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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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11 mars 2019

Intervention de Jacques Breton : Accéder à la vie haute par zen, sagesse de G. Dürckheim, spiritualité chrétienne

En juin 1993 Jacques Breton a participé à une conférence dont le thème était « Spasmophilie, ce mal n'est plus incurable » organisée par l'association Spasmophilie & Sérénité[1] qui a été transcrite dans le cahier n° 8 de l'association. Il parlait après d'autres conférenciers, d'où sa première phrase.

En bas de la couverture du cahier, il était indiqué l'adresse de l'association avec la précision : « Association dont le but est de proposer aux spasmophiles : un accueil, une information, une orientation thérapeutique, un accompagnant psychologique. » Cette association existe encore aujourd'hui et sa recherche est centrée sur le stress, mais aussi sur la responsabilisation et l'épanouissement de la personne.

Vie, Santé, Créativité, 89 Bd Saint-Michel, 75005 Paris, Tél. : 01 43 54 99 13. https://www.sante-autrement.org/spasmophilie-et-serenite  .

 

 

Accéder à cette vie haute par le zen, la sagesse de G. Dürckheim,

la spiritualité chrétienne au bon sens du mot

Jacques Breton

 

Je connais peu la spasmophilie, aussi vous parlerai-je plutôt de mon expérience qui n'est pas sans relation avec ce que je vous ai entendu dire.

La spiritualité prend des formes très différentes, même au sein du christianisme. Elle peut s'exprimer à la manière de saint François d'Assise, de saint Dominique, de sainte Thérèse d'Avila et saint Jean de la Croix ou de saint Ignace de Loyola qui ont tous fondé des ordres religieux.

 

Le désir d'absolu.

chemin de lumièreTout d'abord, que mettons-nous sous le vocable "spiritualité" ? Je dirais que c'est la manière, la méthode, le chemin qui permet de rencontrer au fond de soi l'Esprit.

Mon expérience, celle que j'ai des autres et la foi qui m'habite me permettent de dire que, tous, qui que nous soyons, nous sommes animés par un souffle spirituel, profond, un désir d'absolu. Et nous avons besoin de rejoindre ce désir pour découvrir notre vraie personnalité.

 

J'ai été formé par Graf Dürckheim, un grand sage, mort en 1988. D'origine allemande, il a longtemps vécu au Japon. Il a été un des premiers à affirmer que la personne humaine n'est pas simplement un corps physique, pas davantage qu'il est seulement un être psychique ou spirituel. La personne est un tout indivisible : corporel, psychique, spirituel[2].

Cette approche m'a beaucoup aidé à décanter les principes que l'on m'avait inculqués : après six mois d'enseignement et de travail[3], toute ma spiritualité chrétienne s'était effondrée. Et ce fut un bien !

Nous vivons trop souvent notre religion chrétienne d'une manière trop routinière qui, loin de nous aider à nous recréer, nous enferme dans un monde évasif. Dans ces conditions, la spiritualité peut devenir une échappatoire, une fuite de soi-même, ou simplement une morale, une éthique. Ce peut être aussi une croyance en un Dieu extérieur à soi plus ou moins créé, ou même fantasmé, par l'homme. Cette forme de spiritualité n'est pas animée par l'amour.

Heureusement, j'avais autrefois vécu quelques expériences profondes et je savais que, même lorsque tout s'effondre, on peut ressentir une présence : celle de Celui que nous cherchons. Il est au fond de nous, il s'agit de le retrouver, de le redécouvrir.

La spiritualité zen que je pratique n'est pas forcément le bouddhisme. Le zen est un effort d'approfondissement qui aide l'homme à se trouver. C'est un moyen de se libérer en faisant, comme un aspirateur avec la poussière, un nettoyage par le vide.

Il faut accepter de renoncer à notre mode de pensée habituelle qui, même s'il est sain, masque la réalité. Car le mystère que nous portons en nous, l'être profond que nous sommes est au-delà de toute pensée, de toute imagination. Tout vouloir comprendre, tout vouloir saisir fait obstacle à l'épanouissement de cette trinité intérieure (corps, psyché, moi profond), au mouvement d'amour que nous portons en nous. Personne ne peut se vanter, si théologien soit-il, de posséder la vérité. Chacun doit faire en lui le vide pour pouvoir descendre profondément et rencontrer la vérité qui l'habite. En pratiquant cette méthode, j'ai réalisé à quel point nous pouvions être prisonniers d'idées fausses.

 

Le travail selon Graf Dürckheim : mettre de l'ordre en soi.

Comment parvenir à quitter tout, à se libérer ?

Trop souvent, nous vivons très mal dans notre corps et il le manifeste par de multiples symptômes, parce qu'il est en désordre.

Graf Dürckheim avait l'art de remettre de l'ordre dans le corps ; il savait faire comprendre à ceux qui vivaient trop dans leur tête ou dans leurs émotions comment on peut vivre autrement en remettant tout en ordre. Nous sommes beaucoup trop souvent éclatés, émiettés, sans rien qui fasse le lien entre nos émotions et notre mental. Et, avec l'ordre, revient la santé. Graf Dürckheim n'était pas un guérisseur et pourtant, ceux qui suivaient ses conseils étaient guéris.

Remettre tout en place, c'est quitter ses pensées, libérer le plexus où les émotions sont bloquées, c'est petit à petit apprendre à respirer et, avec le souffle, descendre de plus en plus profondément en soi. C'est ne plus chercher à extérioriser ou à refouler mais à rassembler ce qui est dispersé et à unifier ce qui est éclaté afin de pouvoir être tout entier dans ce que nous faisons et ce que nous vivons.

