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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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25 mars 2019

"La Voie du zen, chemin de vie spirituelle", par Ryô-san, moine zen du Japon, en présence de moines de St-Benoît, 2018

Ce témoignage de Ryôsan fait suite à celui de frère Étienne, le père abbé de l'abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Il nous donne rapidement sa conviction de base : « Une religion tend la main à une personne souffrante pour l’aider » et explique en quoi le moine zen tend la main vers les autres, en étant fidèle en cela au Bouddha Shakyamuni.

Ryôsan en sesshin à Saint-gervais, centre AssiseCe témoignage a eu lieu à l'abbaye de Fleury lors d'une réunion où les moines de la communauté avaient été conviés, donc en présence d'une grande partie de ces moines bénédictins. Était présent aussi le groupe du centre Assise qui était à l'origine de cette rencontre inter-monastique. La rencontre faisait suite à un sesshin zen de 7 jours animé par Ryô-san à Saint-Gervais (Val d'Oise) mandaté pour cela par Eizan Rôshi, responsable du Ryutaku-ji.

Yuko Murakami, japonaise, était présente lors de cette intervention et c'est sa traduction orale qui figure ici.

Tout à la fin figure une photo de Miroku Bosatsu, le Bouddha du futur, suivie du mot de Eizan Rôshi écrit en japonais lors du sesshin de 2002 à Saint-Gervais, ce mot figurant au dos d'une carte postale représentant Miroku Bosatsu : "Faire zazen et devenir ce visage".

 Les messages consacrés à ces rencontres :

 

 

La Voie du zen, chemin de vie spirituelle

 

Bonjour à tous.

 

Je suis très honoré d’avoir été invité cette année encore au monastère Saint-Benoit. Je vous remercie de votre présence.

 Conformément à la demande que j’ai reçue, je vais parler aujourd’hui avec le thème « La voie de zen, chemin de vie spirituelle pour le monde d’aujourd’hui »

 Mais avant de commencer, j’aimerais que vous sachiez que tout ce dont je vais parler aujourd’hui, je vais vous le présenter en tant qu’un simple pratiquant de l’école zen, que cela ne représente pas l’intégralité du zen rinzaï.

 Pour commencer, j’aimerais vous expliquer rapidement ce qu’est le zen. À l’origine, le zen est une école du bouddhisme, basé sur les enseignements du Bouddha Shakyamuni. Mais ces derniers temps, le terme « zen » est utilisé comme une catégorie d’art, ou un mode de vie, ou encore le nom d’un restaurant de sushi ou de nouilles, de manière très éloignée d’une religion.

 Pour cette raison, pour vous aider à comprendre le zen avec justesse, je vais parler de l’histoire de celui-ci. Mais avant tout, j’aimerais que vous sachiez ma position par rapport à toutes sortes de religions : je pense qu’il n’existe aucune supériorité ni infériorité dans les différentes religions existantes. 

 

Une religion tend la main à une personne souffrante pour l’aider. Si la personne parvient à transcender sa souffrance grâce à celle-ci, elle est libre d’avoir foi en la religion de son choix. Je vous demande à l’avance de me pardonner si jamais je dis quelque chose de mal poli à cause de mon manque de connaissances sur le catholicisme.

 

C’est un Indien du Ve siècle environ avant Jésus-Christ, que nous appelons Shakyamuni, qui a prêché l’importance de mieux se connaître au moyen de la méditation. Il réfléchissait pour savoir de quelle façon l’humanité pourrait transcender les illusions, ou en d’autres termes les différents attachements.

Il existe différentes causes qui donnent des attachements aux êtres humains, et les disciples de Shakyamuni qui ont réalisé plus tard le recueil des enseignements du Bouddha, ont résumé ces causes en 8 catégories : les souffrances dues à la naissance, au vieillissement, à la maladie, à la mort, à la séparation des êtres chers, à la rencontre qui oblige de faire face à un être ou à un événement que l’on n'aime pas, au fait de ne pas obtenir que l’on souhaite obtenir, à l’incapacité de maîtriser les 5 sens et les sentiments.

Afin de trouver le moyen de se débarrasser des souffrances, Shakyamuni quitta la vie laïque et commença la pratique.

En Inde antique, il existait diverses philosophies et religions. Dans ce contexte Alara Kalama représentait l’autorité dans le monde philosophique et spirituel. Shakyamuni effectua les entraînements ascétiques durant 6 ans auprès de ce maître spirituel. Mais il ne parvint pas à maîtriser les attachements et les souffrances. Ainsi commença-t-il à méditer calmement au pied d’un arbre au bord d’une rivière. Il prit conscience que c'était une erreur d’essayer de contrôler ses attachements au moyen des entraînements ascétiques.

Le bouddhisme a commencé avec l’éveil de Shakyamuni qui saisit le fait que les humains formaient l’unité avec le ciel, la terre et tous les êtres de cet univers.

 

L’école bouddhiste zen est née en Chine environ 1000 ans après le décès de Shakyamuni. Même si elle est née en Chine, cela ne change en rien qu’elle est basée sur l’éveil de Shakyanumi. Simplement, elle est née en Chine en subissant les influences du Taoïsme et du Confucianisme. Elle a donné naissance à de nombreux maîtres ayant atteint le même éveil que Shakyamuni. C’est ainsi qu’elle est devenue l'école bouddhiste zen telle qu’elle est aujourd’hui.

