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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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25 mars 2020

Entretien avec Matthieu Ricard sur la Pleine conscience et d'autres pratiques de méditation, 5 avril 2015 à Katmandou

Voici un message un peu inhabituel sur les Voies d'Assise dédié au Centre Assise où la pratique commune de méditation se réfère au zen. L'idée de publier ce texte est venue d'une discussion entre membres du Centre Assise à propos de la Pleine Conscience à la suite de laquelle j'ai envoyé aux autres cette transcription, et il m'a été suggéré d'en faire profiter tout le monde en la mettant sur le blog. Il s'agit d'un voyage culturel organisé par l'Institut d'Etudes Bouddhiques dont le siège est à Paris [1] (à l'époque je participais à l'atelier de lecture du Shôbôgenzô de maître Dôgen). Nous avons eu la chance de passer juste avant le tremblement de terre.  L'organisation avait été confiée à Base Camp Trek, c'est Jérôme Edou qui a organisé la rencontre avec Matthieu Ricard. Philippe Cornu, professeur de bouddhisme à l'IEB (mais aussi à d'autres endroits comme l’Université Catholique de Louvain) faisait partie du voyage. La rencontre avec Mathieu Ricard s'est passée le 5 avril 2015, soit il y a presque cinq ans. Cette transcription a déjà circulé à divers endroits, et les lecteurs ont été étonnés d'y découvrir autant de choses. Je l'ai faite au retour du voyage en ajoutant des titres et des notes, et il est possible que certaines choses ne soient plus d'actualité. Bonne lecture !

                                                           Christiane Marmèche

 

Entretien de Matthieu Ricard

Avec les voyageurs de l'IEB

Organisé par Jérôme Edou de Base Camp Trek

Monastère Shéchèn, Katmandou le 5 avril 2015

 

Entretien Matthieu RicardMatthieu Ricard[2] : Je suis ravi de vous voir ici.

Dans ce monastère vivent 600 moines, dont cent font des études philosophiques qui durent neuf ans. On a un centre d'études d'arts traditionnels d'une durée de six ans, une école élémentaire, un centre de retraite d'où j'arrive, où il y a toujours huit personnes qui font la retraite de trois ans, où il y a aussi une quinzaine de personnes qui sont en retraite, des personnes âgées qui ne bougent pas et d'autres qui vont et qui viennent[3].

On est près de Namo Buddha, l'endroit où, dans une existence passée, le buddha a offert son corps à la tigresse pour qu'elle nourrisse ses petits. D'ailleurs on ne sait pas trop quoi faire parce que depuis deux ans une tigresse se promène dans le coin et on hésite un peu à donner notre corps ; on va encore attendre un moment, et voir quand l'occasion sera propice !

Jérôme Edou : Si ça ne t'ennuie pas, Matthieu, on peut faire une rencontre informelle où ils te poseront des questions.

 

●  La pleine conscience (mindfulness).

Philippe Cornu : Moi je me pose des questions depuis un certain temps par rapport à la mindfulness (la pleine conscience).

M R (enjoué) : Oh, la mindfulness, le truc le plus rasoir de la planète !

P C : Je suis d'accord avec toi, mais ce que je veux dire c'est ceci : il me semble qu'à l'heure actuelle en Occident on ne parle plus que de la mindfulness et qu'on parle de moins en moins du bouddhisme. Les gens s'enthousiasment de plus en plus pour la mindfulness et j'ai un peu peur que ce soit une instrumentalisation.

M R : J'étais à "Namo Buddha" où je viens juste, c'est une coïncidence, de faire deux articles pour le Washington Post américain à ce sujet-là.  

La mindfulness est quand même une idée absolument géniale qui a apporté un bienfait mondial principalement dans le domaine de la santé. Elle vient de John Kabat Zinn[4]. Il se trouvait dans un endroit où il y avait beaucoup de souffrance, beaucoup de stress et il n'était pas question d'introduire la méditation, surtout aux États-Unis où ils sont très contre tout ce qui est autre religion. Son but initial était de réduire le stress et il a eu cette idée. Lui faisait une formation venant à la fois de Birmanie et du Chan[5] et il a souvent défendu son idée de départ : être totalement présent sans jugement, quelque chose d'assez proche de l'idée non-duelle du Chan. C'est très bien, mais qui est-ce qui va faire ça dans les entreprises et les hôpitaux ? Par contre la méthode qu'il a mise au point a procuré des bienfaits extraordinaires dans le monde médical puisque ça a été adapté pour la dépression MBCT[6] : on obtenait le même succès que les antidépresseurs pour empêcher les rechutes de dépression chez les gens qui en avaient eu deux ou trois, sauf que les effets duraient plus longtemps et que si on s'arrêtait, ça continuait.

Donc si tu veux, mondialement, jusqu'à il y a cinq ou six ans, dans le milieu hospitalier et autres, c'était quand même quelque chose d'assez exceptionnel. Il a sécularisé la méditation, ce qui n'est pas en soi un mal. Depuis, évidemment, il y a eu la révolution de la mindfulness.

 

●  Le problème des mésusages possibles de la mindfullness.

On a déjà eu une rencontre de Mind and Life[7] sur "l'attention" avec des spécialistes (psychologues, neuropsychologues…). Alan Wallace est très focalisé là-dessus et on a la même idée tous les deux : qu'est-ce que vous faites si vous avez un tireur d'élite mindfull ou un psychopathe mindfull ? En effet le fait d'avoir un esprit calme qui revient constamment à son objet de concentration, le fait ne pas être troublé, donc beaucoup de critères de la mindfulness, s'appliquent très bien à un tireur d'élite, et à un psychopathe qui manipule tout le monde.

Alors, si on va dans les textes bouddhistes, il est évident qu’être au moment présent sans jugement :

  • c'est aussi se rappeler (au sens original), avoir à l'esprit les enseignements du Bouddha
  • c'est avoir à l'esprit des expériences passées positives et négatives qui ont engendré de la souffrance et du bien-être pour soi et pour les autres.
  • et, troisième aspect, c'est avoir la pleine conscience du caractère constructif ou destructeur de certaines pensées. Par exemple la haine, si on la regarde simplement en pleine conscience sans jugement, ça ne nous avance pas à grand-chose. Sauf que les textes disent que si c'est la  "vraie mindfulness" c'est-à-dire la nature de l'esprit non-duel, là, évidemment il ne peut pas y avoir de haine.

Ce que je veux dire c'est qu'on ne va pas aller mettre ça dans les hôpitaux. Donc ils ont raison de dire que la mindfulness c'est mieux que d'être constamment dans un état de réactivité exacerbée contre tout ce qui vous arrive, contre la douleur, contre les pensées, il y a beaucoup de vrai là-dedans, mais les déviations sont faciles.

 

●  Comment aller plus loin que la simple mindfulness ?

Quelqu'un comme Jon Kabat Zinn qui est d'une très grande bonté, dit qu'au bout de six semaines de mindfulness, l'aspect de compassion arrive naturellement. Et moi j'ai souvent dit : c'est gentil de dire ça, mais si la personne n'arrive pas à la compassion, qu'est-ce qui se passe ?

