HAKUIN ZENJI ZAZEN WASAN Le chant de Maître Hakuin à la louange de Zazen, texte japonais et traduction française
Hakuin Zenji Zazen Wasan est un sûtra essentiel du zen rinzai. On le récite tous les soirs pour marquer la fin d'une journée de méditation. Dans ce texte Hakuin parle à partir de son expérience d'éveil.
Hakuin Ekaku 白隱慧鶴 (1686-1769) est le grand maître zen rinzaï qui fut responsable du Ryutakuji, le monastère auquel le centre Assise est relié (cf. Les relations entre Eizan Rôshi du Ryutakuji et le centre Assise). Hakuin nous a légué un riche enseignement et de nombreuses calligraphies. Il a aussi repris tout le système des kôan. C'est un homme remarquable qui a développé dans le bouddhisme zen sa capacité de création personnelle.
Eizan Rôshi, l'actuel responsable du Ryutaku-ji a commenté ce texte lors de sesshin au centre Assise. (Cf. Les relations entre Eizan Rôshi du Ryutakuji et le centre Assise )
Un fichier audio MP 3 du chant figure sur le blog.
Plan de ce message publié sur le blog des Voies d'Assise[1] :
- I – Texte japonais romanisé pour le chant
- II – Traduction en français : 1) Présentation du texte suivie d'une proposition de traduction ; 2) Quelques références faites par le texte (Sûtra du Lotus….) ; 3) Indications sur certains mots 4) Liste de traductions disponibles dans des livres ou sur internet.
- III – Après une mini-initiation au japonais, traduction interlinéaire à partir du japonais (avec parfois plusieurs choix de traduction), et avec quelques indications du mot à mot et des notes intégrées à quelques versets.
Fichiers MP3 et pdf :
- Chant sur un fichier MP3 : Zazen_Wasan Enregistrement réalisé au centre Assise
- Pour lire, télécharger, imprimer ce message, c'est ici en fichier pdf : hakuin_zenji_zazen_wasan
HAKUIN ZENJI ZAZEN WASAN
Le chant de Maître Hakuin à la louange de Zazen
I – Texte japonais romanisé pour le chant
Indications sur la prononciation des mots japonais :
- Toutes les lettres se prononcent, on le sait en général pour zen et kôan
- le "r" se prononce presque comme un "l" : rinzai se prononce linnezaï
- le "u" se prononce "ou" et le h est aspiré : Hakuin se prononce 'hakouinne, MU se prononce mou…)
- le w se prononce oua, le "s" se prononce "ss" : wasan se prononce ouassanne
- le "e" se prononce "é" : hotoke se prononce 'hotoké
HAKUIN ZENJI ZAZEN WASAN
SHUJŌ HONARI HOTOKE NARI MIZU TO KŌRI NO GOTOKU NITE MIZU O HANARETE KŌRI NAKU SHUJŌ NO HOKA NI HOTOKE NASHI SHUJŌ CHIKAKI O SHIRAZU SHITE TŌKU MOTOMURU HAKANASA YO TATOEBA MIZU NO NAKA NI ITE KATSU O SAKEBU GA GOTOKU NARI CHŌJA NO IE NO KO TO NARITE HINRI NI MAYOU NI KOTONARAZU ROKUSHU RINNE NO INNEN WA ONORE GA GUCHI NO YAMIJI NARI YAMIJI NI YAMIJI O FUMISOETE ITSUKA SHŌJI O HANARU BEKI SORE MAKAEN NO ZENJŌ WA SHŌTAN SURU NI AMARI ARI FUSE YA JIKAI NO SHOHARAMITSU NENBUTSU ZANGE SHUGYŌ TŌ SONO SHINA ŌKI SHOZENGYŌ MINA KONO UCHI NI KISURU NARI ICHIZA NO KŌ O NASU HITO MO TSUMISHI MURYŌ NO TSUMI HOROBU AKUSHU IZUKU NI ARINU BEKI JŌDO SUNAWACHI TŌKARAZU KATAJIKENAKUMO KONO NORI O HITOTABI MIMI NI FURURU TOKI SANDAN ZUIKI SURU HITO WA FUKU O URU KOTO KAGIRI NASHI IWANYA MIZUKARA EKŌ SHITE JIKI NI JISH O SHŌ SUREBA JISHŌ SUNAWACHI MUSHŌ NITE SUDENI KERON O HANARETARI INGA ICHINYO NO MON HIRAKE MUNI MUSAN NO MICHI NAOSHI MUSŌ NO SŌ O SŌ TO SHITE YUKUMO KAERUMO YOSO NARAZU MUNEN NO NEN O NEN TO SHITE UTAU MO MAU MO NORI NO KOE ZANMAI MUGE NO SORA HIROKU SHICHI ENMYŌ NO TSUKI SAEN KONO TOKI NANI O KA MOTOMU BEKI JAKUMETSU GENZEN SURU YUE NI TŌSHO SUNAWACHI RENGEKOKU KONO MI SUNAWACHI HOTOKE NARI
II – Traduction en français avec présentation et commentaires
1) Présentation du texte suivie d'une proposition de traduction.
