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Voies d'Assise : vers l'Unité
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  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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18 mai 2023

KINOMICHI une culture de l’accueil, article de Christophe Génin (2006) suivi du CR du 1er Kagami Biraki de la FFAAA (fév. 2023)

L'article de Christophe Génin publié dans Aiki-mag porte sur la question : En quoi les techniques du Kinomichi sont-elles différentes de celles de l’Aïkido ? La voie de l’union des souffles se distingue-t-elle du Chemin de l’énergie ? certainement, mais la source d’inspiration est la même, tout vient de Morihei Ueshiba.

2006 culture de l'accueil 1, Aikido MagDepuis 2006 le Kinomichi a évolué et récemment a eu lieu le premier Kagami Biraki dont Christophe Génin a fait un compte-rendu paru dans la 6e lettre  de l'IFK (https://kinomichi.org/). Ce compte-rendu figure après l'article. On y voit que le Kinomichi a été à l'honneur, en particulier il y a eu la remise du 8e dan UFA aux trois représentants du kinomichi que sont Lucien Forni, Jean-Pierre Cortier et Hubert Thomas ayant obtenu le 8 dan UFA. Ce kagami biraki sanctionna ainsi non seulement la pérennité du kinomichi, mais encore sa reconnaissance nationale, son existence pleine et entière au sein de la famille des arts martiaux japonais, comme sa reconnaissance internationale, en particulier au Japon même

En fin de message, en annexe figurent les deux encadrés qui étaient au milieu de l'article de 2006.

 

 

KINOMICHI une culture de l’accueil

Christophe Génin

Aiki Mag n°13 de décembre 2006

 

 

En 1973 j’ai commencé à pratiquer « l’Aïkido de Noro » comme on disait alors, pour le distinguer de celui de Tamura Nobuyoshi. J’étais fasciné autant par la puissance du mouvement que par la beauté du geste, à la fois ample et juste. Sa pratique était large et fluide : spacieuse. En 1979, Noro sensei nous parla fièrement de la nouvelle enseigne jaune et noire qu’il venait de poser à l’entrée du dojo de la rue des Petits-Hôtels. Je ne comprenais rien à ce changement auquel il avait l’air de tenir. Pourtant une bifurcation, d’abord insensible puis grandissante, venait de s’accomplir. Le Kinomichi était né.

 

Y a-t-il une différence entre l’Aïkido et le Kinomichi ?

Une différence de nom ? Pour une oreille française certainement. Mais un Japonais entend la proximité des deux mots.

  • Do et michi désignent également le chemin, la voie, aux sens propre et figuré.
  • D’où l’idée de méthode. Ki, signifiant la capacité de mobilisation, le tonus ou l’aura, se retrouve dans les deux mots.
  • Enfin, no est un terme de liaison qui marque l’unité, comme désigne l’union.

 Même si « la voie de l’union des souffles » n’est pas tout à fait « le chemin de l’énergie », l’idée est la même : une harmonie avec l’autre en travaillant l’accueil et l’expansion en douceur.

Pourquoi donc changer de nom ? Par fidélité à son maître et par respect de l’étiquette japonaise. Dans la culture nippone, garder le même nom signifie observer toutes les règles de filiation. Or, maître Noro prit l’initiative de changer certains points en intégrant dans sa formation d’Aïkido des éléments européens, comme la gymnastique Ehrenfried. Il ne pouvait donc garder le même nom. Comme Morihei Ueshiba passa du Daïto-ryu à l’Aïkido en fusionnant des techniques d’origines diverses, Noro sensei passa de l’Aïkido au Kinomichi.

Une différence de technique ? Observant les gestes et déplacements du Kinomichi, un aïkidoka y verra un air de famille : les taï-sabaki sont les mêmes, il retrouvera irimi-nage sous santen, ou ikkyo sous ichi ; yoko-men ressemblera à la sixième forme de contact.