Justement on a parlé de cela car on était tous les deux au Forum de Davos, où maintenant ils ont introduit la mindfulness tous les matins. J'ai fait ma petite révolution et j'ai dit : maintenant on ne parle plus jamais de mindfulness tout seul, si vous dites que ça amène l'altruisme, on ajoute cinq lettres et on parle de caring mindfulness (pleine conscience bienveillante). Et là on ne peut plus avoir un psychopathe bienveillant, un tireur d'élite bienveillant, ça n'existe pas !

Donc sans aller dans les profondeurs de la pensée non-duelle et autre, ce qui est hors de portée des programmes séculiers qu'ils veulent faire, déjà si on avait juste ces cinq lettres supplémentaires, ça couperait court à toutes les déviations, même si ça ne va pas jusqu’à une utilisation psychopathique d'autrui, mais ne serait-ce que l'indifférence à autrui.

Avec Jon et d'autres on a fait une table ronde à Davos. J'avais parlé de cette idée de caring mindfulness avec Jon avant, et il m'avait dit qu'il allait en parler. Comme il n'en a pas parlé  j'ai remis le truc sur la table car je crois que c'est indispensable. Là au moins on évite les mésusages les plus évidents parce qu'à mon sens ça coupe court à 90 % des déviations. Donc je mets le paquet là-dessus dans la mesure où j'ai quelque chose à dire et que je n'ai pas de programme d'enseignement. Et je le dis partout : on ne fait pas de mindfulness, on fait du caring mindfulness, je ne veux pas parler de mindfulness tout seul.

Et puis il y a un autre aspect dont on parle dans le bouddhisme qui est celui du non-jugement. En effet, si vous êtes dans l'état beaucoup plus profond de non-jugement, si vous avez le goût unique, - et par exemple pour vous c'est pareil qu'on vous coupe le bras d'un côté et qu'on vous caresse avec de la soie de l'autre - , d'accord c'est le non-jugement, mais qui est-ce qui va faire ça dans les entreprises et dans les hôpitaux ?

Ceci dit, il y a des avantages à ce qui se passe actuellement au niveau de la mindfulness. Mais à mon avis ça ne va pas se préciser, même si on écrit des articles là-dessus depuis 20 ans. Ainsi Alan Wallace et d'autres ont écrit sur la mindfulness en long et en large pour dire que ce n'était pas exactement ça, mais cela n'a rien changé à l'utilisation de la mindfulness. C'est pourquoi je pense qu'il faut quelque chose de simple, et c'est pourquoi j'ai pensé à caring mindfulness. C'est peut-être un peu long et il faudrait trouver un mot. Mais déjà, même sans aller dans les profondeurs, si on pouvait marteler cette notion dès que c'est possible, et je ne m'en prive pas, ce serait un progrès si ça pouvait percer. Et je ne vois pas pourquoi ça ne percerait pas puisque ça ne demande pas d'aller à un niveau beaucoup plus difficile de pratique.

P C : Tu vois, je suis professeur de bouddhisme à Louvain-la-Neuve et il y a un monsieur qui fait un programme de mindfulness à la faculté de psychologie mais qui n'a jamais voulu me rencontrer parce que je suis bouddhiste. Autrement dit, les gens qui s'occupent de la mindfulness à l'heure actuelle, ne veulent absolument pas qu'il y ait un rapport avec le bouddhisme. C'est quand même assez bizarre.

 

●  Le projet de Tania Singer sur empathie, altruisme, compassion.

M R : À ce sujet il y a quelque chose d'intéressant qui va faire un pavé dans la mare. Avec Tania Singer qui s'occupe de l'empathie, on a montré que l'empathie était différente de l'amour altruiste et de la compassion. Pour cela on a montré que dans le cerveau, les effets étaient différents, les caractéristiques étaient différentes. C'est donc un travail scientifique qui montre clairement les différences entre l'empathie, l'altruisme et la compassion. Et comme c'est une très bonne scientifique, et qu'elle est directrice de l'Institut Max-Planck de Leipzig, sur la base d'études préliminaires qu'on a faites ensemble, elle a réussi à obtenir de très gros crédits de son Institut pour faire un projet d'un an sur la relation entre l'empathie, l'amour altruiste, la compassion, la prise de perspective avec autrui qui est une empathie cognitive. Et elle s'est dit : puisque la mindfulness, tout le monde en parle, on va la mettre dans le lot.

Elle a déjà parlé préliminairement des résultats de cette expérience, notamment à Davos, mais ça va sortir dans les papiers scientifiques et ça va faire un splash dans le monde de la mindfulness.

Il y a donc eu 300 bénévoles qui n'avaient pas fait nécessairement de la méditation. En fait ils n'étaient pas complètement bénévoles puisque qu'on leur donnait un petit quelque chose. Sur un an ils ont fait, dans un ordre différent, trois mois de mindfulness, trois mois de prise de perspective, trois mois de . D'habitude, sur un an il y a 30 à 40 % des gens qui se désistent. Mais là il n'y en a eu que 5 % ! C'est dire qu'à part les gens qui avaient des cas de forces majeures, ils étaient tous pris par ce programme ce qui était déjà un résultat assez extraordinaire. En plus il fallait des témoins et pour cela ils ont pris des enseignants : le groupe contrôle faisait un entraînement à la mémoire, ce qui n'a rien à voir avec le reste. Par ailleurs les bénévoles ont fait les choses dans un ordre différent car sinon on aurait pu dire qu'il y avait un effet de mise en condition par telle ou telle chose.

De plus elle a mesuré le comportement pro-social des gens, c'est-à-dire la façon dont ils se sentaient vis-à-vis des autres et surtout dont ils agissaient. Des tests ont été faits où on les voyait agir, car il ne suffisait pas de les entendre dire qu'ils se sentaient plus altruistes, il fallait encore que ça se voit dans les faits. Les résultats des observations sont assez étonnants :

  • après trois mois de mindfulness où soi-disant il y a de l'altruisme, c'est plat : rien, rien, rien. Il y a une meilleure réception du stress, mais strictement aucun effet sur l'altruisme.
  • après trois mois de la prise de perspective qui consiste à se mettre à la place de l'autre, il y a déjà une petite différence, donc c'est plus intellectuel ;
  • après trois mois de metta, il y a un effet énorme.

C'est donc une étude extrêmement bien faite, avec 30 chercheurs et des gros moyens. Et à mon avis ça va être un pavé dans la mare, et du coup ça va être très bon pour l'idée qu'il faut faire du caring mindfulness.

 

●  La compassion : dans le cerveau et/ou dans la conscience ?

P C : Je pense aussi que c'est assez important de faire des choses avec des neuro-scientifiques, il y a encore une idéologie neuro-scientifique qui place plutôt les choses comme étant issues du cerveau plutôt que de la conscience.

M R : Ça c'est encore une autre histoire. Et là on peut très bien étudier des états beaucoup plus intéressants comme la compassion, ou même un état qu'on a appelé "la présence ouverte"[9], mais on pourrait lui trouver un autre nom. On a fait cela avec des gens de laboratoire comme Richard Davidson qui sont là-dedans depuis 30 ans et qui sont des gens très ouverts.

L'autre débat est celui concernant la conscience, un débat qu'on a très régulièrement, mais il n'est pas nécessaire de décider de cette question pour mener à bien ce travail.

