dans votre réalité physique, psychique, affective. Alors vous avez enfoui en vous beaucoup de choses. Il vous a été impossible de vous abandonner vraiment.

Donc le point de départ a été faussé. Il vous a manqué des choses essentielles pour vivre, en premier lieu cet élément fondamental qu'est la confiance. L'enfant fait entièrement confiance à son père, à sa mère, puis à ses éducateurs, à des camarades. Mais il peut ensuite sentir qu'il a été trompé, trahi. S'il n'est plus dans un climat de confiance, il vit dans la peur. Cette peur vous a habités. C'est pour cela qu'il faut revenir à l'enfance, à tout ce qui, en vous, a été traumatisé, faussé, mal vécu, et vous a empêchés de vivre.

 

Restaurer la confiance profonde

Dans la mesure où je prends conscience de mes limites, je peux espérer me transformer. Pour que cette transformation puisse se réaliser, je suis obligé(e) de faire appel à ce qu'il y a de plus profond en moi-même. En reconnaissant mes fragilités, si je mets ma foi en Christ, je crois que c'est Dieu qui par amour vient jusqu'à l'homme. L'Esprit, le souffle intérieur ne vient pas seulement en moi pour me donner de l'énergie, mais aussi pour me permettre de restaurer ce qui a été faussé. Tout en moi peut se transformer.

Dans la méditation assise, le souffle m'aide à me lâcher, à retrouver en moi peu à peu la confiance, trouver cette présence profonde qui va me donner la possibilité de prendre en moi l'appui fondamental dont j'ai besoin.

Dans la mesure où vous faites confiance, vous rencontrez sur votre route des personnes qui vous aideront dans votre cheminement. J'en ai fait personnellement l'expérience. J'ai trouvé sur ma route, alors que j'étais orphelin, des personnes qui à certaines périodes, ont joué un rôle de père, de mère.

Il est important de noter que les thérapeutes qui vous accompagnent ne doivent pas se contenter de vous faire prendre conscience de vos traumatismes. Mais, à partir de ce que vous êtes, ils doivent vous transmettre cet amour profond en cette vie. Ils vont réparer, restaurer ce qui a été abîmé, et vous permettre de retrouver en vous la Présence qui vous fait exister. Ce doit être aussi le rôle des sages, des guides spirituels.

Donc revenir à l'enfance, voir ce qui agit encore en bloquant, c'est la première condition pour s'en libérer. Mais il faut aussi faire l'expérience que quelque chose peut changer quand vous faites confiance à votre fond. Si vous êtes dans la confiance, rien ne peut aller à l'encontre de ce qui est juste pour vous. Sinon, il est certain que bien des choses peuvent vous atteindre. Car si la confiance n'est pas là, c'est la peur, l'angoisse... Cette confiance s'établira par l'expérience. Faites l'expérience : vous verrez qu'alors les choses changent, bougent, et que votre confiance se renforce.

Quand la confiance s'établit, un renversement se fait, tout se met en ordre. Personnellement, j'ai connu beaucoup de peurs, mais je n'en ai plus aujourd'hui. Je suis même heureux d'être passé par où je suis passé. Cela m'a fait prendre vraiment conscience des difficultés qu'on peut rencontrer dans la vie, maintenant je peux comprendre les gens angoissés, inquiets. Je suis passé par là, mais je connais aussi le moyen de s'en sortir, cela m'aide beaucoup.

 

Renaître de l'intérieur

Un autre impératif est exprimé dans l'évangile de saint Jean, au chapitre 3 : "En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le royaume de Dieu". Il ne s'agit pas seulement de retourner à son enfance, de prendre conscience de sa fragilité pour restaurer ce qui a été faussé. Il faut aller encore plus loin : il faut renaître. J'ai à quitter mes parents, le monde dans lequel j'ai vécu, pour renaître du fond. La vie m'a été donnée de l'extérieur, j'avais besoin de protection, de sécurité. Maintenant je ne peux réellement vivre et devenir adulte que dans la mesure où je ne cherche plus à l'extérieur ce qui me fait vivre, mais au fond de moi-même. Ayant quitté père et mère, je peux rencontrer au fond de moi-même mon père et ma mère intérieurs, en lesquels je vais puiser mon existence. Je vais retrouver le souffle, principe créatif, et l'eau, principe féminin d'accueil, ces données fondamentales qui vont me permettre de vivre.

Dieu n'est pas seulement père, il est mère aussi, il est la Source profonde qui communique la Vie. Je suis appelé(e) fondamentalement à être fils, fille, à être l'enfant qui reçoit continuellement l'amour, la paix, la joie.

 

Une transformation continuelle

Après avoir mis un peu d'ordre dans ma vie, je dois donc accepter de quitter, pour renaître peu à peu à une vie nouvelle. Cette renaissance ne peut se faire que dans la mesure où j'ai commencé à faire confiance en cette présence en moi qui veut me libérer, me sauver de l'esclavage dans lequel je suis tombé. Progressivement je sens que je peux m'en remettre à elle entièrement, et que je vais trouver en moi tout ce qui va me faire exister. C'est un retournement, une reconversion radicale. Pour cela il faut du temps. Mais la renaissance commence déjà à se vivre en nous, et je peux vous assurer qu'elle est une réalité. Je peux dire l'heure et la date où je suis re-né, à quel moment Jacques est né. Ce qui ne veut pas dire que "çà y est" définitivement ! Ce serait une illusion profonde. Parce que le petit enfant qui naît est encore fragile.

