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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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15 décembre 2022

Éloi Leclerc : Biographie, bibliographie et extraits de livres

Si saint François d’Assise est aujourd’hui aussi populaire auprès de nos contemporains, c'est en grande partie grâce aux écrits d'Éloi Leclerc. Il nous montre un François ancré dans l’histoire de son temps, pris déjà dans des changements économiques et humains puissants. Loin des images convenues ou hagiographiques, François est plus proche, plus incarné. Sa "joie parfaite" n’est pas une béatitude naïve, il a dû traverser une mise à l’écart douloureuse vis-à-vis de son œuvre fondatrice, c'est ce qu'Eloi Leclerc met en valeur.

Deux messages du blog lui sont déjà consacrés, voici  maintenant sa vie résumée à grands traits, la liste de la plupart de ses livres, et des extraits de plusieurs livres.

Les autres messages du blog consacré à Éloi Leclerc :

 

Éloi Leclerc : Biographie, bibliographie et extraits de livres

 

Éloi Leclerc est né en 1921 à Landernau (Finistère) d'une famille de 11 enfants (dont Edouard, qui créa les centres Leclerc), il fait ses études secondaires au collège franciscain de Fontenay-sous-Bois. À 12 ans, il découvre la vie François d'Assise. À 18 ans il entre au noviciat franciscain d'Amiens, sous le nom de Frère Éloi.

Il fait des études de philosophie à Carrières-sous-Poissy. En septembre 1943 il est envoyé comme manutentionnaire à la gare de Cologne dans le cadre du STO. En juillet 1944 la Gestapo arrête une soixantaine de séminaristes, prêtres et religieux, scouts... accusés de propagande antinazie, il est emprisonné et soumis à des interrogatoires plus que durs. Puis il est envoyé au camp de concentration de Buchenwald. Dans Le soleil se lève sur Assise, il raconte : « Alors commença une descente aux enfers. La faim, les brutalités, les épidémies, tout concourait à l'écrasement de l'homme. Ce tête-à-tête avec l'horreur produisit en moi un choc profond. Je connus alors une terrible angoisse. »

Devant l'avancée des Alliés en avril 1945, les SS évacuent le camp et les prisonniers sont embarqués dans un train de marchandises, voyage vers Dachau qui dure trois semaines. « Nous mourions les uns après les autres, les uns sur les autres. » Il se produit dans le wagon un événement qu'Eloi Leclerc : tandis que l'un des quatre franciscains est en train de mourir, ils chantent le Cantique des créatures. Ce "chant de lumière" leur est « venu spontanément, irrésistiblement, comme une force de résurrection, au milieu de notre enfer. » (Op. cit., p 111). Il dira aussi : « C'était fou ! Alors que tout nous écrasait, nous recevions la grâce de chanter la splendeur de la Création. Nous nous sentions soudain portés par une main toute-puissante. Ce fut une sorte de Visitation. Le Seigneur ne nous avait pas abandonnés ! (...) Grâce à Dieu, ce qui était une invitation au reniement et au désespoir devint pour moi celle d'un approfondissement de l'inspiration franciscaine. »

Le lendemain de son arrivée à Dachau il est libéré par les troupes américaines. De toutes ces années, il garde une fragilité psychologique et des migraines tenaces. Le P. Gérard Guitto dit que « Ordonné prêtre en 1948, il ne pouvait participer aux missions paroissiales de l'époque et il s'est mis à écrire, croyant qu'il ne pourrait rien faire d'autre dans l'Église. En fait, c'est ce qui lui a permis de faire rayonner l'esprit fraternel de François d'Assise avec des mots simples et lumineux ». Après la guerre et jusqu'en 1983, Éloi Leclerc enseigne au couvent de Metz puis au collège franciscain de Phalsbourg. Il vit selon ce qu'il écrit dans Sagesse d'un Pauvre : "Si nous savions adorer, nous traverserions le monde avec la tranquillité des grands fleuves."

Il décède à 95 ans.