Le Hakuin Zenji Zazen Wasan est un chant récité journellement en sesshin, c'est aussi une oeuvre dont chacune des phrases mérite d'être méditée, il se rapporte au Zen mais aussi à d'autres écoles du Mahâyâna comme nous allons le voir.
Il se présente lui-même comme "le chant de Hakuin à la louange du zazen" et fait l'éloge du zazen (assise zen) qui est la pratique commune aux écoles du Mahâyâna, le zen se centrant plus particulièrement sur cette pratique.
Le texte se présente comme une suite de 44 versets souvent présentés par 4 en japonais, et il est sûr qu'ils vont au moins par deux. Les traducteurs n'ont pas tous divisé le texte de la même manière mais cela est parfois dû à la nécessité de le couper pour le commenter.
On peut par exemple diviser le chant en trois parties, c'est ce qui est indiqué dans la traduction pour faciliter le repérage, mais le texte d'origine n'est en aucune façon divisé) :
- Au début Hakuin décrit la situation où se trouvent la plupart d'entre nous : nous crions notre soif alors que l'éveil est déjà là, nous baignons dedans, mais nous ne l'avons pas encore réalisé.
- Ensuite il fait l'éloge des effets de cette pratique, celle-ci étant la source de toutes les pratiques qu'on peut trouver dans le Mahâyâna (il en énumèreun certain nombre).
- Enfin il aborde le thème de l'éveil, et plus particulièrement l'éveil attesté (shô 証). Il ne suffit pas d'avoir l'éveil, il faut en rendre compte, il faut le manifester !
Le chant commence par cette phrase « Tous les êtres sont bouddhas par essence » et se termine sur celle-ci « Ce corps même est celui du Bouddha ». Ce qui était un constat au début est dit être réalisé à la fin.
Comme toujours pour nous, une des grandes difficultés est la traduction en français, c'est pourquoi voici deux propositions de traduction, au début elles diffèrent très peu.
N B : Pour éviter de mettre des notes sur le texte lui-même des indications sont données après le texte. Et ensuite il y a une liste de traductions disponibles en livre ou sur internet.
Chant de Zazen
1. Les êtres sensibles sont bouddhas originellement.
C'est comme l'eau et la glace,
Sans eau, pas de glace,
Hors des êtres sensibles, pas de bouddhas.
Parce qu'ils ne savent pas combien c'est proche,
les êtres sensibles cherchent au loin ; quelle pitié !
C'est comme un homme qui est dans l'eau
tout en criant “J'ai soif !”
Ou comme le fils d'un homme riche
s'en allant parmi les pauvres.
La cause de la renaissance parmi les six mondes,
réside dans les ténèbres de l'illusion de l'ego.
Allant loin, toujours plus loin dans l'obscurité,
quand pourrons-nous échapper à la naissance et à la mort ?
2. Le samâdhi du dhyâna (zen) dans le Mahâyâna
est au-delà de tout éloge.
Les vertus de perfection, que sont les dons, l'observation des préceptes, et autres pratiques ;
L'invocation du nom de Bouddha, le repentir et l'ascèse ;
Et les autres bonnes actions.
Cela provient d'ICI, revient à CECI
Le mérite de l'assise [en dhyâna] même pratiquée une seule fois
efface d'innombrables actes négatifs accumulés.
Où se trouveront alors les voies de malheur ?