Avec 8000 moines on a fait la Mind and Life et on a fait venir un des plus réductionnistes des réductionnistes, Christof Koch qui est un disciple de Francis Crick, et qui a écrit un livre Confessions of a Romantic Reductionist. Il y a eu des débats très poussés, très sympathiques dont vous trouvez les compte-rendus sur internet[10]. Christof Koch a d'ailleurs été très impressionné et a écrit un article dans un journal américain pour dire : là au moins ils savent discuter, on va au fond des choses, ce n'est pas fanatique. Mais ça, c'est un autre débat.

Je suis en train de finir un travail qu'on a commencé il y a 10 ans. Il s'agit d'un dialogue avec Wolf Singer, le père de Tania Singer. Il est très ouvert mais quand même très réductionniste. Il y a 300 pages sur cette question.

Comme Richard Davidson le dit souvent : quand on dit que la compassion c'est tel ou tel machin dans le cerveau, c'est vraiment une approximation, on ne sait pas du tout ce que c'est que la compassion dans le cerveau ! On observe néanmoins une différence considérable dans le cerveau des gens qui ont fait de la méditation pendant 20 000 heures, par rapport au cerveau de ceux qui n'en ont pas fait, donc il y a quelque chose. Maintenant dire : « c'est ça la compassion », évidemment ça n'a aucun sens. Les bons scientifiques sont donc prudents dans leurs affirmations, et aucun d'entre eux ne vous donne des choses noir sur blanc en disant : « voilà on a trouvé la compassion dans le cerveau » !

Justement, à Liège, dans le grand laboratoire sur le coma de Steven Laureys, on analyse les états minimaux de conscience. Je vais passer deux jours avec eux, on va voir ce que ça donne[11], en général c'est plutôt bon ce genre de rencontre. Il y a des moments d'interface, il y a des positions qui sont différentes. On respecte ce qui ne se recouvre pas, on le laisse pour des discussions privées, mais on ne simplifie jamais. Nous on sait très bien que ce qu'on fait dans ces laboratoires scientifiques, et c'est complètement lié au bouddhisme. Ceci dit, on peut travailler sur l'interface. La preuve en est que ça a donné lieu à beaucoup de recherches passionnantes qui vont donner beaucoup plus ses lettres de noblesse à la méditation.

P C : Tu vois la corrélation, moi je la vois juste dans le fait que, quand il y a une intention, à savoir une position réductionniste, ça réduit l'homme en quelque sorte à quelque chose.

M R : Oui, mais ces réductionnistes-là ne seraient pas assez motivés, ils ne vont pas nous inviter dans leur labo. Les vrais réductionnistes sont intéressés par les discussions comme celle qu'on a eue avec Christof Koch.

Avec Michel Bitbol[12] on a fait une journée sur "Esprit, cerveau et matière", c'est disponible en ligne dans Le Mind and Life XXVI[13]. On a parlé toute une journée sur la conscience et on ne s'est pas ménagés les uns les autres. On avait du temps en plus, et c'était d’un très bon niveau. À un moment donné, quand j'ai exposé mon truc, j'ai dit à Christof : « tu dois penser que je suis complètement fou » et il m'a dit : « non, pas du tout ». Ils admettent.

J'ai essayé de délimiter plusieurs choses qui remettraient complètement en cause le paradigme psychanalytique si on pouvait les prouver. J'ai listé trois choses, deux valables et une autre un peu moins :

– la première ce serait montrer à 100 % qu'il y a des gens qui se souviennent de leur existence passée. Là-dessus on a une centaine de témoignages. Pourtant je ne peux pas dire : « voilà la preuve », mais je dis « si tout ça c'est vrai… » :

– la deuxième chose c'est montrer qu'on peut lire la pensée des autres. Pour un réductionniste c'est quelque chose d'impossible parce que cela voudrait dire que deux cerveaux devraient se mettre dans le même état pour avoir la même pensée, avec exactement la même configuration.

– et puis il y a les états…

P C : Il y a les EMI, les états de mort imminente…

M R : Non, il se passe tellement de choses que même chez les rats on voit qu'il y a des confusions d'ondes gamma. En quelques secondes tu peux revivre toute ta vie.

Je ne parle pas des EMI, mais des états où soi-disant il y a un encéphalogramme plat, où donc il ne peut y avoir d'activité cérébrale, donc pas de perception. Si c'est vrai, ce n'est pas possible que des gens sortent de ces états en vous disant qu'ils ont vu quelque chose.

C'est pour ça que je travaille avec Steven Laureys car il s'avère qu'il y a plusieurs types de coma et que dans certains, en fait, on perçoit des choses. Par contre dans le coma où il n'y a quasiment plus d'activité cérébrale, et dont on ne se relève jamais, là on ne peut pas communiquer avec eux. Mais il y a donc des cas où il n'y a pas d'activité cérébrale et où les gens se rappellent quelque chose.

Le problème par rapport aux trois choses dont j'ai parlées, c'est que pour les deux premières, surtout celle de la réincarnation, c'est un peu compliqué d'avoir une véritable attestation. Pour la lecture de la pensée des autres, ceux qui ont cette capacité, en général, ne vont pas vous dire qu'ils peuvent le faire, car ça leur arrive un peu par hasard. Vous ne pouvez pas leur demander de venir dans un laboratoire pour faire 20 fois la chose dans la journée. Si ça pouvait se faire, par contre, ça ne coûterait rien, ça prendrait une journée et ça résoudrait la question. Donc si un jour quelqu'un qui a cette qualité-là décide que c'est bon pour l'humanité de le prouver, et que ça ne crée pas trop de gens qui vont péter les plombs, c'est de loin l'expérience la plus facile à réaliser. Jusqu'à maintenant cela n'a pas été fait.

Et là ils sont tous d'accord (Christof Koch, Wolf Singer…) : si c'est vrai, ça va remettre beaucoup de choses en cause. Seulement pour l'instant ils disent : il faut qu'on voie.

En particulier Wolf Singer est venu deux fois ici et on lui a raconté une flopée d'histoires de ce genre. Il a dit en gros : « N'en jetez plus, si c'est vrai il faut tout remettre à zéro. Mais le problème avec ça, je ne dis pas que vous mentez, mais ce sont toujours des choses qui ne sont pas reproductibles, on ne peut pas les étudier scientifiquement. C'est plutôt dans le domaine du témoignage qu'autre chose. Et pour nous c'est très difficile. Il faudrait un gars qui s'asseye et il nous fasse ça 20 fois dans la journée avec un groupe témoin. »

Je connais des personnes qui seraient capables de faire l'expérience, mais si vous leur demandez, ils disent : « moi je ne sais rien ». Et d'ailleurs ne pas pouvoir faire l'expérience, ce n'est peut-être pas un problème, on n'a peut-être pas besoin de prouver tout ça. Ce que je veux dire c'est que les scientifiques sont au moins d'accord sur un certain nombre de choses qui, si elles étaient exactes, changeraient beaucoup de choses. Tout ça pour dire que même les gens les plus réductionnistes sont prêts à discuter de ce genre de choses. Un vrai scientifique n'est jamais plus content que quand on lui amène une découverte. Seulement ils ont peur de tout ce qui est farfelu et ils ne veulent pas y toucher. C'est pour cela que pendant longtemps ils ne voulaient pas toucher à la méditation.

 

●  Empathie, compassion…

► Vous avez parlé d'empathie et de compassion, quelle différence faites-vous entre les deux ?

