Les 4 grands VOEUX fondamentaux récités en japonais par tous les pratiquants zen
Shigu seigan (les quatre grands vœux) représentent l’idéal du bodhisattva[1], c'est-à-dire de "l'être d'éveil". Le premier vœu est celui de sauver tous les êtres, et il englobe les trois autres. Il s'agit de réaliser la Voie du Bouddha qui est éveil, pour délivrer du samsara tous les êtres, éteindre toutes les illusions, et connaître parfaitement les enseignements du dharma.
Lors de la sesshin zen on chante ces quatre vœux tous les jours, et parfois plusieurs fois de suite. On les récite les mains en gasshô (sanskrit, anjāli), c'est-à-dire paumes pressées l'une contre l'autre verticalement, sans laisser d'espace entre elles[2]. Joindre les mains a le sens d'unifier et d'harmoniser son corps et son esprit, et s'harmoniser avec les autres.
On récite ces vœux en japonais. Les pratiquants ont le texte sur une feuille ou dans un petit recueil, et en général, end-dessous de la version japonaise figure une traduction anglaise ou française.
Notez qu'en japonais le sujet du verbe SEIGAN (faire vœu) n'est pas indiqué, et que les traductions anglaises et françaises optent pour la 1ère personne du singulier ("je fais vœu), mais pour autant, ce ne sont pas des vœux individuels.
Ce message contient la version japonaise suivie de quatre traductions françaises. La première est celle du monastère zen du Ryutakuji auquel le Centre Assise est rattaché, la quatrième est celle qu'on trouve dans Éveil et quotidien, un livre de Silvia Ostertag : le message suivant du blog donnera son commentaire des quatre voeux - Silvia Ostertag (1942-2011) était maître zen, et elle avait été formée par K-G Dürckheim.
SHIGU SEIGAN
SHUJŌ MUHEN SEI GAN DO
BON-NŌ MUJIN SEI GAN DAN
HŌ MON MURYŌ SEI GAN GAKU
BUTSU DŌ MUJÕ SEI GAN JŌ.
Les quatre vœux pour tous (trad. de la version anglaise du Ryutakuji[3])
Aussi nombreux que soient tous les êtres, je fais vœu de les sauver tous.
Aussi nombreuses que soient les illusions, je fais vœu de les éteindre toutes.
Aussi nombreux que soient les enseignements du Dharma, je fais vœu de les connaître tous parfaitement[4].
Aussi infinie que soit la voie du Bouddha, je fais vœu de la suivre.
Les quatre vœux (Eido Shimano Roshi[5])
Quelque innombrables que soient tous les êtres, je fais vœu de les éliminer tous.
Quelque inépuisable que soient mes illusions, je fais vœu de les éteindre toutes.
Si incommensurables que soient les enseignements du dharma, je fais vœu de les maîtriser tous.
Quelque qu'infinie que soit la Voie du Bouddha, je fais vœu de la suivre.
Les quatre vœux (Zen Deshimaru)[6]
Si nombreux que soient les êtres, je fais vœu de les aider tous.
Si nombreuses que soient les illusions, je fais vœu de les vaincre toutes.
Si nombreux que soient les dharmas, je fais vœu de les acquérir tous.
Si parfaite que soit la voie du Bouddha, je fais vœu de la réaliser.
Les quatre vœux (Silvia Ostertag, Éveil et quotidien, voir message suivant du blog)
- Aussi nombreux que soient les êtres de l'univers, je forme le vœu de les sauver.
- Aussi inépuisables que soient les illusions (les pensées et les émotions trompeuses), je forme le vœu de les abandonner.
- Aussi infinies que soient les portes du dharma, je forme le vœu de les passer toutes.
- Aussi incomparable que soit la vérité, je forme le vœu de parvenir jusqu'à elle. (Ou, selon la traduction allemande : « Le chemin de l'éveil est incomparable. Je forme le vœu de le parcourir jusqu'au bout. »)
Introduction à LA TRADUCTION.
Deux expressions japonaises reviennent à chaque vœu :
- seigan 誓願 signifie "vœu" (ou "serment"), ou bien comme verbe : "faire le vœu"
- mu 無 : négation, il n'y a pas
TRADUCTION TERME À TERME
四 弘 誓願
SHI GU SEIGAN
Quatre grands vœux
衆 生 無 辺 誓願 度
Shu jō mu hen sei gan do
Tous les êtres sans limite faire vœu sauver
Les êtres sensibles sont innombrables, je fais le vœu de tous les délivrer
Shujo ce sont tous les êtres sensibles qui transmigrent dans les six mondes de transmigration : ceux qui vivent en enfer, les esprits faméliques, les animaux, les êtres humains, les déités combattantes et les divinités qui ont une existence impermanente et sont dans le samsara.