 

Une grande partie de ses livres sont parus chez DDB, nombreux sont ceux qui ont été réédités.

  • Sagesse d'un pauvre (1959), l'ouvrage qui le fit connaître et qui continue d'être un livre de référence en matière de spiritualité.
  • Exil et tendresse (1962, rééd 2013), éd. Franciscaines
  • Le Cantique des créatures (1970), analyse symbolique du Cantique des créatures
  • Le Chant des sources (Le Cantique de frère Soleil) (1976, rééd. 2013), éd. Franciscaines
  • Le Peuple de Dieu dans la nuit. (rééd. 2009)
  • François d'Assise, le retour à l'Évangile (1981, rééd. 2004)
  • Mathias Grunewald, la nuit est ma lumière (1984, rééd. 2002).
  • Le Royaume caché (1987, rééd. 2007) : une méditation sur la tendresse de Dieu dans la nuit, la mort et l'expérience de l'abandon du monde. Prix de littérature religieuse 1988
  • Dieu plus grand (1990) : un livre qui invite les chrétiens à découvrir ce Dieu plus grand par la rencontre des autres différents.
  • Rencontre d'immensités, (1993)
  • Un maître à prier : François d'Assise, (1993)
  • Chemin de contemplation (1995).
  • Le Maître du désir (1998) : une méditation sur l'évangile de Jean.
  • Le soleil se lève sur Assise, (1999)
  • Jeanne Jugan, le désert et la rose (2000, rééd. 2009), il évoque l'expérience spirituelle de la fondatrice des petites sœurs des Pauvres durant les 27 années d'oubli et de rejet dont elle fut l'objet. Un livre sur le silence de Dieu, surtout dans nos sociétés d'aujourd'hui.
  • Chagall, un vitrail pour la Paix, (2001)
  • Rencontre d'immensités, une lecture de Pascal (2002)
  • Pâques en Galilée, ou la rencontre du Christ pascal, (2003)
  • Le peuple de Dieu dans la nuit, (2003)
  • Le Père immense : Une lecture de la Lettre de saint Paul aux Éphésiens, (2006)
  • Un maître à prier, 2008 (rééd. 2013), éd. Franciscaines
  • Le Royaume révélé aux « petits », (2009)
  • Saint François d'Assise : L'homme fraternel, (2010), éditions Le Livre Ouvert 
  • Le Noël de François d’Assise, Par Eloi Leclerc et Marie-Laure Viney, éd. Franciscaines
  • François d’Assise : De la croix à la gloire, (2014)
  • La fraternité en héritage. Ma vie avec François d’Assise, (2015)
  •  

Un livre pour enfants vient de paraître le 13 octobre 2022 : : Le Noël de François d’Assise, La première crèche vivante, Père Éloi Leclerc, Illustrations de Clémence Meynet, éditions Salvator (le texte doit être le même que celui de 2013, seules les illustrations changent).

 

Eloi Leclerc, Le Royaume cachéExtrait, Le Royaume caché, 1987 (rééd. 2007), p. 91-92

Cet attachement (des pharisiens) à la Loi ne manque pas de grandeur. Mais il y a un revers de la médaille. D'une part, ils ont voué à la Loi un culte qui a tourné à la « monolâtrie » ; d'autre part, ils se sont volontiers pris pour les artisans de leur propre salut, se posant en créanciers de Dieu et méprisant tous ceux qui n'avaient pas la science de la Loi et des traditions, et qu'ils qualifiaient de « maudits » (cf. Jn 7, 49).

