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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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4 décembre 2020

Enfanter Dieu dans le monde et contempler l'icône de la Vierge comme une prière

icône de la Vierge, Saint-GervaisMarie était une figure très importante pour Jacques Breton à qui est dédié ce blog, et deux messages ont déjà été mis à propos de la figure de Marie (tag Vierge Marie).

En ce temps d'avent, voici quelques points de repère : 1/ Marie comme figure de notre propre foi ; 2/ la place de l'icône orthodoxe de Marie.

Dans la première partie figurent deux textes : 1/ un poème d'Angelus Silesius (1624-1677), un mystique chrétien dont les poèmes trouvent écho dans la tradition zen, et 2/ un extrait d'homélie de Louis-Marie Chauvet, prêtre du diocèse de Pontoise auquel est rattaché le Centre Assise.

Dans la deuxième partie figure une interview d'Olivier Clément, théologien orthodoxe, à propos des icônes de la Vierge, et en particulier de la Vierge de tendresse de Vladimir. C'est un vieil article de la revue Prier. Ce texte se trouvait dans les papiers de Jacques Breton décédé en 2017, et la date de publication n'y figure pas. Ci-contre une photo de l'icône qui se trouve dans la chapelle du Centre Assise à saint Gervais, icône où Marie tient son fils dans ses bras le visage contre son visage. Ce n'est pas tout à fait une Vierge de Vladimir puisque l'enfant ne se tourne pas vers elle.

 

I – Marie figure de notre propre foi

 

      Il faut qu’en toi Dieu naisse

 

      Le Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
      s'il ne naît pas en toi,
      c'est en vain qu'il est né.

 

      Il faut qu’en toi Dieu naisse.
      Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
      s'il n'est pas né en toi,
      tu restes mort à jamais.

      (Angelus Silésius, Dieu est un éternel présent)

*   *   *

*

Extrait d'une homélie de L-M Chauvet (paroissededeuillabarre.fr)

 

Selon la foi chrétienne, c'est le Verbe ou la Parole de Dieu qui prend chair en Marie : dans sa foi d'abord, dans son corps ensuite. Marie en effet « a conçu en son esprit avant de concevoir en son corps », disait saint Augustin. Le double sens, propre et figuré, de notre verbe "concevoir" est précieux pour nous aider à comprendre ce qui se joue à Noël. C'est parce qu'elle a "conçu" ce que la Parole, à travers notamment les prophètes de son peuple, avait révélé de Dieu et de son dessein d'amour sauveur en faveur des hommes que Marie a pu concevoir cette Parole dans son corps. Pour le dire autrement, c'est parce que Marie était "grosse" de cette Parole, qu'elle méditait au long des jours, qu'elle a pu laisser s'accomplir dans son propre corps ce qui était aussi en gestation en elle…

Il y a ici, c'est sûr, du "Mystère". Du "mystère" aussi lourd que la parole de l'ange à Marie, parole qui se refuse évidemment à toute "réduction simplement gynécologique"…

« L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre. » Formule d'une étonnante densité théologique et spirituelle :

  • le même Esprit créateur qui « planait sur les eaux » primordiales, veut dire Luc, va créer du neuf dans l'histoire :
  • par lui, comme l'indique la mention de l' "ombre" du Très Haut, c'est-à-dire de la "nuée" de la présence de Dieu qui accompagne le peuple d'Israël au long de sa marche au désert et qui venait se reposer sur la "Tente de réunion" où se trouvait l'arche d'alliance au milieu du campement, la présence de Dieu va venir reposer dans la nouvelle "arche d'alliance" qu'est Marie…

Quel mystère ! Et quelle pudeur dans la manière, si biblique, de l'évoquer. […]

Nous n'avons pas à engendrer nous-mêmes, comme Marie, le fils de Dieu selon la chair. Mais Marie nous montre bien pourtant à quelle fécondité notre propre vie est appelée : que, grâce à nous, quelque chose de l'amour sauveur de Dieu même puisse prendre corps dans notre humanité.

 

 

Vierge de Vladimir

Vierge de Vladimir

 

II –Les icônes de la Vierge

Interview d'Olivier Clément par Albéric de Palmaert

 

 Comme un oiseau qui chante

« C'est un oiseau qui chante… C'est la spontanéité de la tendresse infinie… C'est la légèreté… C'est l'absolu dans un visage humain… »

Quand Olivier Clément évoque l'icône de la Vierge de Vladimir, il retrouve en quelques mots l'élan de la prière, le même élan qui avait inspiré son créateur, il y a presque un millénaire. Car pour Olivier Clément, théologien orthodoxe et universitaire français, comme pour tous ceux qui ont gardé intacte la tradition des icônes, cette représentation picturale est d'abord une prière, une "fenêtre ouverte sur le Royaume".

Depuis longtemps oubliée dans la tradition latine, l'icône semble faire son retour aujourd'hui dans les milieux catholiques. Entrée dans bien des lieux de culte, oratoires ou même églises, l'icône est omniprésente dans les foyers où elle remplace souvent le crucifix que l'on trouvait dans toutes les maisons, quand ce n'était pas dans toutes les pièces de ces mêmes demeures !