M R : Si vous voulez des références un peu plus détaillées que ce que je vais dire, vous pouvez aller voir le livre de 800 pages que j'ai écrit, il y a plusieurs pages là-dessus : Plaidoyer pour l'altruisme. La force de la bienveillance. Éditions du Nil, 2013.

Dans la pleine conscience l'empathie est mise à toutes les sauces. Ce n'est pas fait méchamment, mais ça devient le mot à la mode pour dire en fait l'altruisme. Or en fait ce n'est absolument pas ça, car l'empathie est quelque chose de beaucoup plus restreint, de beaucoup plus spécifique.

L'empathie a deux aspects : un aspect émotionnel et un aspect cognitif.

L'aspect émotionnel c'est : quelqu'un de joyeux arrive et il y a une résonance émotionnelle. Il n'est pas ici question des neurones miroirs, c'est beaucoup plus complexe que ça : vous êtes joyeux parce que la personne est joyeuse. Par exemple vous arrivez à une table où tout le monde rigole et vous commencez à rigoler avant de savoir pourquoi. De même quelqu'un qui souffre énormément devant vous, sauf si vous êtes psychopathe – car chez ceux qui sont en manque d'empathie il n'y a aucune résonance – vous souffrez vraiment de la souffrance de l'autre. C'est Tania Singer qui a montré que dans ce cas-là ce sont les mêmes réseaux cérébraux qui sont activés que pendant la souffrance normale, donc c'est la souffrance, ça n'est pas simplement : « oh le pauvre ! »

Mais le problème de l'empathie laissée à elle-même c'est que si vous n'avez que ça à votre disposition, si vous souffrez constamment avec l'autre, vous avez un burn-out tout de suite. Donc vous ressentez une détresse empathique, mais alors vous vous détournez de la personne. En effet les détresses empathiques ne mènent pas à l'altruisme, elles conduisent à éviter de s'exposer.

Par ailleurs il y a l'empathie cognitive qui est aussi de deux types. L'un de ces types c'est de se mettre à la place de l'autre en disant : « qu'est-ce que je ressentirai si j'étais à sa place ? » Il ne s'agit donc pas forcément de ressentir ce que lui ressent. Par exemple si vous vous mettez à la place de quelqu'un qui a peur en avion et que vous-même vous n'avez pas peur : « moi je ne ressens rien du tout mais je sais qu'il est paniqué : je sais qu'il est dans un état de trouble profond, et j'ai la faculté d'imaginer son trouble. » L'empathie est donc un signal de renseignements grâce auquel je vois l'état intérieur de l'autre. Dans ce cas il y a plusieurs types de réponse et il y a un seul cas qui débouche sur l'altruisme. Par exemple il y a quelqu'un qui souffre, l'empathie vous dit qu'il souffre, et si vous accordez de la valeur à l'autre, vous allez faire en sorte de remédier à sa souffrance, sinon vous allez l'éviter. Par exemple il y a des gens qui ne supportent pas de voir des animaux souffrir à la télé et ils ferment la télé ; mais c'est dommage : si ça les bouleverse, il faut qu'ils fassent quelque chose !

Dans les cerveaux ce ne sont pas les mêmes zones qui sont en activité pour l'empathie et pour l'altruisme. La première fois que je suis allé faire un I.R.M.[14] avec Tonia Singer qui est la grande spécialiste de l'empathie, elle m'a demandé de faire mon truc comme d'habitude. Au bout de 10 minutes elle m'a dit : « mais qu'est-ce que tu fais, ça n'a rien à voir avec ce qu'on voit d'habitude ». Alors je lui ai dit : « moi je pratique sur l'amour altruiste ». C'est comme ça qu'on a commencé à discuter.

Ensuite elle a fait des études où elle a montré que, si vous demandez à des gens de cultiver l'empathie pendant une semaine, à la fin de la semaine ils ne supportent plus, ils commencent à pleurer dans le tram en allant au travail le matin parce qu'ils voient la souffrance partout. En parallèle il y avait un groupe qui cultivait la compassion et voyait la souffrance de façon beaucoup plus constructive et positive, et ils ont été obligés d'aller au secours des gens qui avaient fait huit jours d'empathie ! On a rajouté à ceux-là deux jours de metta pour les remettre d'aplomb en quelque sorte !

 

●  Quelques repères.

Si vous voulez, en gros, très brièvement, je vais vous donner quelques repères. Dans le complexe bienveillance, empathie, amour altruiste, compassion[15], qu'est-ce qui se passe ?

La bienveillance est finalement la chose première. Être bienveillant en général : vous souhaitez le bien-être des êtres et dans la mesure du possible vous êtes prêts à l'accomplir.

Ensuite l'empathie arrive : Ah, cette personne souffre. Que devient la bienveillance dans ce cas ? C'est la compassion : le souhait qu'elle soit heureuse devient plus spécifiquement celui de tout faire pour qu'elle soit débarrassée de cette souffrance et de ses causes.

Pour prendre une image, c'est un peu comme si une lumière traversait un cristal. Si le cristal de l'empathie vous dit que c'est une souffrance, ça ressort sous forme de compassion ; si l'empathie vous dit qu'elle est heureuse, vous souhaitez par bienveillance qu'elle reste heureuse et soit encore plus heureuse.

On retombe sur les brahmavihâra[16].

Ce qui est intéressant c'est qu'il n'y a pas de mot en tibétain pour l'empathie, mais quand j'ai fait ces expériences avec Tania Singer elle m'a demandé si pendant une heure je pouvais ne faire que de l'empathie. J'étais en I.R.M. et j'avais vu plein de documentaires sur les enfants roumains. Donc surtout pas de compassion, je la mettais de côté en me disant : « concentre-toi sur la souffrance ». Au bout d'une heure j'avais un burn-out ! Et je me suis dit que dans les enseignements on vous dit : « pensez à la souffrance des êtres jusqu'à ce que ce soit insupportable », mais je pense qu'on ne le fait pas assez, on y pense un peu et on passe à la suite. En effet, lorsque j'ai fait ça pendant une heure et qu'après je suis venu à la compassion, c'était une compassion beaucoup plus forte, comme un océan de compassion. Ça me disait au moins : « les êtres souffrent et c'est insupportable ». La chose que j'ai retenue de cette interaction c'est qu'on devrait peut-être plus méditer sur la souffrance avant de passer à la compassion car ce serait beaucoup plus puissant dans notre esprit.

► Ce que je comprends c'est qu'il y a la compassion, l'empathie et la bienveillance, que la bienveillance et la compassion ça peut se cultiver, et l'empathie non. Je me souviens d'une phrase du Dalaï-lama à propos de l'empathie ; j'avais compris que l'empathie était le premier stade de la compassion : si vous êtes coupés de vos émotions, vous ne pouvez pas ressentir de compassion.

M R : Tout ça c'est compliqué. En effet chez les psychopathes l'empathie est une chose qu'ils arrivent très difficilement à éprouver. Mais parfois on peut y arriver. Tania Singer a fait une fois un feed-back et elle est arrivée quand même avec un des deux types de psychopathes à faire sentir quelque chose au bout d'un long moment.

Maintenant, autre question : pour arriver à la compassion est-ce qu'on peut court-circuiter l'empathie ?

► Et les neurones miroirs ?

