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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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1 mai 2019

Jamais deux sans trois, "Veni Sancte Spiritus" et "Veni Creator Spiritus", conférence n° 2, Jean Marchal, 1991

A partir de ce que nous avons essayé de voir la dernière fois – le sens du Trois, la présence du Grand Troisième dans tout l'univers –, nous allons voir le sens extraordinaire des deux Upanishads chrétiennes, deux hymnes que l'on récite le jour de la Pentecôte : le Veni Sancte Spiritus – nous le prendrons en version originale parce qu'il y a le sens numérique et la vibration latine –, puis le Veni Creator. Dans la tradition chrétienne, il y a des trésors que nous avons complètement oubliés, négligés et massacrés.

Une première version du Veni Sancte Spiritus (traduction d'un vieux missel figure au début de l'étude, puis Jean Marchal donne sa propre traduction qui est résumé à la fin dans une nouvelle photo. En fin de message figure une bibliographie de Jean Marchal.

Lien vers la conférence précédente où est présenté Jean Marchal : Jamais deux sans trois, L'Esprit comme Grand Troisième, conférence n°1 de Jean MARCHAL au centre Assise en 1991.

 

Le Veni Sancte Spiritus et le Veni Creator Spiritus

 

La dernière fois j'ai développé le thème du Grand Troisième dans la triple personnalité divine, et aussi, troisième de toute relation dans l'univers. Rien, dans l'univers, ne se fait, ne se tient, ne vit, sans la présence de ce Grand Troisième. C'est ce qu'exprime la formule latine de la messe : « par Lui, avec Lui et en Lui ».

En zazen, quand vous recevez trois coups de keïsaku[1], vous êtes vraiment dans l'énergie du Grand Troisième !

 

I –  Le Veni Sancte Spiritus

 

Il y a dans la liturgie catholique une fête solennelle pour célébrer l'Esprit, le Grand Troisième, c'est la Pentecôte. Elle célèbre la descente de l'Esprit sur le psychisme des apôtres, sous la forme de langues de feu, 50 jours après la résurrection. Au cours de la messe de Pentecôte, on chante un hymne qui s'appelle le Veni Sancte Spiritus dont je vais vous parler. Lui et le Veni Creator sont des prières initiatiques, de véritables Upanishads chrétiennes. Plus on les médite – on peut les méditer tous les jours pendant des années –, plus on pénètre dans la dimension infinie de l'Esprit. Tout est agencé, calculé avec une science dont nous avons perdu les arcanes. Je voudrais vous en montrer quelques aspects. Tout d'abord, quelques mots historiques.

 

Quel est l'auteur de cet hymne extraordinaire ?

Pour Lanza del Vasto, l'auteur était le roi de France Robert le pieux qui vivait autour de l'an mille, et qui a effectivement écrit des musiques grégoriennes pour un certain nombre de cantiques. Il semble plus plausible que l'auteur de cet hymne soit un évêque anglais, Étienne Langton, sacré archevêque de Cantorbéry en 1206, et exilé deux ans plus tard par Jean sans Terre, alors roi d'Angleterre qui était entré en conflit avec la papauté. Il vient se réfugier en France à l'abbaye de Pontigny pendant cinq ans, de 1208 à 1213, puis rentre en Angleterre où il vit une quinzaine d'années pendant lesquelles il a une activité considérable.

Cet homme était manifestement un initié d'une initiation chrétienne qui existait encore à l'époque et dont tout le courant de la mystique rhénane témoignera par la suite. C'était un théologien célèbre et un exégète. Il est l'auteur de la division de la Bible en chapitres. C'était un prédicateur renommé et il a joué un rôle politique important en Angleterre après son retour en 1213 : d'une part il a contribué à l'élaboration de la "Magna Carta" (la Grande Charte) qui est à l'origine de la démocratie en Angleterre, et d'autre part il a œuvré avec succès pour la réconciliation de la royauté anglaise et de la papauté.

 

La structure numérique et la structure vibratoire du Veni Sancte Spiritus.

Avant d'entrer dans l'essence même du texte, je voudrais vous dire quelque chose de très important sur la structure numérique et sur la structure vibratoire de ce texte. En effet, dans toutes les traditions, un texte sacré n'est jamais élaboré n'importe comment. Sa rédaction obéit à une science subtile qui est perdue de nos jours : d'une part, science du sens symbolique des nombres, et d'autre part, utilisation des vibrations fondamentales, et notamment de la vibration AUM tellement importante en Inde mais aussi dans le christianisme.

 

La structure numérique de cet hymne est basée sur le Trois et le Sept.

Le Trois est porteur de l'énergie de l'Esprit, et on le retrouve partout, y compris dans un certain nombre d'œuvres d'art. Le Trois, troisième personne de la Trinité, troisième terme de toute relation, soutient tout l'univers. Cette énergie du Grand Troisième est celle par laquelle le Divin se manifeste à l'homme, et par laquelle l'homme peut retourner à la conscience du Divin.

