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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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17 avril 2023

Ikebana, la voie des fleurs, réflexions de Sylvie Petel-Révillon puis infos sur le bouquet, son rapport au rectangle d'or

L'ikebana venu du Japon nous propose de vivre une aventure avec des fleurs. C'est un art également connu sous le nom de kadô, « la voie des fleurs » ou « l'art de faire vivre les fleurs ». Dans les compositions de base de l'école Ohara, les bouquets s'inscrivent dans un rectangle qui est proche du rectangle d'or basé sur le nombre d'or (voir l'annexe en fin de message).

Sylvie Petel-Révillon était maître de l'école Ohara et disciple de Graf Dürckheim, En novembre 1991, elle a animé au Centre Assise un week-end intitulé "Initiation à l'art floral japonais". C'est à peu près à ce moment-là qu'elle a écrit ce texte de présentation des ateliers qu'elle animait aux Voies de l'Orient[1] à Bruxelles en 1991-92.

Deux messages concernant Sylvie Petel-Révillon sont déjà parus sur le présent blog : L'ikébana ou la voie des fleurs : cheminement de Sylvie Petel-Révillon maître de l'école Ohara et disciple de Graf Dürckheim où on trouve des indications sur son parcours ; et L'ikébana ou la voie des fleurs : cheminement de Sylvie Petel-Révillon maître de l'école Ohara et disciple de Graf Dürckheim qui propose aussi des livres d'Annik Howa Gendrot.

 

 

Ikebana paysage

Ikebana, la voie des fleurs

 

Peut-on entreprendre aujourd'hui une aventure avec des fleurs, pratiquer un art qui repose sur une tradition qui n'est pas née sous nos cieux alors que nous avons reçu les influences de la culture occidentale avec la vision d'autres critères esthétiques, philosophiques et spirituels ?
Pour arranger des fleurs, est-il donc nécessaire d'apprendre, ne risquons-nous pas de couper le simple plaisir de leur vue et celui de les mettre dans un vase avec l'élan spontané du cœur ?

Cette idée de contraindre la nature, de sophistication du naturel peut paraître insupportable à première vue.
Qu'en est-il réellement de cette démarche ?

Les Japonais ont un mot : Dô.
Nous le traduisons par Voie.
Pourquoi ce terme ?

 

Le choix d'une voie, c'est en quelque sorte appeler en nous l'exercice du quotidien, c'est-à-dire un geste et un ensemble de gestes qui sont pratiqués en toute conscience de nous-même.

Cette discipline semble de plus en plus nécessaire à une époque où plus rien n'est sacré, où plus grand-chose n'est respecté, où nos yeux sont envahis par des multitudes d'objets, des multitudes d'images qui nous invitent à nous emparer, à consommer et à passer à autre chose dès que le désir est assouvi.

La pratique de l'ikebana dans la cité devient alors cet îlot de fraîcheur, ce temps de silence, ce recueillement qui nous ouvre à une autre qualité du temps et de l'espace, et à un autre sentiment de nous-même.

Cet art nous propose cette rencontre avec une harmonie universelle, un contact avec une nature dont les gens de la ville sont tant privés, cette grande Nature dont parlait Karlfried Graf Dürckheim, qui nous nourrit, et dont l'énergie nous recharge.

Ce travail qui participe de l'élément terre propose cet enracinement dont nous avons tant besoin pour ne pas nous sentir déstabilisés dès que l'épreuve nous surprend et que l'émotion nous envahit.

Oui, l'ikebana est l'occasion d'un arrêt, un point d'orgue, un temps où tout devient un peu plus lent, en contact avec notre conscience, et ne peut plus être l'effet du hasard, où le geste se déploie dans le silence, le silence qui rencontre le silence des végétaux eux-mêmes.

 

Un dô... ce mot recouvre aussi celui d'art martial.
Un art martial, l'art des fleurs ?
Pouvons-nous imaginer un combat lorsqu'il est question de fleurs ?
Oui, il s'agit d'un autre combat, sans volonté de réussir, sans tension, sans envie de tuer ou de démettre l'adversaire.
Sauf peut-être nous-même dans ce qui nous empêche de nous recueillir, d'être attentif à soi et aux autres – et aux autres sans nous absorber en eux.
Ce combat est celui de la lutte avec le mental, car il concerne l'envahissement des pensées parasites, celles qui nous empêchent de goûter, de vraiment sentir, toucher, voir et entendre ; celles qui nous coupent de nos propres instruments de perception et d'appréciation.

L'ikebana est en cela une clé qui permet l'ouverture de tout ce qui petit à petit a été refermé par des années d'automatismes, d'habitudes. Oui, ouvrir, réouvrir ses sens, et ce sentiment d'être là, calme.

 

Art martial encore, dans la compréhension que nous avons de cette pratique au sens traditionnel du terme.
Un état d'esprit où le besoin n'est pas de réussir, mais de nous transformer.
Nous devons lâcher l'idée de performance, comme le décrit si bien Herrigel dans son petit livre sur Le zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc où nous nous dégageons de l'idée du but à atteindre à tout prix, qui crée une tension à la fois physique et mentale.

 

Quelles conditions sont indispensables pour que cet art nous apporte ce que nous espérons y découvrir ?
D'abord nous devons envisager de modifier notre rythme habituel, de ne pas nous adonner à cet exercice dans la précipitation.
Accepter de garder le silence pour que puisse s'opérer cette concentration, cette attention tournée vers l'intérieur et en même temps cette attention portée aux végétaux.

