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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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5 février 2018

"Le corps, centre de la relation" par Jacques Breton dans "La voie de l'homme relié", Question de n°109

« S'enraciner dans la Terre, c'est être là, présent dans la réalité quotidienne, c'est aussi accepter de creuser en soi pour atteindre son être intérieur. S'ouvrir au Ciel, c'est reconnaître la présence d'un au-delà qu'il s'agit d'accueillir pour exister pleinement. Relier le ciel et la terre, ce peut être puiser à la source, au fond de nous-mêmes, ce qui nous fait vivre, pour retrouver notre verticale, notre dimension d'homme debout capable d'affronter l'existence.» C'est ce qu'écrivait Jacques Breton dans un chapitre de La voie de l'homme relié, un numéro de la revue "Question de" établi sous la direction de Jean Mouttapa[2].  Inspiré de l'œuvre de Daniel Pons (1932-1986), ce numéro est centré sur la quête d'une qualité de la relation de l'homme avec le monde et le divin et rassemble des écrits de nombeaux auteurs : Jacques Breton[1], Jean Onimus, Christiane Singer, Alphonse Goettmann, Annick de Souzenelle, Ysé Tardan-Masquelier, Julien Riès, Jacques Brosse, Lama Denis Teundroup….

 

Le corps, centre de la relation

Jacques Breton

La voie de l'homme relié, Question de n° 109

 

La voie de l'homme reliéQu'est-ce que le corps ? Est-il de l'ordre de la nature ou de l'esprit ? Fait-il partie intégrante de notre personnalité, ou n'est-il qu'un simple vêtement dont il faut se défaire pour exister ?

Il est vrai que nous avons trop tendance à limiter notre notion de corps à celle de corps physique. Nous le décrivons anatomiquement et nous le distinguons de l'âme et de l'esprit, siège des facultés supérieures. Mais n'y a-t-il pas là le risque de réduire le corps à son élément le plus matériel et de faire de la distinction corps-esprit une réalité ?

La langue allemande possède deux mots pour distinguer le corps : Leib et Korpos. À cause de cela, Karlfried Graf Dürckheim[3] distingue le « corps qu'on est » (Leib) du « corps qu'on a » (Korpos). Le "corps qu'on a" correspondra davantage au corps physique qui peut être étudié par les anatomistes ; le "corps qu'on est" sera le corps conçu comme expression de notre personne.

Il est certain qu'en Occident, pendant des siècles, nous avons pensé le corps comme opposé à l'esprit. Notre philosophie a été très marquée par le néoplatonisme et notre théologie par la néo-scolastique. L'opposition majeure n'était plus entre l'Être et le non-Être, comme l'a si bien défini Maxime le Confesseur, mais entre la matière et l'esprit. Pour exister, se développer, l'esprit devait se dégager de la matière et donc du corps. Chez de nombreux mystiques, le corps était considéré comme un âne qu'il fallait mâter à tout prix. Ainsi, notre théologie est devenue très dogmatique et coupée de l'expérience intérieure. Certes, il n'en était pas de même au Moyen Âge où la liturgie, les pèlerinages, les processions étaient beaucoup plus vivants et la vie mystique beaucoup plus influente. Nous connaissons le rayonnement de saint Bernard et nous savons combien il a marqué son époque. Mais déjà Abélard, auquel saint Bernard s'est opposé, introduisait une théologie très dialectique. Cette séparation allait prendre toute son ampleur avec Descartes.

Or une telle opposition correspondait à une tendance latente en l'homme. L'enfant, au départ, ne fait pas cette distinction, il vit ce qu'il est. Cependant il va peu à peu ressentir son corps comme objet de plaisir ou de souffrance. Au début il tient la table à laquelle il s'est heurté pour responsable de sa douleur, il comprendra assez vite que c'est son corps qui le fait souffrir ; ainsi, son corps devient un objet comme détaché de lui-même, cause de contentement ou de douleur. Sa sensibilité, son affectivité, vont réagir au moindre événement heureux ou malheureux. Ceux-ci créent dans le corps des traumatismes dont il aura du mal à se libérer. Et à l'âge de l'adolescence, où le jeune a tant de difficultés à gérer ses instincts et sa sensibilité, à accepter la transformation qui s'opère en lui, son corps devient l'obstacle majeur, en quelque sorte un adversaire. Ceci s'accentue particulièrement en France où, dans l'éducation, l'accent est mis sur la connaissance intellectuelle, le savoir, l'acquisition de diplômes.

Ainsi, comme l'écrit Dürckheim :

« Le corps s'entend dans le seul sens d'instrument fait pour subsister dans le monde, y faire son chemin et y réaliser un travail. C'est ainsi qu'il est "exercé", c'est-à-dire entraîné et traité comme une machine qui doit être tenue en bon état, solide, souple, et "bien huilée" afin de fonctionner avec efficacité et sans accroc. » (L'homme et sa double origine, Le Cerf, Paris 1977, p. 151)

Ainsi, le corps physique devient pour l'homme non seulement un objet mais une réalité extérieure à lui-même. Il n'est plus intégré à sa personnalité. Ceci aura des conséquences sur son chemin de réalisation. Le corps, n'étant plus intimement relié au cœur, va d'une certaine manière se désintégrer. L'homme, ne faisant appel qu'à ses facultés supérieures, va développer l'organe du cerveau coupé du reste de son corps. De ce fait, il va se couper de ses racines et, finalement, se construire tout un univers clos, avec ses idées propres, ses fantasmes, ses rêves. Il vivra dans son monde, séparé de la réalité. Il peut aussi en rester au niveau affectif, émotionnel, prisonnier de ses sentiments.

 

Le penseur de Rodin, musée RodinL'homme, ainsi divisé, se trouve en butte à un conflit permanent. Si, au niveau de la pensée et de la volonté, il acquiert une certaine maîtrise, au niveau affectif et sexuel il reste immature. Il ne sera plus en phase avec la réalité concrète. En fait, c'est par notre corps que nous communions avec ce qui est, avec les êtres, les choses, les situations, les événements tels qu'ils se présentent et non tels que nous les imaginons. Notre société est capable de construire des projets magnifiques sur tous les plans – scientifique, économique et social – mais ne tenant pas compte de l'humain dans ce qu'il a de plus essentiel, elle engendre un monde inhumain avec de plus en plus d'exclus. L'homme aura tendance à se fuir sans cesse en allant vers l'avant, vers un avenir qui lui apparaît plus merveilleux grâce aux nouvelles techniques. Il sera en attente d'un mieux-être qu'il recherchera dans un savoir ou un avoir. Pendant un certain temps, ceux-ci pourront lui donner quelques satisfactions mais, loin de le combler, ils lui feront sentir l'inanité de sa quête.

Or une vie intérieure n'est possible que s'il accepte de descendre en lui-même et d'affronter son ombre, ses résistances, ses peurs qui se traduisent dans son corps par des tensions, des blocages, des crispations. Et comme il fait de son corps un objet, tout ce qui l'entoure devient aussi objet, les personnes comme les choses : objet de savoir ou d'indifférence, de science ou de curiosité, de plaisir ou de mépris. Tout ce qui se présente reste extérieur à lui, créant une dualité qui ne peut qu'engendrer des conflits.

 

1 – Le corps et l'unité.

