Les paraboles chrétienne et bouddhique d'un fils "prodigue" : Luc 15, 11-32 et ch IV du Sûtra du Lotus
En juin 1997 a eu lieu au centre Assise à qui est dédié ce blog, un week-end animé par Dennis Gira qui avait pour titre : « Expérience chrétienne et bouddhiste zen ». Au cours de ce week-end deux textes ont été médités et partagés : la parabole chrétienne du fils prodigue selon saint Luc (Lc 15, 11-32) ; la parabole bouddhique du fils pauvre d'un homme riche selon le Sûtra du Lotus (chapitre IV).
Un bref écho de ce week-end est paru dans la Voix d'Assise n° 9 avec le texte de Luc 15, et le résumé de la parabole du Sutra du Lotus faite par Dennis Gira dans Comprendre le bouddhisme Pour parution sur le blog, ce travail a été repris et augmenté. Il complète la publication de deux messages sur le chant de Hakuin, le Hakuin Zenji Zazen Wasan.
En effet le centre Assise est relié au monastère zen du Ryutaku-ji, monastère de maître Hakuin, le responsable actuel étant Eizan Rôshi qui est longtemps venu au centre Assise. C'est ainsi que chaque soir de sesshin, le chant de Hakuin est récité. Lors de son enseignement en 1998, Eizan Rôshi a pris le Chant de Hakuin comme fil rouge et a fait remarquer qu'au début ce chant fait allusion à la parabole du fils pauvre qui se trouve dans le Sûtra du Lotus. Ce qu'il en a dit a été repris ici (II 1° a).
Le Sûtra du Lotus n'est pas un sûtra de base de l'école zen, mais il est connu par tous les grands maîtres zen. Il aurait été composé entre le Ier siècle av. J.-C. et le milieu du Ier siècle ap. J.-C. L'évangile de Luc aurait reçu sa forme finale dans les années 70-85. Donc ils ne sont pas très éloignés dans le temps.[1]
En 2016 une exposition sur le Sûtra du Lotus a eu lieu à Paris à la maison de l'Unesco. Les textes des 7 paraboles ainsi que des peintures murales venant des grottes de Mogao à Dunhuang figurent sur le site de l'exposition (http://expolotus2016.blogspot.fr/). Le 2 avril, un colloque a eu lieu là-bas où D. Gira a fait un exposé sur les similitudes et les différences des paraboles chrétienne et bouddhique, son intervention est dans le message suivant. Le présent message vise à donner un premier contact avec chaque parabole dans son contexte.
Dans les deux paraboles un fils quitte la maison paternelle et connaît la misère. À la fin il est dans la maison de son père où il trouve plus de richesses qu'il n'en avait au départ. Dans les deux, il y a l'amour du père pour son (ou ses) fils, un fils libre de partir et qui n'est ni culpabilisé ni rejeté à son retour. Dans la parabole bouddhique la vraie richesse est l'état de bouddha ; dans la parabole chrétienne la vraie richesse est d'être enfant (et non salarié ou esclave) sous le regard d'amour du Père (de Dieu) et de participer pleinement à la joie commune.
PLAN
I – La parabole chrétienne du fils prodigue (Lc 15, 11-32)
1) Contexte et parabole ; 2) Éléments-clés du texte (d'autres éléments sont donnés par D Gira dans le message suivant).
II – La parabole bouddhique du fils du Chapitre IV du Sûtra du Lotus.
1) Deux résumés courts ; 2) Contexte et parabole ; 3) Éléments-clés du texte (extrait du site de la Soka)
- Lien vers le message suivant : Par D. GIRA : "Paraboles du Sûtra du Lotus et de l’Évangile, regards croisés" - Intervention à la Maison de l'UNESCO en 2016
- Lien vers le message précédent : Enseignements d'Eizan Rôshi en 1998 au centre Assise, avec comme fil rouge le Hakuin Zenji Zazen Wasan.
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Les paraboles chrétienne et bouddhique :
Luc 15, 11-32 et ch IV du Sûtra du Lotus
I – La parabole chrétienne du fils prodigue (Lc 15, 11-32)
1) Le contexte et la parabole.
Au début du chapitre 15 de son évangile, Luc décrit l'auditoire composé de deux groupes : « 1Tous les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient de Jésus pour l'entendre.2Et les pharisiens et les scribes murmuraient, disant : “Celui-ci accueille des pécheurs, et mange avec eux” ». Il avait déjà dit: « Le Fils de l’homme est venu ; il mange et il boit, et vous dites : “C’est un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d'impôts et des pécheurs.” » (Lc 7, 34) Il dira aussi : « Le Fils de l’homme est venu sauver et chercher ce qui était perdu. » (Lc 19, 10)
Jésus répond à son auditoire en racontant trois paraboles. Les deux premières sont très courtes – la brebis perdue et trouvée, la drachme perdue et trouvée –, et s'achèvent sur la même mention : « Réjouissez-vous avec moi… » (v. 6 et 9). La troisième est celle du fils perdu et trouvé mais l'histoire s'intéresse ensuite à son frère aîné dont les récriminations ressemblent à celles des pharisiens.
LA PARABOLE[2]
11Il (Jésus) dit encore :
« Un homme avait deux fils. 12Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part du bien qui me revient.” Et le père leur partagea ses vivres.
13Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout rassemblé, s’expatria pour un pays lointain et il y dispersa son bien en vivant de façon non-salutaire. 14Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer. 15Il s’attacha à l’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs faire paître des porcs. 16Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 17Mais étant allé vers lui-même, il disait : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en surabondance, tandis que moi, ici, à cause de la famine, je suis perdu ! 18M'étant levé j'irai vers mon père et je lui dirai : "Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. 19Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes salariés."” 20Et s'étant levé, il alla vers son père.
Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut remué jusqu’aux entrailles : il courut se jeter à son cou et l'embrassa. 21Le fils lui dit : “Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…” 22Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez la robe, la première, et revêtez-le ; donnez un anneau à sa main et des sandales à ses pieds. 23Apportez le veau gras, sacrifiez-le, mangeons et festoyons, 24car mon fils que voici était mort et il revit [littéralement : il est monté à la vie, la vie au grand sens du terme], il était perdu et il est trouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
25Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était. 27Celui-ci lui dit : “C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a recouvré en bonne santé.” 28Alors il se mit en colère et ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l’en prier ; 29mais il répliqua à son père : “Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais transgressé un de tes commandements ; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour que je festoie avec mes amis. 30Mais quand ton fils que voici vient, lui qui a dévoré tes vivres avec des prostituées[3], tu as tué le veau gras pour lui !” 31Alors le père lui dit : “Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il vit, il était perdu et il a été trouvé.” »
2) Éléments-clés du texte de Luc 15.
Les paraboles ne sont pas des fables que Jésus emploie pour nous aider à comprendre plus facilement comme Jésus le disait à ses disciples : « A vous, il est donné de connaître le mystère du règne de Dieu, mais pour les autres, c'est en paraboles, pour qu'ils voient sans voir et qu'ils entendent sans comprendre. » (Lc 8, 9-10) et cela se trouve dans les autres évangiles, et même plus durement chez les autres (cf. Mc 4, 10-13).
Cela signifie déjà que les paraboles sont là pour faire faire un chemin et qu'aucun commentaire ne peut donner leur sens. Voici donc de simples indications pour situer ce que dit Luc pour replacer cette parabole dans l'ensemble de son œuvre et de la Bible.
