Echo du voyage au Japon 1995 et du sesshin organisés par Eizan Rôshi au Kaizen-ji
En 1995 Eizan Rôshi qui est le référent zen du centre Assise créé par Jacques breton a reçu un groupe dans le temps du Kaizen-ji dont il était le responsable à l'époque (maintenant il est responsable du Ruytaku-ji). Dans plusieurs messages précédents figurent les enseignements donnés par Eizan lors du sesshin. Voici maintenant un écho d'un participant.
- Lien vers l'enseignement du 1er jour : La méthode juste pour pratiquer le zazen
- Lien vers l'enseignement du 2e jour : Le kôan MU (cas 1 du Mumonkan)
- Lien vers l'enseignement du 3e jour : Voie de la parole en bouddhisme ; kôan "Le doigt de Guteï"
- Lien vers l'enseignement du 4e jour: Le kôan "Bouddha lève une fleur"
- Lien vers l'enseignement du 5e jour: kôan de L'homme accroché par les dents
- Lien vers l'enseignement du 6e jour :message précédent
- Lien vers tous les enseignements déjà parus : tag Enseignement Eizan Rôshi.
Voyage au Japon 1995
Article de Christiane Marmèche
paru dans La Voix d'Assise n° 7 de mai 1996
Nous étions seize au rendez-vous de l'aéroport de Roissy le 22 octobre, au stand Korean Air. Nous venions d'un peu partout (Paris, région parisienne, Bretagne, Alsace, Suisse) et nous n'étions que cinq avoir fait partie du premier voyage trois ans auparavant. Notre groupe se révélait plus divers (4 hommes et 12 femmes) et la moyenne d'âge un peu plus élevée. Le voyage fut long mais confortable. À l'aéroport de Tôkyô, notre interprète (Philippe) et un moine du temple du Kaizen-ji nous attendaient avec un minibus. Deux heures plus tard nous étions installées dans diverses chambres du temple après avoir retrouvé Maître Eizan, notre Rôshi, à peine vieilli, dans un temple rénové.
Comme Jacques Breton, malade, n'avait pu venir, Eizan Rôshi nous a pris complètement en charge et a organisé notre séjour. Nous avons apprécié sa gentillesse, sa souplesse, les mille attentions qu'il eut pour nous. Le groupe se mit en place petit à petit et les relations entre nous furent amicales, personne ne fut à l'écart et il y avait une certaine unité.
Après la nuit, la journée du lundi a permis à chacun de savoir s'orienter dans le quartier du temple. Et Eizan nous a offert un mini voyage touristique.
Visite au Ryutaku-ji.
Le mardi après-midi, à Mishima, nous avons retrouvé Sansan (celui qui nous servira de Jiki pendant le sesshin) et le père Paul Renaud[1], missionnaire, qui s'est fait naturaliser japonais et qui a une paroisse catholique non loin de là (il nous a ensuite accompagnés et a servi de traducteur).
Nous sommes allés au Ryutaku-ji, le monastère zen où Jacques Breton fait un sesshin chaque année. Nous avons été très bien reçus. Le zazen du soir et du matin avec les moines nous introduisit dans le monde du zen. Il faut dire que le zendô du Ryutaku-ji est un lieu qui aide à la méditation. Après les soutras du matin dans le Hondo, puis le petit déjeuner et le nettoyage rapide du monastère, nous nous sommes promenés pour admirer le mont Fuji (mais il était finalement caché par les nuages). Un bref échange avec le responsable du monastère, Kyudo Rôshi, nous a mis très à l'aise, son sourire étant très chaleureux. Il a souhaité que nous fassions un bon sesshin. Juste avant de partir, un thé très amical avec les moines du monastère nous a fait sentir leur petite communauté bien vivante.
Nous avons beaucoup apprécié de pouvoir entrer progressivement dans l'ambiance du sesshin. Le vendredi matin nous avons commencé avec deux heures d'assise, petit déjeuner et samu (travail manuel), le reste de la journée étant libre, avec juste deux heures le soir.
Le samu se mit donc en place le vendredi matin : quatre équipes autonomes furent formées, quatre tâches définies (balayage l'extérieur, nettoyage de certaines pièces, couloir, nettoyage des sanitaires et de la cuisine), et une rotation fut organisée. Tout ceci permis à chacun de savoir ce qu'il fallait faire chaque jour au moment du samu et celui-ci se déroula toujours naturellement.
Le sesshin de sept jours commença le samedi selon un horaire semblable à celui des sesshins au centre de Saint-Gervais (6 à 8 h de zazen par jour ; pendant les zazen du matin et du soir il y a eu un entretien privé obligatoire les premiers et derniers jours, des dokusan libres les autres jours ; un samu tous les matins entre deux temps de zazen). Tout se déroula au mieux.
