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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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1 mars 2021

Trois exemples d'exercices très simples proposés par Graf Dürckheim

Voici trois exercices assez différents proposés par K-G Dürckheim :

  • faire l'exercice des 10 secondes ;
  • développer un organe des sens, le toucher ;
  • laisser un geste créer une expérience du divin.

Ces textes sont extraits successivement : d'une conférence ; d'un livre ; d'une émission radio dont les références figurent en note.

 

Exercices très simples proposés par Graf Dürckheim

 

1) Faire l'exercice des dix secondes[1].

 

Il y a cette belle parole japonaise :

  • « Une fois qu'on a compris ce qu'était le chemin, chaque situation est la meilleure des occasions de se trouver encore sur le chemin. »

 

Si l'on me demande : « Que faut-il faire pour rester sur le chemin pendant la journée ? »je réponds : « Il faut rester dans l'exercice.»

au volantJe donne toujours le conseil : tout ce que vous faites, faites-le un peu plus lentement, ça ne presse pas, même dans le quotidien ; par exemple l'atmosphère sera différente dans votre façon de marcher. Prenez au sérieux tout ce que vous faites. Rester vigilant c'est-à-dire essayez de rester en contact avec vous-même.

 

Nous jouons toujours un rôle, chacun de nous, à chaque instant : la mère joue le rôle de la mère, le père joue le rôle du père, le marchand celui du marchand, etc. Mais c'est toujours la question : est-ce qu'on joue le rôle ou est-ce que c'est le rôle qui nous joue ?

Là, il y a un exercice intéressant à faire. Un médecin qui fait des visites du matin au soir a compris l'exercice des 10 secondes. Quel est cet exercice pour lui ? Quand il sort de chez une patiente, il descend l'escalier, il va sur la route, il entre dans sa voiture, se met au volant, met la clé mais ne démarre pas. Là commence les exercices des 10 secondes. Stop, arrête-toi, prends distance : qui est-ce qui veut démarrer ? Le docteur ? C'est le rôle que je joue ou qui me joue ? Donc il se pose cette question : qui ? Il attend un moment jusqu'à ce que son prénom arrive, bien conscient de lui-même, et c'est alors qu'il démarre. Par contre, s'il voyait que c'était le rôle qui le jouait, il commençait à jouer sans rôle. D'autres jours il me raconte qu'il donne tous les jours une méditation par gratitude pour cet exercice. Il vient chez un nouveau patient qui fait lui-même ce présent et qui travaille de fond du sa propre liberté.

L'exercice des 10 secondes, essayez de vous en souvenir : d'abord Stop… puis n'oubliez pas : "distance", c'est-à-dire demandez-vous qui est-ce qui est en train de faire quelque chose.  Vous allez découvrir votre rôle.

Par exemple si je joue le rôle de la femme qui fait les commissions : est-ce elle qui fait les commissions ou est-ce le rôle qui s'est emparé d'elle ? Si je vous joue le rôle de la cuisinière : est-ce elle qui fait la cuisine ou est-ce que tout se fait de soi-même ?

L'exercice des dix secondes est une possibilité de rester sur le chemin pendant la journée en se reprenant dans la situation de celui qui joue un rôle.

 

2) Développer un organe des sens[2].

Sur le chemin initiatique, la première tâche est de développer l’organe réceptif au numineux. Il ne s’agit pas d’un sens particulier, comme l’ouïe, le goût ou l’odorat. C’est une attitude fondamentale spéciale qui oriente toute la personne. Elle ressemble alors à l’aiguille aimantée qui, même si on la déplace reprend toujours sa direction, la direction de ce qui l’appelle irrésistiblement. En fait, l’homme est constamment attiré par son Être essentiel mais le lien existentiel avec son ego l’empêche de suivre son attirance.

 

●  Le toucher (p.149).

Ma main est posée sur la table. Par mes cinq doigts je sens le bois. Il y a là une certaine dureté, un poli, de la chaleur et du froid en même temps, une qualité d'ensemble spécifique que je sens et que je peux déterminer. Je ne bouge plus. Je m'arrête à ce que je ressens. La main reste absolument immobile sur le bois. Une foule de nouvelles qualités émergent. Elles se distinguent de la chaleur, du poli, de la dureté. Au bout de mes doigts s'associent les doigts eux-mêmes, toute la main s'anime. L'avant-bras s'y joint, puis tout à coup le bras et l'épaule, tout le côté intervient. Finalement, je suis tout entier dans le bout des doigts qui, au-delà du toucher, me transmettent l'expérience d'une réalité dont le caractère, la richesse, la profondeur n'ont plus grand-chose de commun avec la qualité du toucher ressentie tout d'abord. Mais ceci ne pouvait se produire qu'en m'attardant, en laissant la main reposer, immobile, sur la table. Si je demeure ainsi plus longtemps, il me semble qu'un courant s'établit de ma main à la table, de la table à ma main, de moi à l'univers. C'est un échange vivant de l'un vers l'autre, de l'un en l'autre, à travers lequel un grand Tiers, lointain certes mais indiscutable, s'adresse à moi.

toucher un arbreLa qualité des impressions tactiles trouve son champ le plus riche et le plus vaste dans la rencontre humaine et le contact de la peau. Depuis la rapide poignée de main jusqu'à la rencontre érotique et sexuelle, se déploie la richesse infinie des expériences possibles. Elles vont du contact indifférent et superficiel, en passant par une qualité de toucher brièvement ressentie, jusqu'à une profondeur de contact qui peut amener à une authentique expérience de l'ÊTRE.

