Editos et dessins de Michèle Vayron, première rédactrice du bulletin la Voix d'Assise
Michèle est née au ciel il y a 25 ans, le samedi 7 janvier 1995, en la vigile de l'Épiphanie.
« Ce matin-là existait une immense tendresse et une luminosité douce qui faisait palpiter le dedans des choses et des êtres. Quelque chose d'irriguant, provenant sans nul doute du cheminement à ses côtés, et qui finirait par bannir, pour toujours, le dessèchement de l'âme et toute tristesse. » (Edito du n° 4 de la Voix d'Assise).
En hommage voici les quatre éditos qu'elle a écrits pour les premiers numéros de la Voix d'Assise, ainsi que quelques dessins qu'elle y a fait paraître. Il y a aussi l'hommage écrit par Jacques Breton et un autre hommage écrit par une amie.
Éditorial du n° 0, écrit par Michèle en décembre 1993
Si, entre nous, le lieu essentiel de la Rencontre est ce Silence que nous avons choisi pour "revenir vers"…, nous mettre à l'écoute ; si, pour cela, il nous est possible de nous retrouver physiquement dans un même endroit – la rue Quincampoix, le centre de Saint-Gervais, celui de Rennes – il apparaissait nécessaire depuis un certain temps déjà aux adhérents et aux membres d'Assise d'approfondir, de concrétiser, cette union -cette communion du Souffle-, à la fois tissée au fil de notre pratique de zazen est naissante, renaissante, à chaque temps de méditation vécue seul ou en groupe.
Nous avions donc émis l'idée au cours d'Assemblées Générales de faire paraître un bulletin d'association qui soit un nouvel espace de rendez-vous, reflétant à travers la matière, la chair du mot, ce qui nous reliait au sein d'Assise dans un même "point de Vie" sans pour autant nous lier, pieds et poings, à un même point de vue.
De l'idée à la réalisation, nous avons eu à parcourir l'immense distance du faire, sur laquelle surgit immanquablement l'obstacle du temps disponible qui, pour une action commune, devient la haie difficile à sauter ensemble… quelques-uns ont pu la franchir, sous l'impulsion dynamique d'Agnès. Quelques-uns seulement… c'est pourquoi ce numéro est le n° 0, modeste murmure annonciateur de la et des Voix d'Assise qui donneront au n° 1 sa tessiture. L'essai devait être tenté… tout fleuve ne naît-il pas dans le murmure d'une source ?
Ce bulletin pourra donc être pour la Voix d'Assise une caisse de résonance d'où vibrera son esprit. Le message qu'elle laisse monter jusqu'à l'ouïe de notre cœur n'étant ni une philosophie ni une idéologie mais une incitation à passer à l'Acte de la Connaissance Intérieure à travers l'Exercice -au sens d'Exercice initiatique-, nous resterons très… pratique. […]
Lorsque la Voix d'Assise s'atomise, elle retombe en fine rosée de Voix… les nôtres, et nous attendons qu'elles nous parviennent de tous les petits bancs de bois où zafus de France et d'ailleurs… Cependant, en prévision du phénomène bien connu d'hésitation à prendre la parole lorsqu'elle nous est offerte, Françoise Po. À préparer une gamme de tonalités en nous invitant à l'élargir de nos nuances, nous rappelant aussi que du plus matériel au plus subtil de notre quotidien, l'Être n'a pas de domaine privilégié.
Pour conclure cette présentation, souhaitons que ce bulletin trouve son… assise, qu'il nous permet de continuer ensemble sur la Voie. Cette voie sur laquelle nous accompagne un homme -Jacques Breton-, celui qui a, il y a quelques années, semé en terre une graine, cette association, dans la seule intention d'ouvrir notre Cœur à notre Profonde Nature, de nous amener à accueillir, à reconnaître au-delà des bruissements de l'existence l'Appel à la grande Vie, du Tout Autre. Par sa voix, recueillie par Catherine B.[1], nous pouvons entendre qu'il peut être donné à chacun de vivre l'expérience de l'Être.