 

soleil dans les arbresRelations à la terre et au ciel : trouver la verticalité.

Or, il n'est pas facile à l'humain que nous sommes de vivre parce que nous sommes à la fois de la terre et du ciel. Vivre dans ce monde terrestre auquel nous sommes reliés par tous nos sens et savoir en même temps que nous portons au fond de nous-mêmes l'espoir d'un monde aussi réel puisque nous y aspirons, n'est pas simple car ces deux réalités apparaissent souvent contradictoires.

Et d'ailleurs, même la relation à la terre n'est plus habituelle pour des millions d'hommes et de femmes qui ont quitté la campagne pour les villes. J'ai la chance d'avoir gardé ce sens de la terre car je suis d'origine rurale, mais la dimension verticale qui m'ouvre au ciel m'est indispensable pour trouver l'équilibre et la stabilité dont j'ai besoin pour vivre. En l'absence de cette verticalité qui est le moyen d'être là, présent et vigilant, le risque est grand de se laisser entraîner, ce qui est pire, écraser quand advient l'adversité.

 

Accueillir ce qui vient de l'inconscient, trouver l'énergie qui vient du fond.

Par le zen on devient capable d'accepter non seulement ce qui est extérieur à nous, mais aussi ce qui émerge de l'inconscient, sans s'y identifier ni le rejeter.

Nous sommes autres que nos malaises, nous sommes au-delà du malaise et nous pouvons nous en détacher. C'est en descendant tout au fond de notre être que nous pouvons trouver l'énergie dont nous avons besoin. Elle est là trop souvent coincée ; si nous pouvons la libérer, des trésors se révéleront. Nous n'avons malheureusement pas été éduqués à connaître, et à développer cette énergie.

Je reviens d'un monastère zen du Japon où durant un mois beaucoup de jeunes dorment à peine trois heures par nuit, travaillent toute la journée, mangent peu mais ne sont pas fatigués parce qu'ils ont développé une énergie considérable. Là sont nos potentialités : toutes les richesses qui dorment en nous ne demandent qu'à s'exprimer ; les exprimer c'est créer.

 

L'éveil dans la spiritualité zen.

Le zen n'apprend pas seulement à lâcher prise, à prendre du recul. Il est un facteur d'éveil, il développe la vigilance, la présence à soi et à l'autre. La force intérieure, la confiance en soi est telle que la certitude de pouvoir faire face à tout dans l'avenir permet de vivre pleinement le présent et d'être prêt à répondre immédiatement à n'importe quelle demande.

Quand je vis dans la communauté des moines zen, je n'ai pas besoin de parler de l'état dans lequel je suis, ils le sentent, ils le savent et s'expriment en peu de mots toujours justes, toujours directs, parfois durs mais sans l'ombre d'un jugement. Pratiquer cette spiritualité, c'est cheminer dans le silence intérieur, chacun acceptant l'autre tel qu'il est, chacun épaulant l'autre pour pouvoir avancer à ses côtés.

Malheureusement, nous, les Occidentaux, sommes très marquées par notre société de consommation qui développe le bien-être matériel et tient à garder ses privilèges. Or, garder pour soi sans donner, c'est laisser pourrir.

J'ai beaucoup appris avec eux : à lâcher prise, à être présent à ce que je fais, mais tout d'abord à respirer. Je peux maintenant m'abandonner, me donner dans l'expiration et ensuite me recevoir pour m'unifier.

 

La spiritualité chrétienne au bon sens du mot.

main d'argileComme chrétien, j'ai la relation à l'Absolu, la certitude du pardon, la possibilité de recevoir et de donner. Ce que, dans le zen j'ai vécu comme abandon de soi pour trouver l'unification de la personne par la respiration et le silence intérieur, devient l'entrée dans le mouvement de l'amour qui est respiration et se donne totalement. Reconnaître ce courant d'amour, se laisser porter par lui, permet d'entrer dans le mouvement d'amour total de Celui qui est tout don, tout accueil, toute union. De l'abandon à cet amour absolu naît la possibilité de recevoir, de se laisser habiter par l'amour pour s'unir à lui, de rendre grâce, de faire appel si besoin en est, de se créer en construisant sa vie en fonction de ce que l'on croit, et, enfin, de se donner à son tour. Car, ô merveille, quelles que soient nos petitesses, nos faiblesses, nos erreurs, nous bénéficions à tout instant d'un pardon, d'une miséricorde infinie. Il nous est donc possible de continuer sans cesse à nous créer sans limite.

Plus grande est la sensibilité, plus les désirs et les aspirations sont multiples et contradictoires, plus le désordre et le chaos s'amplifient et moins le corps peut être en bonne santé. Descendre dans son être profond, se libérer des trop nombreux désirs pour privilégier l'unique désir qui est l'amour, partager cet amour avec d'autres remédie au chaos et crée l'ordre.

 

L'expérience que j'ai vécue montre à quel point spiritualités orientales et occidentales peuvent être complémentaires. Cela m'a permis de comprendre que descendre au plus profond de soi c'est s'ouvrir à cette dimension infinie de lumière et d'amour que chacun de nous porte en soi quel que soit l'état de sa santé physique, physiologique ou psychologique. C'est trouver son unité, sa vérité, sa liberté. C'est se situer à sa juste place. C'est atteindre à la sérénité, ressentir une joie qui déborde du cœur pour rejaillir sur l'autre. C'est à la fois se créer soi-même et aider l'autre à se créer pour que se construise un monde nouveau, qui répondrait à nos aspirations profondes.



[1] En 1985, Geneviève Goreux-Marois a créé l'association "Spasmophilie et sérénité", qui est à ce jour la seule association de patients s'intéressant à cette affection en France

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