Rien ne relie mieux l'homme à l'univers que le toucher d'une créature vivante, qu'elle appartienne au monde végétal, animal ou humain. Le contact d'un jeune arbre dont on entoure le tronc de ses deux mains, du sol sur lequel on est étendu, de l'eau glissant autour du nageur, d'une averse dont on se laisse tremper ; le contact du sol – qu'il soit fable, pierre ou herbe – sous les pieds nus, la sensation du vent ou de la pluie, tout cela peut être, à condition d'y apporter une certaine disposition d'esprit, une occasion d'union cosmique. Les dons originels sont, dans ce domaine, plus ou moins marqués selon les sujets mais, une fois rendus attentifs aux possibilités offertes, un exercice méthodique peut en élargir indéfiniment le champ. Quiconque a séjourné longtemps à l'hôpital, et supporté l'atmosphère stérilisée qui y est prescrite, connaît l'impression de soulagement que la main tendue d'un visiteur lui a donnée. Le thérapeute aussi le sept, lorsqu'il interrompt un entretien pour prendre silencieusement dans les siennes les deux mains du patient.

Le toucher de la peau élargit l'espace vital ressenti bien au-delà du corps. Un homme ne se sent pas seulement ainsi en contact avec l'autre, mais à travers lui, ce contact s'étend à la vie même.

D'où l'importance de l'imposition des mains. Les médecins de notre temps ont trop oublié son effet guérisseur, et guérisseur non seulement au sens physique. Son action est souvent plus forte que celle de longues phrases. Et l'on a oublié aussi que le sens de cette imposition des mains est également d'établir le grand contact de la bénédiction.

 

2) Laisser un geste créer une expérience[3].

Souvenez-vous des instants privilégiés de votre vie. Au fond, il n'y a personne qui n'en ait jamais eu, mais nous ne sommes pas éduqués à les prendre au sérieux. Quelquefois je tâte le terrain pour savoir si quelqu'un a eu ce type d'expérience, et tout à coup je vois les yeux qui s'ouvrent : « Monsieur, je crois savoir ce que vous dites. Quand j'avais six ans… » Et voilà qu'il me raconte l'histoire de l'enfant assis dans une prairie, entouré de fleurs… Il me raconte une situation où l'on sent encore cette ambiance du Tout autre qui a pris l'enfant. Et ce n'est pas une chose qui s'est passée une fois, c'est encore là. Il n'y a pas besoin d'avoir seulement six ans pour avoir une expérience pareille.

 

 

●  Petite histoire.

sculpture en prièreUn geste n'exprime pas seulement une attitude, mais il crée cette attitude… C'est très intéressant de savoir que le geste n'est pas seulement l'expression, mais en même temps la source de l'expérience.

 

Je me souviens une fois d'une femme à laquelle j'ai demandé à un certain moment :

– « Est-ce que vous savez prier Madame ? »

– « Prier… que voulez-vous dire ? »

Vous savez, elle faisait partie de ces protestants qui sont toujours debout devant le bon Dieu. S'agenouiller ? Ah Non !

Je lui dis : « Vous me demandez ce que veut dire prier. Par exemple, vous vous agenouillez devant votre sofa, vous mettez les coudes sur le sofa, vous enfoncez votre tête dans vos mains et vous vous abandonnez. Vous ne savez pas à qui vous abandonnez, mais en tout cas vous abandonnez complètement tout ce que vous êtes en tant que moi. »

Elle me regarde un peu effarée, et s'en va. Le lendemain, elle me raconte que ça l'avait beaucoup touchée. Elle habitait dans un hôtel assez loin de chez moi, peut-être à trois heures de là.

– « Vous savez ce qui m'est arrivé ? Je me suis mise tout à coup à courir ; j'ai monté les escaliers de l'hôtel trois par trois ; j'ai ouvert ma chambre, et je l'ai fermée à clé très vite. Je me suis lancée sur mes genoux et j'ai fait le mouvement vous m'avez dit de faire, celui de m'abandonner dans mes coudes, dans mes bras. Et voilà ce qui m'est arrivé : une immense expérience de la divinité. C'est la première fois que j'ai senti quelque chose de ce que vous appelez Dieu. »

Donc voyez, le geste de cette humilité, le geste de s'abandonner complètement… qui a comme fruit cette expérience du divin auquel on s'est donné.

 



[1] Extrait d'une conférence que K-G Dürckheim a donnée en France en 1981.

[2] Extraits de Méditer : Pourquoi et comment? : Vers la vie initiatique.

[3] Extrait d'une des émissions de K G Dürckheim et Claude Mettra, Le mot qui vient du silence. Elle portait le titre "La feuille et l'arbre".

 

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