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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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1 novembre 2022

Le Shin Jin Mei, Inscription sur l'esprit de foi, poème zen de référence, traductions de Wang-Masui et Suzuki

Le Shin Jin Mei a inspiré des milliers de kôans du zen rinzaï et c'est un texte de référence pour les deux écoles rinzaï et sôtô.

Pendant un certain nombre d'années il a été distribué aux participants des sesshin zen au Centre Assise à Saint-Gervais, et par ailleurs il était affiché sur la porte de la bibliothèque donnant à la salle des entretiens avec Eizan Rôshi. Il s'agissait de la traduction L. Wang et J. Masui, tirée de Tch'an, zen, racines et floraisons, revue Hermès 4, nouvelle série, 1985, p. 205-209.

  • Dans le présent message figure cette traduction ainsi que celle de Daisetz Teitaro Suzuki qui est parue dans "Essais sur le bouddhisme Zen » (3 volumes), c'est dans le volume I pages 232-238, il manque quatre phrases qui figurent dans la version anglaise, elles ont été ajoutées ici. Un fichier PDF est proposé en téléchargement, il contient le tableau de trois traductions comparées (1/ T. Deshimaru, 2/ L.Wang et J. Masui, 3/ D. Suzuki). Cela permet de mieux comprendre certains passages !
  • Le message suivant présente plus longuement le Shin Jin Mei. Il donne la traduction de Taisen Deshimaru en la faisant suivre de notes précisant le sens de certains mots. Au début du message figure la liste des livres (avec traduction et/ou commentaires) disponibles en français. Dans ce 2e message le fichier des traductions comparées est de nouveau offert, et par ailleurs dans le message lui-même quelques différences entre ces traductions sont listées.

Fichier PDF du tableau des 3 traductions comparées : SHIN_JIN_MEI_en_traductions_comparees.

 

 Shin Jin Mei

 

Tchan zen, racines et floraisons1) Traduction de L. Wang et J. Masui (revue par le Prof. P. Demiéville)

 

SIN SIN MING ("Inscription sur l'esprit de foi")

 

 La grande Voie n’a rien de difficile,
Mais il faut éviter de choisir !
Soyez libéré de la haine et de l’amour :
Elle apparaîtra alors dans toute sa clarté !

S’en éloigne-t-on de l’épaisseur d’un cheveu,
C’est comme un gouffre profond qui sépare le ciel et la terre.
Si vous désirez la trouver,
Ne soyez ni pour ni contre rien !

Le conflit entre le pour et le contre,
Voici la maladie de l’âme !
Si vous ne connaissez pas la profonde signification des choses,
Vous vous fatiguerez en vain à pacifier votre esprit.

Aussi parfaite que le vaste espace,
Rien ne manque à la Voie, rien ne reste hors d’elle.
A accueillir et à repousser les choses,
Nous ne sommes pas comme il faut.

Ne pourchassez pas le monde soumis à la causalité,
Ne vous attardez pas dans une Vacuité excluant les phénomènes !
Si l’esprit demeure en paix dans l’Un,
Ces vues duelles disparaissent d’elles-mêmes.

Quand l’activité cesse et que la passivité prévaut,
Celle-ci à son tour n’en est que plus active.
Demeurant dans le mouvement ou la quiétude,
Comment pourrions-nous connaître l’Un ?

A ne pas comprendre l’unité de la Voie,
Le mouvement et la quiétude conduisent à l’échec.
Si vous vous arrachez au phénomène, celui-ci vous engloutit ;
Si vous poursuivez le vide, vous lui tournez le dos.

Plus nous parlons et plus nous spéculons,
Plus nous nous éloignons de la Voie.
Supprimant tout discours et toute réflexion,
Il n’est point de lieu où nous ne puissions aller.

Retournez à la racine : vous obtiendrez le sens ;
Courez après les apparences vous vous éloignerez du principe.
Si, pour un bref instant, nous retournons notre regard introspectivement,
Nous dépasserons le vide des choses de ce monde.

Si ce monde nous paraît sujet à des transformations,
C’est en raison de nos vues fausses.
Pas besoin de chercher la vérité ;
Il suffit de mettre fin aux vues fausses.

Ne vous attachez pas aux vues duelles ;
Évitez soigneusement de les suivre.
S’il y a la moindre trace de oui ou de non,
L’esprit se perd dans un dédale de complexités.