Ces hommes ne peuvent comprendre Jésus, bien que sur beaucoup de points ils soient proches de son enseignement. Sa mission, à lui, n'est pas dictée de l'extérieur, par la situation politique de la nation ; elle ne procède pas d'un réflexe de défense même religieux, face au danger du moment. Elle jaillit tout entière d'une expérience intérieure extraordinaire : une expérience de plénitude. Dieu s'est communiqué à lui d'une manière ineffable, indépassable. Et dans cette communication, Jésus a la claire vision que le règne de Dieu est venu, qu'il est là.
Face à ce cadeau du ciel, la Loi n'est pas supprimée, mais elle prend un autre sens. Quelque chose la précède ; elle n'est pas l'absolu. L'absolu, c'est la grâce toute gratuite du Royaume, c'est la tendresse du Père. Et ici tout le savoir des pharisiens et des docteurs [...] ne pèse pas lourd et n'est d'aucun secours. L'important est de croire au don de Dieu et d'accueillir, dans l'humilité et l'action de grâce, la nouvelle proximité de Dieu qui s'offre en Jésus. Celui-ci ne demande pas aux pharisiens ni aux docteurs de renoncer à la Loi, mais à cette suffisance qui les ferme sur eux-mêmes et les empêche d'accueillir la grâce du Royaume dans sa radicale nouveauté : une grâce qui ne dépend pas de la volonté de l'homme ni de ses efforts, mais de la seule initiative du Père.

 

Extrait, Le Royaume caché, 1987/2007, p. 115-116 (à propos de Luc 7, 36-50)

Jésus n'a pas dit, comme on traduit parfois à l'encontre de la logique de la parabole : « Il lui a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé », mais : « Si elle montre tant d'amour, c'est qu'il lui a été beaucoup pardonné. » Ce n'est pas notre amour qui est cause et mesure du pardon divin ; c'est, au contraire, oui, l'amour miséricordieux et tout gratuit de Dieu, révélé en Jésus, qui appelle et provoque notre amour repentant et reconnaissant.

La déclaration de Jésus à son hôte éclaire bien le sens de la conversion évangélique. Au point de départ, il y a la foi en Jésus. « Ta foi t'a sauvée », dit le Maître à la femme. La conversion commence avec la foi en la nouvelle proximité de Dieu que Jésus apporte par sa présence. Cette femme est venue à Jésus avec le poids de ses nombreux péchés. Mais en voyant comment Jésus se laisse approcher, elle a compris et cru tout de suite qu'elle était accueillie, que Dieu s'était approché d'elle. Alors elle en fut bouleversée, retournée, au point de ne plus savoir comment témoigner son amour. La conversion évangélique est cet ébranlement de tout l'être, qui se laisse toucher par la révélation de l'amour gratuit de Dieu. L'homme découvre, dans une grande joie intérieure, qu'il est aimé de Dieu gracieusement, au-delà de ses péchés et de sa déchéance. C'est l'expérience bouleversante d'une grâce qui dépasse toute loi et précède tout mérite.

 

Extrait, Dieu plus grand. 1990

Jésus ne se présente pas d'abord comme un réformateur, comme un contestataire, mais comme le messager d'une Bonne Nouvelle. Il annonce plutôt qu'il dénonce. « Le Royaume de Dieu s'est approché », proclame-t-il (Mc 1, 15). Derrière chacune de ses paroles, comme à la source de chacun de ses actes, il y a la force silencieuse du monde nouveau qui vient.

Et cette force, avant d'être une exigence de contestation, est une vie qui déborde et se répand. Ce n'est pas en s'attaquant au mal que Jésus fait advenir le Royaume ; c'est parce qu'il vit dans la force positive et joyeuse du Royaume qu'il met en déroute les forces du mal.

 

Eloi Leclerc, Le maître du désirExtrait, Le maître du désir, 1998, p. 110-111

Les paroles que Jésus adresse à Marie de Magdala (Jn 20, 11-18) sont, en vérité, une invitation à le rencontrer là où il est désormais, là où il vit en plénitude : tourné vers le Père, une invitation à le découvrir dans le mouvement profond de son être, dans son élan vers le Père ; « Je monte vers mon Père et votre Père. » Il faut entendre ces paroles comme le bruit d'un torrent qui bondirait vers sa source.

