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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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15 juin 2020

L'éveil d'Hakuin raconté par Hakuin, par Eizan Rôshi, par Christiane Singer

Eizan Rôshi, le maître zen qui est référent du Centre Assise pour le zen, nous a souvent raconté les éveils de maîtres, en insistant sur le fait qu'il ne suffisait pas de réaliser l'éveil mais qu'en plus il fallait le faire attester par un maître. Et bien entendu il nous a raconté plusieurs fois l'éveil de Hakuin (1686-1769), qui est le fondateur du Ryutakuji dont Eizan Rôshi est l'actuel responsable.

Voici cet éveil de Hakuin raconté par plusieurs personnes, bien entendu les détails diffèrent parfois…

Les quatre sources des textes publiés :
Le 1° a) est en grande partie tiré d'un article de Frédéric Girard “Extase et écriture (Stances en chinois et dénouements de crises dans les écoles Zen au Japon)” paru dans la revue "Savoirs et clinique", 2008/1 (n° 9), p. 98-107[1].
Le 1° b) est tiré de Rien qu'un sac de peau, livre de Kazuaki Tanahashi, Albin Michel, 1987, p. 10-14.
Le 2° est extrait d'un enseignement d'Eizan Roshi lors du sesshin de 2003.
Le 3° est tiré de Histoire d'âme, le troisième roman de Christiane Singer, prix Albert Camus 1989, publié chez Albin Michel, 1988, p. 97-100 et 149-150. Un message figure déjà sur C. Singer : La "dernière aventure" de Christiane Singer (Extraits des Voix d'Assise n°38 et 47) ; son article "Corps prison ou corps violon"

N B : L'éveil de Hakuin est en lien avec le kôan MU, voir les enseignements d'Eizan Rôshi à ce sujet (tag Enseignement Eizan Rôshi).

 

L'éveil d'Hakuin

 

1) L'expérience complète de Hakuin.

Hakuin en zazen, autoportrait,a) Début de l'histoire.

En 1708 avec quelques amis, Hakuin se rend à l'Eigan-ji de Takada, dans la province d'Echigo au Japon et assiste à des conférences données par le maître Shôtetsu. Ses amis le quittent, et Hakuin, après avoir passé plus de dix jours à méditer intensément sur le kôan du MÛ de Jôshu, atteint l'éveil en entendant le son lointain d'une cloche annonçant l'aube. Il raconte lui-même son expérience.

  •  « Lorsque j'avais 24 ans, je résidais dans le monastère de Yegan, à Etchigo. J'avais alors pour thème d'étude le Mû de Joshû et je m'y appliquais assidûment. Je restais sans dormir pendant des jours et des nuits, oubliant de manger quand, tout à coup, une intense concentration mentale (dai gi) se produisit. J'avais l'impression d'être congelé dans un champ de glace qui s'étendait sur des milliers de milles, et en dedans de moi, il y avait une sensation d'absolue sécurité. Il n'y avait pas à avancer, ni à reculer ; j'étais comme un idiot, comme un imbécile et rien n'existait plus que le "Mû de Joshû". Bien que j'assistasse aux conférences du maître, elles résonnaient comme une discussion qui se déroulait quelque part dans une salle éloignée. Parfois j'avais la sensation de voler dans les airs. Plusieurs jours se passèrent dans cet état, lorsqu'un soir une cloche du temple résonna, qui fit tout s'écrouler. C'était comme si l'on brisait un vase de glace ou comme si l'on démolissait une maison de jade. Lorsque je me réveillais brusquement, je m'aperçus que moi-même j'étais Jent'eou, le vieux maître, et qu'à travers toutes les vicissitudes du temps, pas un seul fragment de ma personnalité n'avait été perdu. Tous mes doutes, toutes mes indécisions d'auparavant furent complètement dissipées comme un bloc de glace qui fond. Je criais très haut : “Merveille ! Ô merveille ! Il n'y a pas de naissance-et-mort dont il faut qu'on s'évade, et il n'y a pas non plus de connaissance suprême (bodhi) vers laquelle il faut faire de douloureux efforts. Toutes les complications passées et présentes, au nombre de mille sept cent (les kôans) ne valent même pas la peine qu'on les décrive ![2] »

Il est persuadé que personne n'a connu un tel éveil depuis au moins trois siècles, et fait part de sa réalisation au maître du monastère, mais celui-ci ne reconnaît pas son éveil. Il part et rencontre un autre moine, Dôju Sôkaku, qui lui parle de son maître, Shôju Rôjin, "le vieillard de Shôju".