Éditorial du n° 1 écrit par Michèle en avril 1994
Nous avons bon savoir toute la promesse de Printemps renfermée dans ces petits bourgeons qui apparaissent précocement sur des branches encore argentées des dernières gelées… Savoir que tout est là, que l'immobilité du paysage n'est qu'apparence : ce n'est qu'une fois le rideau blanc de l'Hiver relevé jusqu'au prochain Décembre, que nous passons par l'Expérience du Vivant remis en mouvement, lorsqu'il nous offre ses mille chants, ses mille couleurs, ses mille parfums. Perçant la bulle de nos distractions, Mère Nature nous saisit dans un étonnement enchanté.
C'est un peu ce qui est arrivé avec la Voix d'Assise. Le numéro 0 était un bourgeon que nous savions répondre à une pulsation intérieure, nous avions confiance en son éclosion, en ce qu'il était le fruit du travail d'une sève nourrissante, mais nous n'avions pas vraiment conscience de ce potentiel de vous qu'il portait déjà. Nous n'imaginions pas à quel point il était empli de vie -vibrant de vos vies. Le bourgeon s'est ouvert rapidement, impulsé par la force de vos désirs, sur une fleur multicolore où chaque pétale a un prénom.
L'intérêt que vous avez manifesté, se traduisant par un nombre important d'abonnement, nous êtes un encouragement à poursuivre dans cette… Voie d'Assise. Elle paraît être pour vous ce que nous espérions qu'elle soit : une source d'enseignement, à travers la place de parole qu'elle destine à Jacques Breton[2] - une source de renseignements sur les activités et la vie du Centre.
Mais, au-delà d'un succès quantitatif, il y a cette qualité de cœur avec laquelle vous accordez votre soutien à la parution de ce bulletin et ce souhait qu'il puisse permettre aux membres d'Assise de se rencontrer. C'est essentiel, car vos réponses ont été pour certains l'occasion d'écrire dans un murmure, de laisser glisser au fil des mots, dans une discrétion touchante. « Je me sens seul(e) ». Et le plus bel espoir que puisse porter la Voix d'Assise est de devenir l'outil avec lequel les uns pour les autres -les uns avec les autres- nous entamerons des brèches dans les hauts murs de nos solitudes. Un 'je suis seul(e)" plus un "je suis seul(e)"… nous sommes deux, déjà !
C'est pourquoi nous aimerions que tous -non, que chacun se sente nommé dans ce numéro 1 même si son nom n'apparaît pas (la Voix d'Assise doit aussi assumer sa double origine, infinie dans son essence, limitée dans sa forme), qu'il perçoive à travers le contenu de ces pages qu'il a été… écouté.
Dans cette possibilité de nous découvrir au profond de nos richesses, Maurice ouvre le Chemin[3]. Plus que beau, plus qu'émouvant, son poème est bouleversant en ce sens qu'il ne révèle pas un don caché de notre ami, mais un don que nous n'avions peut-être pas perçu parce que notre regard sur l'autre est encore un regard… bien aveugle !
Éditorial du n° 2 écrit par Michèle en juillet 1994
Touché, lui aussi, par la torpeur de l'été qui vient pointer d'ardents rayons de soleil sur nos fronts encore pâles de ciels couverts, le stylo semble vouloir s'alanguir sur cette page blanche.
Aussi cet éditorial sera-t-il juste l'occasion de vous souhaiter de BONNES VACANCES ou plus précisément, si l'on se rappelle l'étymologie du mot… une Bonne Vacuité !
Un vide régénérateur plein de ces moments que nous nous laissons trop souvent volés par un quotidien agité ! Pouvoir prendre le temps et ne plus être pris par lui.
Mais, que nous partions braver les rapides du Mekong sur notre coussin de méditation ou que nous restions à cultiver notre jardin, nous demeurons ensemble. Peut-être même, pourrons-nous être encore plus proche les uns des autres, dans une écoute intérieure libérée des tracas journaliers : la pensée du Cœur près de ceux pour qui les vacances désertifient leur environnement, entraînant un isolement encore plus grand.
Cette disponibilité d'être nous amène à retrouver ce regard de l'enfant qui reçoit chaque instant dans la nouveauté, à ré-éveiller en nous l'étonnement par la question qui n'admet d'autre réponse que le silence, nous rapprochant ainsi du mystère de l'Être.
Dernier éditorial paru dans n° 4, écrit lors du sesshin de septembre 1994
Une étoile apparaît dans le ciel assombri… une deuxième… et une troisième puis une autre et d'autres encore.