M R : Les neurones miroirs c'est très sympa, mais ça n'a rien à voir avec ça, c'est beaucoup trop basique : un singe voit quelqu'un qui mange un sandwich et il y a un truc moteur qui se met en route. C'est vraiment surfait même si c'est intéressant pour la reconnaissance de l'autre. L'empathie est beaucoup plus sophistiquée, elle met en relation de nombreuses aires du cerveau.

Dans le bouddhisme on considère trois niveaux de compassion à propos de la souffrance :

  • au premier niveau il y a la souffrance visible, et tout de suite l'empathie se met en œuvre et amène la compassion ;
  • au deuxième niveau on réfléchit à l'impermanence ;
  • au troisième niveau il n'y a aucune émotion à appliquer : tant que les êtres sont dans l'ignorance, tant qu'ils déforment la réalité, c'est une compassion beaucoup plus vaste qui doit être mise en œuvre.

Un jour Paul Ekman, un grand spécialiste des émotions, m'avait demandé si on pouvait ressentir de la compassion sans émotion, et j'étais hésitant. Par exemple si on regarde le Dalaï-lama on voit qu'il y a des moments où il est en pleurs, et d'autres où il ne l'est pas. Mais par ailleurs Khyentsé Rinpoché était une montagne imperturbable, d'une compassion infinie, mais pas dans le domaine émotionnel.

Daniel Batson, le grand spécialiste de l'altruisme, dit qu'on n'a pas forcément besoin de l'empathie.

Cependant pour l'altruisme il faut deux choses :

  • accorder de la valeur à l'autre ;
  • reconnaître que moi-même je ne souhaite pas souffrir, c'est-à-dire que j'accorde de la valeur à mon bien-être ; et alors je peux dire : si je ne veux pas souffrir, les autres pareil.

En effet toutes les discriminations, les génocides, c'est quand l'autre a été complètement dévalorisé. Par exemple, pourquoi est-ce qu'on massacre des milliards d'animaux par an ? C'est qu'on les dévalorise complètement, ce ne sont même plus des animaux, ce sont des objets. Mais si on accorde de la valeur à l'autre, qu'on se sent concerné par ce qui lui arrive, l'altruisme vient tout seul.

L'empathie est un très bon signal d'alarme, de renseignements, mais il y a un autre niveau qui est celui de la compassion au niveau cognitif. Cet autre niveau n'a pas nécessairement besoin de l'empathie. Quand je dis cela, je ne dis pas qu'on peut se passer de l'empathie, mais que je dis qu'elle n'est pas nécessaire pour œuvrer dans une compassion infinie. D'ailleurs je pense que ce qu'on appelle la compassion infinie du bouddha n'est pas quelque chose de très émotionnel, elle n'est pas sur le mode de l'empathie.

 

●  Passer de l'empathie à la compassion dans l'I.R.M.

J E : Pour continuer là-dessus, tu disais tout à l'heure que, quand tu étais dans le tunnel de l'I.R.M : « J'ai commencé par l'empathie et après ça je suis passé à la compassion ». Techniquement, c'était quoi le changement de paradigme ?

M R : Dans l'I.R.M. on ne fait pas qu'une chose tout le temps. Par exemple dans cette expérience, je suis passé 60 fois d'un état neutre pendant 45 secondes ou une minute, à un état empathique pendant une minute et demie, car c'est la seule manière de faire des mesures pour voir des différences.

Qu'est-ce que c'est que mettre de côté la compassion ? C'est simplement se concentrer sur les aspects terribles de la souffrance : il y avait les enfants roumains et puis, à l'époque, nous étions impliqués dans un tremblement de terre, et j'imaginais les gens pris sous les décombres (ton enfant…), ou ma mère ensanglantée au bord de la route à minuit après un accident de voiture : tu ne sais pas quoi faire, tu es impuissant, tu ne sais pas par quel bout prendre les choses.

J E : Donc c'est complètement l'émotion.

M R : Eh bien, tu te mets au diapason de la souffrance de l'autre. Mais il n'y a pas de côté chaleureux.

Quand j'ai décrit ça au Dalaï-lama, il m'a dit : « mais c'est impossible, on ne peut pas empêcher la compassion de venir… » De fait normalement on ne le ferait pas, mais là, dès que ça vient, on se reconcentre sur la souffrance. C'est un peu artificiel mais il faut bien faire des choses pour mesurer.

C'est pour ça que quand Tania m'a dit : est-ce que tu veux qu'on fasse une pause, je lui ai dit : « j'en ai ras-le-bol de l'empathie, laisse-moi pratiquer un peu la compassion ». Et là, au contraire, c'est l'amour tout embrassant, ces images où chaque atome de souffrance est remplacé par un atome d'amour, toutes les images de la bonté aimante. Ça change totalement le paysage. Dans le cerveau ça se voit, c'est la révolution, c'est comme si tu éteignais toutes les lumières qui sont allumées et que tu allumais celles qui sont éteintes. C'est là qu'on a commencé à voir la différence et qu'on a fait un papier montrant que l'empathie et la compassion correspondaient à des réseaux cérébraux différents.

P C : Ceci est extrêmement important pour des gens qui sont en dépression et qui sont souvent dans l'empathie. Je connais des tas de gens qui sont comme ça : ils sont hypersensibles à la souffrance de l'autre, ça les met en pleurs, ils ont mal, mais ils n'arrivent pas à s'en dégager.

M R : L'un des livres que j'ai lus sur la dépression, d'Andrew Solomon, The noonday : An atlas of depression qui est un très bon livre, dit : la dépression s'accompagne aussi d'une incapacité à donner et à recevoir de l'amour. Même si les autres sont très proches, ça ne nous fait rien. Il y a une sorte d'anesthésie, et la personne se le reproche.

P C : On appelle ça le cœur vide.

M R : Donc c'est assez symptomatique. La névrose caractéristique, c'est la rumination intense, et ça peut être sur la souffrance...

 

●  Dans les hôpitaux que faire ?

► Par rapport aux jeunes collègues qui arrivent dans les hôpitaux, qu'est-ce qu'on peut leur dire ?

M R : Là c'est l'idée de Tania Singer qui est quand même assez pragmatique, elle a un projet : ReSource. Elle est d'ailleurs aussi conseillère scientifique de l'ancien président allemand. Elle veut introduire un programme de formation dans la médecine. Ce programme est indispensable car on enseigne tout sauf la compassion : on pense que c'est acquis.

David Smith, qui a été médecin, fait ça aux États-Unis : il organise des séminaires pour 300 médecins pendant 15 jours sur la compassion dans la pratique médicale.

► En fait je ne parlais pas des médecins mais des soignants.

M R : Justement dans ce projet de Tania Singer, la première application est pour les aides-soignants car ce sont eux qui souffrent du burn-out. Aux États-Unis, il y a 60 % du personnel qui, au cours de sa carrière, souffre du burn-out. C'est énorme. On a fait une étude en aveugle sur les patients, et il s'avère que les soignants qui s'occupent le moins bien d'eux, ce sont ceux qui ont eu un burn-out, donc tout le monde y perd.