Hen désigne la limite, la bordure : ces êtres sont innombrables.
Dans le bouddhisme, sauver les êtres signifie les délivrer de la nécessité de renaître dans l'un des six mondes, c'est-à-dire les aider à atteindre le nirvana.
Par ce vœu le bodhisattva déclare qu'il restera dans le samsara tant qu’il y aura au moins un être sensible qui transmigre dans les six mondes.
煩悩 無尽 誓願 断
Bon-nō mujin seigan dan
Illusions incommensurables faire vœu couper
Les illusions sont incommensurables, je fais le vœu de les couper (les éteindre) toutes.
Bon (煩) veut dire ce qui dérange, ce qui trouble, et nô (悩), ce qui fait souffrir, ce qui tourmente. Les bonnos sont les illusions, les soucis mondains, les souffrances.
法 門 無 量 誓願 学
Hō mon muryō sei gan gaku
Dharma portail sans mesure faire le vœu étudier
Les dharmas sont illimités, je fais le vœu de les étudier tous
Dans ce contexte[7] le mot dharma (法) signifie avant tous les enseignements du Bouddha contenus dans les écritures bouddhiques. Le mot gaku (学) désigne étudier, le but étant de connaître parfaitement.
仏 道 無上 誓願 成
Butsu dō mujõ seigan jō
Bouddha voie pas de-plus-haute faire le vœu accomplir
La voie de Bouddha est insurpassable, je fais le vœu de l'accomplir (de la suivre)
Butsu (佛) c'est le Bouddha, et do (道) c'est la voie, ainsi Butsudo est la voie de Bouddha, c'est-à-dire la Voie de l’Eveil. Mu-jo (無上) est littéralement "pas plus haut" car jo (上) désigne le haut, le sommet. Enfin, jo (成) veut dire "réaliser", "achever", "accomplir".
La voie du l’Eveil est sans fin, je fais le vœu de la suivre jusqu’au bout.
[1] « Bodhisattva ("être d'éveil") : Futur buddha, être vouant sa (ses) vie(s) à l'obtention du "suprême éveil" (voir buddha), par l'amélioration de ses qualités intérieures (pāramitā). La "voie du bodhisattva" constitue l'idéal du mahāyāna. Ses principales caractéristiques sont les vœux spéficiques, prononcés par le bodhisattva au début de sa carrière, la compassion universelle (karunā) et la sagesse transcendante (prajñā) qu'il développe. » (https://bouddhismes.net/index.php?option=com_content&view=article&id=47:la-pratique&catid=17&Itemid=135)
[2] Maître Deshimaru disait à propos de gasshô : « Gasho, c'est l'esprit religieux. La position des mains influence le cerveau. Si on brandit les mains, on est agressif et l'esprit s'en ressent. La forme des mains influence le cerveau. Tenir ses bras à l'horizontale, avoir le dos rond ou les épaules descendues, ce n'est pas la même chose. Comment les mains doivent-elles être dans la vie quotidienne ? Cela aussi est important. Selon qu'on ait les bras croisés ou les mains dans les poches, l'esprit change. Si je mets les mains comme cela derrière mon dos et que je marche, c'est comme Napoléon.
[3] Le Centre Assise auquel est dédié ce blog est en relation avec Eizan Roshi qui est actuellement responsable du Ryutakuji, monastère situé près de Mishima au Japon (cf. lien avec Eizan Rôshi).
[4] I vow to master them all.
[5] Tiré deVent doré la liberté zen, Ed. Guy Trédaniel, 1994, p. 126 (c'est une simple citation des quatre vœux, sans commentaire). A noter que c'est une traduction d'enseignements donnés en anglais et que Eido Shimano Roshi est dans le zen rinzaï comme Eizan roshi au Ryutakuji.
[7] « Dharma [dhamma] ("ce qui porte") : Le terme a de multiples sens - norme, loi, doctrine, chose, objet mental, phénomène... Nom commun (dharma), il désigne les constituants de tous les phénomènes, physiques et mentaux. Nom propre (Dharma), il désigne tout à la fois l'Ordre qui régit le monde et l'enseignement des buddha (la Loi) qui en rend compte. Il constitue alors l'un des "Trois Joyaux" (avec Buddha et Saṅgha).» (https://bouddhismes.net/index.php?option=com_content&view=article&id=47:la-pratique&catid=17&Itemid=135)