Peu après Hakuin accompagne Sôkaku à l'ermitage de Shôju, situé dans des forêts de la province de Shinano.

Voici un texte du responsable de Shôju qui montre comment il conçoit la méditation assise :

  • « Qui veut s’initier à la méditation assise interrompue [fait comme s’]il pénétrait sur un champ de bataille, dans une pièce où il hurlerait de douleur, en un lieu où des lutteurs s’affronteraient avec des lances, ou sur une scène où chants et danses seraient accompagnés d’une musique de vents et de cordes. Ce faisant, sans y ajouter la moindre pondération ni le moindre calcul, il importe de ne faire qu’un bloc avec un « thème de discussion » (= un kôan) et d’avancer d’une seule énergie sans jamais reculer. Il en est comme d’un Asura (un Titan) qui assoirait sa force herculéenne sur ses bras et ses épaules pour cent mille fois faire obstacle au trichiliomégachiliocosme ; de même, un adepte qui ne perd pas un seul instant dans son travail pour ajuster son esprit [sur le kôan] méritera le nom de moine qui consulte l’habit [le point d’appui] de façon authentique. Aux douze heures de la journée, il fait frémir la peau de son visage, il révulse la prunelle de ses yeux, sans le moindre instant se relâcher. »

 

b) Suite de l'histoire au moment où Hakuin et Sôkaku arrivent à l'ermitage de Shôju.

  • N B : Ceci est tiré du livre de Kazuaki Tanahashi qui prend les noms de base :
            Etan désigne le maître de l'ermitage Shôju ; Eizan Rôshi l'appelle simplement Shôju
           Ekaku désigne Hakuin dont le nom est "Hakuin Ekaku"

Rien qu'un sac de peauLorsqu'ils arrivèrent, le vieil homme était en train de ramasser du bois pour le feu auprès du temple. […] Dokyo Etan, le vieil homme de Shôju avait alors soixante-sept ans. […]

Un jour le vieil homme dit incidemment à Ekaku : “Les enseignements capables de balayer le monde corrompu du zen et de créer des kôan zen sont aussi rares que des étoiles dans le ciel diurne.” C'était une louange de la part d'un maître reclus […] Cependant Ekaku ne parvenait pas apercevoir la réelle valeur de Etan. Il pensait en lui-même : “Il existe de nombreux maîtres célèbres qui vivent dans de fameux monastères de ce pays. Comment cet homme peut-il être aussi arrogant alors qu'il vit dans un endroit aussi exigu et misérable ?” Mais il était impossible de s'en échapper.

Durant un entretien privé, Etan dit à Ekaku : “Où en est donc votre recherche au sujet de MU ? – Je ne pense pas que quiconque doive lui rajouter des bras et des jambes”, répondit-il. Le maître tendit le bras et lui tordit le nez en disant : “Je crois que tu en es déjà suffisamment pourvu.” Ekaku resta simplement assis, des larmes ruisselaient sur ses joues, il était incapable de prononcer un mot. Etan se sentit plein de sympathie envers ce jeune homme et lui dit : “Une fois que vous aurez pénétré l'un des kôan qui vous ont été donnés, on vous nommera descendant des ancêtres du Bouddha.” Etan suggérait à Ekaku que, étant donné le mal qu'il avait eu avec MU, il pourrait essayer d'autres kôan […]

Ekaku ne parvint même plus à trouver le sommeil dans son effort tellement intense en vue de sauter par-dessus la barrière de la pensée ordinaire. Etan le coinçait tout le temps, rejetant toute interprétation intellectuelle des kôan avec lesquels l'étudiant se débattait. “On dirait un puits qui pense” s'écriait le maître à chaque réponse de son élève, suggérant par là même que Ekaku était encore piégé dans une vue étroite.