● Versets 12-24 : relevé des mots importants.
v. 12. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part du bien – ousia (bien), un mot qui désigne en général l'essence, la substance et en un second sens, la fortune, les biens (pas seulement au sens matérialiste) – qui doit me revenir.” Et le père leur partagea ses vivres (bios), le mot bios désigne la vie biologique (la vie christique c'est zôê) ici ça semble désigner les vivres, les moyens de vivre.
À l'époque un fils peut demander sa part d’héritage du vivant de son père pour un motif légitime. Dans la société d’alors nombre de Judéens partaient vivre à l’étranger. La démarche du cadet n’est pas anormale.
Peu de jours après, le jeune fils rassemble ses affaires et part vivre au loin. Il semble voir sa vie comme un bien à dépenser. Au verset 13 il est dit qu'il "disperse (dieskorpisen) sa substance (ousia) dans une vie sans salut (a-sotos)", et le verbe employé indique une déchirure, ce n'est pas "semer à tous vents". Le thème de la dispersion est très important, et le verbe qui l'exprime ici signifie qu'il y a non seulement dispersion mais "déchirure", on peut même traduire par "déchiqueter". C'est le terme qu'utilise saint Jean pour parler de la façon dont vivent les enfants de Dieu : ils sont déchirés entre eux et à l'intérieur d'eux-mêmes et le Christ est celui qui vient les rassembler[4]. Par cette remarque de Luc, on peut penser que le fils en question peut aussi désigner l'humanité, et certains Pères de l'Église l'ont fait (éventuellement pour d'autres raisons). On sait en effet que l'expression "fils de Dieu" désigne le roi mais aussi le peuple tout entier dans l'Ancien Testament.
Une famine survient (v. 14). C'est là un grand thème biblique, elle provoque par exemple la descente d'Abraham en Égypte (Gn 12,10) le voyage des frères de Joseph (à la fin de la Genèse). Il y a aussi la famine que le peuple a subi au désert lors de l'Exode, il regrette d'ailleurs les marmites d'Égypte et accuse Dieu de le faire mourir de faim (Ex 16, 3).
Il commença à manquer. Ce thème du "le manque" se retrouve par exemple aux Noces de Cana : le vin vient à manquer, et Marie est celle qui détecte le manque.
v. 15. Le fils cadet va alors s'assimiler à l'étranger et vivre dans l'impureté puisque, pour ne pas mourir de faim :
- il s'attache à un citoyen du pays, c’est-à-dire à un étranger. Luc emploie le même verbe kollaô pour dire que « s'attacher à un étranger est absolument interdit pour un Judéen » (Ac 10,28). C'est ce même verbe qui est utilisé dans l’expression "s’attacher à sa femme".
- Il garde des porcs. Or le porc est l'animal impur par excellence, et il rend impur ceux qui vivent avec lui, ils ne peuvent participer au culte.
Et ce fils tombe encore plus bas puisqu'il n'a pas de quoi manger et souhaite prendre la nourriture des porcs, mais personne ne lui en donnait (v. 16). Il vit dans un pays où le don n'existe pas et où domine la non-assistance à personne en danger, c'est-à-dire où on est meurtrier. Cette mention négative du don prépare la révélation de l'espace de la maison du père puisque la première chose que fera le père lors de son retour c'est de lui faire des dons (sans compter le par-don), et il dira aussi à l'aîné : Tout ce qui est à moi est à toi.
v. 17. Alors le cadet rentre en lui-même et pense à la maison de son père. C'est la figure de son père qui lui permet en même temps d'abord de voir le lieu du salut et ensuite de prendre conscience de sa perdition.
Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en surabondance (perisseuontai)… La même surabondance de pains est exprimée avec le même mot à la fin de la Multiplication des pains, à propos de ce qui est en surplus : « on emporta douze corbeilles pleines des morceaux qui surabondaient (perisseusan) » (Lc 9,17). Est-ce ici une allusion à la Multiplication des pains, et éventuellement à l’Eucharistie ?
Moi ici, (à cause) de la famine, je suis perdu : on a le mot "perdu", c'est la première mention de ce verbe qui revient ensuite deux fois dans la parabole en étant alors associé à "trouvé". Ce fils, pensant n'avoir plus rien à manger et n'avoir plus aucun statut, se dit "perdu" comme l'étaient la brebis et la drachme dans les deux paraboles précédentes.
v. 18. M'étant levé j'irai vers mon père et je lui dirai…, certaines traductions (TOB par exemple) laissent tomber le verbe "se lever" (anistemi). Or c'est celui qui est traduit à de nombreux endroits par "ressusciter". Il s'agit donc d'un récit de résurrection, du passage de la mort à la vie, ou plutôt du passage d'une vie dans le monde de perdition où le don n'existe pas à une vie dans la maison du père.
"Père, j'ai péché envers le ciel et devant toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils." Pécher porte atteinte à une relation. Le ciel ici désigne Dieu. Le mot "digne" employé par Luc, n’est pas inconnu des liturgies antiques. Notons que le fils ne prévoit pas de donner la liste de ses péchés…
v. 20. Comme il était encore loin, son père l’aperçut… Il s'est à peine levé pour partir que le père est déjà sorti de chez lui et accourt, chose qui ne se fait pas normalement à l'époque. On peut se demander quel est le premier qui s'est mis en route.
Il fut remué jusqu’aux entrailles : il courut se jeter à son cou et l'embrassa L'accueil du père est surprenant : au lieu de faire la morale à son fils qui doit porter des traces de sa vie passée (vêtements en haillons, cheveux sentant l'odeur des porcs), il court à sa rencontre, saute à son cou, l'embrasse et lui rend, par ses cadeaux, le statut de fils et non de salarié. On peut remarquer que, pour l'aîné aussi, le père sortira à sa rencontre en l'encourageant à entrer dans la maison, et lui donne aussi le statut de fils ("Tout ce qui est à moi est à toi").
v. 22 “Vite, apportez la robe, la première,... ” Si on lit les commentaires de la parabole au cours des siècles, on voit que la symbolique de cette robe est multiple. On peut y voir le statut de fils héritier puisque la première mention de ce vêtement dans la Septante (la traduction grecque de l'AT) concerne la robe d'Esaü dont Rebecca revêtit son plus jeune fils Jacob pour recevoir la bénédiction de son père Isaac afin d'usurper le droit d'aînesse (Gn 27,15). On peut aussi voir dans le fils cadet parti au loin, le départ d'Adam hors du paradis, Dieu l'ayant revêtu alors d'une "tunique de peau" (Gn 3, 21), et cette robe "première", indiquerait le recouvrement par le fils de son état d'origine. On peut aussi penser au baptême chrétien puisque dans les premiers temps, au moment du baptême, on se dépouillait de son vêtement avant de descendre dans la piscine baptismale, nu comme Adam, et on revêtait un nouveau vêtement après être remonté de l'autre côté, à savoir la robe de lumière (le baptême était appelé "illumination"), qui renvoie au "revêtir le Christ" de saint Paul (Gal 3,27).