Quitter une année, c'est quitter tout ce qui a été plus ou moins bien vécu, pour renaître à une année nouvelle. Chaque jour doit être complètement redonné, chaque soir il faut quitter la journée écoulée pour naître à une journée nouvelle. C'est toujours ce chemin de mort et de renaissance, c'est une transformation continuelle que j'ai à vivre. Même s'il y a des temps plus forts comme Noël, Pâques, cela doit se faire tout au long de la vie. C'est vrai que je suis encore faible, mais peu à peu je vais me transformer, la force de vie va grandir en moi.

 

Développer la paix en soi-même

Il est d'ailleurs étonnant de voir que lorsque vous commencez à rejoindre le fond de vous-même, vous retrouvez une dynamique extraordinaire. Une énergie se dégage : plus elle vient du fond, plus elle va redonner vie, transmettre de la joie, de la paix. Ce que vous portez en vous-même va peu à peu se développer. Il y a en vous un trésor, une richesse énorme,  mais elle est bloquée parce que vous n'êtes pas ouverts à ce que vous portez en vous.

Des hommes ou des femmes comme Gandhi, Robert Schuman, Mère Teresa… ont réussi à agir, à convaincre, à faire évoluer ce monde car ils avaient en eux-mêmes une immense soif de paix. Vous aussi, vous avez en vous une force, une sagesse, une lumière... C'EST LÀ ! Et c'est cela que vous avez à communiquer. La paix est là ! C'est tous les jours que vous avez à développer cette paix en vous. Acceptez profondément que cette libération se fasse, que ces tensions, ces blocages, qui sont encore là et révèlent votre manque de confiance, disparaissent peu à peu. Il faut vous ouvrir, respirer, lâcher dans l'expiration. Faire agir le corps, le psychique et le spirituel. La personne est un tout. J'ai travaillé moi-même sur ces trois aspects pour retrouver le Jacques véritable.

 

Voilà ce que je voulais vous dire pour que vous repreniez confiance en vous-même. Rien n'est jamais perdu. Même si vous êtes passés par des moments très difficiles, au fond tant mieux pour vous. L'Évangile veut toujours nous remettre debout, quand nous sommes écrasés par la vie, pour nous permettre de continuer : Lève-toi !

Surtout ne vous découragez pas. Certaines personnes, comme sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, atteignent très jeunes des sommets. D'autres sortent de l'adolescence à cinquante ans ! Qu'importe, chacun fait ce qu'il peut, chacun a son chemin. Et pour avancer sur ce chemin, trois qualités sont nécessaires : la patience, la persévérance et le courage.

 

Saint-Gervais, le 31 décembre 2001

 

 

F Dept calligraphie, centre Assise

 

Textes d'Etty Hillesum

Si la paix s'installe un jour (journal)

 

Pour continuer sur le thème de la paix, voici[1] plusieurs passages du Journal d'Etty Hillesum cette jeune femme juive néerlandaise morte le 30 novembre 1943 à Auschwitz à l'âge de 29 ans. Plusieurs extraits de son journal écrit de 1941 à 1943 (Une vie bouleversée, éd. du Seuil, 1985) sont parus dans des Voix d'Assise, certains ayant été lus lors du "Renaître à la paix" de 2002 qui a eu lieu à Saint-Gervais[2]. En voici quatre :

 « Qu'a donc l'homme à vouloir détruire ainsi ses semblables ? » demandait Jan d'un ton amer. « Les hommes, les hommes, n'oublie pas que tu en es un – lui dis-je… – Et la saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d'autre solution, vraiment aucune autre solution que de rentrer en soi-même et d'extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur, que nous n'ayons d'abord corrigé en nous. L'unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs. » (p.102)

« Si la paix s'installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d'abord la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour – ou est-ce trop demander ? C'est pourtant la seule solution. » (p.128)

« Notre unique obligation morale, c'est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu'à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
Il faut oublier des mots comme Dieu, la Mort, la Souffrance, l'Éternité. Il faut devenir aussi simple et aussi muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d'être. » (p. 158)

 « Les plus larges fleuves s’engouffrent en moi, les plus hautes montagnes se dressent en moi. Derrière les broussailles entremêlées de mes angoisses et de mes désarrois s’étendent les vastes plaines, le plat pays de ma paix et de mon bienheureux abandon. Je porte en moi tous les paysages. J’ai tout l’espace voulu. Je porte en moi la terre et je porte le ciel. Et que l’enfer soit une invention des hommes m’apparaît avec une évidence totale. » (p. 225)



[1]  Le 3ème texte était en encadré dans la Voix d'Assise n° 19 de mars 2002, à la suite d'un enseignement de Jacques Breton "Renaître à la paix".

[2] Un message ultérieur portera sur Etty Hillesum dans le tag LIVRES à lire

 

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