Nos souffrances ne vient-elle pas d'un manque d'harmonie ? La paix à laquelle nous aspirons ne passe-t-elle pas par nous-même ? Si nous sommes honnêtes, nous nous rendons bien compte que nous sommes loin d'avoir réglé nos propres conflits, que notre unité intérieure est loin d'être réalisée. Que d'oppositions dans lesquelles notre corps n'est pas étranger ! Sans doute nos contradictions sont d'abord d'ordre psychique, mais tout s'inscrit ou émane de notre corps. Et bien des contradictions proviennent de nos difficultés à relier les différents organes sur lesquels s'origine notre pensée, nos sensations, nos instincts. Nous n'arrivons pas à coordonner les différentes parties de notre organisme.

Notre cerveau peut fonctionner indépendamment du reste du corps, et c'est pour cela que beaucoup d'intellectuels se coupent de la réalité en laissant de côté une part essentielle d'eux-mêmes. D'autres personnes sont prisonnières de leurs émotions, de leur affectivité, de leurs sentiments, de leur sexualité. Tout cela traduit un manque de maturité. L'homme n'est plus capable de gérer l'ensemble de sa personne. Sans aller jusqu'à la névrose, qui atteint cependant de plus en plus de personnes, l'individu passe par des moments de dépression ou d'exaltation, de doute ou d'affirmation outrancière de soi, ou encore par des réactions parfois violentes et des comportements inhumains.

Comment recréer l'unité ? Sans doute sera-t-il nécessaire d'agir sur le plan psychique et de travailler sur l'inconscient. Mais, pour en rester à notre sujet, nous examinerons la place du corps dans le développement de la personnalité. Nous savons grâce à la médecine chinoise qu'il existe un réseau d'énergie (les méridiens) qui relie tous les organes et tous les membres du corps. Il passe par des points particuliers que nous avons l'habitude d'appeler les "points d'acupuncture". Or, pour les raisons que nous avons énoncées plus haut, ces réseaux fonctionnent bien mal : l'énergie, la vie, n'alimente plus certaines parties du corps qui deviennent comme mortes et entraînent ainsi des blocages. Actuellement, nous connaissons de nombreuses méthodes pour recréer ce courant de vie indispensable à l'unité de la personne et à son équilibre.

 

Hara centre vital de l'homme, K G Dürckheim●   Le hara, centre vital situé dans le bassin.

Il existe un centre vital qui se situe dans le bassin, que Karlfried Graf Dürckheim nomme le hara[4]. La personne qui respire à cet endroit développe ce centre. Présent dans son hara, il peut aussi se rendre présent dans toutes les parties de son corps par ce réseau d'énergie. Mais la prise de conscience de sa respiration à ce niveau exige toute une reconversion. Le petit enfant le vit naturellement, ce qui lui donne à la fois un équilibre et une grande énergie. Malheureusement, à cause de son environnement, sa respiration remontera, et il perdra ce centre de gravité et cette présence.

●   Effets de l'assise méditative zen.

La méditation zen, par exemple, consiste à retrouver ce centre à l'aide d'une posture appropriée et de la respiration. Peu à peu, celui qui médite prendra conscience de ce qui se vit là, dans son bassin. Il en ressentira une grande force, un meilleur équilibre, un développement de ses énergies internes qui vont induire tous ses gestes, les mouvements de son corps et donneront à toutes les activités une qualité de présence. L'organe du cerveau lui-même ainsi que la sensibilité et l'affectivité seront également animés par ces mêmes énergies. Ceci va avoir des conséquences remarquables : sa pensée comme ses sentiments vont prendre naissance au cœur de lui-même, et l'intelligence du cœur, ce qu'on pourrait appeler la sagesse, un amour qui engage la personne tout entière, se développera aussi.

●   S'enraciner dans la Terre et s'ouvrir au Ciel.

Cette présence dans ce centre vital a une autre conséquence importante : celle de relier en l'homme le Ciel et la Terre. Car c'est bien là que se trouve la cause profonde de nos conflits. Par notre corps, nous appartenons à la Terre et par celle-ci nous sommes reliés au cosmos tout entier. Nous sommes aussi du Ciel, ouverts à la transcendance divine. Comme il est difficile de maintenir en nous ces deux pôles ! On comprend que l'homme puisse passer d'un idéalisme surréaliste au matérialisme : ou bien il fuira et se réfugiera dans un pseudo-spirituel désincarné, ou bien il niera toute transcendance et se fondra dans la société de consommation. Pour que l'homme puisse accomplir ce qu'il est, il lui faut relier en lui ces deux pôles ; c'est dans et par son corps qu'il réunira ces deux aspirations fondamentales.

homme-arbreS'enraciner dans la Terre, c'est être là, présent dans la réalité quotidienne, c'est aussi accepter de creuser en soi pour atteindre son être intérieur. S'ouvrir au Ciel, c'est reconnaître la présence d'un au-delà qu'il s'agit d'accueillir pour exister pleinement. Relier le ciel et la terre, ce peut être puiser à la source, au fond de nous-mêmes, ce qui nous fait vivre, pour retrouver notre verticale, notre dimension d'homme debout capable d'affronter l'existence. Certes l'enracinement dans notre Terre exige beaucoup d'humilité. Accepter de s'en remettre en son fond, de se laisser guider par cette force intérieure dont nous parlions plus haut, exige toute une reconversion. Il n'est pas facile, par exemple, pour des personnes habituées à tout faire par elle-mêmes, de lâcher les rênes, de quitter leurs modes de pensée et de s'abandonner à leur être intérieur. Or sentir le sol avec ses pieds ou, si nous sommes en assise, avec ses genoux, ses ischions, son coccyx, nous aide à nous relier à la Terre et à prendre appui sur elle comme sur un roc, et alors à nous laisser grandir tout le long de la colonne vertébrale pour nous ouvrir au Ciel. Par ce même chemin, nous pouvons aussi faire descendre le Ciel sur la Terre. Ainsi la colonne vertébrale jouera-t-elle le rôle de l'échelle de Jacob si bien décrite dans le rêve de ce patriarche (Gn 28, 12). Certes les courants d'énergie rencontreront bien des obstacles, mais la participation active du corps et du souffle, qui symbolisent l'Esprit, vont peu à peu les vaincre en permettant un meilleur lâcher-prise.

●   Les  pôles du yin et du yang : trouver l'autre pôle en soi-même.

Il existe aussi deux autres pôles presque aussi importants qui ont été si bien perçus dans le taoïsme : le yin et le yang, qu'on pourrait traduire très imparfaitement par le féminin et le masculin de notre nature. Certes, déjà, la Terre exprime le côté féminin, c'est la Terre-Mère ; le Ciel est le côté masculin en son aspect créatif, d'affirmation de soi et d'affrontement aux autres. Dans le corps, le bassin qui se présente comme une coupe jouera le rôle de réceptacle – n'est-ce pas là que la vie engendre ? – et la colonne vertébrale, qui s'élève vers le haut, signifiera le masculin. Dans cette verticale qui s'enracine dans la Terre et monte vers le Ciel, l'homme pourra s'affirmer et faire face à tout ce qui lui arrivera.

À notre époque, tandis que les femmes recommencent à vivre leur verticale après s'être "écrasées" devant les hommes pendant des siècles, ces derniers, malheureusement se trouvent trop en haut d'eux-mêmes, ils refusent leur côté yin. Le travail sur le corps que nous venons de mentionner permettra, en se recevant dans le bassin, une prise de conscience du côté féminin.