“Vite, apportez la robe… donnez un anneau à sa main et des sandales à ses pieds.” Le père lui donne la robe et l'anneau. Dans l'AT on a un récit semblable : « Le Pharaon ôtant l'anneau de sa main, le mit à la main de Joseph ; il le revêtit d'une robe de lin... » (Gn 41, 42, Septante). C’est donc un geste où on remet l’autorité à quelqu’un. L'anneau est un emblème du pouvoir et sert souvent de sceau (il scelle le courrier et en authentifie l’écriture). Il y a aussi les sandales, or un anneau au doigt et des sandales aux pieds constituaient les signes de l'homme libre, les esclaves allaient nu-pieds. Il s'agit donc du passage de l'esclavage à la liberté.
v. 23 « Apportez le veau gras, égorgez (sacrifiez)-le et en mangeant, festoyons » En dehors de la parabole, le premier verbe (tuer, sacrifier) ne se trouve qu'une autre fois chez Luc : « Vint le jour des pains sans levain où il fallait sacrifier la pâque. » (Lc 22,7). Il est répété 3 fois ici (v. 23, 27, 30), chaque fois il est associé au veau gras, symbole de puissance et de richesse. Il pourrait donc y avoir une allusion à un repas pascal. Et certains ont remarqué que la mention des sandales allait aussi dans ce sens puisque pour le repas de la Pâque « vous aurez vos reins ceints, vos sandales aux pieds, et vos bâtons à la main » (Ex 12,11).
Le verbe euphrainô est traduit par "festoyer", il signifie en fait "être dans la joie", "se réjouir", mais au v. 32 il faut pouvoir le distinguer du 2è verbe "se réjouir" (chairô) qui a pour racine la joie. Comme dans les deux paraboles qui précèdent (brebis perdue et drachme perdue) l'aspect de réjouissance est très marqué, et ici participer à la joie du père est un élément indispensable à la vraie vie.
v. 24. “Mon fils que voici était mort et il est monté à la vie (anézêsen), il était perdu et il est trouvé.” "Il est monté à la vie", il s'agit de la vie christique (zôê) et non plus de la vie biologique, et le préfixe "ana" indique un mouvement vers le haut. De mort qu'il était, il est passé à la vie nouvelle ; de perdu qu'il était, il est trouvé, ce n'est pas un "retour", il y a quelque chose de nouveau.
L'arrivée de l'aîné interrompt la fête, il se met en colère, refuse d'entrer.... Le bonheur raconté dans la première partie provoque donc un malheur. Le contexte (v. 1-2) incite à y lire la souffrance provoquée chez les justes (les pharisiens de l'époque) par le pardon offert aux injustes (les pécheurs et les péagers).
La parabole est inachevée : on ne sait pas si l'aîné va ou non entrer dans la joie de son père.
● Regard d'ensemble sur la parabole.
Extraits de L'œuvre de Luc de François BOVON (Cerf 1987, coll. Lectio divina 130)
(p. 61) L'inachevé du texte, la blessure laissée béante par la fin inaccomplie de la parabole, exprime le conflit attesté dans la vie de Jésus et dans l'histoire du christianisme primitif. Si Luc raconte ainsi le dénouement inachevé de la parabole, ce n'est pas uniquement pour évoquer une tension qui appartient au passé, l'opposition entre les disciples peu glorieux et souvent hors-la-loi de Jésus et le corps social des pharisiens bien-pensants. C'est qu'il atteste un conflit présent, signalé plusieurs fois dans le livre des Actes, entre l'Église naissance, frère cadet, élu et bienheureux, et la synagogue, frère aîné...
(p. 67) Dans ma lecture initiale j'ai signalé un faisceau d'axes sémantiques qui s'entrecroisent pour former la trame de la parabole. Je les rappelle brièvement :
- Le voyage, non au sens où nous l'entendons, mais au sens antique de la séparation de sa maison, du départ risqué à l'étranger, suivi du retour souvent périlleux, des retrouvailles, de la réintégration.
- La perte progressive des biens qui conduit à l'indigence, au manque, à laquelle succède la récupération, la réappropriation des biens.
- La faute qui provoque une carence d'être, donc une mort, que viennent réparer le pardon, la réhabilitation et la vie nouvelle.
Ces trois premiers axes n'en forment peut-être qu'un seul : l'équilibre viable, suivi d'un déséquilibre pernicieux, puis d'une heureuse remise d'aplomb.
4. L'image du père qui joint l'amour à l'autorité. Ce père tour à tour distribue (donne), rétablit (pardonne) et exhorte (interpelle).
5. La relation tendue entre deux frères qui diffèrent par l'âge, le tempérament et la destinée. L'aîné qui est casanier, soumis, utilisateur, jaloux et exhorté ; le cadet qui est indépendant, voyageur, libre, jouisseur, coupable et gracié.
Ces grands axes de la parabole ne sont pas originaux : ils sont constitutifs de l'Ancien Testament. L'Ancien Testament paraît donc être le texte éminent dont notre parabole est une variante… Notre parabole fonctionne en effet conformément à plusieurs traditions bibliques bien connues. Cette constatation trouve sa confirmation dans le vocabulaire : certaines expressions rappellent tel voyage (celui de Joseph ou de Tobias) ou tel pardon (celui de Job).
Les Pères de l'Église ont bien compris l'enracinement biblique de notre texte et de ses axes sémantiques. Derrière les fioritures de leurs interprétations allégoriques, il y a la conviction que les thèmes mis en mouvement par la parabole sont des thèmes bibliques : le voyage comme exil loin de Dieu, l'indigence comme perte de la gloire édénique d'Adam, la mort provoquée par le péché que symbolise le contact des porcs, la réhabilitation royale, le retour à la maison du père, la tension entre les nations fraîchement élues et les juifs, vétérans de la grâce.
La Wirkung, l'effet du texte sur les Pères, poursuit en droite ligne l'impulsion qu'elle reçut des grands axes bibliques mentionnés ci-dessus :
– la figure du père est propre à la Bible dans la mesure où son amour ne préjuge pas de sa justice, sa générosité ne porte pas atteinte à son capital. Attaché à son fils, c'est-à-dire à son peuple, il espère de lui un geste comme Yahvé attend la conversion pour pardonner. Ayant un faible pour Juda, il ne néglige pas Israël. Il élit et rétablit. Il crée, c'est-à-dire installe, sauve et réintègre.
– Les voyages dans l'Ancien Testament ont tous une connotation sotériologique. L'Exode est un retour béni. L'exil au contraire est lié à la faute. Être fils d'Abraham, itinérant, c'est attendre les biens, espérer une terre, donc une demeure, escompter un statut de fils, c'est-à-dire d'homme libre. Le cadet est fils d'Abraham parce qu'il retrouve tout cela en fin de parcours.