 

► En quoi l'icône est-elle différente des autres représentations de Dieu, de la Vierge ou des saints ?

Olivier Clément : Il faut d'abord admettre que l'icône n'est pas une image comme une autre qui servirait de support à la sensibilité de celui qui se trouve en face d'elle. L'icône représente, "rend présente" une personne. Elle porte témoignage, au vrai sens du terme, et en ce sens, elle est véritablement sacramentelle. Elle ne relève pas de la simple esthétique mais elle est une fenêtre ouverte sur le royaume, ce que symbolise, entre autres, le principe de la perspective inversée qui place différemment celui qui la regarde et l'entraîne dans une transparence.

L'icône, oui, c'est vraiment quelqu'un qui vous regarde et vous entraîne dans sa prière, dans sa vie, c'est-à-dire dans la communion des saints.

Et dans le monde orthodoxe, elle fait partie intégrante de la liturgie. En effet, reprenant les paroles de saint Basile, le septième Concile affirme : « L'honneur rendu à l'icône va à son prototype, et celui qui le vénère, vénère la personne qu'elle représente. »

 

► On ne peut donc pas vraiment comprendre une icône sans entrer dans une certaine spiritualité !

O. C. : Tout à fait. Et c'est précisément ce qu'avait perdu l'Occident. Jusqu'au Moyen Âge, en effet, la sensibilité de l'Occident est aussi une théologie de l'icône. On peut dire que Fra Angelico, au XVe siècle, est le dernier iconographe proprement occidental. Après lui, l'art occidental explore essentiellement l'humain (non sans suggérer autrement le divin !)… Mais l'art qui se veut chrétien mène au "Saint Sulpice". Ces dernières années, on a tout jeté. Cela peut peut-être se comprendre mais en même temps cela a créé un immense vide…

 

► Et l'icône aujourd'hui comble ce vide !

O. C. : C'est tout à fait cela. L'icône est arrivée ou plutôt est revenue en Occident, principalement en France, avec l'immigration russe après la révolution de 1917. On peut dire que ce pourrait être pour l'Occident une reprise de mémoire, mais il y a encore un grand chemin à parcourir dans la découverte réelle de l'icône, dans sa compréhension intérieure qui est ecclésiale et théologique. Certains n'y voient hélas qu'un ornement, parfois même pas toujours religieux, sans faire l'effort d'entrer dans sa vraie signification.

 

► On voit aussi beaucoup d'artistes catholiques qui se mettent à peindre des icônes aujourd'hui en Occident !

O. C. : Oui, c'est vrai, il y a aujourd'hui beaucoup de catholiques qui peignent des icônes, mais cela me laisse insatisfait parce qu'il s'agit le plus souvent de copies. Il faut en arriver à une réelle reprise de création. Certaines icônes peintes par des catholiques sont belles mais elles sont trop soumises au modèle oriental. Il est nécessaire d'arriver, par un rapprochement en profondeur avec l'orthodoxie, à une redécouverte par l'Occident de ses propres origines. L'inspiration qui permit l'art roman par exemple !

 

Vous savez qu'il existe trois sortes d'icônes de la Vierge :

  • il y a d'abord les Vierges de la prophétie ou "Vierge du signe" qui rappellent la prophétie d'Isaïe : « Une vierge enfantera… » La Mère de Dieu est alors seule représentée en buste avec l'enfant en médaillon, au milieu de sa poitrine. La Mère y lève les bras, en Orante.
  • Puis il y a les icônes de la Vierge "qui montre le chemin", c'est-à-dire son Fils qu'elle tient dans les bras, mais relativement éloigné d'elle, avec une sorte de distance. Ce sont les Vierges Hodigitria.
  • Et enfin il y a les Vierges de tendresse dont le visage est contre le visage de l'enfant. Ce sont, à mon avis, les plus émouvantes. Assurément, dans cette catégorie, la Vierge de Vladimir est la plus remarquable, la plus significative de cette tendresse empreinte d'une "douloureuse joie". Elle sait que son Fils, ce Fils qu'elle tient dans ses bras, ira jusqu'à la croix. Elle l'offre alors dans une attitude aimante et sacrificielle.

 

► Les icônes de la Vierge sont donc porteuses d'une spiritualité particulière ?

O. C. : Certes. Les icônes de la Mère de Dieu ont toujours eu un impact spécial dans la grande tradition des icônes et de la prière, et principalement les icônes de la Vierge de tendresse. En effet, le pire des pécheurs osera s'approcher d'une icône de la Vierge, osera se jeter à ses pieds en confessant sa vie : « Je suis un pécheur, je suis le pire des salauds, mais je sais que tu as pitié de moi…» Il se sait accueilli, pardonné, comme un fils, comme l'enfant de la Mère.

La Mère de Dieu est une personne humaine pleinement sanctifiée. C'est cet aspect féminin du divin que l'on retrouve aussi dans la Vierge de Vladimir. La Vierge de Vladimir, c'est vraiment l'icône de la tendresse de Dieu…

 

 

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