Les relations entre aïkido et kinomichi depuis la naissance de la FFAAA. Article de Christophe Génin, Aikimag 12-2023
Le 15 mars est un jour spécial pour le kinomichi puisque maître Masamichi Noro nous a quittés le 15 mars 2013. En ce 15 mars 2024, voici un article écrit par Christophe Génin et paru dans la revue Aikimag de décembre 2023, l'ensemble de la revue étant consacré au 40e anniversaire de la naissance de la FFAAA, fédération où le kinomichi est une discipline associée. C. Génin fait partie du Comité technique de l'IFK, il est 4ème Dan UFA, BF, 4ème Dan DNBK Japon, il est titulaire du CQP (diplôme d'état).
Voici d'abord les adresses des sites de la FFAAA et de l'IFK auquel il fait allusion :
- La FFAAA (Fédération Française d’Aïkido, Aïkibudo et disciplines Associées) : www.aikidō.fr On y trouve la revue "Aïkido Magazine" de 2016 à 2021 sur https://www.aikido.com.fr/ressourcesmenu/publications-communiques/, mais les archives ont déménagé sur http://fr.1001mags.com/magazine/aikido-magazine .
- Le numéro d'Aikimag de décembre 2023 : https://aikido.com.fr/wp-content/uploads/2023/12/Aikimag-decembre-2023-siteffaaa.pdf
- L'IFK (Institut Français du Kinomichi) : https://kinomichi.org. On y trouve plusieurs choses : les listes de tous les responsables ; la Nomenclature_kinomichi donnant les divers niveaux d'une façon différente de la photo ci-contre ; le calendrier des stages pour la saison 2021-2022 ; la carte de tous les endroits où pratiquer le Kinomichi en France et dans le monde ; des documents ou vidéos ; comment choisir et commander un hakama...
Sur le présent blog vous avez de nombreux articles dans le tag kinomichi, en particulier dans La transmission du kinomichi : Documents disponibles, principes de la nomenclature… vous avez de nombreuses références et la liste des articles d'Aikidomag consacrés au kinomichi, plusieurs étant sur le présent blog.
Les deux photos sont tirées de l'article.
L'anniversaire des 40 ans de la FFAAA
Par Christophe Génin
Fêter un anniversaire, c'est se remémorer une naissance et pouvoir saluer le chemin parcouru depuis lors. Au fil des décennies passées, qu'en est-il des relations entre l'aïkido et le kinomichi ?
D'abord, il y eut la naissance de la FFAAA en juin 1983, après une assemblée générale du comité aïkido de la FFJDA qui élit, en mars 1983, Jacques Abel, président de la toute nouvelle fédération. Un espoir d'autonomie naît pour nous les aïkidokas de France. Noro Masamichi senseï est alors en pleine construction du kinomichi et semble vouloir garder ses distances par rapport à toute fédération, même si les contacts ne furent jamais rompus avec le monde de l'aïkido.
Puis vint la naissance d'Aïkido Magazine, dont le premier numéro trimestriel sort en février 1984, incluant un éditorial de Didier Robrieux, une entrevue avec Jacques Abel et un cahier technique de Christian Tissier. Si dans ce n° 1 de la FFAAA, Noro Masamichi senseï n'apparaît pas, en revanche dès le second numéro, il est bien présent dans un entretien accordé par Maître André Nocquet. Cela montre que même si Noro senseï avait déjà fondé le kinomichi (en 1979), il restait connu et reconnu dans le cercle de l'aïkido.
Enfin ce fut l'intégration officielle du groupe Noro Kinomichi au sein de la FFAAA en 2001, par le biais de la Kinomichi International Instructors Association. Maxime Delhomme présidait alors la fédération et il n'était pas rare de le rencontrer au Korindo Dojo. Rapidement dans Aïkido Magazine, un article salue cette association. Le kinomichi n'est encore, à l'époque, qu'une discipline "affinitaire". Un témoignage de cette affinité, et même de l'amitié entre la FFAAA et Noro Masamichi senseï sera formé toujours dans la revue Aïkido Magazine, par l'ensemble des articles consacrés au kinomichi et à ses instructeurs et instructrices les plus chevronnés : Catherine Auffret, Jean-Pierre Cortier, Lucien Forni, Françoise Paumard, Jean-Pierre Sarton, Françoise Weidman, Hubert Thomas et d'autres encore. Un numéro spécial sera même consacré aux 50 ans de Noro senseï en France (1961-2011). Maxime Delhomme saluera « une maison vraiment commune » à l'aïkido et au kinomichi. Le rapprochement se consolide et bon nombre d'instructeurs de kinomichi passent des diplômes officiels sous l'agrément de la FFAAA.