J'ai l'espoir que l'application fondamentale des recherches de Tania Singer va permettre d'introduire un curriculum dans le milieu médical avec entraînement à la metta (l'amour, la bonté aimante). On voit bien que dans le milieu médical certains ont cette chaleur humaine maternelle, naturelle, et qu'ils n'ont pas de burn-out. J'avais rencontré un médecin qui m'avait dit : « Être avec mes patients ça me met en joie, mais je n'ose pas le dire à mes collègues parce qu'ils vont se moquer de moi. Je devrais souffrir. » En fait ce sont ces personnes qui survivent le mieux dans la profession, elles ont déjà ça naturellement. Mais si on cultive cette disposition, on peut aider beaucoup d'autres personnes qui n'ont pas cette qualité au départ. Et c'est pareil pour tous les travailleurs sociaux

La fille de Paul Ekman travaille avec des gens de la rue à San Francisco. Elle m'a dit un jour : « C'est terrifiant parce qu'on aide les gens à un moment donné, mais quand il n'y a plus de crédit, on les remet à la rue et on sait que ça va recommencer. » Ça c'est le burn-out assuré : on a le sentiment d'impuissance, on est constamment confronté la souffrance, et on est incapable de les aider vraiment.

Si vous voulez, parmi toutes les recherches auxquelles j'ai été mêlé depuis 15 ans, pour moi c'est celle-là qui a le plus de potentiel pour un changement dans le milieu du soin. Donc j'espère que ça va se faire. Tania est très déterminée pour ça, elle est très pour une application pratique de sa recherche. Est-ce qu'elle va y arriver ? J'espère. Elle a déjà une certaine aura dans le milieu scientifique, l'accès à des crédits, donc son projet issu de la recherche devrait marcher.

P C : C'est très important parce qu'on sent que beaucoup de médecins sont mal à l'aise avec la souffrance et qu'ils essayent du coup de se protéger.

M R : Oui, ils vous disent qu'il faut s'éloigner.

► Et quand on est soignant, entendre ça c'est encore pire, ce genre de discours est intenable

M R : S'éloigner c'est mieux que péter les plombs, mais ce n'est pas une solution. J'ai souvent entendu des témoignages, notamment parmi les chirurgiens, ils en arrivent à dire des trucs inimaginables. La seule vraie solution c'est d'introduire l'amour altruiste. Je pense que ça va venir parce qu'il y a un tel besoin !

L'intérêt des recherches scientifiques, quand elles sont bien faites et qu'elles sont publiées, c'est que les gens disent : « Ah ! » Mais il y a toujours une inertie après. Ceci dit, il y a quand même des trucs qui frappent l'imagination.

J E : En plus, c'est ce que tu disais tout à l'heure : si ça rapporte économiquement…

M R : Oui, si au lieu d'avoir 60 % de gens qui ont des burn-out, il n'y en avait que 30 %, vous voyez les économies qu'on pourrait faire. Ça c'est l'argument qui peut emporter la décision !

P C : J'ai discuté avec un prof de marketing à Louvain-la-Neuve dernièrement, il me parlait des méthodes de marketing qui sont encore appliquées à l'heure actuelle dans l'entreprise : par exemple les gens sont obligés de rendre compte des heures de travail qu'ils font, ça crée un burn-out terrible car il y a une sorte de dévalorisation quand les gens se sentent surveillés.

M R : Le burn-out dans le champ professionnel n'est pas le même que dans le champ médical. J'en parle dans mon livre. Il est différent car il ne concerne pas l'empathie, c'est le fait d'être coincé avec aucune marge de manœuvre. Un supérieur vous dit de faire ceci ou cela et vous avez très peu de part de créativité, et en plus les choses ne marchent pas parce que le système n'est pas bon. Alors le burn-out vient insidieusement : vous vous le reprochez à vous-même alors que c'est la situation qui est mauvaise. Donc c'est très différent du burn-out médical.

► La différence c'est qu'on peut avoir aussi cette situation quand on est dans le social ou le médical, mais alors on a en plus la souffrance, c'est-à-dire que ce n'est pas un paquet de lessive qu'on n'arrive pas à vendre, c'est de l'humain qu'on a en face, et donc on a cette douleur.

M R : Dans le milieu médical, c'est quand même la souffrance empathique qui domine, alors que dans le milieu professionnel c'est le sentiment de manque de sens, le sentiment d'être coincé, le manque de reconnaissance, l'impression que nos qualités ne servent à rien : ce que je fais n'a aucun sens, je ne suis pas reconnu, je n'ai pas d'issue… et petit à petit ça me mine complètement. C'est assez bien écrit dans le livre sur le burn-out.

Maintenant il est vrai qu'on peut avoir les deux dans le milieu médical !

P C : Tu as donc le sentiment que les choses vont pouvoir évoluer. Je pense qu'on arrive à un point où il faut faire basculer.

M R : Tania a obtenu une partie des crédits européens[17]. Sur 300 demandes il n'y en a que 10 qui l'ont obtenu, c'est donc que le projet a été reconnu et c'est plutôt bon signe. Les changements de culture, ça ne va pas très vite, mais ça se produit quand même.

 

●  Aperçu sur l'épigénétique.

► Est-ce que tu as entendu parler des études sur l'épigénétique[18] ?

M R : Oui, c'est très important. Je suis un peu impliqué là-dedans avec mes amis…

► Vous parlez de Joël de Rosnay ?

M R : Non, c'est un peu plus sérieux que ça. Il s'agit de Richard Davidson[19] et Olga Klimecki qui ont fait des expériences.

Chez les humains il y avait des gens qui avaient des tumeurs et il s'est trouvé qu'un des traceurs chimiques qui permettait de mesurer le progrès de la tumeur, permettait de mesurer aussi "l'expression des gènes"[20]. On a fait aussi des observations chez les personnes âgées.

Il y a d'abord la question des méthylations des gènes[21] qui sont bien connues maintenant. Par exemple on a vu que chez des gens qui se sont suicidés, il y a une carte épigénétique très différente suivant qu'ils ont été abusés dans leur enfance ou non. Donc il y a des choses qui créent des modifications épigénétiques durables. On a toujours pensé que c'était ainsi, simplement on n'avait pas les techniques pour voir.

Chez les animaux on peut mesurer le changement épigénétique avec l'entraînement. Par exemple on a mis cela en œuvre lors de l'apprentissage de chants chez des oiseaux.

Pour l'homme on s'est demandé ce qui se passait avec l'entraînement de l'esprit. Il y a un an il y a eu là-dessus une publication de Richard Davidson et autres à propos d'une expérience faite à Barcelone en Espagne. Un certain nombre de gènes avaient été choisis parce qu'ils correspondaient au stress ou autre. Ils ont montré qu'en huit heures de méditation, il y avait un changement de 30 % dans la population épigénétique[22].

Donc par l'épigénétique on va pouvoir montrer le résultat de l'entrainement de l'esprit, c'est déjà commencé.

Dans un domaine qui ne concerne pas directement un entraînement spécifique, Barbara Fredickson a montré une différence épigénétique entre deux groupes : dans le premier groupe les gens avaient beaucoup d'émotions positives, et dans le second ils en avaient moins.

Je pense que l'épigénétique est une branche en plein essor. Dans mon livre sur l'altruisme j'y consacre un chapitre. Il porte sur l'épigénétique et la neuroplasticité[23] qui sont les deux grands pôles de la transformation personnelle sur le plan biologique. En effet, là on voit des changements.

Par ailleurs un laboratoire sur le sommeil à Madison a montré que dans le sommeil il y a une différence d'expression des neurones du cerveau qui est de 30 %, ce qui est énorme : les neurones se mettent à 30 % en moindre activité pendant le sommeil.