La dualité existe en raison de l’unité,
Mais ne vous attachez pas à cette unité.
Quand l’esprit s’unifie sans s’attacher à l’un,
Les dix mille choses sont inoffensives.

Si une chose ne nous offense pas, elle est comme inexistante ;
Si rien ne se produit, il n’est point d’esprit.
Le sujet disparaît à la suite de l’objet ;
L’objet s’évanouit avec le sujet.

L’objet, c’est par le sujet qu’il est objet ;
Le sujet, c’est par l’objet qu’il est sujet.
Si vous désirez ce qu’ils sont dans leur dualité illusoire,
Sachez qu’ils ne sont rien d’autre qu’un vide.

Dans ce vide unique, les deux s’identifient ;
Et chacun contient les dix mille choses.
Ne faites pas de distinction entre le subtil et le grossier ;
Comment prendre parti pour ceci contre cela ?

L’essence de la grande Voie est vaste ;
En elle rien n’est facile, rien n’est difficile.
Les vues mesquines sont hésitantes et irrésolues :
Plus on pense aller vite, plus on va lentement.

A nous attacher à la grande Voie, nous perdons toute mesure ;
Nous nous engageons sur un chemin sans issue.
Laissez-la aller et les choses suivront leur propre nature ;
Dans l’essence rien ne se meut ni ne demeure en place.

Obéissez à la nature des choses : vous serez en accord avec la Voie,
Libre et délivré de tout tourment.
Lorsque nos pensées sont enchaînées nous tournons le dos à la vérité ;
Nous sombrons dans le malaise.

Le malaise fatigue l’âme :
A quoi bon fuir ceci et accueillir cela ?
Si vous désirez prendre le chemin du Véhicule unique,
N’entretenez aucun préjugé contre les objets des six sens.

Lorsque vous ne les détesterez plus,
Alors vous atteindrez l’illumination.
Le sage est sans rien faire ;
Le fou s’entrave lui-même.

Les choses ne connaissent pas de distinctions ;
Celles-ci naissent de notre attachement.
Prendre son esprit pour s’en servir,
N’est-ce pas là le plus grave de tous les égarements ?

L’illusion produit tantôt le calme, tantôt le trouble ;
L’illumination détruit tout attachement comme toute aversion.
Toutes les oppositions
Sont fruits de nos réflexions.

Visions en rêve, fleurs de l’air :
Pourquoi devrions-nous nous mettre en peine de les saisir ?
Le gain et la perte, le vrai et le faux,
Qu’une fois pour toutes ils disparaissent !

Si l’œil ne dort pas,
Les rêves s’évanouissent d’eux-mêmes.
Si l’esprit ne se perd pas dans les différences,
Les dix mille choses ne sont plus qu’une identité unique.

Quand nous saisissons le mystère des choses en leur identité unique,
Nous oublions le monde de la causalité.
Lorsque l’arrêt se met en mouvement, il n’y a plus de mouvement ;
Lorsque le mouvement s’arrête, il n’y a plus d’arrêt.

Les frontières de l’ultime
Ne sont gardées ni par des lois ni par des règlements.
Si l’esprit est harmonieusement uni à l’identité,
Toute activité s’apaise en lui.

Quand les doutes sont balayés,
La foi véritable réapparaît, confirmée et redressée.
Plus rien ne demeure,
Rien qu’il faille se remémorer.

Tout est vide, rayonnant et lumineux par soi-même :
Ne fatiguez pas vos forces spirituelles !
L’absolu n’est pas un lieu mesurable par la pensée,
La connaissance ne peut la sonder.

Dans le monde de la vraie identité,
Il n’est autrui ni soi-même.
Si vous désirez vous accorder à elle,
Il n’est que de dire : non-dualité.

Dans la non-dualité toutes choses sont identiques,
Il n’est rien qui ne soit contenu en elle.
Les sages en tous lieux
Ont accédé à ce principe cardinal.

Le principe est sans hâte ni retard ;
Un instant est semblable à des milliers d’années :
Ni présent, ni absent
Et cependant partout devant mes yeux.

L’infiniment petit est comme l’infiniment grand,
Dans l’oubli total des objets.
L’infiniment grand est pareil à l’infiniment petit,
Lorsque l’œil n’aperçoit plus de limites.

L’existence est la non-existence,
La non-existence est l’existence.
Aussi longtemps que vous ne l’aurez pas compris,
Votre situation demeurera intenable !