Voici qui rejoint un des problèmes majeurs de notre société : la place de la sexualité dans notre vie. Nous savons que nombre de nos contemporains sont en réaction à la position de l'Église catholique à ce sujet. Grâce à tous les travaux qui ont été effectués, il est reconnu que la sexualité fait partie intégrante de notre personnalité : le corps est entièrement sexué. Nous comprenons bien que tout désordre physique ou psychique se répercute sur la sexualité et engendre des difficultés que nous avons beaucoup de mal à gérer, des dépendances ou des refoulements. Que de conflits causés par une sexualité mal assumée ! Il est certain que ce ne sont pas les interdits qui résoudront ces problèmes, trop souvent ils renforceront les culpabilités.

yin et yang, Tao SigleSi les difficultés sexuelles proviennent du manque d'unité entre le yin et le yang, c'est dans la mesure où l'homme et la femme découvrent l'autre pôle de leur nature (l'anima ou l'animus), que la sexualité est assumée. Dès lors (si c'est le cas), par exemple, l'homme n'est plus dans le besoin extérieur d'une femme : s'il est marié il pourra aimer sa femme pour elle-même et vivre avec elle une sexualité harmonieuse. Mais il peut aussi accepter une réelle continence, l'énergie sexuelle s'unit alors au dynamisme intérieur pour donner à la relation une tendresse très pure, une grande disponibilité. Bien entendu, cette prise de conscience de l'anima ou de l'animus ne peut se faire que dans une vie très intériorisée. C'est pour cela que les hommes "consacrés" ont spontanément une grande dévotion à la Vierge et les femmes à saint Joseph. Cela ne veut pas dire qu'ils cesseront être homme ou femme. Lorsque Jésus, dans l'Évangile, dit : « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, on est comme des anges dans le ciel » (Mt 22, 30), il ne veut pas signifier qu'on devient pur esprit – ce qui serait contraire à l'idée de résurrection et au contexte de cette parole –, mais que l'homme ou la femme n'a plus besoin de ce complément pour être, il le trouve en lui-même.

●   Assumer les oppositions et recréer l'unité.

Bien entendu, d'autres contradictions nous habitent d'autant plus nombreuses que le tempérament est riche. Ainsi, il peut coexister en nous-mêmes de la dureté et de la douceur, de la violence et de la paix, de la tristesse et de la joie, de l'inquiétude et de la confiance, de la faiblesse et de la force… Nous sommes trop faibles pour espérer résoudre nos contradictions. Trop souvent nous ne développons qu'un côté de notre nature au détriment de l'autre, et nous sommes incapables de les rassembler par nous-mêmes, même si la psychanalyse nous aide à en prendre conscience. Pour arriver à assumer, à résoudre ces oppositions et donc à recréer l'unité, l'homme ne peut que faire appel à des forces supérieures. Là se trouvent les limites de la psychanalyse. Il ne suffit pas de reconnaître tous les côtés de notre personne que nous avons refoulés, ni même de les accueillir, pour retrouver l'unité. Il ne s'agit pas seulement de faire revivre cette part de nous-mêmes que nous avons refoulée, mais de la réunir à son opposé pour les dépasser. La vraie vie est au-delà de la mort et de la vie, et ceci est vrai pour toutes nos oppositions. L'homme réalisé est celui qui a si bien relié la Terre et le Ciel, le yin et le yang, ses contradictions psychologiques, qu'il les vit dans un au-delà de lui-même qui les rassemble et les dépasse.

 

2 – Le corps-symbole.

Depuis un certain temps, la symbolique est devenue à la mode. Cela ne veut pas dire que cette notion n'était pas présente dans les temps anciens – au contraire : la Bible, par exemple, est remplie de mythes et de symboles. Mais, en séparant l'âme du corps, les symboles ont perdu leur véritable signification. Ils sont devenus de simples images et ont quitté leur poids de réalité. Or les symboles comme les mythes sont des moyens qui nous permettent de nous rattacher à la réalité. Le sens du symbole est de relier ce qui a été séparé et plus particulièrement de relier l'homme à l'Être, au divin. Nous connaissons de nombreux symboles : le feu, l'eau, le souffle, l'arbre, la croix, etc… Mais le corps demeure le principal symbole puisqu'il est notre unique moyen d'expression. L'homme n'a pas qu'un corps qu'il peut déposer au moment de la mort comme un vêtement superflu, mais il est, dans sa totalité, déterminé corporellement. L'homme est corps et il vit d'une façon corporelle et historique. Comme nous le disions plus haut, nous n'entrons en relation avec l'autre que par le corps, et il peut être obstacle ou transparence. Il en sera de même de notre relation au Tout Autre : c'est par notre corps et en lui seul que nous pouvons espérer rejoindre notre être profond.

●   Qui suis-je ?

Qui suis-jePeut-être faut-il nous poser auparavant ces questions : Qui suis-je ? Qui est ce je qui se trouve en relation avec l'Être ? Chacun a pu faire l'expérience de la perdurance de ce je. Le je va peu à peu émerger de la matière dans laquelle il a été conçu pour s'ouvrir aux êtres vivants, aux personnes. Mais pour exister, il aura besoin d'un cadre qui le protégera des agressions extérieures, et qui, en même temps, limitera son horizon. Un cadre trop étroit risque d'enfermer sa personne, et le je, alors, ne s'exprime plus, s'écrase et devient prisonnier de lui-même. Pour s'épanouir, il doit faire appel à tous ses sens, à son cerveau, à son corps physique tout entier. Mais son regard et son écoute s'ouvriront, ses connaissances s'accroîtront. Le je sera de plus en plus réceptif aux richesses humaines. Progressivement il devient créatif.

Mais pour que le je soit vrai, il lui faudra être en plein accord avec tout le corps. Quand nous disons je, qui dit je ? En n'exprimant que le côté émotionnel ou physique du corps, nous faussons notre relation aux autres et, finalement, à nous-même. Ainsi en est-il de notre relation à l'Être.

●   Comment assumer ses faiblesses et développer le spirituel ?

Dans différentes traditions on parle beaucoup d'ascèse, de mortification, comme s'il fallait détruire le corps pour développer le spirituel. Cela a été la tentation de certaines mystiques, mais plus d'une fois ils ont reconnu leur erreur. Cela a été aussi le cas du Bouddha qui finit par trouver la voie du juste milieu. Le sens de l'ascèse est la maîtrise du corps au service du je et finalement de l'Être. Elle doit être avant tout un exercice de purification, d'unification et de libération. Malheureusement, beaucoup de spirituels éprouvent des difficultés sérieuses avec leurs instincts ou leurs émotions et traitent leur corps en ennemi. Ainsi, au lieu d'assumer leurs "faiblesses", ils refoulent en eux affectivité, sexualité, sentiment… L'ascèse est un travail très délicat, qui demande beaucoup de sagesse et de patience, de courage. Certains voudraient avoir déjà atteint l'état parfait pour être en meilleure consonance avec leur foi. Il est vrai qu'une des plus grandes souffrances est de sentir le hiatus entre la lourdeur, l'imperfection du corps, et notre esprit qui voudrait tant être en pleine harmonie avec ce qui est. C'est pour cela que notre principale activité spirituelle est de reconnaître en nous nos faiblesses, nos fragilités et nos désordres de toutes sortes comme un donné, même si nous en sommes en partie responsable, sans porter de jugement et sans nous condamner – ce qui ne veut pas dire que nous avons à en prendre notre parti.