Donc l'épigénétique n'est pas seulement sur le long terme, c'est constant.

► Ceux qui vulgarisent les résultats de l'épigénétique nous parlent de cinq formes[24] : la méditation, l'entraînement physique, l'alimentation…

M R : Moi je crois que tout l'environnement extérieur agit à la fois sur la neuroplasticité et sur l'épigénétique. Cela a été montré pour des enfants nés en 1944 alors qu'il y avait une certaine famine en Hollande : ils ont eu une transformation épigénétique qui s'est même perpétuée à distance d'une génération et qui a à voir avec les maladies de cœur, l'obésité, le diabète…

On a fait une étude chez les souris qui réagissent à l'odeur d'un prédateur, et on a montré que celles qui ont été exposées à cette odeur  transmettent la transformation épigénétique sur une génération.

Dans l'épigénétique la transmission ne se fait sans doute pas à 10 générations comme dans la génétique, mais à une ou deux générations. Mais si vous voulez, tout agit sur l'expression des gènes et c'est normal : le sommeil, la dépression, la joie, le rire…

Il y a une chose qui est intéressante et c'est une percée dans le domaine de l'épigénétique, ce sont les travaux de Fred Gage qui a participé à un des Mind and Life sur la neuroplasticité. Ce qu'il veut montrer c'est la différence d'expression épigénétique dans les neurones (pas dans la peau) lors de la méditation. Mais, comment prendre des neurones chez les méditants ? On est volontaire pour beaucoup de choses, mais là c'est un peu grave !

Ce qu'a donc fait Fred Gage et qui est extraordinaire, c'est qu'il a pris des cellules sanguines de la peau, il les a transformées en cellules souches, il les a faites se redifférencier en neurones, et il les a observées. Ce n'était pas sur l'entraînement de l'esprit, mais c'était sur un autre type d'intervention puisque cette expérience a été faite pour constater des différences épigénétiques chez des gens qui étaient morts. S'ils ont eu un traumatisme, une peur de quelque chose, on s'attend à ce qu'il y ait un effet épigénétique. Donc on prélève des cellules sanguines, on les transforme en neurones et on regarde les effets épigénétiques sur les neurones ainsi obtenus. Ceci permet indirectement de mesurer le changement épigénétique des neurones des personnes concernées[25]. Le problème c'est que ça coûte horriblement cher puisqu'une expérience coûte 30 000 dollars. Comme dit Richard Davidson, l'I.R.M. à côté, c'est comme des cacahouètes ! Donc c'est très cher mais faisable : on peut indirectement mesurer la transformation épigénétique des neurones en passant par les cellules sanguines.

► Est-ce que vous faites un lien avec le bouddhisme ?

M R : Ce qui a été montré dans ce cas-là c'est que 8 heures de méditation modifiaient 30 % de certains gènes. On peut en tirer une première chose à propos de l'image de la méditation. En effet certains disent que la méditation c'est bien gentil, vous êtes là à moitié dans les pommes sous un manguier, c'est de la relaxation, mais quand vous en ressortez et que vous vous retrouvez dans le métro, tout recommence comme avant. Ceux qui parlent ainsi perdent en crédibilité  puisqu'on a bien montré qu'il y a de vrais changements. Et donc les gens disent : « Vraiment, votre cerveau change ? »

P C : Tu ne trouves pas que ça ressemble à l'intuition des Sarvâstivâdin ?

M R : C'est un aspect. Mais en fait on ne cherche pas à savoir si c'est une causalité ou une corrélation etc.

Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruismeL'explication bouddhiste distingue différents niveaux de conscience. L'aspect grossier de la conscience est directement lié à l'activité du cerveau, personne ne l'a jamais contesté. Pour les aspects plus subtils, c'est très difficile d'avoir une approche scientifique, mais personne n'a rien contre le fait de montrer des corrélations entre des événements de conscience et ce qui se passe dans le cerveau et dans les gènes. C'est là où l'interface est constructive. En effet, ça peut amener des gens à se dire : « ça vaut peut-être la peine de méditer ». Ils commenceront peut-être par la mindfulness parce que c'est quelque chose de vraiment laïc. Puis quand ils verront les limitations de la mindfulness ils commenceront peut-être à lire des choses et ils verront qu'il y a toute une autre dimension, qu'il y a des outils pour aller beaucoup plus avant dans la transformation personnelle. Par exemple s'ils ne sont pas satisfaits avec la pleine conscience ils iront dans une pratique plus approfondie et ils feront le caring mindfulness.

► Quel est le titre de votre livre qui porte là-dessus ?

M R : C'est Plaidoyer pour l'altruisme. Il y a par exemple un chapitre sur les neurosciences, et un autre qui porte sur les carences de l'empathie où je traite du burn-out et autres ; il y a trois chapitres où je traite des définitions, des expériences en laboratoire ; et un peu plus tard, à propos des forces contraires, je traite de ce qui fait obstacle à l'empathie, et là de nouveau je reviens sur le burn-out.

Par ailleurs il y a un livre qui est gratuit en ligne, de Tania Singer et de Matthias Bolz auquel j'ai participé, c'est le compte-rendu d'une rencontre de trois jours à Berlin sur la compassion, avec des scientifiques : "Compassion - Bridging Practice and Science"[26]. Et puis il y a des articles scientifiques qui sont un peu plus indigestes, qui sont signés par Olga Klimecki, Tania Singer et moi-même et un autre, où par exemple on montre la différence dans le cerveau entre les réseaux associés à l'empathie et les réseaux associés à la compassion. Je crois que cela est téléchargeable sur mon site[27].

Je vais vous quitter car je vais voir des amis de Hong Kong.

► Merci Matthieu.

 



[1] L'Institut d'Etudes Bouddhiques regroupent tous les types de bouddhisme et propose des cours d'un bon niveau et des ateliers, soit dans le local situé à Paris près de la tour Montparnasse, soit en visio-conférence  des cours (https://bouddhismes.net/).  Le voyage organisé par l'IEB au Népal-Tibet a eu lieu en avril 2015, et l'organisation a été confiée à Base Camp Trek. La rencontre avec Mathieu Ricard s'est passée le deuxième jour après l'arrivée à Katmandou. Le site du restaurant du monastère : https://www.shechenguesthouse.com.np/french/aboutboudha.php

La transcription a été faite par Christiane Marmèche et relue par François Marmèche. Elle est aussi fidèle que possible mais la rencontre se passait dans le restaurant de jardin du monastère et il est fort possible qu'il y ait des erreurs de transcription. Quelques titres et des notes ont été ajoutés. Le passage de l'oral à l'écrit a entraîné des modifications. Cette transcription date du 10/06/2015.

[2] Matthieu Ricard est moine bouddhiste tibétain, auteur et photographe. Auteur d’une thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur sous la direction du Pr François Jacob, il demeure un scientifique de formation qui ne cesse de multiplier les rencontres entre la science et le bouddhisme. Il est l'interprète français du Dalaï-Lama. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn où nous étions. Il consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs à des projets humanitaires menés au Tibet, au Népal et en Inde (cliniques, écoles, orphelinats, centre pour personnes âgées, ponts), sous l'égide de l'association Karuna-Shechen. Son site : https://www.matthieuricard.org/ .

