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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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25 mars 2019

"Le Christ source de vie féconde et heureuse" par fr. Étienne, abbé de St-Benoît en présence de Ryôsan, moine zen japonais, 2018

Ce témoignage de frère Étienne a eu lieu lors de la deuxième rencontre organisée à l'abbaye de Fleury de Saint-Benoît-sur-Loire par le Centre Assise, Le thème choisi pour les exposés de 2018 était “La voie chrétienne / la voie zen, chemin de vie spirituelle pour le monde d’aujourd’hui”.

 

 

Christ, détail d'une icôneLe titre choisi par frère Étienne est à lui-même tout un programme. Il parle bonheur, mais « bonheur humble, celui du disciple du Christ, qui n’éclabousse pas les gens aux prises avec la souffrance, car on le trouve non en-deçà ni en dépit des épreuves, mais à l'intérieur et au-delà. » 

 Les messages consacrés à ces rencontres :

 

 

LE CHRIST, SOURCE DE VIE FÉCONDE ET HEUREUSE

 

 

            INTRODUCTION

 

            La condition du chrétien est une condition heureuse : « Heureuse celle qui a cru », dit Élisabeth à la Vierge Marie (Lc 1,45) ; « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », déclare Jésus ressuscité à Thomas (Jn 20,28) : ainsi, à l’orée et aux confins de l’évangile est proclamée la béatitude de la foi. Pourquoi ? Parce que croire en Dieu, c’est se savoir aimé de lui, s’entendre dire par lui : « Ne crains pas, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi… Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et moi je t’aime » (Is 43,1.4) : y a-t-il plus grand bonheur que de compter pour quelqu’un, d’avoir du prix aux yeux de Dieu lui-même et de pouvoir l’appeler père ? Le bonheur de la foi est donc à chercher dans l’ordre non de l’avoir ni du bien-être, mais dans celui de la relation.

 

            Et le bonheur du moine ? Un frère à qui je posais la question me répondait : « Le bonheur du moine, c’est peut-être tout simplement le bonheur de la foi, de croire qu’on est aimé de Dieu de toute éternité et de l’aimer en retour ». C’est donc le bonheur de tout chrétien, même si on le présente parfois comme un être à part. Un autre jeune frère, arrivé depuis peu, me disait un jour : « Je suis venu ici parce que je cherche le bonheur, et même le plus grand bonheur ; et il m’est apparu qu’il n’y avait qu’en Dieu que je pouvais trouver ce plus grand bonheur ; alors je suis venu au monastère pour me tenir près de cette source ». Le désir de ce frère est tout à fait en consonance avec la question que saint Benoît pose au début de sa Règle à celui qui veut la suivre : « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » On n'entre pas au monastère pour s'enterrer ni pour consoler un chagrin d'amour, mais pour vivre : « Si tu veux avoir la vie éternelle et véritable... », poursuit saint Benoît. Quelle vie ? Celle qui ne finit pas, "source intarissable de bonheur, de paix et de communion mutuelle", à laquelle Dieu ne cesse d'appeler l'homme, rejoignant ainsi "son aspiration à l'infini et au bonheur".

 

            Voilà le but, mais quel est le chemin pour y parvenir ? C’est celui du Christ, car le moine choisit de "ne rien préférer au Christ"  et de l'imiter en tout, sûr qu’en conformant sa vie à la sienne, il la rendra heureuse. Or le bonheur du Christ se lit à chaque page de l'évangile, lequel s'ouvre sur la grande joie de sa naissance et se clôt sur la grande joie de sa résurrection (cf. Lc 2,10 ; 24,52). Limitons-nous ici à le regarder au début, au milieu et au terme de son ministère public.

 

 

            1/ "BIENHEUREUX LES PAUVRES EN ESPRIT" (Mt 5,3)

 

Beatitudes, Matthieu 5         Quand Jésus inaugure ce ministère, il ne présente pas un programme, comme un candidat aux élections, mais il chante une litanie du bonheur, celle des béatitudes (Mt 5,3-12). Et cette litanie plonge ses racines dans l’Ancien Testament, lui-même émaillé de béatitudes : « Heureux l'homme qui prend son plaisir dans la loi du Seigneur » (Ps 1,1-2) ; « Heureux ceux dont la voie est parfaite, qui marchent suivant la loi du Seigneur, heureux ceux qui le cherchent de tout cœur » (118,1-2) ; « Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse et l'homme qui obtient l'intelligence » (Pr 3,13). Le chrétien appartient à la lignée de ces sages en quête de la science de Dieu, de ces chercheurs de trésor (cf. Pr 2,4) qui tendent l'oreille à l'enseignement d'un Dieu reconnu et aimé comme le seul maître du bonheur. Son bonheur est donc d'être disciple ; et le bonheur du disciple est de se tenir aux pieds de son maître pour l'écouter longuement, puis de se lever pour mettre en pratique ce qu'il a compris de son enseignement. Quand, aux premiers temps du monachisme, un jeune se présentait à un ancien pour partager sa vie, celui-ci lui disait : « Fais cela et tu vivras ».