●   Le rôle du souffle.

Accepter nos faiblesses, nos failles, est un acte de profonde humilité car nous avons affaire à plus fort que nous, et les assumer est la condition de leur transformation. Cette transformation ne peut se faire que de l'intérieur par la force même du souffle. En Occident, nous avons perdu le sens de ce souffle qui, pourtant, est le grand symbole de l'Esprit dans toutes les traditions religieuses. Là se trouve notre véritable guérison et le chemin par lequel nous vivrons le passage du "corps terrestre" au "corps céleste", "spiritualisé". Le corps terrestre est un corps encore très imparfait, soumis à toutes sortes d'influences négatives, un corps fermé. Au lieu de le manipuler, de le corriger, la respiration nous permet de recevoir tel qu'il est. L'expiration va nous aider à vivre ce mouvement d'abandon : c'est le passage du moi trop ou pas assez sûr de lui, ou encore trop attaché à des sécurités extérieures, au je animé par l'Esprit. La respiration traduit bien en nous ce mouvement : par l'expiration, nous lâchons, nous laissons couler, nous abandonnons tout ce qui nous empêche d'exister, de vivre ; l'inspiration – que nous laissons venir, que nous accueillons dans le vide créé par l'expiration – nous ouvre aux forces nouvelles.

●   Prise de conscience.

Le passage de l'ego au je ne consiste pas à détruire l'ego dans lequel le je est déjà sous-jacent, c'est une reconversion que nous devons accomplir. Le moi prend son origine dans une volonté propre, dans l'émotionnel, nos idées personnelles ; coupé de la source de l'Être, il vit dans un monde illusoire, séparé de la réalité des autres, du monde, et donc très centré sur lui-même. Celui qui, par l'acceptation de ses faiblesses, entre dans le processus de reconversion, doit prendre conscience des limites de sa volonté, de son intelligence, de l'emprise que l'émotionnel a sur lui, de la fragilité de son corps physique, de ses difficultés de relation, de la force de son inconscient dans ses choix… Cette prise de conscience n'est possible que si le je commence à faire l'expérience de cette force qu'il découvre au fond de lui-même et sur laquelle seulement il peut prendre appui pour accueillir toutes ses limites.

●   Passage par le vide, la nuit.

Pour vivre la conversion, il nous faut beaucoup de courage, d'énergie et surtout une foi dans la puissance de cette vie qui jaillit en nous. C'est là que peuvent nous aider efficacement les pratiques qui nous viennent d'Extrême-Orient. Grâce à l'expiration, le je va s'approfondir et nous faire entrer dans un sentiment de vide. En quittant ses zones habituelles de penser, de sentir, ses sécurités, ce je aura en effet l'impression qu'il n'y a plus rien ; nous passons alors par une sorte de nuit très éprouvante ou le je perd tous ses points de repère. Et s'il n'a pas eu auparavant quelque expérience dans la manifestation de l'Être, il cherchera à se récupérer.

●   Le corps comme symbole.

En Occident, nous avons trop insisté sur la relation horizontale alors même que la caractéristique de l'homme est sa position verticale. C'est en lui que nous mourons au vieil homme, à l'ego, en lui que nous recevons la vie nouvelle ; c'est en lui que nous nous libérons du passé, en lui aussi que nous nous accomplissons.

Nous pouvons dès lors comprendre que le Christ fait de son corps le lieu de sa rencontre avec l'homme. « En son corps de chair[5], il vous a réconciliés, par sa mort » (Col 1, 22) car « en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col 2, 9), « La réalité relève du Christ » (Col 2, 17). S'il continue à venir à nous et à nous faire participer à son mystère pascal, c'est encore par son corps et son sang symbolisés par le pain et le vin. Aussi peut-on dire que par son corps il se rend présent à notre corps, c'est en lui que nous rencontrons l'Être réellement : la réside tout le mystère de l'Incarnation. Si le Fils de Dieu s'est fait chair, c'est justement pour réaliser au maximum sa communion avec l'homme, sinon la relation ne serait que pure pensée. Il est facile de penser des relations idéales avec Dieu, ou Dieu n'est plus alors qu'un rêve, un fantasme, une illusion. Car la relation n'est vraie que si elle s'effectue dans la réalité concrète de notre personne. Aussi, dans la mesure de notre foi en Christ, nous vivons cette incarnation de Dieu. Notre corps aussi devient symbole pour les autres.

Trop souvent, nos relations sont empreintes de vanité et deviennent très mondaines et mensongères ; nous en restons à la surface de nous-même. C'est le monde du on, du on-dit-que, du il-n'y-a-qu'à, des idées, des concepts. Par contre, dans la mesure où nous accueillons l'Esprit du Christ dans notre corps, il se transforme et devient ce qu'il est, c'est-à-dire ce par quoi le je se dit entièrement. Aussi notre corps devient-il le symbole par excellence, car en lui, et avec l'aide de l'Esprit, nous pouvons non seulement communiquer d'une manière authentique mais aussi nous rendre si présent qu'une véritable communion peut s'établir sans nous aliéner ni aliéner l'autre en soi.

 

3 – Le corps et la religion.

La religion est l'objet de graves malentendus. Beaucoup de nos contemporains cherchent à vivre le spirituel en dehors de toute religion – c'est par exemple, l'une des aspirations du new-âge. Par contre, n'y a-t-il pas aussi une tendance dans nos Églises chrétiennes classiques à suspecter toutes les recherches qui tendent à lier le corps et l'esprit ?

Il est vrai que tout ce courant de pensée issu de la psychanalyse, de l'étude de la psychologie des profondeurs, des sciences ésotériques, essaye de répondre à une attente de vie plus intérieure à laquelle ne semble pas s'être assez intéressé le christianisme. De nombreuses méthodes nous sont proposées pour nous ouvrir à notre nature profonde. Alors pourquoi faire appel encore à nos vieilles liturgies, un enseignement trop marqué par tout un passé traditionnel, à une morale très contraignante sans être libératrice ? Je ne veux en rien minimiser les erreurs de cette Église à laquelle j'appartiens et que j'aime. Il n'est pas facile de s'adapter à un monde en totale évolution tout en restant fidèle à l'Esprit, à l'essence même de ce qui l'a fait être. Pourtant, elle a toujours suscité en elle des hommes et des femmes, appelés à des missions hors du commun, qui ont tracé des voies nouvelles – le Père de Foucauld, Teilhard de Chardin, Henri le Saux[6]

De Hakuin à Eizan RôshiOr ce qui fait la différence entre ces pionniers, ces grands mystiques, ces aventuriers de Dieu, et tous nos contemporains en quête de spirituel religieux, c'est justement qu'ils sont reliés à ce grand corps mystique dont je parlais plus haut. Pour ma part, ce qui certainement me donne une immense confiance en ce sacerdoce que j'exerce tous les jours, c'est qu'un jour un évêque m'a imposé les mains, a soufflé sur moi, m'a enduit de saint chrême[7] pour me transmettre l'Esprit. Il l'avait reçu d'un précédent qui l'avait lui-même reçu d'un précédent, et ainsi de suite en remontant jusqu'au Christ. Jésus-Christ, tout Fils de Dieu qu'il était, a tenu à être baptisé par le dernier prophète de l'Ancienne Alliance, Jean-Baptiste. Il voulait ainsi montrer qu'il se reliait à toute la lignée des grands prophètes juifs. Cette transmission, nous la retrouvons aussi dans le bouddhisme – les rôshis (maîtres spirituels zen) pourraient vous montrer leur arbre généalogique qui remonte jusqu'au Bouddha.