Les règles d'harmonie sont offertes par l'école qui, elle-même, les a reçues des maîtres de peinture et jardins, depuis des siècles. Ces règles sont très utiles, car notre pensée se repose entièrement en elles – elles sont donc le support de notre concentration, puis s'intègrent petit à petit à nos gestes pour devenir partie de nous-même.

La comparaison qui me vient serait celle d'un pianiste qui apprendrait un morceau d'un compositeur et le rejouerait jusqu'à en avoir la maîtrise, et alors, un jour, pourrait avoir le sentiment que cette œuvre fait partie de lui et procède de sa propre re-création.

Cela devient nourriture, harmonisation, transformation, ouverture de notre propre espace intérieur.

 

Harmonisation, car les règles sont bâties sur le nombre d'or, celui des grands peintres, des bâtisseurs de cathédrales, celui des grands sculpteurs, nos propres héritages et nous nous sentons vibrer à certaines proportions, à certains angles, à certaines formes.

Transformation, car cet ensemble nous pénètre, se mélange subtilement dans notre propre substance et nous imprègne donc de sa beauté qui devient notre propre beauté intérieure.

Ouverture, car le vide ne se présente pas comme une absence mais comme espace, et il permet au plein d'exister – comme les fenêtres sont la respiration de la maison, comme l'air est l'élément des oiseaux et celui de nos poumons, et permet à notre cœur de battre.

Le vide dans un bouquet n'est pas là comme figure de style, comme mode ou comme élément en plus !

Il est là véritablement comme le Maître. C'est ce Maître-là qui sculpte les éléments, leur donne leur place ; il effleure la rose et découpe la feuille de chêne, il n'est pas un quelque chose, il est le tout qui émane du tout et permet de nous relier à notre propre espace intérieur.

Il respire aussi l'évidence.

Chaque élément étant à sa place, non pas répété car c'est inutile puisque chaque élément vivant est unique ; se frôlant mais ne se superposant pas, la liberté étant là pour chaque partie de la structure de vivre sa propre forme.

Il y a une intelligence des végétaux entre eux et une invitation de chacun à respecter leur espace, leur nature, leur sens de croissance.

 

Ikebana, fleur vivante, ne semblerait pas vivante si nous n'avions pas le souci de replacer l'élément cueilli dans le sens où sa nature et le soleil l'ont dirigé. De façon à ce que la composition, une fois terminée nous donne l'impression étonnante que tous les éléments ont poussé dans le récipient lui-même.

 

Cette impression d'évidence nous impose le silence. L'envie ne nous vient plus de discuter puisque c'est cela.
Aurions-nous l'idée de discuter un arbre, la mer, le désert ?
Lorsqu'ils s'imposent dans leur évidence, il n'y a plus qu'à contempler et se taire.
Quelle grâce, se taire, quel privilège !

 

Et c'est l'invitation ultime de l'ikebana : laisser place au silence.

 

Travailler dans le vide au sein du bouquet,
et laisser se faire le vide en nous,
épurer nos émotions,
apaiser notre mental,
pouvoir entrer en contact
avec notre ultime Réalité.

 

*********************

 

ANNEXE. Précisions sur le bouquet et sur le rectangle d'or

 

Dans sa présentation, Sylvie Petel-Révillon dit : « Les règles (de l'ikébana) sont bâties sur le nombre d'or, celui des grands peintres, des bâtisseurs de cathédrales, celui des grands sculpteurs, nos propres héritages et nous nous sentons vibrer à certaines proportions, à certains angles, à certaines formes. »

En effet, le bouquet s'inscrit dans une portion de cercle dont l'élément ciel est un rayon, et cela est dans un certain rectangle qui correspond à peu près au rectangle d'or

 

ikebana, en coupe

 

Le pique-fleur est mis sur le bord droit ou gauche du vase.

Ο  Shû : élément ciel : 1 fois ½ le diamètre du vase + sa profondeur
□  Fuku : élément homme : 2/3 de shu
 ∆  Kyaku : élément terre : 1/2 de shu

 CIEL : chez Ohara c'est shû (le maître) ; chez Ikenobô et Sôgetsu c'est shin (la vérité, la droiture)
HOMME : chez Ohara c'est fuku (le second) ; chez Ikenobô et Sôgetsu c'est soé (le second)
TERRE : chez Ohara c'est kyaku (l'invité) ; chez Ikenobô c'est tai (le corps) et chez Sôgetsu c'est hikae (celui qui modère).

Malgré des noms différents ces éléments jouent des rôles semblables.

 

Le rectangle d'or

rectangle d'or

Dans l’Antiquité, Vitruve, architecte romain, étudia et définit ce problème esthétique de la manière suivante : pour qu’un espace, divisé en parties inégales, apparaisse agréable et esthétique, il devra exister entre la plus petite et la plus grande partie, la même relation qu’entre cette dernière et l’ensemble.

Pour trouver la valeur de x = AD il suffit de résoudre une équation du second degré dont on garde la solution positive. En effet, si on regarde la figure jointe sans tenir compte du 1, 618 mais en appelant ce nombre x, il doit y avoir égalité des rapports suivants :

AE / AD = AD / AB

C'est-à-dire (1 + x)/x = x/1, soit x² – x – 1 = 0

La solution positive est (1 + racine de 5)/2 soit environ 1,6180339887.

Un rectangle d’or est un rectangle dont le format (quotient de la longueur sur la largeur) est égal à ce nombre d’or.

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