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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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22 février 2020

À propos du carême, quelques repères

Le temps du carême commence le 26 février 2020... Voici deux textes pour nous aider à y entrer :

  • Une courte interview de Louis-Marie Chauvet, théologien du diocèse de Pontoise, interview réalisé lorsqu'il était vicaire à Eaubonne dans les années 2000. Il donne des repères historiques. (les notes ont été ajoutées)
  • La "lettre aux amis" de Jacques Breton écrite pendant le carême 2012 et parue dans La Voix d'Assise n° 51.

D'autres messages du blog complètent le présent message :

 

Le Carême, hier et aujourd'hui

Interview de Louis-Marie Chauvet[1]

 

► Père Louis-Marie Chauvet pouvez-vous nous rappeler comment le Carême a été mis en place et pourquoi ?

Louis-Marie Chauvet : Il faut se rappeler que le jeûne avait une grande place dans le judaïsme d'abord, puis dans le christianisme. C'est ainsi que l'on jeûnait deux fois par semaine dans l'Antiquité, le mercredi et le vendredi[2].

La pratique de jeûner, recommandée dans les Évangiles, était donc une pratique courante. On a commencé par un ou deux jours de jeûne avant la communion de la vigile Pascale. Puis, cette pratique s'est étendue très vite à l'ensemble de la Semaine Sainte.

C'est au début du IVe siècle que le Carême s'est instauré comme tel, d'abord à Rome, puis plus largement. Il était vécu d'une part en lien avec la préparation des adultes au baptême (ce baptême avait lieu pendant la Vigile pascale), d'autre part en lien avec la réconciliation des pénitents (qui se faisait le Jeudi Saint). Pour comprendre le Carême, il était donc important de le relier à ce double aspect baptismal et pénitentiel. Et toute la communauté chrétienne entourait les futurs baptisés et les pénitents par sa prière et son jeûne.

 

► Mais comment les choses se passaient-elles concrètement ?

Imposition des cendres, J-F KiefferL-M C : Le Carême a d'abord duré trois semaines correspondant aux trois dimanches où étaient célébrées les étapes (ou "scrutins") des futurs baptisés et au cours desquelles on lisait les trois évangiles suivants : la Samaritaine (« Je suis l'eau vive »), l'aveugle-né (« Je suis la lumière »), la résurrection de Lazare (« Je suis la vie »)[3].

Ce n'est qu'au VIe siècle que le Carême a duré 40 jours[4] et qu'on l'a fait commencer un mercredi, car le dimanche on ne jeûne jamais. Et l'imposition des cendres[5] a été pratiquée au Xe siècle.

Dans l'Évangile (cf. Mt 6), le jeûne est lié à l'aumône et à la prière. Les trois éléments sont liés. Je signale d'ailleurs au passage que, dans l'Antiquité, le chemin normal pour le pardon des fautes quotidiennes est, avec la prière, la pratique du jeûne (maîtrise de soi) et l'aumône (partage avec les plus pauvres).

 

► Mais aujourd'hui, peut-on faire du Carême une sorte de ramadan chrétien ?

L-M C : En premier lieu, cela me semble impossible : comme toutes les pratiques rituelles religieuses qui sont suivies par une masse importante de la population, le ramadan fonctionne bien parce qu'il est lié à des structures sociales et à une mentalité culturelle que n'a pas ou pas beaucoup entamé la modernité avec son cortège d'individualisme, de choix personnel, d'accent mis sur la sincérité subjective, etc. ; ou encore, il fonctionne dans des groupes largement imprégnés de modernité, mais qui, pour sauvegarder leur identité – une identité qui se sent menacée précisément par la modernité – éprouve le besoin de se resserrer autour de leurs valeurs traditionnelles, religieuses notamment. Or, tel n'est pas le cas de la grande majorité des Français de souche. Vouloir refaire du Carême une sorte de ramadan chrétien est devenu culturellement et socialement impossible. […]

 

► Cela veut-il dire que le chrétien peut se passer du Carême ?