Photo ci-contre : de Hakuin à Eizan Rôshi (source : http://www.shimanoarchive.com/13index.html)

●   Transmission par le corps et des rites.

Il y a toujours une tentation de réduire le spirituel à une émanation de notre profondeur. S'il nous met certainement en harmonie avec l'humanité et le cosmos, il ne nous ouvre certainement pas à un au-delà de nous-même, à cette plénitude de vie à laquelle tout homme est appelé. Il y a là un grand danger d'illusion : cet au-delà, l'Esprit, nous ne pouvons l'acquérir par nous-mêmes, nous ne pouvons que l'accueillir, sinon il ne serait plus le transcendant à notre propre nature encore très limitée.

Comment le recevoir s'il ne nous est pas transmis ? Et comment nous serait-il transmis, sinon par le corps et par des rites très définis ? Par exemple, au soir de sa résurrection, « Jésus souffle sur eux [ses apôtres] et dit : “Recevez l'Esprit-Saint” » (Jn 20, 22). Ces mêmes apôtres vont imposer les mains pour transmettre cet Esprit aux baptisés (cf. Ac 6, 6 ; 8, 17…) ou pour les faire participer à leur apostolat (cf. Ac 6, 5-6). Ce ne sont certes pas des rites magiques, puisque cet Esprit ne peut être reçu que dans la foi.

Ce geste et cette parole de Jésus allaient donner naissance aux sacrements de l'Église qui n'ont d'autre sens que de nous communiquer l'Esprit du Christ à travers les gestes d'une personne et des symboles matériels. L'Eucharistie en est un exemple frappant. Comment le Christ veut-il nous faire participer à son Esprit pascal de mort et de résurrection, pour s'unir à notre esprit dans le quotidien de notre existence ? Il va consacrer des prêtres, à commencer par les apôtres, pour qu'ils refassent les mêmes gestes que lui, avec le même pouvoir de faire du pain et du vin son propre corps et son propre sang, séparés en signe de mort mais donnés en signe de vie nouvelle. Ainsi le Christ marque sa volonté d'unir sa vie à la nôtre, son esprit à notre esprit, dans le quotidien de notre existence, pour que peu à peu notre personne tout entière soit spiritualisée, divinisée. Bien entendu, comme pour le baptême, ce rite n'a rien de magique. Il ne nous dispense d'aucun des efforts nécessaires à l'accomplissement de cette vie nouvelle, il laisse place entière à toutes sortes d'activités pour transformer, restaurer, reconstruire notre humanité. Ici, à la différence des pratiquants des nouvelles techniques, des nouvelles spiritualités, le "religieux" a la certitude que tous ses efforts seront vains – même s'ils produisent certains effets – s'ils ne sont pas animés par l'Esprit. « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5). Jean-Baptiste précisait : « Un homme ne peut rien s'attribuer au-delà de ce qui lui est donné du ciel » (Jn 3, 27), et : « Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tout. Celui qui est de la terre est terrestre et parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu'il a vu et entendu. […] Celui que Dieu a envoyé, dit des paroles de Dieu qui lui donne l'Esprit sans mesure » (Jn 3, 31-34).

Par expérience, nous savons combien il nous est facile d'oublier cet essentiel. Il y a dans l'homme un fond d'orgueil toujours prêt à se réveiller. L'homme a continuellement cette propension à vouloir agir par lui-même, à trouver en lui les solutions, et à passer ainsi à côté du mystère qu'il est. Les religions traditionnelles sont là pour nous rappeler, à travers leurs enseignements, leurs rites, leurs techniques ascétiques, que l'homme n'est rien, ne peut rien sans cette transmission de l'Esprit qui peu à peu les agrège au grand corps de l'humanité renouvelée.

 

4 – Le corps et le temps.

Le corps est dans le temps et pourtant l'homme aspire à l'éternité. Ce paradoxe fait partie de notre mystère. Nous vivons dans ce temps rythmé par les années, les mois, les jours, les heures… Sans cesse nous consultons notre montre pour essayer de rester fidèle à un horaire plus ou moins programmé à l'avance. Ce temps auquel nous faisons référence nous rappelle toujours nos limites humaines. Nous savons aussi que nos années sont comptées, que le vieillissement et la mort sont inéluctables. Mais au cœur de nous-mêmes, nous nous sentons appelés à l'éternité. Qu'est-ce que l'éternité ? Il est impossible de la définir, de l'imaginer : cette notion dépasse notre entendement. Elle s'oppose au défini, à la durée. Seul l'Être est éternel : « Avant qu'Abraham fut, Je Suis » (Jn 8, 58). Certes notre esprit, dans la mesure où il s'unit à l'Esprit divin, est déjà du domaine de l'éternité. Mais qu'en est-il du corps ? N'est-il pas essentiellement lié au temps ? Comment, alors, pourrait-il entrer dans l'éternité ? Ne fait-il pas plutôt obstacle à cette entrée ? En ce sens, le corps devient pierre d'achoppement et cause de maladie et de souffrance.

L'homme essaye de surmonter cette contradiction fondamentale soit en cherchant à nier d'une façon ou d'une autre le temps – et de ce fait le corps – pour essayer d'être lui-même maintenant et tout de suite, soit, au contraire, en rejetant cette éternité pour essayer de profiter au maximum de ce que lui offre ce temps qui passe et qui lui est imparti.

La première attitude est très présente chez les adolescents. C'est le langage de l'ego, du tout ou rien, du tout et tout de suite. L'homme tombe alors dans une espèce d'idéalisme – matériel ou spirituel. Nous pouvons ainsi comprendre l'attirance de la drogue chez les jeunes : ne leur procure-t-elle pas tout de suite une porte d'ouverture sur l'au-delà sans passer par les interdits, l'effort, la durée ? La tentation de l'immédiateté reste très latente chez beaucoup. Pour l'enfant, sa liberté est la réalisation immédiate de son envie, de ses pulsions. Et tout le sens de l'éducation est de les faire passer de cette spontanéité du désir à la spontanéité spirituelle, ce qui nécessite des interdits que les jeunes auront beaucoup de mal à accepter.

Deuxième attitude. Nous comprenons bien, aussi, qu'il est facile de passer à la négation de l'éternité, où la vie apparaît plus ou moins dans la durée. Le problème de la mort, sans être complètement lié, apparaît comme "le dernier obstacle" que peut-être la science résoudra un jour. Ne l'a-t-elle pas déjà sérieusement fait reculer ? Dans cette perspective, la maladie devient le mal essentiel car elle nous empêche de mieux vivre, car elle nous rappelle notre nature mortelle, c'est surtout cela. Aussi, beaucoup de nos contemporains mettent plus ou moins inconsciemment leur foi dans le progrès de la science physique mais aussi psychologique, économique, sociale, etc… Ils espèrent que notre humanité résoudra un jour tous ses problèmes pour qu'enfin nous puissions vivre ici-bas notre véritable humanité. Et lorsque cette foi est remise en question, comme par exemple par l'apparition de nouvelles maladies, alors surviennent l'angoisse, la dépression : la vie n'a plus de sens.