La Terre Pure est là, toute proche.
Ce dharma (cet enseignement), ceux qui, par chance,
ont l'occasion de l'entendre proclamer au moins une fois,
qui chantent ses louanges et y trouvent la joie,
recevront un bonheur sans limite.
3. Combien plus encore si vous tournez votre regard vers l'intérieur…
Vous attestez directement votre nature propre :
cette nature propre est "non-nature".
Vous voilà loin de toute discussion vaine.
La porte s'ouvre quand cause et effet sont un.
Droit devant vous, la voie du "non-deux", du "non-trois".
La forme de "non-forme" [se présente] comme forme,
Allez et venez, vous n'êtes pas ailleurs qu'ici.
La pensée de "non-pensée" [se présente] comme pensée,
Que vous chantiez ou dansiez [tout est] la voix du Dharma.
Comme il est libre, le ciel illimité du samâdhi !
Comme il est brillant, le parfait clair de lune de la quadruple Sagesse !
À cet instant, qu'y a-t-il à chercher ?
Le nirvâna se présente là devant.
Ce lieu même est le pays du lotus.
Ce corps même est celui du Bouddha.
2) Quelques références qui se trouvent dans Zazen Wasan.
Hakuin se situe dans le Mahâyâna (Grand Véhicule) qui se distingue principalement de l'autre courant du bouddhisme qu'est le Théravada (école des Anciens), mais tout au début les deux courants étaient mêlés, les études là-dessus ont évolué.
- Il le dit clairement : « La pratique du dhyâna[2] (zen) dans le Mahâyâna »
- Il part de cette affirmation de base du Mahâyâna que tous les êtres sensibles ont en eux la nature de Bouddha, qu'ils sont "bouddhas par nature"[3], le mot bouddha signifiant "l'éveillé".
- Hakuin évoque les six pâramitâ (jap. haramitsu, 波羅蜜多), certains sûtra en ajoutent d'autres. On traduit souvent le mot sanskrit pâramitâ par "perfection", il signifie littéralement "aller au-delà" ou "atteindre l'autre rive". Les six pâramitâ (en sanskrit) : 1/ dāna : le don, la générosité ; 2/ śīla : les préceptes, la moralité ; 3/ kṣānti : la patience, l'acceptation ; 4/ virya : l'énergie, l'effort, pour aller dans la juste direction ; 5/ dhyâna : la méditation au sens d'état de recueillement, d'absorption (on distingue souvent quatre dhyâna, c'est-à-dire des états plus ou moins profonds d'absorption) ; 6/ Prajñā : la Sagesse, la vue profonde.
Hakuin fait l'éloge du dhyâna (zen), pratique commune dans le Mahâyâna mais privilégiée par l'école zen et donc se place plus particulièrement dans cette école, mais il fait plusieurs allusions à l'école de la Terre Pure, nommée aussi Amidisme, qui se réfère au Bouddha Amida (skr. Amitâbha) :
- la Terre Pure (celle du Bouddha Amida) est citée en tant que telle : « la Terre Pure (jôdo 淨土) sera là, toute proche » ;
- Parmi les pratiques, Hakuin cite "l'invocation du nom de Bouddha" (jap. nenbutsu 念佛)). Très présent au Japon, l'Amidisme est basé sur la dévotion et la pratique de cette récitation du nom du Bouddha Amida (Namu Amida Butsu). Au départ cette pratique est liée à la promesse faite par le Bouddha Amida que ceux qui l'invoqueraient ainsi renaîtraient dans sa Terre Pure. Ensuite c'est aussi devenu une pratique de purification.
Hakuin fait aussi au moins deux allusions au Sûtra du Lotus[4], un sûtra de base des écoles Tendai et Nichiren (Hakuin a fréquenté cette école) :
- Au début il fait allusion au "fils de l'homme riche qui va vivre parmi les pauvres". C'est une parabole du chapitre IV du Sûtra du Lotus, le sûtra fondamental de l'école de la Terre Pure. Elle est d'ailleurs proche de la parabole du fils prodigue de l'évangile de Luc (Lc 15). Un ami de Jacques Breton qui est venu plusieurs fois au centre Assise, Dennis Gira, a souvent comparé les deux paraboles en montrant que chacune avait sa cohérence propre (elles figureront toutes les deux un jour sur le blog des Voies d'Assise).