 

Comment se manifeste la présence du Trois dans cet hymne du Veni Sancte Spiritus ?

Je vous ai cité, la dernière fois, la définition de la Sainte Trinité de saint Thomas d'Aquin :

   Deus est relatio           Dieu est relation
   Non autem relativa     non pas relation relative,
   Quia non mutabilis     c'est-à-dire relation absolue.

L'hymne du Veni Sancte Spiritus est construit de la même façon par dix groupes de trois vers (10 = 7 + 3 = 3 + 7).

Le Sept est aussi étroitement lié à l'Esprit que l'est le Trois.

Nous avons vu que le Trois est le signe de l'énergie de l'Esprit telle qu'elle se manifeste dans la Divinité, dans la Sainte Trinité : à partir du moment où l'Absolu se manifeste dans la création, il se trinitise, et cet infini divin s'exprime par la sagesse infinie du Père, par la toute-puissance du Verbe créateur qu'est le Fils, et par l'amour infini de l'Esprit. Cet Esprit-amour va se manifester partout dans l'univers, et c'est cette énergie du Trois qui tient chaque élément de l'univers ensemble. Le Trois est l'énergie divine qui descend dans la manifestation et qui traverse tout le niveau de la manifestation : il se réfléchit et se manifeste à chaque niveau par le Sept, lequel suppose le temps pour s'exprimer. Le Sept s'exprime à travers le temps et la durée.

Dans l'Apocalypse, les 20 premiers chapitres sont entièrement structurés par le Sept et décrivent des séries de phénomènes qui sont tous des séries de sept : les 7 trompettes, les 7 coupes, les 7 chandeliers, les 7 étoiles… Toutes les catastrophes des 20 premiers chapitres sont des séries de Sept qui se développent, où le premier élément de la série, dans le temps, engendre le deuxième qui engendre le troisième… jusqu'au septième qui est le dernier de la série. Curieusement, le Sept disparaît dans les deux derniers chapitres de l'Apocalypse qui sont consacrés à un monde nouveau inimaginable, où le temps et l'espace ne sont plus ce que nous connaissons. Là, le Sept disparaît (7 = 3 + 4) et tout ce monde est structurée par le 12 c'est-à-dire 3 × 4, le quatre étant le nombre de la manifestation de la nature.

 

Comment jouent le Sept et le Trois dans cet hymne ?

Je vous l'ai dit, il y a dix strophes avec  10 = 7 + 3. Mais 10 c'est "1 et 0", cela ramène à l'unité : c'est un hymne dont la méditation ramène à l'unité intérieure par une science que nous avons complètement perdue, mais qu'il nous est possible de retrouver par la méditation.

Chaque strophe est faite de trois lignes, chaque ligne ayant sept pieds.

L'hymne se conclut par "Amen, Alléluia", c'est-à-dire sept syllabes.

Voici le texte latin avec une traduction ancienne trouvée dans un missel[2].

Veni Sancte Spiritus, vieux missel

Il y a interaction du Trois et du Sept dans toute la structure numérique de l'œuvre. Indépendamment même du sensationnel donné par les mots, la structure numérique vous donne déjà l'essentiel du sens, tout le jeu de l'Esprit dans le Trois par le Sept.

 

Parenthèse.

Je voudrais faire une parenthèse à propos du Trois et du Sept pour vous montrer que c'est une chose qui est utilisée depuis toujours, c'est une science qui vient de très loin, probablement des hébreux.

Le premier verset de la Genèse comprend en hébreu 28 lettres. Dans la kabbale, à chaque lettre est attaché un nombre, c'est ce qu'on appelle la guématrie. On distingue

  • la guématrie ordinale où la première lettre est 1, la deuxième 2… jusqu'à la 22e lettre.
  • la guématrie décimale, dans laquelle on va d'abord jusqu'à 10, la 11e lettre étant 100…

En guématrie décimale, le total des lettres de ce premier verset de la Genèse donne 2701, nombre qui n'est divisible que par 37 et 73, c'est-à-dire que c'est le produit de 37 et de 73 : sept et trois, trois et sept !

Dans ce premier verset de la Genèse, la structure numérique donne encore un jeu complexe d'interaction du Trois et du Sept : la création du monde résulte de l'interaction du Trois du Sept. Boris Mouraviev dit que toute la création résulte de deux lois : la loi du Trois et la loi du Sept.

Par ailleurs, si vous faites l'addition des chiffres qui constituent 2701, vous obtenez 10 dont la somme des chiffres fait 1.

On sait aussi que, dans la guématrie ordinale et dans la guématrie décimale,  37 et 73 sont les deux nombres du mot "sagesse".

L'utilisation des nombres joue un rôle fondamental dans toutes les liturgies, dans l'élaboration des textes sacrés, des musiques sacrées, de tous les arts sacrés.

 

Le Veni Sancte Spiritus a une structure vibratoire entièrement basée sur le UM latin, celui-ci ayant la même structure vibratoire que le AUM, monosyllabe de trois lettres qui, chez les hindous, crée l'univers – vibration créatrice, expression même de l'Esprit.