2006 culture de l'accueil 3Le stage commun de maître Noro et Christian Tissier à Nanterre, le 8 avril 2005, a montré aux pratiquants des deux bords que les points de tangence étaient nombreux. Maître Noro répète que les techniques du Kinomichi sont celles de l’Aïkido. Tous ceux qui l’ont longuement fréquenté savent à quel point l’enseignement de Morihei Ueshiba lui tient chevillé au corps.

Où est la différence alors ? Une astuce administrative de la part de Noro sensei pour fonder sa propre fédération, comme je l’entendis dire dès 1983, ou pour fuir les critiques contre son style ? Ce serait mal le connaître, et rater une notion centrale : l’évolution. Noro sensei est un créateur de formes et un développeur d’énergies. Sa pratique n’est donc pas fixée une fois pour toute. Le Kinomichi de 1979, encore proche de l’Aïkido, ne ressemble pas à celui de 1991, axé sur les étirements, ni à celui de 2006, lié à une dynamique construite à deux. Mais en quoi est-ce différent ? Maître Noro pense que la différence entre Aïkido et Kinomichi ne tient pas à la technique, mais à l’orientation du ki, à la finalité qu’on lui donne, à la manière de la déployer. Fort de mon expérience d’« ancien », je vais tenter d’identifier une ligne de démarcation d’après la rééducation physique que j’ai du opérer en mon corps, initialement formé par le Judo et l’Aïkido, pour accomplir les gestes du Kinomichi.

 

2006 culture de l'accueil 2 - Aikido Maga) L’abandon de toute notion martiale.

Pour comprendre cela il faut voir l’évolution physique et mentale de Noro sensei. Lui, dont tout le monde admirait la puissance, qui se croyait indestructible, s’est trouvé anéanti par un grave accident de voiture en 1966. Tout l’imaginaire guerrier du budo se trouvait rayé d’un trait. Mais en même temps Noro sensei puisa dans les gestes de l’Aïkido l’énergie nécessaire pour se reconstruire. Il fallait donc dépasser une contradiction inhérente à l’Aïkido : s’il était amour et union, pourquoi enseignait-on le « combat » ? Le rapport défense/attaque n’était qu’illusion et vanité. Délivré de l’esprit de rivalité, il lui fallait une technique épurée de toute trace de combat et ne garder de l’Aïkido que l’accueil, le souffle fluide, la spirale formatrice, sans passage en force.

Du coup il a renoncé au principe de la frappe :

- dans les mouvements, les atémis qui arrêtaient la dynamique, qui simulaient l’hostilité d’un « adversaire », la riposte de tori, et la contre-riposte de uke, ont été supprimés pour laisser le mouvement couler librement, sans heurts ni arrêts, dans la confiance mutuelle des partenaires ;

- dans les ukemi, la frappe du sol, censée absorber le choc, a été remplacée par un travail très fin sur l’arrivée au sol, sur un arrondi du contact qui estompe tout choc. D’où un ukemi silencieux. Renonçant au terme de « chute », synonyme de déchéance dans l’esprit occidental, on parle simplement de « roulade ». Celle-ci n’est pas l’esquive de uke pour fuir une douleur, mais l’ultime déploiement du geste de tori, uke allant au sol pour laisser passer en lui le geste de tori, comme une algue ondoie sous l’influence d’un courant.

 

b) Le contact

Comment réformer mes gestes et ma mentalité pour me délivrer du rapport de force ? Noro sensei repartit du point de départ : le moment où l’un « saisit » l’autre. La « saisie » se veut capture, contrôle, domination. Elle a donc été convertie en contact : venir l’un vers l’autre, d’un élan égal, pour composer une tierce trajectoire. Le premier geste du Kinomichi est donc ce « contact » : ce même allant où l’on se donne la main pour créer une voie commune. Cet accord nous permet de prendre connaissance de l’autre, de mesurer ses tensions ou son abandon, ses inhibitions ou ses pressions, sa joie ou sa tristesse. Il éduque notre finesse. Il exerce notre écoute. Il apaise notre énergie. Il affine notre tact. Les pratiquants les plus avertis arrivent par un quasi effleurement à orienter le corps du partenaire pour faire passer une énergie dynamisante.