Depuis 2001, les présidents successifs de la FFAAA – Maxime Delhomme, Paul Lagarrigue, Francisco Dias – perpétueront ce compagnonnage. Les liens seront même renforcés puisque grâce à l'entente constante entre Francisco Dias et Hubert Thomas, le kinomichi passera du statut de discipline affinitaire à celui de discipline associée, ce qui entraînera pour la fédération un changement de titre et de statuts en 2021-2022, et pour l'Institut Français de Kinomichi (IFK) des responsabilités et des devoirs au sein de la FFAAA.
Mais il ne s'agit pas que d'une association administrative ou d'une conjonction d'intérêts. Il y va bien d'une fraternité spirituelle. Sur le tatami les échanges entre les diverses disciplines se multiplient. Les pratiques peuvent mutuellement mesurer les écarts de technique et en même temps apprécier le sens et la valeur de chacune. Il y eut de grands moments de rencontre comme le stage international du Doshu, Ueshiba Moriteru, en février 2004, qui fut l'occasion pour certains pratiquants de kinomichi de découvrir toute une tradition. Une autre venue du Doshu en septembre 2013, quelques mois après le décès de Noro Masamichi senseï permit des échanges fructueux entre les disciplines, et pour ces 30 ans de la FFAAA son président salua la mémoire du fondateur du kinomichi. Auparavant, en avril 2005, un stage commun de Noro senseï et Maître Christian Tissier, au profit de l'association Hakki pour soutenir les victimes du tsunami de 2004, montra une grande communauté d'esprit et de pratiques entre les deux maîtres. Noro senseï profita de l'opportunité pour remettre à Christian Tissier un de ses hakamas blancs en signe de profond respect et de transmission. Pour l'anecdote, ce stage commun me permit de retrouver mon tout premier instructeur d'aïkido que j'avais alors perdu de vue depuis vingt-cinq ans !
Ce quarantième anniversaire de la FFAAA permet donc de retracer tous les efforts communs pour construire un toit commun, comme les pans d'une pagode convergent vers le ciel. Certains fâcheux pensent qu'avec ce compagnonnage au sein de la FFAAA, le kinomichi "s'aligne" sur l'aïkido comme s'il perdait son âme. C'est profondément méconnaître les intentions de Noro Masamichi senseï qui entérina lui-même cette association et en anticipa toutes les étapes. C'est lui-même qui choisit la FFAAA, et il est paradoxal de voir d'actuels pratiquants de kinomichi lorgner vers d'autres fédérations soi-disant pour respecter les vœux du défunt senseï…
Faire converger les énergies des uns et des autres pour construire un chemin commun suppose de part et d'autre des ouvertures. Pour les aïkidokas et est aïkibudokas, proposer une place au kinomichi, en reconnaître l'apport original et singulier dans une marque de confiance. Pour certains pratiquants de kinomichi, sortir d'une vision dilettante de la pratique pour entrer dans ce que Noro senseï posait comme un chemin "professionnel" : obtenir des diplômes agréés par le ministère, ce qui suppose une reconnaissance d'un niveau (ce qu'on appelle un grade) et d'une formation adéquate (BF, CQP, DE), s'engager dans la voie de l'enseignement, participer à la vie de la fédération aux plans administratif et technique. Depuis dix ans maintenant beaucoup de travail a été accompli de part et d'autre, et les fondamentaux sont posés : « il n'y a plus qu'à » les faire vivre par l'énergie des uns et des autres
Cet anniversaire permet donc de récolter pour la FFAAA une moisson riche en promesses tenues et en projets toujours dynamisants. Le temps de la jeunesse est certes révolu, mais parce que la maturité est présente : chaque discipline associée est consciente de ce qu'elle doit aux autres et de ce qu'elle peut apporter en partage. Musubi, ki awase, aï – c'est bien une langue commune qui relie nos énergies dans un même amour de l'humain en mouvement.