 

Calligraphie Genpo Yamamoto Roshi, clarté du zen, à ses 90 ansÀ l’origine, le terme Zen désignait le fait d’offrir la prière au ciel et à la terre. L’interprétation de ce terme a ajouté la signification de « se concentrer » pour donner naissance au zen d’aujourd’hui.

  • Le zen consiste à méditer sur soi
  • Le zen consiste à se concentrer entièrement sur ici et maintenant (et le moi)
  • Le zen apprend le « vacuité » « le non-soi » « la concentration parfaite »
  • Le zen apprend à ne pas s’attacher
  • Le zen aide à prendre conscience que ce monde est rempli de joie et que nous sommes bouddhas.
  • Le zen apprend à éclairer la vie présente avec la lumière de la gratitude.
  • Le zen apprend à se libérer de toutes sortes d’illusions ou d'attachements.

Comme vous voyez, il est difficile de parler du zen avec juste quelques mots. En tous cas, j’espère que vous avez compris qu’il ne s’agit pas du nom d’un restaurant. L’objectif du Zen est de prendre conscience de son soi véritable. Nous réalisons zazen pour méditer sur soi et trouver notre soi pur.

 

*   *   *

 

L’année dernière, je vous ai parlé de la vie au monastère Zen. Je vous ai dit que pour les moines zen, leur vie entière était la pratique jusqu’à leur dernier instant.

 Mais on peut dire que c’est pareil pour les gens qui vivent dans le monde d’aujourd’hui.

 Depuis la naissance jusqu’à la mort, combien de personnes n’ont jamais de souffrance dans la vie quotidienne. Chacun vit des angoisses et des difficultés dans la vie de tous les jours et continue à vivre chaque jour en essayant de les supporter. Nous pourrons même appeler cela une pratique ascétique. Surtout ces dernières années, je pense ainsi assez fréquemment.

 

Au Japon, les gens ont tendance à penser qu’il est important d’entrer dans une bonne université et de trouver un bon emploi stable. Et pour réaliser cela, les enfants commencent jeunes à s’y préparer, en fréquentant même une école spéciale pour réussir les concours d’entrée à l’université, en dehors des études scolaires au collège ou au lycée. Mais alors, qu’est-ce qui se passe pour ceux qui ont échoué à ces concours ? Le cursus à l’université est de 4 ans. Mais au bout de 2 ans, les jeunes commencent à chercher un emploi. Qu’est-ce qui se passe pour ceux qui n’arrivent pas à trouver l'emploi stable qu’ils souhaitent ? Ils doivent se sentir vraiment malheureux tout en étant encore jeunes.

J’ai entendu dire qu’il y a des jeunes qui ont fini leurs études dans une des meilleures universités, et qui ont réussi à entrer dans une des soi-disant meilleures entreprises, mais qui, sans même y passer un an, ont fini par mettre fin à leur propre vie.

 Par ailleurs, avec l’âge, il y a de plus en plus de choses que nous n’arrivons plus à faire ; nous perdons de plus en plus la souplesse dans la manière de penser ou d’interpréter les événements. Dans ce contexte, c’est de la souffrance qui apparait dans le cœur.

 

Il y a quelques temps, une personne m’a dit qu’à partir du moment où il y a un service de psychiatrie dans la médecine, les moines sont perdants dans le sens où leurs rôles ont été pris par celui-ci. Bien évidemment, les deux ne sont pas en concurrence et cela n’a pas de sens de dire qui est gagnant et qui est perdant.

 

Cela dit, le Japon est un pays où la croyance est libre bon gré mal gré, et les gens ont tendance à perdre l’appui sur lequel ils peuvent compter.

Dans la société moderne, nombreux sont ceux qui ont du mal à trouver, non seulement un appui, mais aussi leur vrai soi. Envahis ainsi par l’angoisse, ils ont tendance à être contrôlés par leurs propres désirs. On ne peut pas nier le manque de force pour supporter et transcender les souffrances.

 

Je pense que la contribution du zen pour les gens vivant dans le monde d’aujourd’hui se trouve dans la possibilité d’apporter des soutiens moraux. Même s’ils ne parviennent pas à aller jusqu’à trouver leur soi véritable, ils pourront au moins continuer la méditation pour apaiser le cœur. S’ils arrivent à la continuer, elle pourra leur servir d’appui et leur donnera une clé leur permettant de construire une paix intérieure.

 Et si chacun peut garder la paix intérieure, cela évitera les conflits. Son entourage, et même la société va trouver la paix. Cela pourra même contribuer à établir la paix dans le monde.

 

Mais au Japon, il y a une vingtaine d’année, une nouvelle secte religieuse a fait un crime qu’il ne fallait pas. Cela a détruit la notion de religion et beaucoup ont une image négative contre la religion en général. Dans ce monde moderne, alors que le manque de force pour supporter et transcender les souffrances fait ressentir l’importance de la religion, le thème important du bouddhisme japonais serait de savoir comment accueillir ces gens qui se sentent perdus.

 

Je me permets de finir mes paroles avec un souhait personnel : personnellement, je pense que le zen n’a pas forcément besoin d’être une religion. J’ai eu cette pensée en fréquentant les pratiquants du Centre Assise. Tant mieux si le zen peut apporter ne serait-ce qu’un peu de soutien à des personnes qui ont de la peine ou des difficultés. Pour cela aussi, je continuerai ma pratique de zen avec assiduité.

 

Je vous remercie de votre attention.

 

Ryô-san,

Moine zen du Ryutaku-ji

 

Miroku Bosatsu, Japon

Eizan, Faire zazen et devenir ce visage

 

 

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