Une courge peut en cacher une autre, histoire racontée par Jacques Breton
C'est une belle petite histoire racontée par J. Breton mais reprise par S. Sanders. Elle a été publiée dans la revue du Centre, la Voix d'Assise en juillet 2003 (numéro 24). Les dessins viennent de la revue.
Courge toi-même !
Je me raconte souvent une histoire que Jacques Breton nous avait dite au cours d'un enseignement. Cette anecdote véridique non seulement me fait rire aux éclats, mais en plus me touche profondément et m'aide dans ma vie quotidienne.
Le tableau :
En toile de fond, une nuit étoilée sur laquelle se découpe l'ombre d'un monastère. À main droite, un jardin potager.
Jusque-là quoi de plus paisible ?
Mais non ! Ce ne sont que hurlements et glapissements dans le jardin potager. Les courges se disputent, chacune voulant être la plus belle ou la plus grosse ou la plus colorée ou enfin, la plus parfumée.
– Regardez donc, mes chères, mon postérieur parfaitement rond ! N'est-il pas sublime ?
– Je suis longue et fibreuse à souhait. Le régal des diététiciens !
– Oui, mais votre teint verdâtre, ma pauvre amie, vous donne l'air anémié. Voyez plutôt l'éclat de mon écorce orangée !
Et patati et potiron, de minuit à minet-potron…
Excédé par le vacarme, le père prieur accourt dans le potager et se met à crier à pleins poumons :
– Silence, les courges !
Impressionnés, les courges interrompent leur dispute et le père ordonne :
– Toutes en zazen !
Les courges se mettent aussitôt en zazen. Alors, le prieur intime :
– La main droite sur la tête !
Les courges, ahuries, s'exécutent… et de quoi s'aperçoivent-elles ? Sur l'occiput, elles ont une tige… et cette tige est reliée à une autre tige, plus grande, qui, elle-même, les relie entre elles. Elles sont liées, animées par la même vie, nourries par la même terre, abreuvées par la même pluie, vivifiées par la même sève…
Ah, stupéfaction, émerveillement, tendresse !...
Alors, quand je suis au bureau et qu'un collègue me tape sur les nerfs… que j'attends le métro un jour de grève, quand un automobiliste me fait une queue de poisson, quand un commerçant tarde à me servir, je m'assieds mentalement en zazen, je mets la main droite sur ma tête, et je pense : « Quelle adorable courgette ! quel chou de potiron… »
Essayez et vous apercevrez qu'une courge peut en cacher une autre…