Voici la nuit, la sainte nuit qui illumine. Hymne de Didier Rimaud
En cinq strophes très rythmées, ce poème de Didier Rimaud déroule les nuits du monde entier, depuis la nuit des temps jusqu'à "la longue nuit où l'on chemine". Mais toutes ces nuits ne sont-elles pas une seule et même nuit, en particulier nuit de Noël et nuit de Pâques ne sont pas disjointes, de même aussi que nuit du calvaire et nuit de Pâques…
Le P. Didier Rimaud (1922–2003), jésuite, a travaillé dès 1952 au renouvellement du chant liturgique en langue française. Poète, il est l’auteur de nombreux chants liturgiques
VOICI LA NUIT
Voici la nuit,
L’immense nuit des origines,
Et rien n’existe hormis l’Amour,
Hormis l’Amour qui se dessine :
En séparant le sable et l’eau,
Dieu préparait comme un berceau
La Terre où il viendrait au jour.
Voici la nuit,
L’heureuse nuit de Palestine,
Et rien n’existe hormis l’Enfant,
Hormis l’Enfant de vie divine :
En prenant chair de notre chair,
Dieu transformait tous nos déserts
En Terre d’immortels printemps.
Voici la nuit,
L’étrange nuit sur la colline,
Et rien n’existe hormis le Corps,
Hormis le Corps criblé d’épines :
En devenant un crucifié,
Dieu fécondait comme un verger
La Terre où le plantait la mort.
Voici la nuit,
La sainte nuit qui s’illumine,
Et rien n’existe hormis Jésus,
Hormis Jésus où tout culmine :
En s’arrachant à nos tombeaux,
Dieu conduisait au jour nouveau
La Terre où il était vaincu.
Voici la nuit,
La longue nuit où l’on chemine,
Et rien n’existe hormis ce lieu,
Hormis ce lieu d’espoirs en ruine :
En s’arrêtant dans nos maisons,
Dieu préparait comme un Buisson
La Terre où tomberait le Feu.
Didier Rimaud, Voici la nuit,
Anges et Grillons, Cerf, 2008, p. 133.
La première strophe rapproche la nuit de la Nativité et la nuit de la Genèse, la nuit des origines « où rien n’existe hormis l’Amour ».
La deuxième strophe évoque la nuit de la naissance de Jésus, "l'heureuse nuit". "Rien n'existait hormis l'Enfant". Et l'humanité est tout étonnée de découvrir la transformation des « déserts en Terre d'immortels printemps ».
La troisième nuit est celle du calvaire où rien n'existe "hormis le Corps criblé d'épines" suspendu sur la Croix, une nuit en même temps féconde puisque le Corps du Supplicié ensemence la terre, la féconde comme un verger.
La quatrième nuit est la nuit qui s'illumine, la nuit de la Résurrection. En s'arrachant à son tombeau, le Christ nous arrache aux nôtres.
La quatrième nuit est « la longue nuit où l’on chemine », et parfois c'est une nuit très troublée avec en toile de fond nos "espoirs en ruine". C'est une nuit où peut tomber le Feu comme pour Moïse au Buisson ardent.