– Au-delà du destin du peuple de Dieu, c'est le sort de l'humanité - telle que la Bible le voit - qui se joue dans notre parabole. Les Pères n'ont donc pas tort de comprendre la première robe à la lumière de l'exégèse juive de Gn 2-3 : le revêtement du salut, c'est la restitution de l'état adamique ; c'est revêtir Christ, être couvert du Saint Esprit. Sorti de ce tunnel, l'humanité rachetée est plus mûre qu'Adam avant la chute, car la faute (la dilapidation du cadet et la colère de l'aîné) a un effet structurant. L'homme pardonné, en raison de la culpabilité qu'il a franchie, ressort grandi. Il a dépassé l'innocence de l'enfant…
– La rivalité des deux frères n'est pas originale. Elle reprend et actualise diverses rivalités fraternelles qui ponctuent l'Écriture depuis celle de Caïn à l'égard d'Abel. Il suffit de lire l'Épître aux Corinthiens de Clément de Rome pour voir quel rôle jouait dans la pensée juive et chrétienne la menace de l'envie et de la jalousie. Des listes de frères rivaux étaient constituées : Caïn-Abel, Ismaël-Isaac, Ésaü-Jacob, Israël-Juda, les juifs et les gentils, la Synagogue et l'Église, sans compter les deux témoins de l'Apocalypse, les deux bâtons d'Ézéchiel et les deux apôtres Pierre et Paul. Ce qui provoque régulièrement la jalousie de l'aîné, c'est la faveur, apparemment inéquitable, d'un Dieu qui élit et chérit le cadet instable et sans scrupule. […]
Malgré les références à l'AT, notre texte décrit la relation de l'homme à Dieu de manière nouvelle, évangélique. […]
Le fils reçoit sans compter, plus qu'il n'osait espérer. Le père donne, sans compter, sans tenir compte de la faute. L'originalité chrétienne de la relation entre la Loi et l'Évangile apparaît ici. L'attitude du père transcende le respect de la loi sans s'en démonétiser l'exigence.
● En guise de conclusion sur cette première parabole.
Cette parabole est tellement riche qu'on peut la tirer de divers côtés.
Si on fait abstraction du fils aîné et de l'auditoire de l'époque, on peut par exemple :
- insister sur la conversion du fils cadet – et la catéchèse l'a fait abondamment.
- flasher sur l'attitude du père vis-à-vis du cadet.
- voir dans le cadet les nations étrangères au judaïsme et en état d'impureté légale venir participer à la célébration liturgique sans avoir besoin de devenir juives.
- voir dans l'aventure du cadet l'histoire de l'humanité depuis Adam qui a perdu son état paradisiaque en sortant du paradis jusqu'au moment où il trouve son véritable statut de fils de Dieu vivant dans l'espace de joie et d'amour du Père, espace de donation qui se distingue du monde de jouissance et d'exploitation, monde meurtrier...
- y lire le parcours du nouveau baptisé qui participait à l'Eucharistie après le baptême…
Si on se concentre sur l'aîné on peut y lire la dénonciation de l'attitude légaliste, et donc la critique de la Loi qui est particulièrement claire chez saint Paul : on n'est pas sauvé par l'exercice des œuvres de la loi mais on est sauvé gratuitement par la foi, c'est-à-dire par l'écoute de la parole de Dieu, par l'écoute de la parole qui donne d'agir.
« Nous sommes nativement sous des regards contrastés : des regards qui aiment, des regards qui tuent, des regards qui excluent... Toute la tâche de l'Évangile ne consiste peut-être qu'à révéler que l'humanité est, ultimement, non pas sous un regard de loi, de jugement, mais sous un regard d'agapê (d'amour). Peut-être n'y a-t-il rien d'autre à dire. Si nous le savions, tout changerait. Malheureusement, nous l'avons entendu et nous y acquiesçons plus ou moins, mais cela ne signifie pas que nous l'avons véritablement entendu.
Or l'Évangile n'a rien d'autre à dire que : "Tu es mon fils que j'aime". Cela est adressé à Jésus lors du Baptême, et c'est adressé à toute l'humanité. Nous sommes accueillis, et accueillis précisément comme fils. C'est le geste patriarcal de la bénédiction, le dire-bien patriarcal qui nous constitue fils et héritiers, comme dit Paul. Tout l'Évangile est compris dans ce simple petit mot. Il n'y a rien d'autre à ajouter et tout ce qui est dit en dehors peut s'y rapporter. » (Jean-Marie Martin[5])
Francis Bovon fait remarquer que Luc a placé « deux récits centraux, l’un dans l’évangile – le retour du Fils prodigue – ; l’autre dans les Actes des apôtres – la conférence de Jérusalem, au cours de laquelle Église d’Antioche et Église de Jérusalem ont établi qu’il n’était pas nécessaire d’être juif pour devenir chrétien. »
La première communauté chrétienne se situe dans la continuité du judaïsme, elle se réfère à l'Ancien Testament mais dénonce sa lecture entendue comme loi. Elle proclame que tout homme quel qu'il soit est originellement fils de Dieu puisque la déclaration adressée à Jésus lors du Baptême "Tu es mon fils bien-aimé" est adressé à travers lui à toute l'humanité.
En cela cette parabole peut être rapprochée de la parabole bouddhiste. Nous allons voir en deuxième partie que la parabole bouddhique du fils dans le Sûtra du Lotus se réfère à la façon dont le bouddhisme mahāyāna se démarque de points de vue du bouddhisme ancien. Ce sont les arhats eux-mêmes – cette élite du bouddhisme ancien – qui nous proposent de le découvrir.
II – Parabole bouddhiste du fils pauvre d'un homme riche
Selon le Sûtra du Lotus (ch. IV)
1) Deux résumés préalables.
Comme la parabole est un peu longue, voici, en avant-goût, deux résumés.
a) Résumé fait par Eizan Rôshi lors du sesshin de 1998[6].
Il y avait autrefois un homme riche qui avait un fils. Un jour ce fils est parti à l'aventure. Il a perdu son chemin et on ne l'a jamais retrouvé.
Des années passent et voilà que, à l'âge adulte, devenu clochard, il frappe par hasard à la porte de la nouvelle maison de son père pour mendier. Les serviteurs de la maison lui donnent de quoi manger. Le vieux père a le temps de l'apercevoir tandis qu'il repart, et il a alors cette intuition : « Mais c'est mon fils ». Et il ordonne à la maisonnée de retrouver le mendiant.
Les serviteurs partent à sa poursuite et essayent de ramener le misérable. Mais lui de s'écrier : « Je ne suis pas un voleur, je suis un simple mendiant, laissez-moi, je vous en prie. » Et les serviteurs : « C'est simplement que notre maître veut te rencontrer. » Mais déjà le clochard est tellement effrayé qu'il s'évanouit. Et le maître demande qu'on le laisse tranquille.
Après quelque temps, il a une idée : il propose à ses serviteurs de se déguiser en clochards et d'aller le chercher pour lui proposer un travail à la maison. C'est ce qu'ils font. Et voilà le clochard dans la maison qui ne se doute pas que le maître est son père.
Quelque temps se passent et le vieux père est sur le point de décéder. Il fait son testament dans lequel il stipule que ce clochard sera l'héritier de la maison, ce qu'il refuse mais on arrive à le convaincre.
Et c'est cette histoire qui est citée par Hakuin dans le Zazen Wasan : « Le fils d'un homme riche parti vivre parmi les pauvres. »
Tous les hommes ont par nature la nature de bouddha, mais beaucoup refusent de le voir. Pour eux il est impensable qu'un homme aussi égoïste, aussi particulier que l'homme puisse avoir cette nature de bouddha. Et pourtant, quelle que soit la vilénie de l'homme, il a toujours été dans le monde de bouddha.
b) Résumé fait part Dennnis Gira dans Comprendre le bouddhisme (p. 153)
Cette parabole sort de la bouche des arhats qui décrivent leur propre situation au Buddha. Ils racontent donc l'histoire d'un homme qui, dans sa jeunesse, quitte son père et fuit dans un autre pays. Avec le passage du temps, sa situation devient de plus en plus désespérée. Il erre dans toutes les directions, cherchant de quoi se vêtir et se nourrir. Et puis, de manière inattendue, il se retrouve dans son pays d'origine.