- Hakuin parle des six mondes de transmigration qui constituent le samsâra et qui sont énumérés dans le Sûtra do Lotus. Au lieu d'utiliser l'expression classique 六道 (roku-dō) "six mondes", il utilise 六趣 (roku-shu) "six destinées" (on peut aussi les désigner comme "six voies"), à savoir les mondes des enfers, des démons faméliques, des animaux, des êtres belliqueux, des hommes, des dieux. Cela concerne les renaissances dues au karma (bon ou mauvais). Les êtres sensibles vont d’un monde à un autre tant qu’ils ne réalisent pas l’Éveil.
- tout à la fin on trouve "la terre du lotus", littéralement : la terre de la fleur de lotus (renge 蓮華), l'expression renge se trouvant dans le titre du Sûtra du Lotus (Myôhô Renge Kyô 妙法蓮華經).
3) En complément des remarques précédentes, indications sur certains mots.
Le passage le plus important du Zazen Wasan se trouve au début de ce qui est noté ici troisième partie : "vous attestez votre nature propre" qui concerne ceci : “La nature propre (自性 ji-shô) est "non-nature" (無性 mu-shô)”.
Comme le disait Eizan Rôshi : dans l’Éveil tout part de MU (無). Mais ce mu est difficile à comprendre, ce n'est pas une simple négation. D'abord mu (en chinois wu) est un des concepts fondamentaux du taoïsme (par exemple wu-wei c'est le non-fair. Le problème est qu'on le confond souvent avec kû 空 qui signifie entre autres "la vacuité"[5]. C'est kû qui est abondamment employé dans le Hannya Shingyô.
Mu peut être employé dans un mot composé, comme dans mu-shô (無性) qui a été traduit par "non-nature" dans Zazen Wasan. Mais il faut le distinguer de fu (不) qui indique l'absence de quelque chose, mais mu lui-même ne désigne pas une absence, ni un vide de quelque chose, c'est très subtil puisque si on va loin on trouve que ça a un aspect de fécondité paradoxale.
Pierre-François de Béthune disait cela clairement à propos de mushin (無心 , non-cœur) :
- « Dans le langage paradoxal du zen, le cœur (shin) est plus précisément désigné comme un non-cœur (mu-shin). C'est le cœur dépouillé de toute sensibilité, de tout attachement aux préoccupations égocentriques.[6] »
- « [mu-shin (non-cœur)] Les bouddhistes définissent négativement, mais on peut dire autrement : le "cœur du cœur" ou bien le "cœur profond". Il faut aller vers mushin, ce noyau de nous-mêmes et on y trouve le jaillissement de la vie féconde et créatrice.[7] »
Mu peut aussi être utilisé seul, et signifier "il n'y a pas" ou "Non", Le cas limite est le "Mu" de Jôshû qu'il est préférable de ne pas traduire car il est utilisé aussi au niveau de la respiration comme une sorte de mantra (cf. "Maître Jôshû : les kôans et le MU").
Shigeto Oshida définit mu 無 de la façon suivante : « Mu ne signifie pas vacuité, vide ; c'est la liberté et non l'attachement à un résultat quelconque, à une expérience quelconque. »[8]
b) Voici les quatre sagesses (四智) de l'homme éveillé dont il est question vers la fin :
- La grande sagesse du miroir parfait (jap. daien kyo chi 大圓鏡智, skr. ādarsa jñāna) : sagesse qui reflète tous les phénomènes comme ils sont, comme un clair miroir.
- Sagesse de la similitude des natures (de toutes les choses) (jap. byodo sho chi 平等性智, skr. samatā jñāna) : sagesse qui voit l’égalité ultime de toutes les choses, de soi et des autres.
- Sagesse de l’observation merveilleuse ou sagesse du discernement (jap. myokan zatchi 妙觀察智, skr. pratyavekṣanā jñāna) : sagesse qui permet d’observer sans entrave tous les phénomènes et de prêcher le Dharma en interrompant les doutes.
- Sagesse permettant d’accomplir ce qui doit être fait ou sagesse tout-accomplissante (jap. josho sachi 成所作智, skr. kṛtya anuṣṭhāna jñāna) : sagesse qui permet de faire obtenir des bienfaits à tous les êtres ordinaires.