Chaque strophe se termine pas UM, ce qui fait 10 UM, et on trouve 12 autres occurrences du UM dans le corps du texte, ce qui fait 22, autant que de lettres hébraïques.

La célébration du M est fondamentale. Une cloche, ou un bol tibétain déclenche une vibration qui s'atténue peu à peu, et il est impossible de dire quand elle s'éteint : c'est une extinction progressive qui se perd dans le silence. Vous avez un son qui, par son extinction progressive, amène l'esprit dans le silence, et c'est exactement ce que fait la vibration M.

Le génie des Chinois est d'avoir réalisé la même chose dans le domaine visuel. Toute la peinture chinoise est basée là-dessus : il faut que le trait de pinceau soit interrompu, mais sans rupture, de sorte que, là où le pinceau s'arrête, l'esprit continue. Sur une peinture chinoise à l'encre, on voit des traits de peintures qui vont du noir le plus sombre au gris le plus ténu pour finalement se perdre dans le vide qui constitue l'essentiel de la peinture.

Là où le pinceau s'arrête, l'esprit continue ; là où le son de la cloche s'arrête, l'esprit continue : il s'agit toujours de passer du manifesté au non-manifesté, du son (ou du trait de pinceau) au silence. C'est le rôle du M d'où l'extrême importance du M dans tous les mantras hindous.

Dans la liturgie latine, vous le trouvez partout.

Les deux mots fondamentaux de l'islam : islam et salam, soumission et paix… AM.

Et le premier mot de tout être humain est "maman".

 

Première strophe.

  Veni, Sancte Spiritus,             Viens, Esprit Saint
   Et emitte caelitus                    Et envoie du ciel
   Lucis tuae radium.                 Un rayon de ta lumière.

Annonciation de RoublevCaelitus (le ciel) n'est pas le ciel géographique, c'est le ciel intérieur, c'est l'Être en chacun de nous, et c'est de là que jaillit la lumière spirituelle, lumière incréée qui est la source de toute lumière créée. La lumière est le symbole de l'Esprit.

Dans l'icône de l'Annonciation, la fécondation de la Vierge par l'Esprit au moment de l'Annonciation est symbolisée par le triple rayon lumineux, la lumière de l'Esprit venant susciter la conception par la Vierge de l'incarnation du Verbe.

Sur le fragment de vitrail de Décorchemont représentant la Nativité dans l'église de Sainte-Marthe, le Christ, la Vierge et saint Joseph sont dans la lumière de l'Esprit irradiée par l'étoile.

La lumière de l'Esprit est une lumière transformatrice, qui vise à transformer notre opacité en transparence. La fête de la Pentecôte, c'est cela. Jusqu'à la Pentecôte, les apôtres restent dans une certaine opacité par rapport à la lumière de l'enseignement du Christ : il y a eu la trahison de saint Pierre, l'endormissement des apôtres au moment de la Passion. Apparemment, les apôtres ne sont pas à la hauteur de la mission qui leur incombe jusqu'au moment où, à la Pentecôte, cinquante jours après la résurrection, la lumière de l'Esprit descend sur eux.

Dans l'iconographie, on voit la lumière descendre sur les apôtres à deux reprises :

– À la Transfiguration, moment où le Christ manifeste la lumière de l'esprit qui irradie, et où les apôtres, dans leur opacité, sont incapables de le recevoir – ce qui est notre condition habituelle – ils doivent donc cacher leurs yeux pour ne pas être aveuglés par cette lumière.

– À la Pentecôte, cette lumière descend sur les apôtres sous la forme de flammes : tout d'un coup, c'est l'illumination, et les apôtres peuvent transmettre le message de l'Esprit de façon à ce que chacun le comprenne.

Donc cette lumière de l'Esprit est une lumière transformatrice qui transforme notre opacité en transparence.

Sur le vitrail du chœur de la cathédrale de Troyes représentant l'histoire de saint Jean l'évangéliste, on voit saint Jean torturé, baignant dans une cuve d'eau bouillante ; il surmonte cette épreuve et survit. Ce feu a été transformant, transfigurant, de sorte que saint Jean mourra plus tard baigné dans la lumière de l'Esprit.

 

Deuxième strophe.

    Veni, pater pauperum,            Viens, père des pauvres
    Veni, dator munerum              Viens, dispensateur des dons
    Veni, lumen cordium.              Viens, lumière des cœurs.

Remarquons d'abord la triple répétition du Veni.

Pauperum : il ne s'agit pas seulement de la pauvreté matérielle. Les richesses qui nous encombrent ne sont pas seulement les pièces contenues dans le porte-monnaie. Pour nous, hommes modernes, notre richesse est un encombrement de notions, de certitudes, d'opinions qui s'affrontent. Les préjugés, les savoirs concernent la science de la matière, mais ils sont finalement, devant l'Esprit, de faux savoirs. L'Esprit est le père des pauvres, de ceux qui ont su s'appauvrir de tout ce qui encombre leur mental.