Son père, qui depuis le premier jour a cherché son fils, en vain, s'est établi dans une ville. Il est devenu très riche et le montant de ses biens est incalculable. Mais il regrette toujours la perte de son fils. Il n'en par la personne alors qu'il n'a qu'un désir – donner tout à son enfant.
Le fils, qui vit toujours dans la misère, arrive un jour dans la vie de son père. Sans le reconnaître, il voit son père de loin. Sa richesse l'impressionne tellement qu'il fuit, pris de panique, certain qu'il ne pourra jamais trouver de travail près d'un homme d'un tel rang.
Le père, cependant, a reconnu son fils et, avec grande joie, se dit qu'enfin il a trouvé celui à qui il va pouvoir tout donner. Il envoie des serviteurs rattraper son fils l'amener auprès de lui. Mais son fils, qui ne comprend rien à ce qui se passe, est terrifié. Il proteste de son innocence en criant qu'il n'a rien fait de malhonnête. Les serviteurs le poursuivent, ce qui effraie davantage le pauvre fils. Certains qu'il va finir en prison ou mourir, il s'évanouit.
Le père, voyant tout cela de loin, dit à ses serviteurs qu'en fait il n'a pas besoin de cet homme pitoyable. Il donne l'ordre de le laisser en liberté. Pourquoi ? Parce qu'il connaît la disposition intérieure de son fils. Il sait bien que la splendeur de sa situation l'a terriblement angoissé. Il ne dit à personne que l'homme qu'il a vu était son fils, et ses serviteurs obéissent à ses ordres. Le fils, en revenant à lui, apprend qu'il est libre et s'en va joyeusement jusqu'à un village où il espère trouver un peu de nourriture.
Mais le père a un plan pour attirer l'attention de son fils. Il lui envoie des serviteurs mal habillés qui l'invitent gentiment à venir travailler avec eux pour un salaire deux fois plus élevé que d'habitude. Comme le travail en question est de nature très humble, il accepte. En voyant son fils, le père est saisi de compassion pour lui. Il s'habille de haillons, se couvre de poussière et, une pelle à la main, s'approche des ouvriers. Ainsi approche-t-il son fils sans l'effrayer. Par la suite, il lui demande de rester chez lui car il a besoin d'un serviteur fidèle. Il va même jusqu'à lui dire qu'il vaudrait le considérer comme son fils. Il lui donne son nom. Mais le fils se considère toujours comme un très humble ouvrier. Et pendant longtemps, il continue à accomplir ses basses besognes. Toutefois, pendant ce temps, une certaine confiance entre le père et le fils s'établit.
Quand le père tombe malade, il demande à son fils de gérer ses affaires. Le fils accepte, mais il est toujours convaincu de son état d'inférieur. Les rapports entre père et fils deviennent de plus en plus intimes et enfin le père dit la vérité à son fils devant tout le monde. Le fils, qui est alors prêt, accepte cette vérité inattendue avec grande joie, émerveillé que les trésors incalculables lui appartiennent sans même qu'il les ait recherchés.
« Un jeune homme quitte son père, mais sa fortune s’épuise et il lui faudra bien du temps pour retrouver l’intimité de son père qui ne l’a jamais abandonné. La "parabole du fils prodigue bouddhique" diffère de la compassion chrétienne, mais signifie que souvent l’homme ne cherche pas le bonheur dans la bonne direction. Tous sont cependant appelés à faire l’expérience directe d’une sagesse et d’une vérité qu’ils peuvent atteindre à leur rythme. » (Dennis Gira, Le bouddhisme à l'usage de mes filles)
2) La parabole de l’homme riche et de son fils pauvre
(Le Sûtra du Lotus, Ed. Les Indes savantes, p. 95-100, http://expolotus2016.blogspot.fr/)
Note introductive.
« Si dans les évangiles le public présent pour écouter les enseignements de Jésus est toujours à taille humaine, celui qui est présent pour écouter l’enseignement du Bouddha dans le Sûtra du Lotus est de taille « cosmique » : douze mille Méritants ou arhat (ceux qui ont réalisé l’Éveil envisagé dans le bouddhisme qui s’inspire du canon d’écritures le plus ancien), deux mille disciples bien engagés sur le chemin conduisant à ce même Éveil, quatre-vingt mille êtres d’Éveil ou bodhisattva (êtres voués à l’Éveil proposé par le Grand Véhicule), de grandes divinités, chacune avec une escorte impressionnante, et bien d’autres êtres, humains et non-humains (n’oublions pas l’histoire de la fille du roi-dragon). Et en présence de tout ce monde, le Bouddha émet depuis la touffe blanche qu’il a entre les sourcils une lumière qui illumine dix-huit mille mondes dans toutes les directions. Il n’est pas difficile de voir l’impact que tout cela a pu avoir sur l’imaginaire des peuples de tout l’Extrême-Orient. » (Dennis Gira, Le Sûtra du Lotus et la Bible, intervention lors du colloque de 2016 à la Maison de l'UNESCO)
Le Sūtra du Lotus est un texte long[7] Il s'agit d'un sûtra très populaire dans le bouddhisme mahāyāna. Il y occupe une place primordiale. C'est sur ce sûtra que furent fondées les écoles Tiantai en Chine, Tendai et Nichiren au Japon, mais les autres écoles (dont le zen) le connaissent. Le terme mahāyāna y apparaît pour la première fois.
Le Sûtra du Lotus se présente comme un enseignement prodigué par le Bouddha à la fin de sa vie terrestre, mais la parabole du fils est racontée par les arhats qui sont autour de lui. Le terme arhat (de la racine "arh", mériter) désigne dans le bouddhisme ancien (Theravāda) le stade le plus élevé dans la progression des hommes vers l'éveil. Mais dans le Mahāyāna, l'arhat a été supplanté par le bodhisattva, en effet l'arhat se contente de rechercher son salut propre et d'atteindre le nirvāna, alors que le bodhisattva vise le suprême et parfait Éveil ainsi que le salut de l'humanité tout entière. Le Theravāda considère que seuls de rares individus emprunteront la voie du Bodhisattva, mais pour le Mahāyāna, chacun peut désirer devenir bodhisattva et la nature-de-bouddha peut être reconnue dans l'ensemble des êtres sensibles.
PARABOLE.
« Honoré du monde, nous serions à présent heureux d’employer une parabole pour mieux nous faire comprendre : supposons qu’un homme encore jeune, après avoir abandonné son père et fui dans un autre pays, y ait vécu très longtemps, mettons dix, vingt ou même cinquante ans. Plus il vieillissait, plus il devenait pauvre et misérable. Il allait de tous côtés, poussé par la nécessité de se vêtir et se nourrir, se rendant de plus en plus loin jusqu’à ce que le hasard ramène ses pas vers sa terre d’origine.