4) Liste de traductions disponibles dans des livres ou sur internet.
Toutes les traductions disponibles se trouvent dans des livres ou sur des sites mais, à chaque fois, la traduction française est une traduction de traduction anglaise. Il faudrait qu'un jour un connaisseur du japonais ayant expérimenté l'expérience zen en fasse une vraie traduction.
Voici une liste des livres où on trouve une traduction :
- KAZUAKI TANAHASHI, Rien qu'un sac de peau. Le zen et l'art de Hakuin (Albin Michel - 1987), traduction d'un livre américain de 1982.
- EIDO SHIMANO ROSHI, Vent doré, la liberté zen, Guy Trédaniel éditeur, 1994, traduction d'un livre anglais de 1979.
- ALBERT LOW, Pratique du zen, éd Dangles 1999, traduit de l'anglais et dans La forge du maître Hakuin: La pratique de l'éveil dans le zen (Albert Low décédé en 2016 a été maître et directeur du Centre Zen de Montréal)
Sur internet en français:
- polpero.ca-HakuinsChant (une version anglaise et une version française, la 2e étant sans doute une traduction de la 1e) avec des commentaires de beaucoup de versets. La version utilisée est celle développée par le Centre Zen de Rochester avec l'autorisation de Bodhin Kjolhede.
- Reikido-France extrait de l'ouvrage d'Albert Low : La pratique du Zen (c'est ce que dit le site) ;
- zengeneva-chant-dhakuin ;
- /www.bouddha.ch/hakuin ;
Sur internet, autres traductions anglaises :
- https://www.buddhistelibrary.org/en/albums/userpics/10005/ZazenWasan.pdf
- http://www.patheos.com/blogs/monkeymind/2017/08/hakuins-song-zazen.html traductions de Norman Waddell, Robert Aitken, Zenkei Shibayama
Sur internet, une version interlinéaire en anglais à partir du japonais avec explications de mots (version utilisée dans le III du présent message):
Chant (mais beaucoup plus lent qu'au centre Assise, voir fichiers au début) :
III – Texte du Chant de Hakuin en interlinéaire à partir du japonais
Voici, pour chaque verset, quatre lignes :
- le texte en caractères japonais
- la transcription en caractères romains (ce qu'on récite),
- quelques éléments du mot à mot (mais il a fallu faire un choix pour ne mettre qu'un mot, donc ce n'est pas exhaustif)
- une traduction en français courant
1) Quelques informations sur le langage japonais.
Pour un français, il y a plusieurs difficultés de traduction et de lecture du japonais, en voici quelques-unes :
– En japonais singulier et pluriel ne se distinguent pas ;
– Le sujet des verbes n'est pas toujours indiqué : quand le sujet n'est pas clairement indiqué, c'est le contexte qui permet d'interpréter ; on ne peut même pas savoir si on est en 1ère, 2e ou 3e personne, singulier ou pluriel, c'est pourquoi dans le Chant de Hakuin, on trouve des traductions avec "nous", d'autres avec "vous" ou avec "ils".
– Un même caractère japonais peut avoir plusieurs graphismes et plusieurs prononciations. Par exemple 仏 qui est toujours traduit par "bouddha" (singulier ou pluriel) et qui peut aussi s'écrire 佛, a pour prononciation hotoke au début du chant, mais au milieu c'est butsu : nenbutsu 念仏. Chaque kanji (caractère sino-japonais) a au moins deux prononciations : la prononciation on (qui correspond en général au japonais classique, celui qui est issu du chinois) et la prononciation kun (qui correspond au japonais courant) mais avec des exceptions, par exemple quand c'est dans un mot composé. Et en plus, quand c'est dans un mot composé, la prononciation peut être modifiée.
– Un même caractère peut avoir plusieurs sens, par exemple 法 (jap. hô/nori, skr. dharma).