 

église d'Etrepagny, vitrail de DécorchemontLumen cordium : le siège de la lumière est le cœur, le cœur étant le réceptacle de la lumière de l'Esprit. Le siècle que l'on a appelé "siècle des lumières" – le XVIIIe siècle, celui de la rationalité – a été marqué par un obscurcissement considérable de la capacité de l'esprit humain à recevoir l'Esprit divin. C'était le triomphe de la rationalité en philosophie, en politique, en sociologie… Or c'est en 1675 que le Sacré-Cœur s'est manifesté à une religieuse visitandine, Marguerite-Marie Alacoque : pendant plusieurs années, elle eut des apparitions, d'abord dans le noisetier du couvent, ensuite dans la chapelle. Autrement dit, c'est au moment où la lumière de l'esprit va s'obscurcir de plus en plus, à travers le développement d'une civilisation purement rationnelle, que la lumière de l'Esprit apparaît et se manifeste au monde. Le Christ a demandé à Marguerite-Marie de faire instituer une fête universelle du Sacré-Cœur. Le problème est que cette manifestation de la lumière spirituelle au moment de son étouffement par la lumière rationnelle a donné lieu à un art sulpicien qui fait que le Sacré-Cœur est tenu en désuétude.

Mais un vitrail réalisé par le maître verrier Décorchemont dans l'église d'Étrepagny, près des Andelys montre le Sacré-Cœur entre sainte Thérèse de l'enfant Jésus et la Vierge avec l'enfant, le tout entre deux archanges. Ce n'est plus du tout l'imagerie sulpicienne. D'une part le cœur est au centre, c'est le centre de l'être, et d'autre part, il rayonne de la lumière spirituelle dans une attitude de paix et de silence intérieur.

Un autre vitrail réalisé par Décorchemont pour l'église d'Acquigny en Normandie montre l'apparition du Sacré-Cœur à la religieuse visitandine à genoux, et sur le vitrail est écrite la phrase prononcée par le Christ au moment de la manifestation de cette lumière spirituelle dans le cœur : « Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes. »

 

Troisième strophe.

   Consolator optime,                 Excellent consolateur,
   Dulcis hospes animae,            Hôte chéri de l'âme
   Dulce refrigerium.                   Doux bonheur éternel.

Consolator signifie "celui qui réconforte", c'est-à-dire celui qui donne la force de tenir dans l'adversité.

Refrigerium se traduit par "rafraîchissement" mais le vrai sens est "bonheur éternel" ou "bonheur non-dépendant". C'est l'exact équivalent du ananda hindou qui signifie "béatitude". Ce bonheur non-dépendant est exactement le contraire de ce que nous appelons le bonheur et qui est un bonheur dépendant : nous appelons "bonheur" le fait d'être uni à ce que nous aimons ou séparé de ce que nous n'aimons pas. Si une douleur que nous n'aimons pas disparaît avec un comprimé d'aspirine, c'est presque le bonheur, et de même, si vous gagnez le gros lot à la loterie ! Ce bonheur est totalement dépendant des événements, et il est anéanti dès que des événements contraires arrivent. Le bonheur refrigerium est le bonheur non-dépendant des circonstances extérieures, c'est-à-dire ce bonheur qui est au centre du cœur et que nous pouvons trouver en retournant par la méditation et le silence à cette lumière du cœur qui est en nous.

 

Quatrième strophe.

   In labore requies,                    Repos dans le travail,
   In aestu temperies,                  Immobilité dans le flux et le reflux
   In fletu solatium.                      Consolation dans les larmes

 

Miroku Bosatsu, Koryuji TempleIn labore requies (repos dans le travail) : c'est toute la métaphysique chinoise. L'artisan suprême, pour les Chinois, est ce qu'ils appellent "l'action non-agissante". "Repos dans le travail" pourrait être traduit par "repos dans l'action". L'Esprit est ce qui permet l'action et ce qui reste totalement immobile, immutabilis. Ce qui fait le sage est la possibilité d'agir tout en restant parfaitement serein et non affecté.

Certains phénomènes historiques ou chimiques expriment parfaitement cela. Voici un exemple : en chimie un catalyseur est un métal ou un métalloïde qui, à l'état de trace, permet à une réaction chimique de se faire. Les deux termes de la réaction changent, mais le catalyseur reste immuable : il est intervenu dans la réaction par sa seule présence, sans interférer dans cette réaction. C'est la marque même de l'Esprit dans la réaction chimique.

En médecine, les catalyseurs s'appellent les oligo-éléments (éléments métalliques à base de trace) : au lieu de donner des médicaments qui écrasent les microbes et provoquent des dégâts dans l'organisme, les oligo-éléments permettent aux réactions immunitaires de se faire de façon beaucoup plus rapide et plus efficace[3].

Cette action non-agissante est l'action de l'Esprit dans toute manifestation. Dans tout travail, l'Esprit est là, tout se fait « par Lui, avec Lui et en Lui », Lui étant non-agissant.