[4] Jon Kabat Zinn est docteur en biologie moléculaire (au prestigieux MIT) et professeur de médecine émérite à l'université de Massachusetts. C'est à partir de 1979 que la mindfulness de Jon Kabat Zinn prend son essor. Cette approche est connue sous les initiales MBSR, abréviation de "Mindfulness Based Stress Reduction", ou "réduction du stress basée sur la pleine conscience"

[5] La pratique de la pleine conscience est d'une part issue de la tradition vipassana, un mouvement apparu en Birmanie au XIXe siècle au sein de la tradition bouddhiste Theravâda, et d'autre part issue du Chan-zen (par exemple Jon Kabat Zinn a été élève du maître zen Philip Kapleau).

[6] La MBCT (Mindfulness Based Cognitive Therapy) est la Thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la prévention des rechutes dépressives.

[7] L'institut Mind and Life fut fondé en 1987 par le Dalaï-Lama, le neuroscientifique Francisco Varela et Adam Engle un homme d'affaire américain,  pour développer les échanges entre sciences cognitives et bouddhisme.

[8] « Les participants ont suivi une formation intense, comprenant trois modules d’entrainement mental de 3 mois. Chacun de ces modules a commencé par une retraite silencieuse de 2,5 jours, permettant aux participants de s’engager dans diverses pratiques et techniques mentales pendant 30 mn par jour, 6 jours par semaine. L’objectif était de développer unlarge éventail de capacités mentales et d’aptitudes sociales, telles que l’attention, la vigilance, la conscience de soi et du corps, la gestion du stress et des émotions difficiles, la prise de perspective cognitive des autres et la compassion. Pendant ce programme, nous avons suivi nos participants scientifiquement avec plus de 90 mesures différentes qui ont permis d’évaluer les changements dans le cerveau, les hormones, la santé, le comportement et le bien-être subjectif » (Tania Singer, https://medium.com/@emmroques/comment-construire-une-economie-humaine-a724c4493eac ).

[9] La méditation sur la présence ouverte consiste à laisser l'esprit se reposer dans un état clair, vaste et alerte à la fois, et libre des enchaînements de pensée. L'esprit ne concentrait sur aucun objet particulier, mais reste parfaitement présent. Lorsque des pensées apparaissent, le méditant n’essaie pas de les bloquer, il se contente de les laisser s'évanouir naturellement. Dans cet état méditatif, le sentiment égocentrique s'efface peu à peu, favorisant par là même l'éclosion spontanée de l'amour altruiste et de la compassion.

[11] S. Laureys est directeur du Coma Science Group (ULg) et neurologue au CHU de Liège. En mai 2015, il accueille pendant quelques jours Matthieu Ricard, avec lequel il poursuivra une série de tests sur son cerveau au repos, pendant ses séances de méditation.

[12] Michel Bitbol est directeur de recherche au CNRS et chargé de cours dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur, aux Archives Husserl de l'ENS à Paris. Il a animé un séminaire à l'IEB. Il travaille sur plusieurs domaines, par exemple il a écrit La conscience a-t-elle une origine?, Flammarion, 2014

[14] Tania utilisait une nouvelle technique d’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) ... qui présente l’avantage de suivre les changements d’activité du cerveau en temps réel (IRMf-tr), alors qu’habituellement les données ne peuvent être analysées qu’a posteriori » (Matthieu Ricard)

[15] Voici une présentation de la différence  qu'il y a entre la pratique de l'amour altruiste et la compassion : « Pour méditer sur l'amour altruiste on pense d'abord à un être cher envers qui on laisse se manifester un amour et une bienveillance inconditionnels. Puis on étend graduellement cet amour à la totalité des êtres, et l'on continue ainsi jusqu'à ce que l'esprit tout entier soit imprégné d'amour. Si l'on constate que cet amour diminue, on le ravive et, si l'on est distrait, on ramène son attention à l'amour. Pour la compassion, on commence par penser à un être cher qui souffre et l'on souhaite sincèrement qu'il soit libéré de ses souffrances. Puis on procède comme auparavant pour l'amour altruiste. » (D'après Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance). Voir aussi http://www.matthieuricard.org/blog/posts/meditation-on-altruistic-love-1

[16] Les brahmavihâra sont les quatre illimités : metta (amour ou bienveillance illimitée) ; compassion illimitée, joie illimitée, équanimité illimitée.

[17] Le projet ReSource de Tania Singer est financé par l'Institut Max-Planck dont elle est directrice et par la Commission européenne.

[18] Épigénétique est le mot forgé par le biologiste britannique Conrad Waddington dans les années 1940, il signifie "au-dessus de la génétique". Des personnes étaient arrivées en cours d'entretien : cette question et les suivantes ont été posées par quelqu'un qui n'était pas de notre groupe.

[19] Pour qu'un gène soit actif, il doit "s'exprimer" sous la forme d'une protéine spécifique. Sinon, il reste silencieux. Or on sait maintenant que notre environnement et nos états mentaux peuvent modifier profondément l'expression des gènes par un processus appelé épigénétique. (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/matthieu-ricard-la-meditation-une-nouvelle-maniere-d-etre_1560123.html  )

[20]  « Mutations de l'ADN et expression des gènes sont révélateurs des mécanismes de la progression tumorale et éclairent aussi bien la compréhension de la biologie du cancer que les choix thérapeutiques » (Institut Curie).

[21] L'épigénétique désigne les modifications chimiques qui affectent l'ADN, autres que les mutations qui touchent la structure même de la molécule. Ces modifications épigénétiques sont comme de petites "étiquettes" (des groupements méthyles) qui indiquent à la machinerie cellulaire quels gènes elle doit utiliser ou, au contraire, ignorer. À la clé? La méthylation empêche physiquement "l'expression des gènes" en se plaçant sur l'ADN (http://www.centre-equilibre.com/meditation/bienfaits-de-la-meditation/nos-etats-d-ames-modifient-notre-adn )

[23] Neuroplasticité : Voilà vingt ans, un dogme presque partout accepté dans les milieux des neurosciences voulait que le cerveau contienne tous les neurones à la naissance et que leur nombre ne soit pas modifié par les expériences vécues. À présent, on parle plutôt de « neuroplasticité », un terme qui rend compte du fait que le cerveau évolue continuellement en fonction de nos expériences et peut être profondément modifié à la suite d’un entraînement spécifique, l’apprentissage d’un instrument de musique ou d’un sport, par exemple. (Matthieu Ricard préface à L'éveil des sens de Jon Kabat Zinn).

[24] La modulation de l'expression des gènes se réaliserait à travers 5 facteurs: alimentation, gestion du stress, gestion des relations sociales, exercice physique et la notion de plaisir dans les actions quotidiennes.

[25] « Un travail a été effectué par le groupe de Fred  H Gage, du Salk Institute, en Californie, d’une part sur des neurones humains de trois cerveaux obtenus post-mortem; d’autre part sur des cellules souches pluripotentes induites (iPSc) dérivées de fibroblastes de la peau, induites à se différencier en neurones, une méthode courante pour cultiver les neurones en laboratoire. » (D'après http://evobio.blog.lemonde.fr/2013/11/18/le-genome-et-lepigenome-des-neurones-cerebraux-a-linterieur-dun-meme-cerveau/).

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