Alors qu'il menait ce combat, Ekaku s'en fut un matin dans la ville de Iiyama pour mendier […] Se tenant à la porte d'une maison et travaillant sans cesse sur ses kôan, Ekaku n'entendit même pas quelqu'un crier de l'intérieur : “Allez-vous-en, allez-vous-en !” L'homme se mit en colère et le frappa sur la tête avec le manche qu'un balai jusqu'à ce que Ekaku tombe inconscient sur le sol. Alors que des passants l'aidaient à se remettre sur ses pieds, il ouvrit les yeux et réalisa soudain que tous les kôan impénétrables avaient été résolus. Il claqua des mains et éclata de rire. […]

Ekaku regagna le monastère, s'approcha de Etan qui se tenait sous la véranda en s'éventant, et fit une déclaration qui révélait sa pénétration des kôan. Le maître répondit en frappant Ekaku avec son éventail et en disant : “Je vous souhaite de me survivre. Promettez-moi que vous ne vous satisferez jamais de réalisations médiocres quoi que vous fassiez.” De cette façon, en l'an 1708, Etan certifia l'illumination de Ekaku.

 

2) L'expérience de Hakuin racontée en partie par Eizan Rôshi.

2019-11 Eizan Rôshi au Ryutaku-jiVoici ce qui s'est passé au moment de la jeunesse de Hakuin. Quand il avait 24 ans, il vivait au monastère Eigan-ji et il s’est attelé au kôan Mu. Il en perdait le boire et le manger. Il en oubliait d’aller aux toilettes, d’uriner... Un jour où il venait de passer toute la nuit à faire zazen – il était en samâdhi sans se rendre compte de ce qui arrivait –, et il a entendu au loin, une cloche qui annonçait l'aube… et c'est à ce son qu'il s'est éveillé.

Vient le moment où il se rend compte qu'il a réalisé l'éveil, et il clame que personne n'a jamais réalisé un aussi grand éveil. Mais son maître ne veut pas reconnaître son éveil.

Vient un partenaire du monastère, Sôkaku, qui lui dit : « Tu dis que tu as réalisé l'éveil, ce serait bien de le faire authentifier par le maître Shojû que je connais bien. » Il y avait environ 200 km à faire à pied pour aller chez lui, et il faut bien voir que beaucoup de pratiquants sont morts en route. Autrefois, pour bénéficier de la pratique et du moment privilégié qu'est le dokusan [entretien privé avec le maître], il fallait mobiliser tous ses efforts. Aujourd'hui, en sesshin, il y a deux dokusan par jour, les pratiquants peuvent y aller quand ils le veulent… mais ils ne sont pas toujours prêts à y aller…

Hakuin arrive devant Shojû après 15 jours de pérégrinations. Il voit un petit ermitage, un bâtiment, et il se dit qu'il n'est pas possible qu'il y ait un maître d'envergure dans cette cabane. Il frappe. Pas de réponse.

Il va aux environs et voit Shojû travailler dans les champs. Il se fait reconnaître : « Je viens de la part de Sôkaku et il m'a demandé de vérifier mon expérience. » Shôju de répondre « Ah bon ! » et il se remet à travailler.
Imaginez Hakuin qui se fait ignorer de la sorte.

On dit que Hakuin est rentré à l'ermitage le soir avec Sôkaku. Vient Shôju qui est redescendu de la montagne. Les voilà tous les trois qui mangent en silence. Et Shôju va se retirer dans sa chambre quand Sôkaku l'implore de donner une audience à Hakuin.

« Ah bon, alors viens. »
Hakuin est là devant Shôju qui n'était pas grand.
Et Shôju : « Alors tu dis que tu as eu le kenshô. Donne-moi la preuve. »
Hakuin donne un papier sur lequel il a relaté son expérience.
Et Shôju : « Je n'en as pas besoin, cela ne sert à rien les choses écrites sur un papier. Montre avec ton corps. »
Hakuin est saisi de nausée.
Quelle réponse !
Alors Shôju insiste : « Le kôan Mu, qu'est-ce que c'est ? »
Et Hakuin de répondre : « Mû on ne peut le restituer par des mots, la main n’a pas de prise. C’est dans le silence. Vous et moi ne faisons plus qu’un. Il n’y a plus d’interstice, plus d’espace entre vous et moi ! ». C’est bien comme cela que ça doit être : c’est lisse, il n’y a aucune aspérité, aucune prise.
Mais c’est là que l’autre a tendu la main et a tordu le nez de Hakuin : « Ah bon, il n'y a pas de prise ? Tu es tombé dans le trou, le piège de Mu. » Et il le prend, il le jette : « Imbécile. »
Hakuin en est resté tout hébété.