Il y a une phrase d'un philosophe chinois qui dit : « Par le non-agir, il n'y a rien qui ne puisse être accompli. »

L'action suprême est l'action de l'Esprit non-agissante.

Il y a deux images qui illustrent cela :

– le penseur de Rodin représente un homme complètement submergé par son angoisse, son émotion et sa pensée, et dont toute la masse musculaire, du cou aux pieds est une masse de muscles contractés, tendus ;

– le bodhisattva Miroku est dans la même attitude, mais avec un visage complètement détendu, une sérénité propice à la méditation ; il est exactement l'image de l'action non-agissante alors que le penseur de Rodin est l'image de l'action crispée.

In aestu tempories pourrait être traduit par "stabilité du sentiment au milieu de l'agitation des émotions". Il y a une image de Bouddha dans l'attitude que l'on appelle "absence de crainte". Elle fait référence à un épisode de la vie du Bouddha qu'on retrouve trait pour trait dans la vie du Christ : le Bouddha a calmé une tempête. La tempête en nous c'est le flux et le reflux des émotions, et le rôle de l'Esprit est de nous amener à la stabilité et à la sérénité qui calme les émotions.

Un vitrail de l'église d'Étrepagny représente l'Ascension du Christ dans le même geste d'absence de crainte que celui du Bouddha.

Sur le tympan de la cathédrale de Bourges, le Christ du jugement dernier est dans la même attitude d'absence de crainte.

In fletu solatium. Quand on est dans cette action non agissante, quand on est dans ce calme des émotions, il n'y a plus de larme, il n'y a plus de douleur, il n'y a plus de souffrance.

 

Cinquième strophe.

   O lux beatissima,                    Ô lumière bienheureuse
   Reple cordis intima                 Remplis le cœur de tes fidèles
   Tuorum fidelium.                    Au plus intime.

 

Sixième strophe.

   Sine tuo numine,                    Sans ton numen (ta présence numineuse),
   Nihil est in homine,                 Il n'y a rien dans l'homme
   Nihil est innoxium.                  qui ne soit innocent.

Innoxium qui est traduit par "innocent" serait plutôt "qui n'engendre pas de réaction négative". La nocivité d'une action est celle qui engendre un karma, un choc en retour désastreux. Innoxium est ce qui n'engendre pas de karma, c'est le propre de l'action du sage.

Nihil innoxium : rien n'est innocent, aucune action entreprise ne sera sans répercussion karmique.

Le numen est la manifestation de l'Esprit dans toute chose. Sans ce numen de l'Esprit, l'homme n'est plus un homme, c'est la nature animale qui prend le dessus

 

Septième strophe.

   Lava quod est sordidum,        Nettoie ce qui est taché,
   Riga quod est aridum,            Irrigue ce qui est aride
   Sana quod est saucium.          Guéris ce qui est blessé.

C'est tout le sens du baptême : l'eau lave la tache originelle, elle guérit le mental souillé et rendu malade par la tache originelle, et elle répare la blessure de la tache originelle.

 

Huitième strophe.

   Flecte quod est rigidum,         Assouplis ce qui est rigide (notre mental)
   Fove quod est frigidum,          Réchauffe ce qui est froid (le cœur qui n'est plus capable d'amour)
   Rege quod est devium.            Redresse ce qui est tordu

 (l'Esprit peut redresser le mental dans le sens de la lumière, du retour au divin)

Dürckheim insistait beaucoup sur la qualité du numineux. Il disait qu'un des rôles de cheminement spirituel est de développer l'organe réceptif au numineux[4].

Qu'est-ce qui rend le cœur réceptif au numineux ? C'est l'absence d'émotion. Dès que le cœur est encombré par les émotions, le numineux n'est plus perceptible, alors que, dès qu'on entre dans une attitude intérieure absente de crainte et d'émotion, on a accès au numen dans le cœur, il est l'essence même du cœur.

Dürckheim disait que quatre domaines font vibrer cet organe :

  • la contemplation de la manifestation de l'Esprit à travers les merveilles de la grande nature : coucher de soleil, clair de lune…
  • les arts sacrés qui sont expressions du numineux.
  • les rituels religieux : les prières, les chants, les rituels qui sont tous, dans une tradition authentique, élaborés avec une science qui peut exprimer au mieux le numineux (structures numériques, structures vibratoires…).
  • l'éros : le sens ultime de la rencontre érotique est la manifestation du numineux. À ce moment-là, l'éros devient non pas le véhicule des pulsions animales, mais celui des aspirations spirituelles. Cela suppose évidemment un cœur purifié.

 

Neuvième strophe.

   Da tuis fidelibus,                    Donne à tes fidèles
   In te confidentibus,                 qui mettent leur confiance en toi
   Sacrum septenarium.              les sept dons du Saint Esprit.

7 sept dons de l'EspritJe vous rappelle les sept dons de l'Esprit qu'on nous enseignait au catéchisme : la sagesse, l'intelligence, le conseil, la force, la science, la piété, la crainte de Dieu.

