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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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1 août 2022

Pourquoi l'Église chrétienne ne ferait-elle pas appel à la sagesse extrême-orientale ? Lettre aux amis de J Breton

Voix d'Assise n° 23

Lettre aux amis de Jacques Breton, le fondateur du centre Assise. Elle figurait au début de la revue interne au centre Assise, N°23 parue en mai 2003.

 

Chers amis,

 

Dans quelques jours je me rends de nouveau au Japon pour partager un sesshin avec Eizan Rôshi[1] et vivre quelque temps dans son temple. Ainsi depuis 20 ans, une ou deux fois par an, je suis allé vivre le zen en sa source.

Beaucoup d'entre vous s'interrogent sur l'opportunité d'un tel voyage assez fatigant. Ma connaissance du zen et mon christianisme ne suffisent-ils pas pour progresser sur mon chemin et assumer la responsabilité spirituelle du Centre ASSISE ? L'approfondissement du bouddhisme zen ne va-t-il pas à l'encontre de ma foi chrétienne ?

Indépendamment du fait qu'une rencontre avec une autre tradition soit source d'intérêt, celle-ci transmet un enseignement très important pour notre vie. Certes, personnellement je n'attends rien d'elle sur le plan proprement religieux. Je reconnais qu'il existe chez les bouddhistes des sortes de cultes envers le Bouddha considéré comme expression de notre nature profonde… La pratique du zen veut conduire l'homme à son achèvement et cela est évoqué à travers des mots comme Éveil, Satori, illumination…

 

Il existe des sagesses judéo-chrétiennes, et la Bible contient plusieurs livres de sagesse. Mais, du fait que, chez les chrétiens, durant les siècles derniers, le corps n'a pas été suffisamment pris en compte, une certaine dichotomie s'est établie entre la conduite morale et la vie. De ce fait la vie chrétienne n'était plus vraiment au service de l'humain, elle imposait des contraintes qui n'aidaient pas l'homme à s'épanouir. Or, le but d'une sagesse n'est-il pas d'aider l'homme à vivre sa vérité dans le quotidien, de l'éclairer sur la justesse des actes qu'il pose, des orientations qu'il prend, des choix qu'il fait ? Comment cela est-il possible si une faille se creuse entre la pensée et l'organe d'expression qu'est le corps ? Le risque est constant de se couper de la réalité et de vivre une spiritualité assez désincarnée ou à l'inverse un quotidien sans lien avec sa foi.

Le zen est une voie remarquable pour retrouver cette unité corps-esprit. Aussi peut-on la nommer "sagesse" d'autant plus qu'elle est imprégnée en son origine chinoise, le chan[2], des sagesses taoïste et confucianiste.

Je ne peux ici énumérer tous les bienfaits du zen, tout ce qu'il a pu m'apporter et continue de le faire sur ce chemin d'intériorité : l'unité, la présence, l'ouverture, la disponibilité, l'harmonie... Il est d'un grand secours pour procurer à chacun un mieux-être, un mieux-vivre. On peut cependant se poser la question : le MU[3] – qui signifie "rien", "il n'y a pas", que certains traduisent par le mot "vacuité" – auquel il conduit n'est-il pas en opposition avec la vie chrétienne ? Non, il est le passage normal de silence, d'oubli de soi, de mort pour nous ouvrir à la vraie vie…

Dès le début l'Église chrétienne a fait appel à la sagesse grecque. Aujourd'hui pourquoi ne ferait-elle pas appel à la sagesse extrême-orientale si riche d'expérience ?

 

La mystique chrétienne nous rappelle que le Christ témoigne d'un Dieu qui Est, au-delà de Tout, mais qui se rend présent totalement à notre humanité car il est relation d'Amour. L'expérience de Dieu n'est pas au terme d'un parcours. Son Esprit est là au cœur. Il rend vivante la Parole contenue dans l'Écriture. Si nous le lui demandons il peut transformer notre existence, ouvrir notre cœur et notre esprit, nous diviniser, et nous mettre en relation avec le Père, la Source de la vie, de tout ce qui est. Par Lui nous découvrons que tout est don et que nous pouvons lui rendre grâce.

Le Souffle qui nous inspire est déjà présence divine. Nous savons que nous sommes appelés à vivre une relation filiale avec cet Absolu en qui nous pouvons mettre toute notre confiance, et, cette relation filiale nous rend tous frères dans le Christ, pour l'éternité. Certes, pour le chrétien il y a toujours le risque d'abandonner la relation vivante au Christ, à Dieu d'autant qu'il existe en chacun d'entre nous la tentation de « manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal » c'est-à-dire de vouloir être le maître de sa destinée.

 

Puisse l'Esprit du Ressuscité animer davantage votre vie pour vous ouvrir à la vraie vie qui est relation d'Amour ; demeurez présent, à chaque instant, à ce mouvement de vie.

 

En toute amitié,

Jacques BRETON 



[2] Le "chan" (prononcer tchan) est le nom chinois du "zen", le zen étant japonais.

[3] Le MU est à la base du travail avec le maître dans le zen rinzaï qui est pratiqué au centre Assise. Son sens (il n'y a pas, non, vacuité) n'est pas le plus important, il fonctionne aussi comme un mantra que l'on répète. Cf. Commentaires d'Eizan Rôshi sur le kôan MU

 

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