Pendant cette période, le père, qui avait en vain cherché son fils, s’était finalement établi dans une certaine ville. Sa maisonnée, très cossue, regorgeait de richesses et de trésors incalculables: or, argent, lapis-lazuli, corail, ambre et perles de cristal s’amassaient dans ses resserres à les faire déborder. Il avait quantité de valets et de serviteurs, de clercs et d’intendants, mais aussi des éléphants, des chevaux, des chars, des bœufs et des chèvres à profusion. Ses affaires, bien menées, avaient prospéré, tant dans sa région que dans toutes les terres avoisinantes, et il avait noué des relations commerciales avec quantité de négociants et de marchands itinérants.
C’est alors qu’après avoir erré de village en village, parcouru moult terres et traversé maintes bourgades, le fils appauvri arriva enfin dans la ville même où résidait son père. Celui-ci pensait constamment à ce fils dont il avait été séparé durant plus de cinquante ans sans en avoir cependant parlé à quiconque. Il ressassait la chose en son for intérieur, taraudé par les regrets car son fils lui manquait. Il réalisait qu’il était à présent vieux et décrépit, croulant certes sous les richesses et les biens de toutes sortes, de l’or, de l’argent, les trésors les plus rares amassés dans ses resserres qui en débordaient, mais qu’il n’avait pas de fils et qu’ainsi, lorsqu’il mourrait, toutes ses possessions et toutes ses richesses seraient dispersées et perdues, car il n’avait personne à qui les léguer.
Telle était la raison de son obsession lancinante au sujet de son fils. Il se faisait aussi la réflexion suivante : “Si je pouvais trouver mon fils et lui confier mes richesses et mes biens, je serais alors pleinement heureux et ce serait la fin de tous mes soucis.”
Honoré du monde, à ce moment-là, le fils appauvri échouait de n’importe quel gagne-pain au suivant quand le hasard le mena devant la demeure de son père. Debout devant le portail, un peu de côté, il pouvait apercevoir au loin son père, lequel était assis sur son trône de lion, les pieds sur un repose-pieds incrusté de pierres précieuses, et entouré de toute une cour de brahmanes, de nobles et de chefs de familles, tous d’une grande déférence à son égard. Des guirlandes de perles d’une valeur de milliers ou dizaines de milliers ornaient son corps, et quantité de serviteurs, clercs et valets pourvus de chasse-mouches blancs se tenaient à sa gauche et à sa droite. Un dais orné de pierres précieuses le surplombait, dont pendaient des bannières de fleurs. Des parfums avaient été répandus sur le sol que jonchaient quantité de fleurs rares. Des objets précieux étaient disposés ça et là, que l’on apportait ou retirait, proposait et recevait. Tels étaient les nombreuses sortes d’ornements, les emblèmes de prérogatives et les marques de distinction.
Lorsque le fils appauvri vit à quel point son père avait d’autorité et de pouvoir, la peur l’étreignit et il regretta d’être jamais arrivé en pareil endroit. En son for intérieur, il se dit : “Ce doit être une sorte de roi, ou l’égal d’un roi. Ce n’est pas dans un tel lieu que j’arriverai à louer mes services ni à gagner ma vie. Je ferais mieux de me rendre dans un village pauvre où en travaillant dur je trouverais ma place et gagnerais de quoi me nourrir et me vêtir. Si je reste ici trop longtemps, je risque bien de me faire attraper et d’être forcé de travailler !” Ayant ainsi raisonné, il jugea plus prudent de déguerpir.
À ce moment, le riche vieillard assis sur son trône repéra son fils et le reconnut immédiatement. Le cœur empli d’une joie immense, sa première pensée fut : “Maintenant, j’ai quelqu’un à qui confier mes resserres pleines de richesses et tous mes biens ! Sans cesse mes pensées étaient tournées vers mon fils, mais je n’avais aucun moyen de le voir. Voilà qu’il se présente soudainement de lui-même, exactement comme je l’aurais souhaité. Tout vieux et décrépit que je sois, je me soucie encore de ce que je possède.”
Là-dessus, il dépêcha un de ses hommes à la poursuite de son fils en lui enjoignant de le ramener au plus vite. L’envoyé courut alors prestement après le fils et s’en saisit bientôt. Le fils appauvri, affolé et terrifié, protesta avec colère : “Je n’ai rien fait de mal ! Pourquoi m’arrête-t-on ?” Mais l’envoyé ne fit que renforcer son étreinte pour contraindre le fils à le suivre.
À ce moment, le fils se dit : “Je n’ai commis aucun crime et pourtant me voilà fait prisonnier ! On va sûrement m’exécuter !” Plus terrifié que jamais, le désespoir le fit tomber évanoui sur le sol.
Le père, qui observait la scène à distance, dit alors à son envoyé : “Je n’ai pas besoin de cet homme. Inutile de l’obliger à venir jusqu’à moi. Aspergez-lui la figure d’eau pour qu’il reprenne ses sens[8], mais sans rien lui dire de plus.”
Pourquoi agit-il de la sorte ? Parce que le père avait conscience que son fils, n’ayant que de médiocres perspectives et ambitions, il lui serait difficile d’accepter sa propre position prospère et éminente. Il savait très bien que c’était là son fils, mais comme moyen opportun s’abstint de dire à quiconque “Voici mon fils” !
L’envoyé dit alors au fils : “Je te relâche à présent, tu peux aller où bon te semble.” Le fils appauvri fut enchanté, ayant obtenu ce qu’il n’avait jamais eu auparavant, il se releva et se dirigea vers le village voisin afin d’y trouver de quoi se nourrir et se vêtir.
À ce moment, le riche vieillard, dans l’idée de pousser son fils à lui revenir, résolut d’utiliser un moyen opportun et envoya pour cela deux émissaires secrets, des hommes maigres et efflanqués dont l’apparence ne pouvait pas l’impressionner. “Allez trouver ce pauvre hère, faites fortuitement connaissance et glissez-lui que vous connaissez un endroit où il pourrait gagner le double d’un salaire habituel. Si cela lui convient, amenez-le ici et mettez-le au travail. S’il vous demande de quelle sorte de travail il s’agit, répondez qu’il sera employé à charrier des excréments et que vous travaillerez tous deux avec lui.”
Les deux émissaires partirent immédiatement à sa recherche et, quand ils l’eurent trouvé, lui parlèrent selon les instructions reçues. Le fils appauvri demanda alors une avance sur son salaire et accompagna les deux hommes pour les aider à nettoyer les latrines.
Lorsque le père vit son fils, il en eut pitié et s’interrogea à son sujet. Quelque temps plus tard, en regardant par la fenêtre, il vit son fils au loin, maigre et émacié, sale, en sueur, couvert de crotte et souillures diverses. Aussitôt, le père ôta ses colliers, enleva ses vêtements fins et soyeux et toutes ses parures pour revêtir des haillons dégoûtants.
Il s’enduisit le corps de boue, saisit de la main droite une pelle pour déblayer les excréments et d’un air rogue s’adressa ainsi aux ouvriers : “Continuez à travailler ! Que je ne vous prenne pas à paresser !” Grâce à ce moyen opportun, il parvint à approcher son fils.