 

c) Le talon

Comment me donner à l’autre si je reste campé sur mes positions ?

Pour autant que je puisse en juger le Kinomichi a acquis son identité le jour où maître Noro a décidé que pour faire un bon mouvement il fallait lever le talon - ce qui revenait à lever un tabou ! Comme tout pratiquant d’Aïkido j’avais appris à exécuter mes mouvements en fichant mes talons dans le sol. Il m’a fallu du temps pour réformer mes habitudes corporelles. Pendant des années je ne trouvais pas mon équilibre dans les nouvelles postures, talon levé, torse ouvert et de profil « à l’égyptienne ». Jusqu’au jour où je compris que l’important n’était pas de lever mécaniquement le talon, mais de pousser dans mes orteils. Cette simple poussée donne de l’amplitude à la main, et produit une diagonale qui va des pieds à la tête. Elle permet la rotation du corps qui se vrille dans une spirale qui se transmet au partenaire. Tout monte du sol au ciel, des pieds à la tête, pour y redescendre.

 

2006 culture de l'accueil 4d) La parité homme-femme

Comment entrer en contact avec l’autre si je nie sa différence ? Je me souviens du jour où Noro sensei, au dojo des Petits-Hôtels, choisit une jeune femme comme partenaire. Jusqu’alors il prenait des « costauds », capables de soutenir son énergie.

Pourtant c’était la suite de son évolution : pour faire du Kinomichi un geste d’amitié, il était nécessaire pour tout homme de composer avec une femme. L’union des énergies n’était pas une formule, mais l’embarras de pratiquants et pratiquantes qui devaient dorénavant apprendre non plus la saisie (le gripping), mais la « caresse », non plus l’attaque mais l’accueil. Il n’était pas question de maltraiter les femmes. Plus encore il fallait mesurer ses gestes pour ménager leur poitrine quand on les menait au sol ! C’est tout un imaginaire viril qui dut être réformé. Bien des hommes furent gênés au début, ne sachant plus trop quoi faire de ces corps de femmes, et non plus d’Amazones ! Les « durs » quittèrent maître Noro, cherchant un maître plus « martial ».

Le Kinomichi est constitué par une relation entre un don et un accueil mutuel et réversible. Même si maître Noro et les anciens n’oublient jamais l’origine martiale de ces techniques, ils ne ruminent pas le passé mais créent l’avenir : le développement de l’énergie l’un par l’autre. Par son souci de l’autre le Kinomichi est authentiquement un geste éthique. Par sa dissipation des blocages, il est un accomplissement de soi par l’autre. La tension agonale convertie en tendresse mutuelle.

 

Kagami Biraki 

 

Pour une première, ce fut une première réussie ! La FFAAA fêtait ce samedi 25 février 2023 son premier Kagami Biraki, s’inscrivant ainsi dans une longue tradition japonaise pour qu’une nouvelle année d’entraînements se passe sous les meilleurs auspices, pour que chacun purifie son miroir (kagami). Elle fêtait également ses quarante ans d’existence, et mit particulièrement à l’honneur son fondateur, maître Alain Floquet Alain, 9e dan UFA d’aïkibudo. Elle commémora également, par le discours d’Antonio Hernandez, les dix ans de la disparition de Noro Masamichi senseï, fondateur du kinomichi, récemment promu discipline associée de plein droit dans la fédération.  

Le kinomichi est un chemin (michi) de perfectionnement de soi et d’accomplissement de son énergie (ki) par le biais de techniques dérivées de l’aïkido. Par la variété des disciplines représentées à ce kagami biraki – wanomichi, takemusu aïki, aïkibudo, aïkido et kinomichi – le spectateur profane put avoir un éventail ouvert des écoles d’aïki, avec de grandes familiarités de techniques par-delà d’indéniables différences d’exécution et d’esprit.  