Une chose est à la fois toutes choses,
Toutes choses ne sont qu’une chose.
Si vous pouvez saisir cela,
Il est inutile de vous tourmenter au sujet de la connaissance parfaite.

L’esprit de foi est non-duel,
Ce qui est duel n’est pas l’esprit de foi.
Ici les voies du langage s’arrêtent.
Car il n’est ni passé, ni présent, ni futur.

 

 

 

Essais sur le bouddhisme zen, D Suzuki2) Traduction française de D. Suzuki

avec 4 versets en traduction anglaise car absents de la traduction française.

 

Inscrit sur l'esprit croyant

 

La Parfaite Voie ne connaît nulle difficulté,
Sinon qu'elle se refuse à toute préférence.
Ce n'est qu'une fois libérée de la haine et de l'amour
Qu'elle se révèle pleinement et sans masque.
Une différence d'un dixième de pouce,
Et le ciel et la terre se trouvent séparés.

Si vous voulez voir la Parfaite Voie manifestée,
Ne concevez aucune pensée, ni pour elle, ni contre elle.

Opposer ce que vous aimez à ce que vous n'aimez pas -
Voilà la maladie de l'esprit :
Lorsque le sens profond [de la Voie] n'est pas compris,
La paix de l'esprit est troublée et rien n'est gagné.

[La Voie est] parfaite comme le vaste espace,
Rien n'y manque, rien n'y est superflu :
C'est parce que l'on fait un choix
Que sa vérité absolue se trouve perdue de vue.

Ne poursuivez pas les complications extérieures,
Ne vous attardez pas dans le vide intérieur :
Lorsque l'esprit reste serein dans l'unité des choses,
Le dualisme s'évanouit de lui-même.

When you strive to gain quiescence by stopping motion,
The quiescence thus gained is ever in motion ;
As long as you tarry in the dualism,
How can you realize oneness ?

Et quand l'unité des choses n'est pas comprise jusqu'au fond,
De deux façons la perte est supportée.
Le déni de réalité peut conduire à son absolue négation,
Alors que le fait de soutenir le vide peut résulter en une contradiction avec soi-même.

Phraséologie, jeux de l'intellect,
Plus nous nous y adonnons et plus loin nous nous égarons.
Éloignons-nous donc de la phraséologie et des jeux de l'intellect,
Et il n'est nulle place où nous ne puissions librement passer.

Lorsque nous remontons à la racine, nous obtenons le sens ;
Lorsque nous poursuivons les objets extérieurs, nous perdons la raison.
Au moment où nous sommes Illuminé en nous-même,
Nous dépassons le vide du monde qui s'oppose à nous.

Les transformations qui se déroulent dans le monde vide qui se trouve devant nous
Semblent toutes réelles à cause de l'ignorance :
N'essayez pas de chercher la vérité,
Cessez simplement de vous attacher à des opinions.

Ne vous attardez pas dans le dualisme ;
Évitez avec soin de le poursuivre ;
Aussitôt que vous avez le bien et le mal,
La confusion s'ensuit, et l'esprit est perdu.

Les deux existent à cause de l'un,
Mais ne vous attachez même pas à cet un.
Lorsque l'esprit un n'est pas troublé,
Les dix mille choses ne peuvent l'offenser.

Lorsque aucune offense ne vient d'elles, elles sont comme si elles n'existaient pas ;
Lorsque l'esprit n'est pas troublé, c'est comme s'il n'y avait pas d'esprit.
Le sujet est calmé sitôt que l'objet cesse ;
L'objet cesse sitôt que le sujet est calmé.

L'objet est un objet pour le sujet,
Le sujet est un sujet pour un objet :
Sachez que la relativité des deux
Réside en dernière analyse dans l'unité du vide.

Dans l'unité du vide, les deux sont un,
Et chacun des deux contient en soi toutes les dix mille choses :
Lorsque nulle discrimination n'est faite entre ceci et cela,
Comment une vision partiale et préconçue peut-elle surgir ?

La Grande Voie est calme et d'esprit large,
Rien n'est facile, rien n'est dur :
Les petites opinions sont irrésolues,
Plus hâtivement elles sont adoptées, plus tard elles disparaissent.

L'attachement passionnel ne reste jamais dans de justes limites,
Il est sûr de se lancer dans la fausse voie :
Lâchez prise, laissez les choses comme elles peuvent être.
Leur essence ne part ni ne subsiste.