Désormais Jésus vit tout entier dans ce mouvement. Mais il n'y est pas seul. Il monte vers le Père avec tous ses frères. C'est toute l'humanité qu'il tire vers la lumière. En lui, le long désir s'élance vers la plénitude de la vie. « Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi », avait-il annoncé (Jn 12, 32). Marie de Magdala voulait retenir Jésus. Jésus, lui, l'invite à le suivre dans son mouvement, dans son élan, avec tous ses frères. C'est une invitation à entrer dans la grande joie pascale, la joie de la communion avec le Père : « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père » (cf. Jn 14, 28). Cette joie, Jésus voudrait qu'elle soit nôtre, car il nous a ouvert le chemin. Et déjà il nous emporte avec lui au sein du Père dans son élan puissant et victorieux.

Au début de l’Évangile de Jean, les premiers disciples avaient demandé à Jésus : « Où demeures-tu ? » (cf. Jn 1, 38). Et il leur avait répondu : « Venez et voyez. » (v. 39). Au terme de l’Évangile, il leur fait voir sa vraie demeure. Elle est dans sa relation au Père, dans sa communion d'amour avec lui. Une communion à laquelle nous sommes nous-mêmes associés. 

 

Extraits, Le Soleil se lève sur Assise. 1999, p. 109-110

Quelle est cette force capable de soulever la volonté elle-même et de la transformer en élan de communion universelle, en un amour de la vie qui enveloppe tous les êtres, sans exclusion ? Seule la grâce de l'émerveillement peut opérer ce miracle. « C'est l'incantation de la poésie qui me délivre de moi-même. » (Paul Ricoeur).

Quel fut donc cet émerveillement qui poussa François vers la maison des lépreux ? Tandis qu'il priait dans la petite église Saint-Damien, les yeux fixés sur le crucifix byzantin, il fut saisi par le beau visage du Crucifié, ce visage de paix et de lumière où se lisaient à la fois toute la détresse des hommes et toute la jeunesse du monde. Dans cette vision il n'y avait plus, d'un côté, la beauté de la terre et, de l'autre, les humiliés... Le plus beau des enfants des hommes était descendu lui-même dans l'ombre. Il avait saisi le destin des humiliés au cœur du sien pour le remplir de sa lumière... Ce fut, dans le cœur de François, le grand émerveillement qui le jeta littéralement hors de lui : « Le Seigneur, écrit-il dans son Testament, me conduisit lui-même parmi les lépreux. Je me mis à les soigner de tout cœur. Et, au retour, ce qui m'avait semblé amer s'était changé en douceur pour l'esprit et pour le corps.(...)

La beauté qui rayonne sur le visage du Crucifié (...) est celle d'une bonté qui a partagé les souffrances de l'humilié pour qu'advienne un monde plus beau, plus fraternel. Dans les plaies du Christ chantent nos plaies transfigurées. Et ce chant est celui d'un monde réconcilié où la beauté elle-même trouve sa plénitude de sens (...).

Cultiver la beauté sans s'ouvrir à la misère des hommes, ou pour la fuir, est une opération stérile. C'est se condamner à ne jamais connaître le grand émerveillement.  Mais d'autre part, vouloir venir en aide aux méprisés, aux humiliés, sans leur apporter la lumière de la beauté, c'est ajouter au mépris et manquer la vraie fraternité. Le véritable réenchantement du monde ne peut naître que de la rencontre fraternelle des humiliés et de la beauté. C'est seulement quand on voit briller dans le regard des humiliés l'éclat de frère Soleil, avec toutes les couleurs du ciel et de la terre que l'on peut dire en vérité : aujourd'hui s'ouvrent nos tombeaux. Le Christ de nos abîmes est aussi celui de nos résurrections.

 

Eloi Leclerc, Le Royaume révélé aux petitsExtraits, Le Royaume révélé aux petits. 2009

La mort n'est pas un échec et l'amour est plus fort que la mort. La foi dans le Christ ressuscité n'est pas le simple constat d'une réalité qui s'impose de l'extérieur. Elle est une expérience de tout l'être, une ouverture du cœur. Quant au Royaume, c'est le règne de l'amour de Dieu dans l'humanité et sa victoire sur la haine comme sur l'indifférence.

 

 

 

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