Daons la transcription mise ici on va de la gauche vers la droite, mais certaines expressions se lisent de droite à gauche (exemple : ki-no-michi, litté énergie-de-voie, en réalité "voie de l'énergie"), les prépositions sont mises à droite du mot qu'elles gouvernent
Quelques particules avec une partie de leur sens[9] :
- wa (は) sujet
- wo (を) COD Complément d'objet direct en général
- ni (に) indique le lieu (= où)
- ka (か) se met à la fin pour dire que c'est interrogatif
- ne (ね) se met à la fin pour partager le sentiment
- no (の) Partitif possessif (de)
- to (と) "avec", "et", et aussi on le met à la fin quand on reprend l'ensemble d'une proposition
- te (て) en fin de proposition : particule de liaison avec la proposition qui vient après
白隱禪師坐禪和讚
Hakuin zenji zazen wasan
1. 衆生 本来 仏 なり
Shu-jō hon-rai hotoke nari
Les êtres originellement bouddhas sont
- Note: Shujô 衆生 êtres, êtres sensibles (skr. sattva)[10]
水 と 氷 の 如く にて
Mizu to kō-ri no goto-ku nite
Eau et glace le même ici
C'est comme l'eau et la glace
水 を 離れて 氷 なく
Mizu wo hanarete kō-ri naku
eau par séparé de glace n'est pas
Sans eau, pas de glace
衆生 の 外 に 仏 なし
Shu-jō no hoka ni hotoke nashi
Les êtres de en dehors buddha aucun
Hors des êtres pas de bouddha
衆生 近き を 知らず し て
Shu-jō chikaki wo shirazu shi te
Les êtres proche sans savoir car (particule de liaison)
Car les êtres, ne sachant pas [combien est] proche
遠く 求むる は かなさ よ
tōku motomeru ha kana sa yo
au loin chercher quelle pitié!
cherchent au loin ; quelle pitié !
譬え ば 水 の 中 に 居 て
Tatoe ba mizu no naka ni i te
C'est comme si eau de au sein se trouve
C'est comme se trouver au sein de l'eau,
渇 を 叫ぶ が 如く なり
katsu wo sakebu ga gotoku nari
soif crier tel que est
tout en criant “J'ai soif !”
長者 の 家 の 子 と なり て
Chō-ja no ie no ko to nari te
Riche de famille de enfant
ou comme le fils d’un homme riche
貧 里 に 迷う に 異 ならず
Hin ri ni mayō ni koto narazu
pauvre contrée
s'en allant vivre parmi les pauvres.
六 趣 輪廻 の 因縁 は
Roku shu rinne no innen wa
Six destinées cycles (des naissances-morts) causes et relations
Les relations circonstancielles de la transmigration parmi les six destinées
- Note : innen 因縁 désigne les causes et relations circonstancielles, c'est ce qui fait, qu'extérieurement, une chose se produit Par exemple pour le blé, in c'est le grain de blé, et nen c'est la terre, l'eau, la lumière. C'est à distinguer de inga 因果 qui est le mouvement qui va de la cause au fruit (ga),
己 が 愚痴 の 闇 路 なり
Onore ga guchi no yami ji nari
soi (ego) ignorance de obscurci chemin sont
sont le chemin obscurci par "leur propre ignorance" (ou par "l'illusion de l'ego")
闇 路 に 闇 路 を 踏みそえて
Yami ji ni yami ji o fumisoete
Obscurci chemin par obscurci chemin sur marchant
marchant d’un chemin obscurci à l’autre,
いつか 生死 を 離る べき
itsuka shō ji o hanaru beki
un jour naissance et mort quitter est-il possible ?
Est-il possible d'échapper au samsâra ?
- Note : Shôji 生死 "naissance et mort"désigne le samsâra.
2. 夫れ 摩訶衍 の 禅定 は
sore maka-en no zenjō wa
Mahâyâna de recueillement zen
Le samâdhi du dhyâna (zen) dans le Mahâyâna
- Note : jô 定 correspond à dhyâna, c'est "le recueillement", le samâdhi. Le mot zen lui-même désigne le recueillement. En effet zen est une abréviation de zenna, traduction phonétique du terme sanskrit dhyāna qui désigne un état d'absorption. On distingue plusieurs dhyâna, état d'absorption plus ou moins poussés. On parle souvent de quatre dhyâna.
