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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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4 février 2023

Interview de Catherine Despeux, spécialiste du taoïsme, du bouddhisme Chan (Zen), de médecine chinoise, etc

Catherine Despeux est notamment connue du grand public pour ses travaux sur le taoïsme et le tai-chi-chuan ainsi que sur le bouddhisme Chán en Chine (zen japonais). Elle est sinologue, chercheur au CNRS, professeure émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Elle a écrit de nombreux livres académiques, des traductions et des analyses portant sur l’histoire des techniques d’entretien du principe vital et d’alchimie interne du taoïsme, ainsi que du bouddhisme Chan (Zen) et de la médecine chinoise.

Elle a publié entre autres : Taiji Quan - Art Martial, Technique De Longue Vie (G.Trédaniel, 1981), Prescriptions D'acuponcture Valant Mille Onces D'or - Traité D'acuponcture De Sun Simiao Du VIIe siècle (G. Trédaniel, 1987), Taoïsme et corps humain (G. Trédaniel, 1994), Traité d'alchimie et de physiologie taoïste (Deux Océans, 1999), et en particulier dans le Chan-Zen :  Soutra de l'éveil parfait (Fayard, 2005) illustré entre autres par le dressage du buffle ; Wumen Huikai,La passe sans porte. Les énigmes des grands maîtres zen, Paris, Éd. Points, 2014.

Elle a accompli de nombreux voyages et des séjours d'études en Chine. Actuellement elle anime aussi des conférences en divers endroits.

À un moment donné de sa vie, Catherine Despeux a rencontré Graf Dürckheim et en reste marquée comme en témoignent deux passages de l'interview de Marc de Smedt dont figurent des extraits ci-après : la courte citation explicite qu'elle fait, et la mention de la distinction entre "Moi essentiel" et "moi habituel".

Ce message est publié sur le blog du Centre Assise qui a pour piliers le zen (assise méditative), le cheminement selon Graf Dürckheim et la mystique chrétienne. Il y a aussi des cours hebdomadaires de Qi qong le mardi de 10 h à 11 h 30 au Forum 104 avec Josette Duru.

Notez que :

  1. La revue "Question de N°1" est épuisée, rééditée dans la collection Espaces libres Poche chez Albin Michel.
  2. On peut écouter l'interview de Philippe de Smedt d'où il a tiré l'article précédent : http://www.questionde.com/voir-ecouter/entretiens-audio/a-propos-de-la-voie-du-tao
  3. En fin de message une annexe donne une courte biographie de C. Despeux puis des listes d'articles, de fichiers audios et vidéos disponibles sur internet

 

 

Question de n° 1

Vivre la voie du Tao

Extraits de l'interview de Marc de Smedt

Question de n° 1, 2014, p. 59-62

 

► Catherine Despeux, vous êtes une des grandes spécialistes de la Chine et une pratiquante de qui gong […] et du tai chi. […] Vous avez publié sur le sujets divers livres où vous détaillez l'ensemble de ces exercices : quelle est leur utilité chez nous aujourd'hui ?

C. D. : Ce ne sont pas tant les exercices dans leur diversité qui sont importants que la façon dont on les pratique, avec une attention particulière sur le corps, sur la respiration et sur l'esprit. Et cette pratique, pour être efficace, se doit être quotidienne, la tradition chinoise insiste beaucoup là-dessus ! […]

 

► Un maître de tai-chi comme Grégorio Manzur dit que ce sont des méditations en mouvement. Pouvez-vous détailler le travail qu'il faut alors faire sur le souffle et sur la conscience ?

C. D. : Tout état d'être, tout état d'esprit se reflète dans le corps. Il faut trouver un nouveau rapport entre l'organisme et la psyché ; or le lien fondamental entre ces deux éléments se trouve dans la respiration. Le travail sur les gestes et sur les flux d'inspir et d'expir permet un affinement des perceptions qui crée une nouvelle conscience du corps, de l'esprit et du moi, ce véhicule. En cela, on peut dire en effet qu'il s'agit d'une méditation qui permet une présence à soi à la fois différente et beaucoup plus fine.

 

► Des exercices de qi gong comme le vol de l'aigle, soulever le ciel, polir le miroir invitent à se sentir éclairci, comme une méditation assise invite à se sentir épuré intérieurement. Ces deux pratiques, qui combattent l'agitation inquiète et permanente qui nous habite, sont-elles complémentaires ?

C. D. : Oui, certainement : elles sont d'ailleurs considérées comme complémentaires dans les traditions orientales. Mais dans le mouvement comme dans l'immobilité consciente, il y a alternance d'états plus légers, frais et aériens, et d'états d'être glauques, lourds et pesants : ce qui importe, c'est de ne pas se figer dans quoi que ce soit et de dépasser ces perceptions diverses pour avancer dans ce travail subtil qui se fait en soi. Vouloir s'attacher à un état nous fige dans celui-ci. En cela, les mouvements de tai-chi, qi gong et autres, ainsi que l'assise méditative, recentrent et modifient tout notre rapport au monde en affinant le champ des possibles. On se trouve aussi en contact avec ce que les Chinois appellent le wei wu wei, l'agir sans agir, qui forment une expérience source de luminosité et de grande joie. Lao Tseu compare le Tao à l'eau qui coule continuellement. Il s'agit de retrouver en soi cette fluidité à travers toutes les expériences et émotions que l'on peut traverser en tant qu'individu.