Mais une troisième attitude est possible, c'est une voie de vérité. Qui peut nier que pour atteindre l'état adulte il nous faut passer par un certain nombre d'étapes ? Que de passages difficiles à franchir pour, de l'état de fœtus, parvenir à l'état d'homme accompli ! Cela est vrai sur le plan physique mais aussi sur le plan psychique, inséparable du corps. Ces passages se font souvent bien mal et nous avons tendance soit à brûler les étapes, soit à refuser de les franchir. Oui, il faut beaucoup de temps pour que le corps et le psychique prennent toute leur stature. Les psychologues savent bien que dans la mesure où nous vivons mal certains moments de notre vie, nous devons faire des "régressions" pour devenir nous-même.

Sans doute le savoir, l'expérience, peuvent nous aider à réduire le temps qu'il faut pour réaliser tel ou tel projet. Un ouvrier compétent mettra beaucoup moins de temps à réaliser une œuvre qu'un apprenti. Nous vivons à une époque où à tout prix nous voulons gagner du temps grâce aux techniques nouvelles et de plus en plus sophistiquées. Le progrès, qu'il ne s'agit certes pas de nier – personnellement, je suis heureux de profiter de l'avion pour me rendre régulièrement au Japon afin d'approfondir la démarche zen –, peut cependant être un danger réel pour le corps. Sans parler du stress dont souffrent beaucoup de nos contemporains, ne courons-nous pas le risque de réduire le corps à une machine ?

Or il faut au corps beaucoup de temps pour exister, il a son propre rythme, et si nous ne le respectons pas, il est certain qu'il réagira négativement. D'autre part, le corps s'inscrit dans une histoire, il est entièrement marqué par son passé, tous les événements heureux ou malheureux s'inscrivent en lui sous forme de tensions, de traumatismes. Et nous avons trop tendance soit à occulter ce passé, soit au contraire à nous projeter on lui.

●   C'est l'instant qui nous ouvre à l'éternité.

Mirokou Bosatsu, Kyoto, VIIe sLa troisième attitude dont nous parlions consiste à vivre essentiellement le présent, « ici et maintenant ». C'est l'instant qui nous ouvre à l'éternité. L'éternité est au fond un éternel instant. Pour cela, loin d'occulter le passé ou de nous y projeter, nous cherchons à le rendre présent. Le corps étant une excellente mémoire, dès que nous nous efforçons de le mettre au silence, nous ressentons les tensions, les crispations, des angoisses, et les souvenirs remontent à notre conscience. Rendre le passé présent implique de tout accueillir sans jugement – surtout ce que nous avons refusé, rejeté – et jusque dans notre fond. C'est là que se réalise l'alchimie, la transformation. Ce passé, fruit peut-être de notre péché ou de celui de notre environnement ou simplement de notre état de créature, manifeste nos faiblesses, nos fragilités, nos imperfections. Or c'est au cœur de nous-même que notre corps peut être recréé, restauré par l'Esprit qui l'habite.

Le chemin spirituel ne consiste pas non plus à tout attendre d'un avenir que nous ignorons et qui ne nous appartient pas. Non, c'est l'aujourd'hui qui nous ouvre les portes du paradis : « Dès aujourd'hui tu seras avec moi au paradis » (Lc 23, 43) ; « Zachée […] il me faut aujourd'hui demeurer chez toi […] Aujourd'hui cette maison a reçu le salut. » (Lc 19, 5-9). Oui, c'est à chaque instant, dans la mesure où nous intégrons notre passé et où nous faisons une totale confiance pour l'avenir, que nous trouvons au cœur de notre être la force, la lumière de l'Esprit pour vivre les situations qui s'offrent à nous et affronter les épreuves.

C'est grâce au corps que nous pouvons demeurer en cet instant en étant entièrement dans le geste que nous posons, le mot que nous disons, dans le souffle de notre respiration vécue dans le bassin. Et c'est ce souffle, grand symbole de l'Esprit, qui peu à peu va unifier le corps, le spiritualiser et finalement l'ouvrir à l'éternité.

 

5 – Le corps et l'espace.

L'homme vit aussi dans un espace limité et aspire à des espaces infinis où il pourrait se dilater. Si par notre corps nous occupons un certain lieu, nous ne pouvons être en différents endroits à la fois. Et si nous nous évadons par le rêve ou l'imagination, nous ne sommes plus nulle part et nous perdons notre qualité de présence. Par moment, nous vivons le corps comme une prison astreignante et contraignante. Et pourtant, c'est lui qui donne à la personne d'occuper justement un espace qu'elle cherche à faire respecter. Certes le corps ne se limite pas à son aspect physique. Il possède un certain rayonnement qui élargit son champ d'action, ce qu'on appelle le corps subtil, le corps éthérique.

De plus le corps crée entre les humains une certaine distance. L'« union des corps », dont il est très souvent fait mention dans notre culture actuelle, est très relative et ne peut durer. Elle se situe de fait sur le plan affectif. Cependant, nous pouvons combler cette distance par le geste, par la parole – le progrès technique réduit aussi cette distance, par exemple avec la télévision (ou le téléphone). D'autre part, de notre corps émanent des ondes porteuses de sensibilité, d'affectivité, et même de spirituel, qui peuvent atteindre des personnes très éloignées. La plupart des gens l'ignorent, mais celui qui est descendu à un certain niveau de profondeur et qui a affiné sa sensibilité peut ressentir cette interaction entre les personnes et les choses (les sorciers sont un exemple, eux qui peuvent détecter la présence de l'eau grâce à leur baguette). Nous ne saurons jamais à quel point nous subissons ou profitons de la présence des autres. Quelle que soit la distance, leur influence positive ou négative agit sur notre comportement, et cela d'autant plus que nous en avons peu conscience.

Progressivement, nous devons nous libérer de cette emprise dans la mesure où notre conscience s'approfondit, pour n'être plus soumis aux influences extérieures ou intérieures. Sous la poussée de l'Esprit, le corps se spiritualise et s'ouvre comme s'il obéissait à de nouvelles règles. Les phénomènes mystiques montrent bien qu'à certains moments le corps ne dépend plus des lois qui régissent la matière. Malgré tout, ces phénomènes restent exceptionnels. À un certain degré d'intériorité, la personne devient de plus en plus présente à son corps et par lui se sent en parfaite harmonie avec tout ce qui l'entoure – l'humanité ou le cosmos. Le corps "fait corps" avec toutes choses. Il n'est plus une "chose" isolée, il commence à respirer avec l'univers tout entier.