Par la suite, il s’adressa de nouveau à son fils en ces termes : “Allons, mon garçon ! Tu dois conserver cet emploi et ne plus me quitter. J’augmenterai ton salaire, et tout ce dont tu pourrais avoir besoin, en outils, riz, farine, sel, vinaigre ou quoi que ce soit, ne sera plus un souci pour toi. J’ai un vieux serviteur que je mettrai à ta disposition quand tu le souhaiteras. Tranquillise-toi, je serai comme un père pour toi. Tu n’auras plus de soucis à te faire. Pourquoi dis-je cela ? Parce que mon âge est déjà avancé, tandis que toi, tu es jeune et fort. Au travail, tu n’es ni tire-au-flanc ni paresseux, tu ne te mets pas en colère et ne t’exprimes pas grossièrement. Tu ne sembles pas avoir de défauts de ce genre, comme mes autres ouvriers. Dorénavant, je te considérerai comme mon propre fils.” Là-dessus, le riche vieillard choisit un nom et le lui attribua, comme s’il s’agissait de son enfant.
À cette époque, même s’il était ravi d’un tel traitement, le fils appauvri continuait à se considérer comme quelqu’un de très humble condition, employé par un autre. Le riche vieillard le laissa donc nettoyer les excréments les vingt années suivantes. Cette période achevée, le fils se sentait effectivement compris et digne de confiance, il allait et venait à sa guise, mais continuait à vivre au même endroit qu’auparavant.
Honoré du monde, à ce moment-là, le riche vieillard tomba malade et perçut que sa fin était prochaine. Il s’adressa alors à son fils appauvri en ces termes : “Je possède à présent de grandes quantités d’or, d’argent et de trésors rares et précieux amassés dans mes resserres à les en faire déborder. Tu dois prendre en charge complètement mes possessions et t’occuper de ce qui doit être distribué ou de ce qu’il faut engranger. C’est ce que j’ai décidé et je veux que tu accomplisses mes volontés. Pourquoi cela ? Parce que, dorénavant, toi et moi ne devrons plus nous comporter comme si nous étions deux êtres différents. Il faut que tu gardes la tête froide et sois vigilant pour éviter les erreurs et les pertes.”
À ce moment, ayant reçu de telles instructions, le fils appauvri prit alors le contrôle de toutes les marchandises, de l’or, de l’argent et des trésors rares et précieux, sans jamais songer à s’approprier ne serait-ce que la valeur d’un simple repas. Il continua à vivre au même endroit, incapable de se considérer lui-même autrement que comme une personne de basse condition.
Quelque temps après, le père se rendit compte que son fils avait petit à petit pris de l’assurance, ce que reflétait aussi son apparence, et qu’il commençait à concevoir de grands desseins et à mépriser la façon qu’il avait précédemment de douter autant de lui-même. Se rendant compte que sa fin était prochaine, il ordonna alors à son fils d’organiser une réunion avec sa famille, le roi du pays, les ministres, les nobles et les chefs de maisonnées. Quand ils furent tous assemblés, il leur fit la déclaration suivante : “Messieurs, vous devez savoir que cet homme est mon fils, né de moi. Dans telle et telle ville, il m’a abandonné et s’est enfui. Pendant plus de cinquante ans il a erré et enduré mille maux. Son nom originel était untel et le mien untel. Autrefois, quand j’étais encore dans ma ville natale, je me faisais du souci pour lui et je l’ai cherché partout.
Longtemps après, j’ai eu subitement la chance de le rencontrer. C’est véritablement mon fils et je suis véritablement son père. À présent tout ce qui m’appartient, toutes mes richesses et tous mes biens sont entièrement à ce fils qui est mien. Des revenus et des dépenses passées, mon fils est parfaitement au courant.”
Honoré du monde, quand le fils appauvri entendit son père s’exprimer ainsi, il fut submergé de joie, ayant obtenu ce qu’il n’avait jamais eu auparavant et il se dit : “Je n’avais à l’origine jamais pensé à me procurer de telles choses ni même à les désirer, et voilà que ces resserres regorgeant de trésors sont venues à moi d’elles-mêmes !”
● Interprétation interne à la parabole.
Honoré du monde, ce vieillard avec toutes ses richesses n’est autre que l’Ainsi-venu et nous sommes tous comme les fils du Bouddha. L’Ainsi-venu nous répète constamment que nous sommes ses fils, mais à cause des trois souffrances, Honoré du monde, entre la naissance et la mort nous affrontons de profonds tourments, des illusions, l’ignorance, nous contentant de doctrines inférieures auxquelles nous nous cramponnons.
Aujourd’hui toutefois, l’Honoré du monde nous amène à réfléchir profondément, à rejeter de telles doctrines et l’insupportable vanité des discussions futiles. À ce sujet, nous étions assidus et n’avons pas ménagé notre peine jusqu’à l’atteinte du nirvana, comparable au salaire d’une journée. Lorsque nous y sommes parvenus, nos cœurs se sont emplis de joie et nous pensions que c’était bien suffisant. Nous nous sommes alors dit : “Comme nous avons été assidus et n’avons pas ménagé notre peine en ce qui concerne la Loi bouddhique, nous avons maintenant obtenu cette riche et vaste compréhension.”
Pourtant, l’Honoré du monde – sachant d’expérience que nos esprits se cramponnent à des désirs indignes et se complaisent dans les doctrines inférieures – nous pardonna et nous laissa penser de la sorte, sans tenter de nous expliquer : “Le moment viendra où vous posséderez la clairvoyance de L’Ainsi-venu, votre propre part de la resserre aux trésors !” Au lieu de cela, l’Honoré du monde a utilisé le pouvoir des moyens opportuns pour nous enseigner la sagesse de l’Ainsi-venu de telle façon que nous puissions être à l’écoute du Bouddha et atteindre le nirvana, le salaire d’une journée. Comme nous estimions avoir obtenu là quelque chose d’important, nous n’avions pas l’intention de rechercher le Grand Véhicule. Qui plus est, si nous avons exposé et répandu la sagesse du Bouddha pour le bien des bodhisattvas, nous ne désirions pas l’atteindre personnellement. Pourquoi le spécifier ? Parce que le Bouddha, sachant que nos esprits se contentaient des doctrines inférieures, s’est servi de moyens opportuns pour nous l’enseigner d’une façon qui corresponde à nos capacités. Nous ne savions donc pas que nous étions véritablement les fils du Bouddha, mais à présent nous en sommes enfin conscients.
De la sagesse du Bouddha, l’Honoré du monde n’est jamais avare. »
3) Éléments-clés du texte du Sûtra du Lotus.
● Le commentaire du Mouvement bouddhiste Soka (sur son site[9]).
Dans trois des sept paraboles du Sûtra du Lotus, Shakyamuni[10] est associé à l'image d'un père attentionné, désireux de sauver ses enfants. Parce qu'il porte un amour inconditionnel à tous les êtres, le Bouddha souhaite les faire sortir du monde de l'illusion et des satisfactions mineures, afin qu'ils connaissent tous l'éveil suprême. Sa sagesse lui permet de faire entendre graduellement son message de s'adapter à ses disciples sans les froisser ni témoigner de préférence. Il les invite à ne pas se satisfaire de leur état actuel, aussi avancé soit-il. Bouddha, il les voit comme des bouddhas potentiels, comme un parent aime voir son enfant s'éveiller et se reconnaît à travers lui. […]
Les paraboles relatées dans les chapitres suivants du Sûtra du Lotus (excepté celle du 16e chapitre) vont permettre à Shakyamuni de démontrer qu'il est possible pour tous ses auditeurs d'accéder à cette sagesse par un véhicule unique. Les enseignements précédant ce Sûtra ne sont que des véhicules provisoires, explique-t-il, des moyens opportuns (hoben) pour atteindre ce véhicule unique.