 

► […] comment traduiriez-vous alors les notions de chi ou de qi chères aux Chinois et aux Japonais ?

C. D. : Plutôt que de les traduire comme c'est souvent le cas, par "énergie", je préfère le mot "souffle" pour définir cette force de transformation qui est à l'œuvre en nous. Je trouve que ce terme d'énergie nous tire vers des notions de vitalité, qui existent certes dans ces pratiques, mais ne sont pas centrales par rapport à la fluidité symbolisée par le souffle. Pour qu'il y ait souffle, il faut qu'il y ait vide. Il faut d'abord retrouver la source originelle en nous, ressentir la force de vie en mouvement pour être régénéré. Comme le dit Lao Tseu dans son chapitre 4 : dans le vide il y a une source inépuisable. Cela n'a donc rien à voir avec le vouloir être mieux, avec l'envie de retrouver de l'énergie. On ne peut que constater cet effet en soi, c'est tout. Ces pratiques nous donnent un goût et une saveur d'essentiel que l'on retrouvera ensuite dans les aléas de la vie quotidienne. Dans tous ces pratiques, il existe un équilibre fondamental à trouver entre l'effort et le lâcher prise. Cela se résume à l'art de vivre en soi le yin et le yang.

 

► L'attention à la respiration forme-t-elle le lien entre tous ces états et doit-elle être permanente ?

C. D. : Oui, jusqu'à ce que s'installe des automatismes qui font que, selon la formule de Dürckheim, « cela respire en moi ». Il n'y a plus alors ni attention ni absence d'attention, on est conscient sans en être conscient. La respiration devient "souffle" au sens du pneuma grec : il n'y a plus de différence entre souffle interne et souffle externe. Les taoïstes parlent d'ailleurs de respiration embryonnaire : ce ne sont plus seulement le nez ou les poumons qui respirent, mais toutes les parties du corps, tous les pores de la peau, tout s'ouvre. Les taoïstes disent que l'on se nourrit alors de souffle !

[…] Les mouvements se situent dans l'espace en soi et autour de soi. L'individu n'est plus enfermé dans un corps de chair qui serait comme une barrière. Chaque fois qu'il y a abolition de cette frontière entre extérieur et intérieur, il y a transformation de l'être et celle de son positionnement dans l'espace et le temps. Cela amène à changer de point de vue.

Le "Moi essentiel" se distancie du "moi habituel" et voit d'autres perspectives qui le sortent de ses habitudes de fonctionnement, des contradictions qui nous habitent et de la dualité de notre monde. Il s'agit d'un processus d'unification… Tous les exercices, qu'ils soient en mouvement ou immobiles, y conduisent. […]

 

Il faut donc changer avec le changement et s'adapter sans cesse. C'est aussi pour cela que le taoïsme insiste beaucoup sur cette simplicité originelle à savoir retrouver sans cesse en soi. Même si tout change constamment, il y a une qualité de la présence dans l'instant. Plus celle-ci est forte, plus on se trouve en contact avec la source et plus les choses coulent de source !

 

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Courte biographie de C. Despeux, liens vers des articles, des fichiers audios et vidéos

 

En 1964, à 18 ans, Catherine Despeux a commencé à apprendre le chinois à l’INALCO, en faisant en même temps des études d’anthropologie à la Sorbonne. Après avoir obtenu une licence ès lettres, elle est partie pendant quatre ans à Taiwan pour approfondir ses études de chinois. A partir de 1968, elle a travaillé à temps partiel au sein de la Station de radiodiffusion de Taipei. A son retour, en 1971, elle a obtenu un poste de maître de conférences à L'INALCO la même année.

En donnant des cours de chinois moderne et de chinois classique à cet institut, elle a préparé en même temps une thèse de doctorat et l'a soutenue à l’Université de Paris-VII, sa thèse a ensuite été publiée : TAIJI QUAN, art martial, technique de longue vie. Elle a continué à occuper son poste au même institut et a été promue au rang de professeur quelques années après, puis plus tard elle est devenue la directrice du département d’études chinoises.

En 2006, elle a pris sa retraite en tant que professeur émérite à l'lNALCO mais depuis elle continue à enseigner, à donner des conférences. Par ailleurs, elle mène une vie recluse, et demeure la plupart du temps, dans un village au sud de France, proche de Embrun.

 

NB : cette courte biographie doit beaucoup à l'article "Catherine Despeux Exploratrice du corps humain dans le taoïsme en France"

 

ARTICLES de C. Despeux disponibles sur internet.

 

AUDIO

 

VIDEOS

 

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