La sagesse. On pourrait dire que c'est l'accès à une conscience non-dualiste, la possibilité d'accéder à cette conscience de l'infini qui est dans le cœur mais que nous ne percevons pas parce que notre cœur est encombré de pensées et d'émotions, ce qu'on appelle le "mental". La sagesse, c'est la capacité d'entrer dans une conscience non-dualiste, c'est-à-dire affranchie du péché originel, du bien et du mal.

L'intelligence. La langue française est une langue pauvre du point de vue spirituel. En Inde il y a deux mots pour exprimer l'intelligence :

  • la buddhi qui est l'intelligence transcendante, la vision directe du Divin,
  • l'intelligence rationnelle qui manie la logique et la rationalité pour ordonner la nature, éventuellement la dominer, mettre de l'ordre dans nos vies…

Il est bien entendu que l'intelligence, don de l'Esprit, c'est d'abord l'intelligence du Divin. L'icône de saint Jean à Patmos l'exprime superbement. Quand saint Jean a eu la révélation de l'Apocalypse, il a eu la vision directe du Divin, il a mis cette vision en mots et il a dicté à son disciple Prochoros ce qui pouvait en être dit. Cela, c'est l'image de l'intelligence de la tradition.

Une tradition est un ensemble de moyens donnés à l'homme pour commencer la purification du cœur et essayer d'accéder progressivement à cette sagesse, à ce numen du cœur. Toute tradition part d'une vision d'un sage. Dans le christianisme, saint Jean – disciple préféré du Christ – semble avoir été à l'origine d'une lignée initiatique qui a circulé dans tout le christianisme primitif, que l'on voit s'épanouir chez les mystiques rhénans, que l'on voit dans cette prière du Veni Sancte Spiritus, à travers toute une science des sons, des nombres, etc. Cette transmission va se faire ensuite de maître en maître, comme les chaînons d'une chaîne, à travers le temps. L'intelligence d'une tradition est la transmission d'une vision initiale, d'une influence spirituelle qui va féconder les êtres humains capables d'y consacrer leur vie.

Le conseil. C'est une aspiration de l'Esprit qui nous dicte l'attitude juste à avoir en toutes circonstances. Nous avons l'habitude de réagir aux circonstances de la vie en fonction de ce que nous aimons ou de ce que nous n'aimons pas. Le "conseil" nous apprend à agir en fonction de ce que réclame la justice de la situation. Pour entendre cette voix de l'Esprit qui nous dicte l'attitude juste en chaque circonstance de l'existence, il faut évidemment être entré dans un certain silence intérieur, faute de quoi on n'entend rien du tout.

La force. Toute la civilisation japonaise repose sur la culture du lieu de la force en nous, plus exactement du lieu de l'énergie. Celui-ci est en un lieu du ventre situé sous le nombril que les Japonais nomment le hara. Si on regarde bien certaines images représentant le Christ, on peut voir l'accent mis sur le hara par une spirale. Le hara est le lieu de la force. La force a pour but de nous aider à surmonter les épreuves qui s'opposent à la purification du cœur.

La science. La science de la nature est la science physique, mais la science, don de l'Esprit, est la science métaphysique, celle qui vise au-delà de la nature c'est-à-dire qui nous donne la connaissance de ce qui ne se mesure pas, autrement dit, de toute la dimension du divin et de la manifestation du divin. Celle-ci ne se mesure pas et ne tombera jamais sous le coup des instruments scientifiques.

La piété : “c'est voir Dieu en tout  et tout en Dieu”.

Dans le Pèlerinage aux sources, Lanza del Vasto raconte ce qu'il a vu en Inde : « J'ai vu les païens respecter l'insecte et le serpent, sentant, là comme ailleurs, un grand frisson, la présence de Dieu ; j'ai vu les païens s'incliner devant un arbre où, de toute évidence, une âme habite ; j'ai vu les païens se garder de tendre les pieds devant la flamme de peur d'offenser le feu ; j'ai vu les païens honorer leur hôte du seul bol de riz qui fût dans la maison, parce que Dieu lui-même les visitait, habillé en pauvre, comme c'est sa coutume… Ah ! Plût à Dieu qu'ils fussent païens, ces autres à qui rien n'est assez impur et puant qu'ils n'y fourrent le nez, rien assez sacré pour les tenir à l'écart, les touche-à-tout qui fouillent partout, qui retournent tout [la science physique], qui détournent et dégradent tout, qui exploitent tout, les choses comme les hommes, qui tripotent dans le ciel et dans le microbe, qui cassent tout. Comment les nommerai-je, ceux-là ? Des chrétiens ? non. Des païens ? non, hélas. Des renégats. » Il décrit ici le contraire de la piété qui est notre état habituel, et qui est de tout tripoter avec la plus parfaite désinvolture et le plus parfait manque de respect… jusqu'à l'embryon, l'A. D. N. qui est la base de la vie.