Ainsi, dans la parabole de l'homme riche et de son fils pauvre, le riche marchand – qui veut léguer sa fortune à son fils – symbolise le Bouddha dont le seul désir est de permettre à tous de bénéficier du même état que le sien (la bouddhéité la véritable richesse). Le fils pauvre, qui s'est enfui de la maison de son père il y a des années, et qui, depuis, erre d'un lieu à l'autre dans la pauvreté, représente les mortels qui transmigrent vie après vie sans rencontrer le véhicule définitif.
Un jour, alors qu'il passe par hasard devant la nouvelle demeure de son père (le fils ne reconnaît pas son père), il prend peur et s'enfuit, impressionné partant de richesses.
Trop misérable, il ne peut servir dans une telle demeure. Le père, « le cœur empli d'une joie immense », l'ayant reconnu de loin, envoie un de ses hommes le chercher. Mais le fils, apeuré, se croyant arrêté, s'évanouit. Le père demande alors à son serviteur de le laisser libre : « Pourquoi agit-il de la sorte ? Parce que le père avait conscience que son fils ayant piètre apparence et ambition, il lui serait difficile d'accepter sa propre position prospère et éminente. Il savait très bien que c'était là son fils, mais choisit le moyen opportun de s'abstenir de proclamer haut et fort : “Voici mon fils !” » Le fils est enchanté de retrouver la liberté qui est la sienne, « ayant obtenu ce qu'il n'avait jamais eu auparavant, il se releva et se dirigea vers le village pauvre voisin, afin d'y trouver de quoi se nourrir et se vêtir. »
Il est libre de partir, libre de revenir, libre de fuir à nouveau. De même, la quête de l'éveil ne peut être imposée. Le père respecte le choix de son fils, mais il veut lui donner les moyens d'une liberté encore plus grande pour l'avenir : sa richesse. C'est une preuve d'amour. Le riche marchand va alors utiliser des "moyens opportuns" pour amener son fils à retrouver sa vraie nature ; il lui confie d'abord des tâches viles adaptées à sa condition, et va jusqu'à revêtir des haillons pour s'en rapprocher. Petit à petit, le fils retrouve de l'assurance et commence à regretter la façon dont il vivait auparavant. Le père finit par léguer tous ses biens à ce fils retrouvé.
Résumant la signification de la parabole, les disciples du Bouddha déclarent : « L'Ainsi-Venu nous répète constamment que nous sommes ses fils, mais à cause des trois souffrances, Honore du monde, entre la naissance et la mort, nous affrontons de profonds tourments, des illusions, l'ignorance, nous contentant de doctrines inférieures auxquelles nous nous cramponnons. » Ils comprennent qu'ils ne doivent pas se contenter d'un éveil inférieur, équivalent au « salaire d'une journée ».
● Une remarque de Dennis Gira
Extrait de son intervention à la Maison de l'Unesco (cf. message suivant).
La parabole dans le Sûtra du Lotus parle de la capacité du père (il s’agit du Bouddha) à conduire son fils d’une conscience extrêmement limitée de ce qu’il est vraiment à une conscience plénière de sa nature fondamentale. Tout cela prend beaucoup de temps et de patience. Là se déploie la pédagogie proprement admirable du Bouddha. Tout parle de sa compassion, d’une compassion qui, comme la sagesse suprême des bouddhas, est au cœur du Sûtra du Lotus et de l’expérience de ceux qui lui font confiance. Il est donc normal qu’elle se trouve aussi au cœur des paraboles. Finalement elles expliquent de diverses façons que les véhicules (ou « moyens de progression ») des auditeurs, des bouddhas-pour-soi et des bodhisattvas[11], ainsi que les enseignements qui leur correspondent, n’étaient que provisoires. Mais en tant qu’expédients salvifiques ils peuvent, quand ils sont habilement employés, conduire les êtres au-delà de l’Éveil « limité » qu’ils proposent, jusqu’à l’Unique véhicule qui seul leur permet d’atteindre le si précieux « Éveil complet et parfait sans supérieur ».
[1] Il serait intéressant de lire aussi une autre parabole où est mis en scène un fils qui part au loin, oublie qu'il est fils de roi mais retrouve son rang à la fin, à savoir le Chant de la perle qui se trouve dans les Actes de Thomas, un ouvrage apocryphe chrétien Il est appelé aussi Hymne de la perle Voir une traduction au II de Symbolique du vêtement : le lavement des pieds (Jn 13) ; le Chant de la perle (poème gnostique).
[2] La parabole de Luc mise ici figure dans une traduction assez proche de l'original grec, certains mots (la part de bien, ses vivres…) sont expliqués après.
[3] Dans la Bible la prostitution peut désigner l'idolâtrie. Par exemple le Seigneur annonce la déportation en disant : « ceux d'entre vous qui auront été délivrés se souviendront de Moi parmi les nations où ils auront été emmenés captifs, parce que je briserai leur cœur prostitué qui s'est détourné de moi, et leurs yeux qui s'étaient prostitués après leurs idoles. » (Ez 6,9)
[4] C'est « étant grand prêtre de cette année-là, il (Caïphe) prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation mais non pour la nation seulement, mais en sorte que les enfants de Dieu, ceux qui sont les déchirés (ta dieskorpisména), il les rassemble (synagagê) pour être un » (Jn 11, 51-52). On trouve ce verbe dans « 12Le salarié, celui qui n'est pas berger, de qui ne sont pas les brebis – elles ne lui appartiennent pas – constate le loup venir, et il abandonne les brebis et fuit. Et le loup se saisit (harpazeï) d'elles et les déchire (skorpizeï) » (Jn 10, 12). Ce même mot se trouve dans « Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées (déchirées) » (Mt 26, 31)
[5] Extrait d'un enseignement, voir blog La Christité.
[6] Extrait de Enseignements d'Eizan Rôshi en 1998 au centre Assise, avec comme fil rouge le Hakuin Zenji Zazen Wasan.
[7] Le Sūtra du Lotus comporte 27 ou 28 chapitres (selon les versions) : les quatorze premiers chapitres donnent des moyens de transmettre la doctrine par le biais de paraboles et d’exemples ; la suite expose la doctrine de la nature éternelle de Bouddha.
[8] Le terme chinois correspondant désigne aussi l'éveil, voir Réflexion de Anna Ghiglione sur cette parabole juste à la fin de la parabole.
[9] Cf. http://www.soka-bouddhisme.fr/perspectives/reflexions/413-un-fils-bien-aime-paraboles-du-sutra-du-lotus
[10] « Le Bouddha, c'est-à-dire l'Eveillé, celui qui a pénétré et compris le mystère même de l'existence, est né en Inde dans une famille aristocratique vers le milieu du VIe siècle avant notre ère. Sa famille jouissait d'une position relativement importante dans le clan des Shakya: de là vient l'un de ses noms les plus connus, Shakyamuni, l'ascète du clan Shakya. Son nom patronymique était Gautama, et son nom personnel, Siddhartha » (D Gira, "Pour comprendre les bouddhismes en Occident", Lumière et vie n° 193, Août 1989, http://cusi.free.fr/fra/fra0062.htm ).
[11] À ne pas confondre avec le Petit Véhicule, le Grand Véhicule et le Véhicule du Diamant.