Le kinomichi fut bien représenté tant sur le tatami que dans les tribunes. La démonstration, respectant la parité hommes/femmes, se déroula sous la houlette de trois de nos plus expérimentés senseï. En la personne du président de la fédération, Francisco Dias, ils furent honorés d’un 8e dan UFA et très chaleureusement remerciés : Lucien Forni, doyen des pratiquants, toujours jovial et vigoureux, Jean-Pierre Cortier, qui après un accident de santé a démontré qu’il avait recouvré avec courage toutes ses capacités, Hubert Thomas, dont le dévouement à la cause de Noro Masamichi senseï est resté sans faille et qui nous offrit un splendide kata de jo. Alors que les autres disciplines parurent somme toute bruyantes, scandées par des kiaï et des ukemi frappés, la démonstration de kinomichi, aux mouvements ouverts, fluides et gracieux, aux roulades ouatées, fut animée d’une respiration légère, et plus d’un ancien crut entendre Noro Masamichi senseï encourager encore les participants de son souffle communicatif : « zououou ! ». 

Ce kagami biraki sanctionna ainsi non seulement la pérennité du kinomichi, malgré toutes sortes de vicissitudes et de turpitudes, mais encore sa reconnaissance nationale, son existence pleine et entière au sein de la famille des arts martiaux japonais, comme sa reconnaissance internationale, en particulier au Japon même.  

Dix ans après les adieux de Noro Masamichi senseï, nous pouvons donc dire sans conteste que son œuvre vibre encore dans des gestes et des mouvements, que palpite encore le cœur (shin) qui l’animait. En ce jour de kagami biraki, le miroir qui ornait le kamiza décoré par Noro Masamichi senseï, dans son dojo, fut bien ouvert pour nous apporter une inextinguible et réconfortante lumière.

 

ANNEXE. Les deux encadrés qui sont au milieu de l'article :

 

LE KINOMICHI ET LES ARMES

Donner un autre sens à l’énergie et effacer toute référence au combat semble exclure la pratique des armes. Pourtant maître Noro n’a jamais cessé de les enseigner. Est-ce contradictoire ? Non. Observant l’Europe, il a constaté que l’escrime y était encore un sport noble, même si plus personne ne portait l’épée ! La pratique d’une arme a donc une valeur éducatrice. Ce ne sont plus des « armes » (outils de mort), mais des « instruments » (outils de construction). Délaissant le tanto, lié à une volonté d’agression, il a adapté l’enseignement du jo, du boken, et du iaï aux gestes du Kinomichi. Ces instruments sont des révélateurs de défaut. Le Iaï inculque la rigueur et la beauté du geste juste. Le boken nous permet de répéter le même geste jusqu’à la pureté. Ces deux sabres nous obligent à travailler l’expansion, des pieds aux mains. Le jo, exercé seul, permet de mesurer l’amplitude d’un mouvement, de matérialiser la spirale de notre corps, avant d’appeler un partenaire au contact. Travailler le jo à deux, c’est essayer de sentir l’influence de l’autre dans le bois même. Les « armes » concourent donc nécessairement aux progrès d’un pratiquant de Kinomichi.

 

LE SYSTÈME DE PROGRESSION

La « méthode Noro » existe, même si Noro sensei est le premier à rire de ces tableaux qui occupent l’esprit et inhibent le mouvement ! La progressivité du Kinomichi va du simple au complexe, de la statique à la dynamique, du petit nombre (six mouvements au cours 1) au grand nombre (111 au cours 5), de la première forme de contact à la seizième, le dernier niveau devant maîtriser les applications des neufs mouvements de base (iten, niten, santen, yonten, goten/ichi, nichi, sanchi, yonchi) sur les seize formes de contact, sans compter les variations, les kaeshi-waza, les kokyu, la technique à genoux, à plusieurs partenaires, etc.

Le cœur de cette progression n’est pas un répertoire de prises élargi, mais la maîtrise de l’équilibre dans le mouvement, de la légèreté dans la vitesse, et la capacité à travailler juste avec tous les partenaires, sans les bousculer, quel que soit leur âge, leur sexe, leur puissance, leur compétence.

 

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