称嘆 する に 余り あり
shō tan suru ni amari ari
éloge faire par au-delà avoir
est au-dessus de tout éloge:
布施 や 持戒 の 諸 波羅蜜
fuse ya jikai no sho haramitsu
Dons telles choses observation des préceptes divers paramitas
Les vertus de perfection, tels que dons, observation des préceptes, et autres pratiques
念仏 懺悔 修行 等
nenbutsu zange shugyō tō
Nembutsu repentir ascèse etc.
L'invocation du nom du Bouddha (nenbutsu), le repentir et l'ascèse ;
そ の 品 多 き 諸 善 行
so no shina ō ki sho zen gyō
qualité nombreux actions nombreuses bonnes pratiques
Et beaucoup d'autres sortes de bonnes actions.
皆 この 中 に 帰する なり
Mina kono uchi ni kisuru nari
tout ceci à l'intérieur par être attribué être
tout cela trouve sa source dans CECI.
一 坐 の 功 を 成す 人 も
ichi za no kō o nasu hito mo
"une" assise de mérites accomplir personnes
Les personnes ayant les mérites d'une assise (zen) pratiquée même une seule fois
積みし 無量 の 罪 ほろぶ
tsumishi muryō no tsumi horobu
accumulés innombrables de actes négatifs être détruit
[verront] s'effacer les innombrables actes négatifs accumulés;
悪趣 何処 に ありぬ べき
akushu izuku ni arinu beki
Mondes malheureux quel endroit seront (mot interrogatif)
Où se trouveront alors les voies de malheur ? [mondes des enfers, des démons…]
浄土 即ち 遠からず
Jō-do sunawachi tōkarazu
La terre Pure autrement dit pas loin
La Terre Pure n'est pas loin.
辱くも この 法 を
katajikenakumo kono nori o
Par chance ce dharma
Par chance, ce dharma (cet enseignement)
一 たび 耳 に 触るる とき
hito tabi mimi ni fururu toki
une fois entendre by proclamer occasion
ceux qui ont l'occasion de l'entendre proclamer au moins une fois,
讃嘆 随 喜 する 人 は
sandan zui ki suru hito wa
Chanter les louanges de se réjouir faire personnes
Qui chantent ses louanges et y trouvent la joie,
福 を 得る こと 限り なし
fuku o uru koto kagiri nashi
Bonheur by obtenir suprême limites sans
recevront un bonheur sans limite.
3. 況や 自ら 廻 向 して
iwanya mizukara e kō shite
Plus encore soi tourner le regard
Plus encore vous vous tournez vers l'intérieur
Note : Ekô (廻向) est une question de s'orienter vers l'atteinte du but que l'on s'est donné, l'éveil
直に 自性 を 証 すれば
jikini jishō o shō sureba
directement nature propre attester dans cette situation
Vous attestez directement votre nature propre :
- Note : dans jishô, shô (性) désigne la nature foncière des choses ou des êtres, leur essence. Le caractère lui-même est composé de deux éléments : il a pour clé忄, shin 心, le cœur, et pour corps shô 生 "naître, apparaître. L'autre mot shô (証) veut dire "attester", "prouver", "certifier", il concerne l'éveil : à un certain niveau il doit y avoir attestation, par exemple dans la phrase bien connue de maître Dôgen : « S'oublier soi-même, c'est se laisser attester [shô 証] par les dix mille existants » (Genjôkôan)
自性 即ち 無性 にて
ji-shō sunawachi mu-shō nite
Nature propre c'est-à-dire non-nature
la nature propre étant "non-nature" (Cf explication du mu 無 au II 2 c)
已に 戯論(けろん) を 離れたり
sudeni keron o hanaretari
fini discussion vaine être loin
Et vous voilà loin de toute discussion vaine.
因果 一 如 の 門 ひらけ
inga ichinyo no mon hirake
cause et effet unité de porte être ouverte
La porte de l'unité des causes et des effets (skr. karma) s'ouvre.
無 二 無 三 の 道 直し
muni musan no michi naoshi
non-deux non-trois de voie droit
la voie du non-deux, du non-trois va droit devant. {Vous êtes toujours sur la voie de l’unité}.