Chacune sourit un visage que je reconnais et que j'aime. Chacune vibre un prénom répété en mon cœur. Porteuse d'un message de vie, ses paroles emplissent mon corps et mon âme : « je suis là » me dit-elle. Toutes différentes et pourtant toutes semblables dans ce Don de Lumière, elles viennent pour dévêtir la nuit de son obscurité. Et leur Souffle d'argent chasse l'ombre. Dans cette clarté inattendue le paysage retrouve nuances, contours : le chemin se dessine à nouveau. Sur ce chemin, où j'étais arrêté par le jour disparu, je peux reprendre la marche du Vivant, accompagnée, guidée, protégée par ces présences amies qui s'unissent en une constellation qu'aucun livre d'astronomie ne nomme, mais que les textes sacrés révèlent comme étant celle qui guérira le monde. Nous la portons tous en notre ciel intérieur. Elle se nomme Amour.
Je suis sans doute votre miracle. Un miracle né de votre élan vers moi. Bien sûr, il y a la médecine. Mais la médecine elle-même, qui avait peu d'espoir, se trouve étonnée de ma vigueur d'aujourd'hui. Cette force de Vie, je vous la dois. Elle a œuvré en moi, nourrie tout au long de ces mois par vos pensées, vos lettres que je conserve aussi précieusement que les premiers humains gardaient la Flamme du foyer.
Vous me donnez le sens de cette épreuve : qu'elle me permette -si Dieu le veut- de témoigner de la réalité et de la puissance de l'Être d'amour que je rencontre à travers vous.
Vous êtes sa Voix.
Hommage de J. Breton (Voix d'Assise n° 4 de janvier 1995).
Oui Michèle nous a quittés.
Puisse le courage exceptionnel qu'elle a manifesté tout au cours de sa maladie, son ouverture de cœur, son attention aux autres, sa délicatesse, cette recherche de beauté à travers ses écrits et ses dessins, demeurer vivants en nous !
Qu'elle ne soit toujours présente au-delà de nos affections sensibles !
Que nous gardions cette même fidélité vis-à-vis d'elle, qu'elle a toujours eue vis-à-vis de nous.
Cette fidélité, elle a vécu dans sa démarche spirituelle à travers le taï chi[4], les sesshins auxquels elle participait très régulièrement.
Je suis persuadé que cette persévérance a été un facteur déterminant dans cette force, cette sérénité, qu'elle a conservées jusqu'au bout dans les grandes souffrances de sa maladie.
Michèle est toujours vivante. C'est notre certitude.
Hommage écrit par une amie de Michèle (Voix d'Assise n° 4)
Michèle
Tu t'en es allée, ma petite sœur d'Oran.
Exquise chevrette, en habit noir et rose.
Tu as remonté à la source du mystère.
La vie t'a amenée
La vie t'a remmenée.
Je ne viendrai plus me mirer dans la profondeur de ton regard où nos âmes se rencontraient.
La pudeur de tes mots.
la tendresse de ton sourire
ont fait refleurir mon être desséché.
Aujourd'hui je t'imagine dans un univers de Lumière et de Paix, libérée, sans souffrance.
Je te sens très présente, dansant autour de moi.
S'il te plaît, petite sœur, veille sur moi.
[1] Catherine a interviewé Jacques Breton, cf. Entretien avec Jacques Breton sur l'histoire du centre Assise et le cheminement qui y est proposé
[2] Au début de chaque numéro Jacques Breton écrit quelque chose, et très rapidement cela s'est transformé en "lettre aux amis", cf Lettres-aux-amis de J Breton
[3] Cf. Témoignage de Maurice (membre d'Assise) sur son entrée en cécité, ses poèmes. Hommages écrits lors de son décès il y a 25 ans
[4] Hommage de Max Dravet. « Michèle Vayron, qui pratiquait le TCC avec moi depuis une quinzaine d'années, avait repris l'animation de mes cours à Paris et, s'étant présentée pour l'examen annuel chez Me CHU K. H. en 1993. Elle m'écrivait au cours de l'année 1994 où elle luttait avec le cancer, sur une carte représentant le Christ à Gethsémani : “Par votre présence dans mon cœur, dans ma pensée, par ma présence dans vos prières, vous me ramenez vers Lui.”