Psaume , Frederianne & Gautier VervoitteL'image la plus expressive de ce rapport du corps individuel avec l'univers est l'arbre. Composé d'un tronc, de nombreuses branches et de multiples feuilles, il forme un tout dans lequel, cependant, chaque feuille a son individualité. Si elle reçoit la sève nourricière, elle contribue aussi à la vie de l'arbre. En ce sens, elle pourrait se croire très autonome et son désir de liberté pourrait la pousser peu à peu à se détacher de l'arbre dont elle ne sent plus la nécessité vitale. Cette tentation constante de vivre par soi-même, nous la connaissons bien et c'est pourtant la pire illusion. Qu'est la feuille coupée de la branche ? Qu'est l'homme coupé de son environnement ? Ce n'est qu'uni intérieurement à la situation dans laquelle il se trouve – la communauté familiale ou religieuse, son lieu de travail ou d'habitation, le groupe avec lequel il médite, son rapport avec le maître spirituel, etc. – que l'homme peut espérer progresser. Il ne faut pas confondre rupture et détachement. Le détachement est d'ordre intérieur, il touche essentiellement l'émotionnel et l'intellectuel. La rupture est beaucoup plus profonde et comporte souvent le risque de nous couper de la vie – par exemple, sous prétexte d'approfondissement spirituel, la fuite hors des situations difficiles est un des grands obstacles à notre progrès.

La feuille, pour reprendre notre image, ne peut réellement rejoindre sa terre qu'en respectant tous les canaux par lesquels elle reçoit la sève vivifiante. Pour pousser plus loin, nous dirons que pour atteindre ce qu'elle est, elle doit renoncer à son individualité et s'unir au rameau qui la soutient, aux différentes branches et enfin à la terre. Elle n'est plus seulement cette petite feuille balancée par le vent, elle est aussi l'arbre ; et par l'arbre, elle devient la terre où il s'enracine. Ainsi, elle garde son identité de feuille en même temps qu'elle ne fait plus qu'un avec le tout. Son "corps" prend une autre dimension, de plus en plus vaste.

Nous retrouvons cette métaphore sous une autre forme chez saint Paul, qui se sert de l'image du corps physique ; pour lui, chaque individu est membre d'un même corps : « […] mais tous les membres du corps ne forment qu'un seul corps » (1 Cor 12, 12), et :

« Vous êtes [à la fois] le corps du Christ et ses membres » (1 Cor 12, 27). Et nous sommes appelés selon nos dons à bâtir ce corps « jusqu'à ce que nous parvenions tous à l'unité […], à l'homme achevé, à la mesure de la taille du Christ dans sa plénitude. Ainsi nous ne sommes plus des enfants ballottés et emportés à tout vent – comme la feuille de l'arbre –, nous grandissons vers celui qui est la tête, le Christ – le haut appelant le bas, cela peut se traduire aussi : nous nous approfondissons en celui qui est notre enracinement –. Et c'est de lui que le corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le desservent […] réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l'amour. » (Ep 4, 13-16).

Dans la démarche zen, par exemple, arrive un moment où le méditant ne sent plus les limites de son corps. Il a l'impression que celui-ci se dilate, s'ouvre à une autre dimension. Il ne se sent plus enfermé dans son petit monde clos mais en parfaite harmonie avec tout ce qui l'entoure. Ce phénomène se produit dans un corps suffisamment libéré de toute tension pour que la vie puisse circuler sans obstacle. Alors la personne est de plus en plus présente en son centre. Or le centre de la personne ne fait qu'un avec le centre de l'univers. Ce centre n'est-il pas le cœur de toute chose, ce cœur qui fait vivre, qui anime la création tout entière ?

 

6 – Le corps – la mort et la vie.

Nous ne pouvons pas éluder la question de la mort lorsque nous parlons du corps. Il faudrait d'ailleurs plutôt parler du "mystère de la mort". La mort physique demeure pour tous les hommes une pierre d'achoppement. Si nous avons affirmé que le corps fait partie intégrante de la personne, la mort physique ne met-t-elle pas un terme, une fin à celle-ci ? C'est ce que pensent de nombreux athées. Pour eux, le Nirvana – ou le paradis – n'est qu'un rêve. L'homme tout entier est appelé à mourir, c'est scientifiquement inéluctable, cela fait partie de notre condition humaine.

D'autres se raccrochent à des croyances de vie après la mort, généralement peu claires pour eux-mêmes. Sinon, ils l'imaginent sous forme de réincarnation ou d'une espèce de paradis, survivance d'une doctrine religieuse mal assimilée et certainement d'une aspiration légitime à un bonheur durable. Il est évident que ces croyances demeurent très fragiles et laissent l'homme dans un état d'angoisse. La mort, pour eux, n'a pas de sens, sinon de leur révéler le caractère transitoire de la condition humaine. Par tous les moyens, l'homme cherche à échapper à la mort, soit en l'occultant, soit en essayant de prolonger sa vie avec tous les apports scientifiques dont il dispose, allant même – par acharnement thérapeutique – à la maintenir artificiellement.

 

Les grandes traditions religieuses se sont penchées sur ce mystère, chacune ayant une approche particulière. Pour la tradition bouddhiste, la mort physique peut être considérée comme une porte d'entrée dans une autre vie qui est la vraie nature de l'homme, la nature de Bouddha, comparable à la nature divine. Mais le corps lui-même, même s'il participe pendant un certain temps à cet état d'éveil (l'illumination) finira par se décomposer, se dissoudre, il ne sera plus bon qu'à être brûlé. Le corps fait partie de ce monde impermanent, illusoire, qui doit disparaître. Mais alors, on peut se demander ce que devient notre personne après la mort.

Le mystère de la mort et de la résurrection est au cœur même du christianisme. Mais combien de chrétiens se font une fausse idée de la résurrection qui est bien souvent comparable au nirvana bouddhiste. Nous touchons au mystère du Christ lui-même. Le chrétien croit que Jésus de Nazareth est le Christ, à la fois homme et Dieu. L'Évangile nous révèle que le Fils de Dieu, dans son amour infini pour l'homme, a pris corps au sein de la vierge Marie par l'Esprit Saint pour donner naissance à Jésus. Mais à travers lui, n'épousait-il pas toute l'humanité, et la nature divine ne s'unissait-elle pas par lui à la nature humaine ? Certes Jésus a été une personne singulière entrant dans notre histoire. Il a témoigné par toute sa vie terrestre de ce qui est ce Dieu. Le Fils a voulu partager entièrement la condition humaine jusque dans la mort, qu'il a connu, tout Fils de Dieu qu'il était. Mais en mourant, il lui a donné un sens tout nouveau. Apparemment cette mort a pu ressembler aux autres morts. Sans doute Jésus a été dressé sur une croix sur laquelle il est mort comme un épouvantail, faisant fuir la plupart de ses disciples. Mais si, actuellement, cette mort nous paraît singulière, à l'époque du Christ, le supplice de la croix était chose courante chez les Romains ; ce qui en fait l'originalité foncière, c'est d'une part sa motivation et d'autre part sa finalité. Si Jésus va librement vers la mort, c'est essentiellement par amour pour l'homme : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime » (Jn 15, 13), et « Lui qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, il les aima jusqu'à l'extrême » (Jn 13, 1) en leur livrant sa vie et en s'abandonnant entièrement au Père.

●   L'homme nouveau.

Mais c'est surtout sur la finalité de cette mort qu'il nous faut réfléchir. Le corps du Christ n'a pas connu la corruption car trois jours après il "ressuscitait". Mais qu'est cette résurrection ? N'est-elle pas la naissance de l'homme nouveau partageant entièrement la vie divine ? Le Fils de Dieu, en s'incarnant, épousait toujours la chair humaine afin de donner la possibilité à l'homme, tout en demeurant ce qu'il est – corps-esprit – de vivre la plénitude de l'Être.