Obéissez à la nature des choses, et vous êtes en accord avec la voie,
Calme, détendu, exempt de tout ennui ;
Mais quand vos pensées sont liées, vous vous détournez de la vérité,
Elles deviennent plus lourdes, plus sombres, et cessent d'être saines.

Lorsqu'elles ne sont pas saines, l'âme est troublée ;
Quel avantage y a t-il alors à avoir l'esprit partial et préconçu ?
Si vous désirez parcourir le chemin du Grand Véhicule,
N'ayez aucun préjugé contre les six objets des sens.

Lorsque vous n'aurez plus de préjugé contre les six objets des sens,
Vous vous identifierez à votre tour avec l'Illumination ;
Les sages sont non-agissants,
Alors que les ignorants s'enchaînent eux-mêmes.
Tandis que dans le Dharma lui-même il n'y a nulle individualisation,
Ils s'attachent par ignorance aux objets particuliers,
Ce sont leurs propres esprits qui créent les illusions.

N'est-ce pas là la plus grande des contradictions ?
L'Ignorance suscite le dualisme du repos et du non-repos,
Ceux qui sont Illuminés n'ont ni attachements ni inimitiés :
Toutes les formes de dualisme,
C'est l'esprit lui-même qui les invente par ignorance.
Elles sont comme des visions et des fleurs dans les airs :
Pourquoi nous mettrions-nous dans le trouble en essayant de les saisir ?
Gain et perte, justice et injustice,
Qu'ils disparaissent une fois pour toutes !

Si un œil ne tombe jamais endormi,
Tous les rêves cesseront d'eux-mêmes :
Si l'esprit conserve son unité,
Les dix mille choses sont d'une seule et même essence.

Lorsque le profond mystère de cette essence une est sondé,
D'un seul coup nous oublions les complications extérieures :
Lorsque les dix mille choses sont envisagées dans leur unité,
Nous retournons à l'origine et restons ce que nous sommes.

Oublions le pourquoi des choses,
Et nous atteindrons à un état au-delà de l'analogie :
Le mouvement arrêté est non-mouvement
Et le calme mis en mouvement n'est pas du calme.
Lorsque le dualisme ne règne plus,
L'unité elle-même ne subsiste pas comme telle.

L'ultime but des choses, là où elles ne peuvent pas aller plus loin,
N'est pas limité par les règles et les mesures ;
L'esprit en harmonie [avec la Voie] est le principe d'identité
Où nous trouvons toutes les actions dans un état de quiétude.
Les irrésolutions sont complètement chassées
Et la juste foi est restaurée dans sa droiture originelle ;
Rien n'est retenu maintenant,
Il n'est plus rien dont on doive se souvenir.
Tout est vide, lucide, et porte en soi un principe d'illumination,
Il n'y a pas de tâche, pas d'effort, pas de gaspillage d'énergie.
Voici où la pensée ne parvient jamais,
Voici où l'imagination ne parvient pas à évoluer.

Dans le plus haut royaume de l'Essence vraie,
Il n'y a ni "autre" ni "soi"
Lorsqu'on réclame une identification directe,
Nous ne pouvons que dire "Pas-deux"

En n'étant pas deux tout est le même,
Et tout ce qui est s'y trouve compris :
Dans les dix quartiers de la terre,
Tous les sages entrent dans cette foi absolue.

Cette foi absolue est au-delà de l'accélération (temps) et de l'extension (espace).
Un instant y est dix mille années.
Peu importe comment les choses sont conditionnées, que ce soit par "être" ou "ne pas être",
Tout cela est manifeste devant vous.

L'infiniment petit est aussi vaste que peut l'être l'immensité,
Lorsque les conditions extérieures sont oubliées ;
L'infiniment grand est aussi petit que l'infiniment petit peut l'être,
Lorsque les limites objectives sont reléguées hors de la vue.
Ce qui est est la même chose que ce qui n'est pas.
Ce qui n'est pas est la même chose que ce qui est :
Lorsque cet état de choses manque de se produire,
Ne vous attardez surtout pas.
Un en tout,
Tout en un.
Si seulement cela est réalisé,
Ne vous tourmentez plus sur votre imperfection !
L'esprit croyant n'est pas divisé,
Et indivisé est l'esprit croyant.
C'est là que les mots sont impuissants,
Car cela n'est pas du passé, de l'avenir ni du présent.

 

Sin sin Ming ou Shin Jin Mei

 

 

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