"Lettre aux amis" de Jacques Breton écrite en 2016
C'est en avril 2016 qu'est paru le dernier numéro de la Voix d'Assise, le bulletin interne au Centre Assise et Jacques Breton décédait l'année suivante. Chaque numéro commençait par une lettre intitulée "lettre aux amis", et plusieurs figurent déjà sur le blog. Voici celle qui figure dans le dernier numéro. Jacques parle de l'évolution de la société et souhaite que dans l'Eglise aussi une évolution se fasse au niveau du langage et des représentations...
Le 19 avril 2016
Chers amis et chers amies.
Notre société est en train de beaucoup évoluer. La science et toutes les techniques nouvelles ont un impact important sur notre quotidien. Certes, tout n'est pas négatif, au contraire. Le monde actuel ouvre des possibilités énormes de transmission, de communication et nous ouvre des tas d'horizons passionnants, non négligeables. Mais il est aussi l'occasion de se fuir soi-même, de trouver à l'extérieur de soi-même des raisons de vivre.
La religion qui était enseignée ne répond plus à une attente. Certes, un gros effort a été fait mais le manque de prêtres oblige les pasteurs à confier cet enseignement à des personnes peu formées. Pour les jeunes adultes, beaucoup de mots religieux ne parlent plus, comme les notions de péché, de salut, de renoncement, et même le mot charité a perdu tout son sens. Le pape actuel a très bien compris, c'est pour cela qu'il appelle "miséricorde". Mais ce mot parle-t-il davantage ?
Pour les jeunes actuels, il me paraît important de modifier tout l'aspect mortifère d'un enseignement dépassé. Certes, quelques grands saints actuels comme le Padre Pio ou Marthe Robin ont donné une grande importance à la souffrance. C'était leur mission spirituelle : partager la souffrance du Christ. Heureusement, tous les chrétiens ne sont pas appelés à vivre cette même exigence. Et de toute façon, notre chemin personnel est unique. À chacun de découvrir sa propre mission. Dans l'Église catholique existent bien des spiritualités différentes, à nous de découvrir ce qui nous convient le mieux. À notre époque, il est nécessaire de présenter le christianisme sous un aspect plus accueillant et vivant.
Malgré les progrès de la vie sociale, nous sommes encore très atteints par ce qui se passe autour de nous – comme les attentats. Je désire que le centre Assise soit un lieu où sont vécus et enseignés la paix, la joie de vivre pour nous faire découvrir que la croix doit se situer dans notre vie intérieure.
Grâce à K. Graf Dürckheim et à maître Noro (kinomichi), j'ai découvert cette croix. Tous deux insistent sur la verticale terre-ciel et ensuite, sur l'horizontale vécue au niveau du cœur. Ainsi la croix prend tout son sens en nous mettant en relation avec l'autre et le Tout Autre. Ainsi elle devient chemin de vie.
Il faut dire aussi que la vie est très liée à l'amour. Un des dangers de notre époque, en Occident, est de confondre la vie matérielle et la vie spirituelle et, ainsi, de tout attendre du monde extérieur pour mieux vivre. Cette attitude va développer un repliement sur nous-mêmes et, finalement, créer un monde inhumain. Or l'amour devrait être, pour nous, le fondement de notre existence. Dieu est essentiellement Amour et notre vie ne peut prendre tout son sens que si elle est animée par cet Amour. Mais trop souvent, il en reste au plan affectif. Et même au siècle dernier, cet amour, chez la femme, devenait sacrificiel. La femme devait se sacrifier pour son mari. Là encore, notre société est en train de beaucoup changer. Et pourtant, l'amour reste encore très subjectif. Sortir de soi pour se rendre présent à l'autre dépasse nos possibilités humaines. Là intervient le religieux. Car cet amour ne peut être vécu qu'en faisant appel à un dynamisme intérieur que nous appelons l'Esprit. Lui seul peut s'unir à notre esprit pour ouvrir notre cœur et nous rendre présent à l'autre. Mais cet Esprit ne peut agir en nous que si nous faisons appel à lui. Et toute la vie religieuse n'a de sens que si nous avons foi, confiance en cet Esprit que le Christ nous communique.
En toute amitié
Jacques BRETON