無相 の 相 を 相 として
musō no sō o sō toshite
non-forme de forme forme en tant que
la forme de la non-forme se présentera comme forme. {votre aspect présente le non-aspect},
- Note, sô 相 désigne la forme, l'aspect, l'apparence, quelque chose qui est soumis au changement
往く も 帰る も 余所 ならず
Yuku mo kaeru mo yoso narazu
aller revenir ailleurs pas seulement
que vous alliez ou veniez, vous n'êtes pas ailleurs qu’ici. {où que vous soyez, vous êtes toujours dans l’éveil}.
無念 の 念 を 念 として
munen no nen o nen toshite
Non-pensée de pensée pensée en tant que
la pensée de la non-pensée se présentera comme pensée.
歌う も 舞う も 法 の 声
utau mo mau mo nori no koe
chanter danser Dharma de voix
Que vous chantiez ou dansiez [tout est] la voix du Dharma (la Loi bouddhique)
三昧 無礙 の 空 ひろく
zanmai muge no sora hiroku
Samâdhi non-obstrué du ciel largement
Comme il est libre, le ciel illimité du samâdhi !
四 智 円明 の 月 さえん
shi chi enmyō no tsuki saen
quatre sagesses cercle brillant de lune clarté
Comme il est brillant, le parfait clair de lune de la quadruple Sagesse !
この 時 何 を か 求む べき
kono toki nani o ka motomu beki
cet instant quoi plus désirer (interrogatif)
À cet instant, que chercher d'autre encore ?
寂滅 現 前 する 故 に
jakumetsu gen zen suru yue ni
Nirvâna se présente devant faire en conséquence
Le nirvâna se présente là devant
- Note : jakumetsu signifie littéralement : l’extinction apaisée (metsu 滅 :disparition). Cela désigne la sortie du cycle des renaissances, On le compare parfois au feu qui s'éteint parce qu'il n'y a plus de quoi l'alimenter.
当処 即ち 蓮華 国
tōsho sunawachi renge koku
ce lieu autrement dit fleur du lotus pays
Ce lieu même est le pays du lotus
この 身 即ち 仏 なり
kono mi sunawachi hotoke nari
ce corps autrement dit Buddha est
Ce corps même est celui du Bouddha.
[1] « J'ai rédigé ce message comme j'ai pu, il ne prétend pas à l'exactitude, je n'ai qu'une toute petite initiation au japonais et au bouddhisme, et même si je pratique zazen depuis plus de quarante ans, je n'en connais pas tout le contexte. Si vous avez des remarques ou suggestions vous pouvez le faire par le biais des commentaires situés en fin de message ou par le biais du Contacter l'auteur du blog (au-dessus du titre du blog) » (Christiane Marmèche).
[2] La transcription de dhyāna a donné ch'an-na en chinois, et du chinois en japonais zen-na qu'on abrège en disant "zen". Le mot samâdhi qui est mis au début de la deuxième partie n'est pas directement le terme classique zanmai mais un terme équivalent, il correspond lui aussi au terme dhyâna (zen) qui signifie recueillement, absorption.
[3] Comme le dit Ama Samy : « Quand nous prenons la posture de Bouddha en zazen (l'assise contemplative) nous sommes déjà Bouddha. Nous nous asseyons donc en zazen non pas pour atteindre la nature de Bouddha, mais pour exprimer notre nature de Bouddha. » (Cœur zen, esprit zen : les enseignements du maître zen Ama Samy, éd. Sully 2010). Ama Samy, prêtre jésuite, est le seul maître zen reconnu d'origine indienne.
[4] Dôgen (1200-1253), fondateur de l'école zen sôtô au Japon qui avait commencé par être dans l'école Tendai, avait une très grande dévotion pour le sûtra du Lotus.
[5] En fait, selon le contexte, kû peut désigner la vacuité mais aussi le ciel (comme vers la fin du Zazen Wasan où il est pris dans la prononciation à la japonaise : sora 空.
[6] Dans une vieille revue du centre Monchanin.
[7] Cité dans Benoît Billot, Voyages dans les monastères zen,
[8] Enseignements de Vincent Shigeto Oshida, un maître zen qui a rencontré le Christ, publication des voies de l'Orient, 2009, p. 29.
[9] C'est plus complet sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Particule_en_japonais
[10] On retrouve ce mot dans les vœux : SHUJO MUHEIN SEI GAN DO (Aussi nombreux que soient les êtres sensibles, je fais le vœu de les libérer tous)