Eizan nous dit au premier teishô (enseignement) qui avait lieu l'après-midi :
« Voici le grand sesshin de fin octobre 1995 qui se déroule à Kaizen-ji pour rechercher le kenshô (éveil), pour appréhender la vérité. Dans le contexte de toute l'histoire du christianisme et de toute l'histoire du bouddhisme, cette session a une très grande signification. (…) L'être, pour pratiquer l'ascèse, pour purifier son cœur, doit pratiquer essentiellement selon quatre directives et il doit pratiquer de manière ouverte aux autres, non pas égoïste, égocentrique, repliée sur soi mais avec en vue le salut de tous. »
Pour ses teishôs, Eizan avait choisi de commenter quelques kôans. Traditionnellement un teishô comporte la lecture du texte choisi, puis un commentaire. N'ayant pu avoir de traduction satisfaisante, Eizan Rôshi a dû improviser une nouvelle manière de travailler, et a fait des choses qui ont intéressé tout le monde. Eizan Rôshi lui-même a vu lors des dokusan (entretiens libres) que les gens étaient très attentifs pendant les teishôs et posaient beaucoup de questions à partir de là.
Par ailleurs, en fin d'après-midi, ceux qui le désiraient ont pu se retrouver pour prier à partir des textes de la messe du jour dans une salle réservée par Eizan Rôshi pour cela.
Le sesshin s'est déroulé sans anicroche, et le dernier jour nous avons eu droit au gâteau de cérémonie (fait avec du riz spécial) qui est servi lors des grandes occasions.
Fin de séjour.
Le dernier jour, chacun fut libre de visiter ce qu'il voulait et ce fut encore une très bonne journée. Comme c'était samedi, le jour de zazen de la zazenkaï, nous avons pu de nouveau méditer deux heures le soir dans un zendô organisé cette fois comme si nous étions des pratiquants réguliers, le zazen étant dirigé par un membre de la zazenkaï.
Le dimanche, très tôt, après un petit déjeuner presque français (pain-beurre-omelette-riz), nous sommes partis en transports en commun pour l'aéroport accompagnés jusqu'au bout par Eizan Rôshi.
Dans l'avion qui nous ramenait vers Paris nous sommes émerveillés de tout ce que nous avions reçu. Et nous avons essayé de voir ce que nous ferions pour recevoir dignement Eizan Rôshi lorsqu'il viendra à St-Gervais animer un sesshin. Nous avons été reçus comme des princes, les membres de la zazenkaï y ont mis du leur, et Eizan nous a même organisé un petit voyage touristique.
Nous remercions aussi de tout cœur Jacques Breton qui a permis à ce voyage d'exister : sans lui nous n'aurions pas pu travailler avec Eizan Rôshi. Et nous souhaitons que tous ceux qui font du zen puissent avancer à leur rythme, découvrir que le zen est vraiment un chemin solide, et comme nous disait Eizan le deuxième jour :
« Dans le zen, il n'y a pas de porte. C'est très important. Si on construit une porte, c’est une limitation : les gens sont obligés de l’emprunter. Alors, en zen, il n’y en n’a pas : c’est un immense passage sans porte. Il faut un portail pour apprécier le monde, mais là il n’y en n’a pas. Et on va poser que cette absence de porte, c’est ça la porte. D’ordinaire, on croit que, s’il y a une porte, il suffit de la franchir et là nous serons éveillés pour le satori. Eh bien, il n’y a pas de porte, tout est déjà satori. C’est cela qui est étonnant.
Vous tous qui m’écoutez là en ce moment, comprenez bien que partout et toujours, c’est le satori. »
[1] Paul Renaud est décédé le 15/08/2013. Né à Malbuisson (Doubs) le 5 mars 1934, est ordonné prêtre le 21 décembre 1961 et part pour le diocèse de Yokohama le 24 juillet 1962. Il commence l'étude du japonais à l'école de langue de Tokyo puis, en 1964, est nommé vicaire à Yamata ; en 1965, vicaire à Shimizu ; en 1965, vicaire à Ha-mamatsu ; en 1969, vicaire à Jonai ; en 1970, curé de Chiyoda ; de 1973 à 1986, curé de Jonai. En 1986, il revient à Paris pour une année sabbatique puis, en 1987 et 1988, apporte sa collaboration au service d'Information «Échange France-Asie». En 1989, il revient au Japon et est chargé de la paroisse de Gotemba jusqu'en 1999. La même année, il devient responsable de la Maison Régionale, Econome régional et Aumônier de la Communauté francophone de Tokyo et, à partir de 2002, de la paroisse de Ninomiya, dans le diocèse de Yokohama.