"Ces mots qui nous aident à naître" par G. Régent, en écho à Charles Juliet
"Sans en avoir toujours conscience, chacun de nous dispose d'un trésor personnel constitué par ces mots, ces phrases qui, un jour ou l'autre, se sont dégagés de la page d'un livre et sont entrés en lui."… c'est ce que disait Guislaine Régent dans la Voix d'Assise en faisant écho au livre "Ces mots qui nourrissent et qui apaisent" de C. Juliet, édité en 2008 aux éditions P.O.L .
Charles Juliet a reçu le Grand Prix de Littérature de l'Académie Française 2017, pour l'ensemble de son œuvre.
Ces mots qui nous aident à naître
Ghislaine Régent
Voix d'Assise n° 42 d'Octobre 2008
Ces mots, que d'autres ont pensés, écrits, et qui un jour m'ont rejointe... Au cours d'une lecture, soudain ils m'ont parlé. Je les ai accueillis avec surprise, soulagement, gratitude, profonde joie. Fortuitement, me semblait-il, ils entraient en résonance avec une intuition encore informulée, répondaient à une interrogation, me réconfortaient quand je me sentais seule, perdue. Signaux discrets de l'invisible ou mains tendues à l'heure de la détresse, chaque fois ils m'ont rappelé, avec une étonnante pertinence, que la Vie est toujours là, présente, indéfectible. Je l'avais un peu trop oublié.
Quelques-uns de ces mots entendus au plus profond me sont devenus très proches. Il m'arrive souvent de les prononcer intérieurement, avec lenteur et recueillement, et ils m'aident à retrouver la sérénité. C'est le cas, par exemple, du petit poème "Nada te turbe" ‒ Que rien ne te trouble" de Ste Thérèse d'Avila (voir ci-dessous).
Sans en avoir toujours conscience, chacun de nous dispose d'un trésor personnel constitué par ces mots, ces phrases qui, un jour ou l'autre, se sont dégagés de la page d'un livre et sont entrés en lui. Nous sommes mystérieusement reliés à ces amis inconnus, comme nous chercheurs de vie et d'authenticité, qui nous ont touchés (au sens plein de ce terme), ont fait à nos côtés quelques pas décisifs.
Ces mots qui nourrissent et qui apaisent. C'est ainsi que les désigne l'écrivain Charles Juliet. Depuis cinquante ans, l'écriture est l'outil privilégié au moyen duquel il a creusé en lui, travaillé à se connaître, à s'affranchir de grandes difficultés intérieures. Mais la lecture a joué également un rôle capital dans son parcours vers la lumière. Les livres innombrables qu'il a dévorés avec une faim insatiable, qui l'ont transporté, bouleversé, trituré, aidé à se construire, il n'avait pas d'autre moyen pour en garder trace que de noter les phrases qui le percutaient, lui faisaient signe, lui indiquaient une direction. Au fil des ans, il en a rempli plusieurs cahiers.
Que faire de toute la richesse ainsi accumulée ? Pouvait-il la garder pour lui seul, sachant que tant d'êtres peinent à trouver leur chemin ? C'est dans un souci de transmission et de partage que Charles Juliet a finalement accepté de publier des extraits de ses notes de lecture1. Écrivains, artistes, penseurs et mystiques de toutes époques et de toutes traditions sont réunis dans ce livre par leur amour de la vérité, de la beauté, de la grandeur humaine. Bien qu'il s'efface pour leur laisser la parole, Charles Juliet dit beaucoup de lui-même en offrant au lecteur ce qui l'a nourri et transformé. Telle n'est pas, cependant, son intention première : "Ces phrases et textes livrés ici en désordre, je les vois comme répartis à la périphérie d'un cercle dont ils indiquent le centre. Un centre qui est aussi une source et que chacun doit découvrir en lui-même et par lui-même."
En découvrant les textes vibrants, souvent d'une fulgurante brièveté, de ce florilège, je ne puis m'empêcher de penser à celui que je pourrais composer, dans lequel je rassemblerais, avec ferveur et reconnaissance, les mots qui, en quelque trente ans, m'ont aidée à naître.
Nada te turbe
Que rien ne te trouble
que rien ne t'épouvante
tout passe
Dieu ne change pas
la patience
obtient tout
qui a Dieu
rien ne lui manque
Dieu seul suffit
Sainte Thérèse d'Avila