La crainte de Dieu : c'est voir la volonté de Dieu dans tout ce qui nous arrive, donc accepter ce qui nous arrive – c'est l'islam –. C'est quelque chose d'extrêmement difficile, et parfois cela semble scandaleux. Ce n'est pas la peur, c'est la soumission à la volonté de Dieu telle qu'elle s'exprime partout dans l'univers et dans nos existences.

 

Dixième strophe.

   Da virtutis meritum,                Donne-leur comme salaire la plénitude de l'état humain
   Da salutis exitum,                    Donne-leur une fin salutaire,
   Da perenne gaudium.               Donne-leur la joie éternelle.

À propos des trois "Da", je voudrais faire remarquer l'importance de la triple répétition dans la liturgie authentique. Ces triples répétitions nous mettent dans l'énergie du Trois de façon sonore.

Virtus, c'est l'ensemble des qualités qui font l'être humain, c'est la plénitude de l'être humain, l'être humain réalisé qui a intégré toutes les vertus.

Meritum : c'est le bien ou le salaire.

Salutis. Pour une chenille, la fin c'est de devenir papillon, et pour l'être humain opaque, la fin c'est de devenir transparent.

Gaudium (la joie). Il y a un autre mot latin laetitia qui signifie aussi la joie mais dans le sens de "bonheur dépendant des circonstances". Laetitia est du genre féminin alors que gaudium, la joie éternelle, est du genre neutre.

En grec, Pneuma (l'Esprit) est du genre neutre, neutre au sens d'absence de flux et du reflux, statique.

 

Fin de l'hymne : Amen, Alléluia.

Venis Sancte Spirituas, traduction J. Marchal

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II – Le Veni Creator Spiritus

 

Pour finir, je voudrais vous citer trois choses sur le Veni Creator (qui fut composé au IXe siècle). C'est un hymne qui n'a pas la même structure numérique ou vibratoire que le précédent. Il comporte sept strophes de quatre vers.

 

Deuxième strophe.

    Qui diceris Paraclitus,              Toi qui es appelé Consolateur,
    Altissimi donum Dei,                 Don du Dieu très-haut,
    Fons vivus, ignis, caritas,          Source de vie, feu, amour
    Et spiritalis unctio.                    Et onction spirituelle.

Spiritualis unctio est traduit par "onction spirituelle" mais la vraie traduction devrait être "influence spirituelle". Dans la transmission initiatique, l'influence spirituelle est une réalité, ce n'est pas une vue de l'esprit, et cette transmission est liée à certains rituels, et surtout à cette purification du cœur dont j'ai parlé.

 

Quatrième strophe.

     Accende lumen sensibus,        Accorde la lumière à nos sens,
     Infunde amorem cordibus,       Infuse l’amour dans nos cœurs
     Infirma nostri corporis             En la faible force de notre corps
     Virtute firmans perpeti             Donnant force pour résister.

Accorde la lumière à nos sens, c'est-à-dire stimule en nous le désir du silence, dont la condition est le retournement des sens du monde extérieur vers la vie intérieure, là où s'irradie la lumière de l'être qui nous anime, et à laquelle nous restons d'ordinaire aveugles.C'est dans ce retournement que peut s'accomplir la demande du second vers : “Remplis d'amour nos cœurs”. Encore faut-il pour cela que notre sensorialité ait été préalablement orientée vers ce but, par le choix d'images, de musiques et autres stimuli sensoriels susceptibles de transmettre une influence spirituelle, et d'acheminer l'âme vers le silence et la contemplation.

 

Cinquième strophe.

    Hostem repellas longius,          Repousse notre ennemi le plus loin possible
    Pacemque dones protinus,        Et donne-nous la paix perpétuelle (la paix du cœur)
    Ductore sic te praevio               De sorte que toi, placé devant,
    Vitemus omne noxium.              Nous évitions tout karma.

Char d'Arjuna, Bhagavad-GitaDuctore, le conducteur, est un symbole fondamental de l'Esprit. Dans le Mahâbhârata, le char d'Arjuna est conduit par Krishna qui est la manifestation de l'Esprit, moyennant quoi, Arjuna est certain de la victoire, dans un esprit non-agissant. Pourquoi ? Parce que c'est l'Esprit (Krishna) qui est placé devant.

Dürckheim a écrit un livre remarquable L'Esprit guide dont le titre dit tout : l'Esprit est le guide de nos vies, il guide la moindre circonstance de nos vies. Reconnaître l'Esprit comme guide, c'est se faciliter considérablement le travail de l'entrée dans la sérénité du cœur.

Je voudrais terminer en vous disant une chose qui va peut-être vous surprendre. Actuellement, il y a une figure qui apparaît souvent dans les rêves des patients, c'est le chauffeur de taxi : dans les images modernes, le chauffeur de taxi correspond au conducteur du char. Quand vous prenez un taxi, vous dites où vous voulez aller à un homme qui connaît le chemin, et vous vous en remettez complètement à lui ; il va peut-être prendre un trajet auquel vous ne vous attendez pas, parce qu'il sait qu'à tel endroit il y a une manifestation, qu'à tel autre il y a une inondation des quais de la Seine… Lui sait par où il faut passer, et il est le symbole de l'Esprit.