L-M C : Certainement pas, car les rites ne sont pas, a priori, opposés à la liberté et à la responsabilité. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater que notre Carême chrétien, parce que trop déritualisé n'appelle plus la majorité des gens à rien.

La question est donc la suivante : quelle dose de conduite rituelle suffisamment ferme ou, pour le dire autrement, quelle dose de signes visibles du Carême faudrait-il maintenir ou réinstaurer pour que les chrétiens se sentent appelés à vivre un vrai carême du Cœur ? Sans une dose suffisante, il n'y a pas de signe, donc pas d'appel en ce sens.

Ce qui importe, ce n'est pas le signe comme tel, le rite, mais ce à quoi il appelle : la conversion du cœur, le partage, la prière.

Mettre nos communautés en état de Carême n'a donc de sens qu'en vue de cette finalité proprement spirituelle. Encore faut-il que les signes de cet appel soient suffisamment parlants. Je proposerais volontiers au Conseil Pastoral de débattre de cette question : messes du dimanche, jeune, partage, temps de réflexion, de formation, de prière… comment, à travers quelques signes suffisamment parlants, mettre notre communauté en état de Carême ?

 

 

II – Lettre aux amis de J. Breton

écrite en temps de carême

 

Chers amis,

 

En chemin vers PâquesPâques approche et nous nous en réjouissons. Quel sens a cette fête pour nous ? Pour les uns elle peut signifier l’entrée dans le printemps, pour d’autres elle peut se réduire à des symboles : l’œuf, les cloches en chocolat, etc. Dans ce monde assez matérialisé elle perd facilement son sens religieux. Elle apparaît comme le reste d’un certain archaïsme que les sciences dénoncent. Or il est important de la resituer dans sa vérité.

Le terme « Pâque » signifie le passage et cela concerne notre vie toute entière. Nous ne cessons de passer : de la nuit à la lumière, de l’hiver au printemps, de l’enfance à l’âge adulte, de la souffrance au bonheur … de la mort à la vie. Mais ces passages ne sont pas toujours une réussite. Nous sommes en chemin et nous avons beaucoup de mal à nous libérer d’un passé qui s’accroche à nous et d’un avenir qui nous effraie, nous inquiète. Au lieu de « passer » nous nous réfugions dans la pensée, le rêve ou bien dans le présent. Celui-ci a l’avantage de nous ramener au concret de la vie mais il nous laisse dans une insatisfaction que nous compensons par une forme d’individualisme, d’activisme, de conservatisme ou de protectionnisme. Au fond nous survivons, nous stagnons et notre vie n’a plus de sens, nous marchons vers notre mort. Le passage ne se fait plus.

Il est vrai qu’il est bien difficile de quitter le passé auquel nous demeurons attaché. Or il ne s’agit pas de rompre avec lui mais de prendre une distance affective suffisante pour purifier le cœur et l’esprit de tout ce qui l’encombre et ainsi nous ouvrir à une véritable connaissance. Si nous nous laissons conduire par nos instincts, nos idées, nos besoins, nos passions, nous restons dans l’ignorance de la vie intérieure et prisonnier de notre ego, de notre corps charnel. Mais comment œuvrer à cette libération ? Grégoire de Nysse, un père de l’Église, nous offre une voie : « L’intelligence humaine, après avoir délaissé cette vie trouble et s’être purifiée par la puissance et le souffle de l’Esprit, est devenue lumineuse. Mêlée à la pureté véritable, elle resplendit comme par transparence et devient lumière. » Mais comment faire pour nous libérer du passé ?

         

Porter sa croix, Berna LopezDe mon temps la préparation à Pâque, le carême, était très marquée par le jansénisme. L’Église insistait surtout sur les privations : « ne pas manger » « ne pas faire » etc. Or ces moyens,  loin de nous ouvrir à la vie divine, nous faisaient entrer dans une certaine morosité comme si la souffrance, la privation devenaient un but un soi. Certes, la croix est au cœur de la vie chrétienne et lieu de passage de la mort à la résurrection. Nous sommes appelés à porter notre croix comme le fardeau de notre vie quotidienne où s’entremêlent joies et épreuves, détente et fatigue, amitié et rejet, mais ce fardeau nous le portons avec le Christ.