Hakuin était là à toute extrémité quand le grand Hakuin s'est révélé.

Que feriez-vous si on vous tordait le nez ? C’est une sorte de kôan. Je vous en prie, si vous avez la réponse, apportez-la en dokusan [entretien privé avec le rôshi]. Mais à ce moment-là, si vous continuez à penser des choses avec votre tête, quand vous vous prosternerez et que vous relèverez la tête[3], moi je vous tordrai votre nez ! Je vous le répète, vous n’atteindrez pas la réponse avec votre tête, vos pensées, c’est simplement par la pratique de Mû que la réponse surgit.

 

3°) L'expérience de Hakuin racontée en partie par Christiane Singer dans Histoire d'âme[4].

Histoire d'âmea) Liliane, le personnage du livre, raconte de mémoire l'expérience de Hakuin (p. 97-100).

 L'histoire d'Hakuin, moine bouddhiste, peintre et poète du dix-huitième siècle, commence – comme, moi aussi, je la commence – par une lecture : le récit de la vie contemplative de maître Shi Shan affermit Hakuin alors en pleine crise, dans sa décision de suivre, coûte que coûte, la vie spirituelle.

Hakuin est moine depuis l'âge de quinze ans. Après des années d'interrogations et de souffrances multiples, son errance l'amène au temple de Soinji […]. Hakuin ne dort ni le jour ni la nuit, oublie de se nourrir et pratique sans relâche la méditation. Il vit là ses premières trouées vers la lumière. De hautes expériences mystiques couronnent sa persévérance. Les gens affluent de tout le Japon pour l'approcher. Son orgueil s'exalte : « Depuis deux ou trois siècles, personne n'a vu ce que je vois – personne n'a été soulevé pareille hauteur. »

Le seul maître à pouvoir mesurer l'illumination à laquelle il est parvenu est le célèbre maître zen, du pays de Shimano, Eta. Hakuin entreprend le voyage qui le mène aux pieds du vieil homme. Avec feu, il lui narre ses plus hautes extases, la clarté, la liberté qui les accompagnent. Le maître n'a pour toute réponse qu'un sourire apitoyé.

Une controverse hargneuse s'ensuit. Hakuin refuse d'admettre qu'il n'a pas encore atteint l'illumination suprême. Alors, le vieil homme hausse les épaules et s'écrit :

« Pauvre diablotin dans ton trou noir ! »

Le martyre d'Hakuin est commencé. Puisque ce maître insensé l'a attiré ici, il tiendra bon quoi qu'il advienne. Le cœur lacéré, il poursuit sans relâche ses pratiques et ses méditations du kôan. Mais le pire des épreuves l'attend encore. Un soir, le maître prend le frais sur la véranda. Hakuin s'approche, harcelé par sa détresse, pour essayer une fois de plus de le convaincre.

« Cerveau trouble et stupide ! » crie le maître.

Et, se jetant sur Hakuin, il le martèle de ses poings, l'envoie rouler du haut de la véranda. […]. Le malheureux tombe dans la boue épaisse, reste là, assommé par les coups, presque sans connaissance. Et, au-dessus de lui, le maître qui rit à gorge déployée ! Après un long moment, il finit par se redresser ; la fièvre cogne à ses tempes. Dégoulinant de boue et de sueur, il gravit les marches de la véranda et s'incline jusqu'au sol devant le vieil homme qui, une fois de plus, soupire : « Pauvre diablotin dans ton trou noir ! »

Le désespoir le plus total a pris en lui ses quartiers et le harcèle sans répit. […]

Un matin, il descend au village mendier sa pitance. L'esprit occupé de son kôan, il s'adosse à la grille d'un jardin. Il n'entend pas l'injonction menaçante du propriétaire : « Va-t'en ! » Ce dernier, outré, s'empare d'un balai et le frappe violemment sur la tête. Hakuin tombe au sol, sans connaissance. À l'instant où il rouvre les yeux, il entre en lumière. Jusqu'aux racines les plus secrètes des vies, des choses et des actes – il voit ! Devenu miroir, il reflète la clarté du créé.