éveil à soi, PiemOr, pour atteindre cet état final, le corps doit passer par bien des transformations, la dernière étant la mort physique. Certes le corps de l'homme nouveau ne peut être comparable à l'ancien car : « semé corruptible, il ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il ressuscite éclatant de gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps psychique, il ressuscite corps spirituel donnant la vie » (D'après 1 Cor 15, 42-45). Cette conception heurte notre mentalité scientifique, mais si cette recréation est de l'ordre du miracle, la création elle-même n'est-elle pas aussi un miracle permanent ? La vie demeure toujours le grand mystère de notre existence.

Poussons plus loin notre réflexion. Le Christ en Jésus épouse toute l'humanité ; sur la Croix, c'est toute l'humanité qui meurt avec lui – du moins tous ceux qui mettent leur foi en lui  – pour ressusciter avec lui. « Si nous sommes morts avec le Christ […] avec lui nous vivrons » (Rm 6, 8). C'est affirmer que si la mort est à l'œuvre en chacun de nous à travers toutes nos épreuves, dans le Christ notre corps participe déjà à cette vie nouvelle. Certes, ceci ne l'empêche pas de connaître la maladie, la mort physique et la corruption qui s'ensuit. Et nous sommes en droit de nous interroger sur ce que devient la personne humaine après la mort s'il est vrai que, selon la tradition, nous ne ressuscitons qu'à la fin de ce monde actuel, qui lui aussi doit disparaître pour laisser place au Ciel nouveau et à la Terre nouvelle[8].

Saint Paul, comme nous le disions plus haut, compare l'humanité à un grand corps dont chacun est un membre. Or le Christ est le corps tout entier dont nous sommes partie intégrante dans la mesure où nous sommes reliés à lui. Pour prendre une image bien imparfaite, le fœtus a déjà une vie propre dans le sein maternel, avant de naître, mais il ne peut s'exprimer que dans sa mère et par sa mère. Ainsi en est-il de celui qui meurt : déjà il renaît dans le Christ. Dès lors, il peut s'exprimer à travers le corps ressuscité du Christ et, à travers lui, jouir de la béatitude et intervenir dans notre monde. Sans doute comme pour le fœtus, aura-t-il tendance à se purifier et à se développer, jusqu'à ce qu'il devienne un membre parfait dans la résurrection finale. En ce sens, il ne cessera jamais d'être homme. Mais il sera un homme nouveau, capable de vivre la totalité de l'amour, en parfaite communion avec tous, relié à la tête et à tous les membres et, par ce corps mystique, à tout l'univers lui aussi renouvelé, tout en conservant son identité. Ainsi il deviendra ce qu'il est, fils de Dieu dans le Christ. C'est bien ce que nous enseigne saint Paul dans son épître aux Éphésiens :

« Mais maintenant, en Jésus Christ, vous qui jadis étiez loin[9], vous avez été rendus proches par le sang du Christ. C’est lui, en effet, qui est notre paix : de ce qui était en dualité, il a fait l'unité. […] Il a voulu ainsi créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, et réconcilier les deux avec Dieu en un seul corps, par la croix. […] Et c’est grâce à lui que les uns et les autres, dans un seul Esprit, nous avons accès auprès du Père. Ainsi, […] vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. […] pour former un temple saint dans le Seigneur […] une demeure de Dieu dans l’Esprit. » (Ep 2, 13-22)

Ainsi l'homme nouveau peut accueillir dans son corps la plénitude de la divinité, cette richesse de lumière, de sagesse, de beauté, d'amour. Parfaitement uni au corps du Christ, il se redonne au Père dans une action de grâces sans cesse renouvelée.



[1] Présentation faite par Jean Mouttapa : « Jacques Breton, prêtre catholique a étudié depuis de nombreuses années la pratique du zen auprès de maîtres japonais, et a suivi l'enseignement de Karlfried Graf Dürckheim à l'école de Todmoos-Rütte. Il anime le centre Assise de prière et de méditation à St-Gervais et a publié récemment Vers la lumière (éd. du Centurion). »

[2] Ce numéro de "Question de" est un ouvrage collectif établi sous la direction de Jean Mouttapa. Albin-Michel 1997, 224 pages. Inspiré de l'œuvre de Daniel Pons (1932-1986), ce numéro est centré sur la quête d'une qualité de la relation de l'homme avec le monde et le divin. Réflexions en trois parties : L'homme relié à lui-même — L'homme relié au cosmos — L'homme relié à l'autre. Avec : Jacques Breton, Jean Onimus, Christiane Singer, Alphonse Goettmann, Annick de Souzenelle, Ysé Tardan-Masquelier, Julien Riès, Jacques Brosse, Lama Denis Teundroup…

[3] Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988) a été un maître pour Jacques Breton. «À travers livres et conférences, comme dans son Centre de Rütte, en Allemagne, il s’est créé une écoute attentive auprès des occidentaux attirés par la recherche d’un juste équilibre entre les sagesses orientales et les fraîcheurs toujours vivantes des sources spirituelles d’occident. » (http://www.revue3emillenaire.com/blog/le-chemin-est-le-but-entretien-avec-karlfried-graf-durckheim/). De nombreux messages du blog des Voies d'Assise parleront de lui et des thérapies initiatiques.

[4] Cf. HARA : Centre vital de l'homme de Karlfried Graf Dürckheim, Le courrier du livre, mars 1993.

[5] Dans la Bible, le mot "chair" désigne l'homme tout entier en tant que faible, soumis à la mort. Le rapport chair-esprit ne correspond pas au rapport duel occidental corps-esprit. Le mot pneuma (esprit, souffle) lui-même désigne l'homme tout entier sous un autre aspect. Le rapport entre les deux correspond en partie à la différence proposée par K. Graf Dürckheim : « L'être humain fait partie de deux réalités : la réalité existentielle et la réalité essentielle, celle qui dirige son être profond et qui représente le divin dans l'homme. » (L'esprit guide, entretiens avec Karlfried Graf Dückheim, Albin-Michel 1985.

[6] Henri le Saux (1910-1973) moine bénédictin, est devenu sannyasi sous le nom de swami Abhishiktananda ; il a réussi à allier monachismes chrétien et indien et à créer un dialogue prophétique fondé sur l'inculturation entre les deux religions. Il a écrit des livres et son journal a été publié en partie : La Montée au fond du cœur : le journal intime du moine chrétien-sannyasi hindou, 1948-1973. Voir le film de Patrice Chagnard : « Henri Le Saux, "Swamiji", un voyage intérieur »  (https://www.youtube.com/watch?v=Nb346vQo0WM). Jacques Breton se réfère souvent à lui en tant que pionnier de la rencontre inter-religieuse.

[7] Le saint chrême (du grec khrisma, « onguent, parfum ») est un mélange d'huile végétale naturelle et de parfums. Il est utilisé lors de l'onction qui a lieu au baptême, à la confirmation et à l'ordination. Le saint chrême est béni et consacrépar l'évêque au cours de la messe chrismale qui réunit tous les prêtres du diocèse. Cette messe a lieu en général le Jeudi Saint.

[8] Allusion à « Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle; car le premier ciel et la première terre s'en étaient allés, et la mer n'est plus » (Ap 21, 1)

[9] Paul s'adresse ici aux païens. En même temps qu'il parle de la réconciliation avec Dieu, il parle de l'unité des Judéens (juifs) et des païens.

 

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