Il m'est arrivé, à plusieurs reprises, des aventures extraordinaires avec des chauffeurs de taxi : ils ont été de véritables révélations et étaient des manifestations de l'Esprit. Quand vous aurez des rêves où intervient un chauffeur de taxi, faites attention, parlez-en à quelqu'un qui est apte à vous aider à comprendre votre rêve, ça a toujours un sens spirituel…

 

Veni Creator Spiritus

 

 

ANNEXE : Bibliographie de Jean MARCHAL

Articles dans la Revue Française de Yoga :

  • Le transfert dans la relation médecin-malade et le "maître intérieur" (RFY, n°1, « De maître à disciple », janvier 1990), article déjà publié dans Maître spirituel, maître intérieur, éd de l'Ouvert 1986.
  • Le symbolisme du dos (RFY, n°10, « Flexions et enroulements », juillet 1994, pp. 69-79);
  • Le symbolisme de l’architecture gothique : équilibre et élan vertical (RFY, n°12, « L’étirement postural », 1995)
  • Droite et gauche en médecine chinoise (RFY, n°14, « Postures de flexion latérale », juillet 1996)
  • Symbolisme du cercle (RFY, n°18, « Postures d’extension (I) », juillet 1998)
  • De l’assise profane à l’assise sacrée : l’assise comme symbole (RFY, n° 22, « Postures de l’assise »)
  • Le sens de la vie : un chemin de vie en yoga  (RFY, n° 23, janvier 2001) avec Renata Farah
  • Être des artisans de vie grâce au corps que nous avons et au corps que nous sommes (RFY, n°29, « De la relation corps-esprit », janvier 2004)
  • Quelques aspects du symbolisme de l’axe vertical (RFY, n° 32, « Être debout, marcher »)

 Articles dans des livres collectifs :

  • Le symbolisme de l’eau dans Les Chemins du corps, Assises nationales du yoga 1995, Ed Albin Michel 1996.
  • Hommage dans Mémoire éternelle pour Graf Dürckheim, Ed Dervy-livre 1990.
  • Le processus d'individuation dans Karlfried Graf Durckheim - Textes et témoignages inédits présentés par Jean-Yves Leloup et Jacques Castermane, Question de n° 81.

 Livres :

  • JAMAIS DEUX SANS TROIS. Le grand Troisième dans les relations humaines. Ed. ALTESS 1995
  • L'APOCALYPSE DE JEAN, Question de (n° 68) 1987, plusieurs fois réédité, dernière réédition en 2018.
  • CONTEMPLER, RÉFLÉCHIR ET AIMER. Les trois voies d'accès à la Connaissance, Ed. ALTESS 2008.
  • LES VITRAUX DE FRANÇOIS DECORCHEMONT, Ed. P Lethielleux,2001


[1] Le keïsaku est un bâton en bois dont l'extrémité est plate. Lors de certaines séances de zazen, lorsque le méditant le demande, le responsable le frappe avec le keïsaku (en général au niveau des épaules).

[2] Je ne sais si cette traduction française a été donnée ou non par Jean Marchal, elle se trouvait sur la transcription que j'ai reprise ici et qui avait été faite en 1991 par une auditrice. (Note de Christiane Marmèche)

[3] « En médecine, cette action non-agissante est utilisée avec les oligo-éléments, éléments métalliques, administrés en quantité presque homéopathique, et qui par leur seule action de présence au sein de réactions enzymatiques complexes dont la perturbation crée la maladie, les rétablissent dans l'intégralité de leur déroulement normal, restaurant ainsi la santé par une action non-agissante. » (Jean Marchal, Jamais deux sans trois, p. 126-127)

[4] « Nous utilisons le concept "numineux" pour désigner une qualité du vécu où nous est révélé l'effleurement d'une autre dimension d'une réalité qui transcende l'horizon de la conscience ordinaire. Cette transcendance peut avoir un caractère libérateur ou écrasant, bienheureux ou effrayant, mais toujours s'en dégage une force ressentie comme surnaturelle. […] Tout ce qui nous appelle au-delà de l'horizon de notre réalité quotidienne possède une qualité numineuse. […] En ce sens, tout ce qui est vécu comme numineux, que ce soit lumière ou ténèbre menace toujours la réalité bien ordonnée de notre milieu habituel et circonscrit, et nous fait frissonner. C'est le tremendum du numineux. Mais il amène en même temps dans la conscience une dimension inhérente à notre être, qui est la base de toute notre vie. […] Elle fascine le tréfonds de nous-même, celui que nous devrions développer. […] Passé l'horizon de notre moi existentiel, nous rencontrons ce qui se trouve au-delà : le transcendant […] Accéder définitivement à la voie vers cette transcendance, telle est la finalité du chemin initiatique, le grand pourquoi de la méditation. » (Graf Dürckheim, Méditer, p. 20-22)

 

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