Il se lève d'un bond, frappe dans ses mains et, riant de tout son cœur, il reprend en dansant le chemin du monastère.

Le maître l'a vu venir.
« Raconte, dit-il en souriant, ce qui s'est passé. »
Alors Hakuin raconte.
Et pendant qu'il parle le maître, penché sur lui, lui caresse le dos de son éventail ouvert.

Elle m'a atteinte, l'histoire d'Hakuin. […] Je parcours des yeux le tracé de l'itinéraire d'Hakuin, à la recherche de ce mystérieux point d'ancrage de son destin en moi

Premier paysage qui m'arrête :
   sa tranquille assurance au temple de Soinji ; il a atteint à la plus haute connaissance […] Mais voilà qu'une exigence le taraude : voir au miroir haut d'une âme haute où il est parvenu.

Deuxième paysage :
   un lac de montagne au cristal si pur que l'œil, incapable d'en déceler la surface, ne peut que la soupçonner là où le paysage commence. Ainsi du vieux maître : il ne reflète que ce qui est. D'où la sensation de cruauté que nous éprouvons irrémédiablement en sa présence. […]

Troisième paysage :
   la détresse. Ses vieux mécanismes. Hakuin est méconnu. […]

Dernier paysage :
   qui connaît l'heure où les premiers coups de bec retentissent dans la coquille ? […] Hakuin erre au village […] Voici venu l'instant de l'explosion silencieuse. Instant incongru : un coup de balai sur la tête […]
 Il a lâché prise, Hakuin. Il a – malgré lui – risqué le saut.

Et le miracle a lieu qui infirme la grande épouvante de tout ego : il n’a pas été dissous dans l’immensité – Hakuin n’a pas disparu – rien ne lui a été enlevé – toute la création s’est encore ajoutée à lui, c’est la différence. Il est Hakuin, plus l’entière création.

 

b) Vers la fin du livre (p. 149-150)

Et quelle émotion j’ai ressentie à reprendre en main le livre où j’avais, à l’automne, lu l’histoire d’Hakuin !

Cette fois encore je me suis regardée au miroir d’un récit.

Un homme est accoudé à sa fenêtre. Devant lui, un érable où niche un oiseau. Le vent balance une branche et au loin gargouille un ruisseau. C’est la première scène.

Dans la seconde, on voit le même homme perdre le sol sous ses pieds. La vie s’en va en lambeaux, comme une trop vieille étoffe. Devenu dès lors étranger à lui-même, il erre de par le monde … Il finit par trouver refuge dans un monastère où il passe de longues années à mâcher son koan et à traverser un à un ses enfers. Puis vient le jour où se brise le miroir des apparences, le jour du grand rire libérateur. Il rentre alors paisiblement chez lui.

La troisième et dernière scène le montre accoudé à sa fenêtre. Devant lui un érable où niche un oiseau. Le vent balance une branche et au loin gargouille un ruisseau.

Avant/Après. Rien n'est changé en apparence. […]

Ce qui était, au début, devant les yeux, les yeux maintenant le sont aussi…



[2] Cité par D. T. Suzuki, Essai sur le bouddhisme zen, première partie, Paris, Albin-Michel, 1972, p. 298-300

[3] D'après le rituel du dokusan, le pratiquant  commence par se prosterner.

[4] Romancière et essayiste, Christiane Singer (décédée en 207) a été formée à la leibthérapie de Graf Durckheim. Voici la 4e de couverture de Histoire d'âme :" De tous les actes inachevés, de tous les gestes que nous n'avons pas menés jusqu'au bout, de tout cet à peu près dont nous tissons nos jours et nos nuits, de toutes les rencontres avortées avec soi-même et les autres, naît un jour la crise. Une femme vit cette "nuit de l'âme" au cœur de l'hiver dans la solitude d'une maison retirée. Elle l'explore, la pénètre et la retient en des lignes brèves, justes, fatales qui touchent droit au cœur. Depuis La Mort viennoise et La Guerre des filles, Christiane Singer poursuit cette même quête de l'essentiel tapi au fond de nous. Traversée du miroir, récit initiatique, Histoire d'âme évoque au plus profond et au plus simple le mystère, la difficulté et le bonheur d'être avec des éclats de diamant noir."

 

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