Puisse ce temps de carême être pour vous l’occasion d’un ressourcement, d’une ouverture à la Vie véritable !

          

 Oui, le passage de la mort à la vie, la Pâque, ne peut se faire que dans une foi totale en la Vie. Dieu est le Vivant par excellence et c’est sa vie qu’il veut nous communiquer, nous donner. C’est ce qu’Il nous a témoigné par la croix et sa résurrection. Et l’Esprit qui nous anime est Vie, Lumière, Amour. Puissions-nous mettre davantage notre confiance en cette Vie toute puissante de l’Esprit dont nous pouvons faire l’expérience ! Elle est capable de faire renaître même des ossements desséchés (cf. Ezéchiel au chapitre 37).

 

                     Bonne Pâque

                       En toute amitié,           
                    Jacques BRETON

 



[1] Article paru dans les Nouvelles Religieuses d'Eaubonne, dans les années 2000 où L-M Chauvet était vicaire de la paroisse d'Eaubonne

[2] En fait comme les pharisiens jeûnaient le lundi et le jeudi (leur jour de repos étant le samedi), les premiers chrétiens avaient décalé au mercredi et vendredi (le jour de repos étant le dimanche).

[3] Ce sont trois récits de l'évangile de Jean : chapitres 4, 9 et 11.

[4] Le carême dure quarante jours en rapport aux 40 ans que le peuple d’Israël a passé au désert lors de l'Exode, entre la sortie d’Égypte et l'entrée en terre promise ; en rapport aussi aux 40 jours passés dans le désert par le Christ après son Baptême. Le Carême commence le mercredi des cendres (le lendemain de Mardi gras). En fait la durée totale du Carême est de 46 jours car le dimanche, jour de Résurrection, on ne jeûne pas. Depuis 1949, le jeûne est limité à deux jours, le mercredi des cendres et le vendredi saint. L’Église ne nous ordonne de jeûner que 2 fois l’an, ce qui est fort peu. Sont dispensés de jeûner les personnes de plus de 60 ans, les jeunes de moins de 18 ans accomplis et les femmes enceintes De plus sont dispensés du jeûne, les personnes de plus de 60 ans, les jeunes de moins de 18 ans accomplis et les femmes enceintes. L’abstinence (s’abstenir de viande) s’impose pour le mercredi des cendres, le vendredi saint et tous les vendredis ordinaires sauf fête spéciale.

[5] Au cours de la célébration, après l’écoute de la Parole, le prêtre invite les fidèles à la prière et bénit les cendres : « Demandons au seigneur de bénir ces cendres dont nos fronts vont être marqués en signe de pénitence ». En principe, les cendres sont celles des rameaux bénis au dimanche des Rameaux de l’année précédente. Puis chacun reçoit sur la tête un peu de cendres tandis que le célébrant lui dit : « Convertissez-vous et croyez à l’évangile » (Marc 1, 15) ou « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Genèse 3, 19)… Les paroles que le célébrant prononce, invitent le croyant à se rappeler sa fragilité, à s’interroger sur sa destinée, à se convertir, c’est-à-dire à remettre sa vie en conformité avec l’Evangile. C’est tout l’enjeu du Carême… Se couvrir de cendres ou s’asseoir sur la cendre en signe de pénitence est une pratique souvent rapportée dans l’Ancien Testament. A la suite de la prédication de Jonas, le roi de Ninive « s’assoit sur la cendre » (Jonas 3, 6). En 2 Samuel 13, 19, Tamar « prend de la cendre et s’en couvre la tête ». Le rite peut être un rite de pénitence mais aussi un rite de souffrance devant ce que l’on a vécu. (Extraits de https://liturgie.catholique.fr/accueil/annee-liturgique/du-careme-au-temps-pascal/le-careme/3655-mercredi-des-cendres-careme/)

 

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