 

            Il y a dans cette quête de sagesse le désir de retrouver une harmonie : avec Dieu, avec la création, avec les autres, avec soi-même. Bonheur d'un ajustement avec le vrai et le beau, tant prisés de saint Benoît qui avait horreur du factice, bonheur de goûter les multiples joies humaines que le Créateur met sous nos pas. Joie d'un saint François d'Assise se découvrant frère des fleurs, des animaux, du soleil et des étoiles. Le bonheur en Dieu ne se construit pas sur les décombres des joies simples, mais sait les goûter et aussi les dépasser. « La joie chrétienne suppose un homme capable de joies naturelles. »

 

            Mais revenons aux béatitudes. Où discernent-elles du bonheur ? Là où le monde voit du malheur – chez les pauvres, les affligés, les victimes de l'injustice, les persécutés – ou bien là où il voit de la faiblesse – chez les doux, les purs, les miséricordieux – . Consolation facile pour ceux qui n'ont pas accès à la richesse et au bien-être ? Non, il ne s’agit pas de cela, car les béatitudes sont d’abord l’autoportrait de Jésus : c’est lui le pauvre, le doux, l’artisan de paix, le persécuté pour la justice… Jésus nous y fait la confidence de son bonheur. Une confidence qui met en question notre conception spontanée du bonheur et celle, stéréotypée, de la société de consommation, ce bonheur prêt-à-porter de la publicité : assouvis tes besoins, fais ta place au soleil, prends ton plaisir et tu seras heureux ! Le bonheur selon l'évangile démolit ce culte du moi et renverse cette perspective : si tu veux être heureux, cherche d’abord à faire le bon plaisir de Dieu, à rendre Dieu heureux : « Le Seigneur mettra son plaisir en toi... Tu feras l'allégresse de ton Dieu » (Is 62,4-5). Le postulant qui se présente au monastère, nous l’avons dit, est habité par le désir d'être heureux, de trouver sa place, de s'épanouir ; c’est bien, mais c’est encore insuffisant, et je suis souvent amené à lui dire : « Plutôt que de te demander où et comment être heureux, demande-toi où et comment faire le bonheur de Dieu ». Retournement des perspectives ouvrant un horizon à une recherche inquiète qui, sinon, risque de ne jamais aboutir. Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus l'avait compris, ainsi qu'en témoigne cette confidence : « Je me suis offerte à Jésus non comme une personne qui désire recevoir sa visite pour sa propre consolation, mais au contraire pour le plaisir de Celui qui se donne à moi ».

 

Moines de saint Benoît-sur-Loire          Aujourd’hui existe une grande pauvreté, une grande misère, plus préoccupante que toutes les misères matérielles, c'est le manque de sens : on ne sait plus pourquoi ni pour qui vivre, souffrir et mourir. Or le grand bonheur du moine est de donner à sa vie un sens, c’est-à-dire une signification et une direction. Un frère me confiait un jour : « Ma vie au monastère est difficile et éprouvée, mais elle a du sens, alors qu’auparavant, dans le monde, elle n’en avait pas ». La quête de la sagesse n’élimine pas l’épreuve, mais elle lui donne du sens ; dans son combat et ses tribulations, le moine sait pourquoi il persévère.

            Il vit cela porté par la liturgie qui peuple son univers symbolique de références fortes, nourri par la lecture de la Bible qui ne contient que des paroles de vie propres à exorciser tant de paroles ou d'idées de mort. En lisant les nouvelles du monde ou en écoutant des hôtes désorientés, je mesure le bonheur qu'il y a à mener une existence héritière d'une sagesse séculaire qui a fait ses preuves, et peut offrir au monde le cadeau d'une cohérence, où l’on a l'intelligence de ce que l’on vit. Un jour, un laïc oblat me confiait : « Au monastère, Dieu est partout, vous le nommez et l’invoquez à chaque acte de votre vie, alors que dans la grande ville où je travaille, personne ne l’évoque, rien ne le dit ! » Certes nous savons bien que Dieu est présent même là où il n’est pas nommé ni reconnu, mais il est bon qu’existent des lieux où « il fait Dieu » (Didier Decoin) de façon plus évidente.

 

 

            2/ "JE TE BÉNIS, PÈRE..." (Mt 11,25)

 

            Il y a donc un premier niveau de bonheur fait de sagesse à la fois humaine et divine, la sagesse des béatitudes. Mais nous avons déjà perçu que cette sagesse ouvre un chemin d’où l’épreuve n’est pas absente... Après la proclamation initiale des béatitudes, le ministère de Jésus connaît une première phase de succès : les foules accourent sur son passage, les cœurs s'ouvrent, les conversions se multiplient, les guérisons témoignent de l'avènement du Royaume de Dieu. Puis vient une seconde phase où cet accueil bienveillant fait place à des questions, des perplexités, voire des oppositions. Même le prophète Jean-Baptiste, dans sa prison, se demande si Jésus est vraiment le messie ou s’il doit en attendre un autre (Mt 11,3), même sa famille cherche à le récupérer (12,46-50), même les villes où il avait fait des miracles se ferment à la conversion (11,20-24)... Le ministère de Jésus est mis en crise, c'est l'heure de l'incompréhension et de l'hostilité. Est-ce la fin de son bonheur ? Nullement. C'est à cette heure, précisément, que Jésus "exulte par l'Esprit Saint" et prononce cette magnifique action de grâce : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché cela aux sages et aux intelligents et l'as révélé aux tout-petits » (Lc 10,21). Il ne suffit donc pas d’être sage pour être heureux, il faut être petit : Jésus exulte, car il se découvre ce petit à qui le Père a tout remis, qui a la joie de le connaître et d'être connu de lui. Et il énonce alors une nouvelle béatitude à l'adresse de ses disciples : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (10,23). Dans le sillage de cette bénédiction, le bonheur du moine s’exprime dans la louange qui le ramène plusieurs fois par jour au chœur où, avec ses frères, il donne en pure perte à Dieu son temps, sa voix, son cœur et fait ainsi l’apprentissage de sa condition d’éternité où il est appelé à être le chantre de la majesté divine. Un frère me disait : « Mon bonheur, c’est de vivre "à la louange de sa gloire" (Ep 1), le cœur émerveillé devant l’inouï de la création et de la rédemption ».

 

liturgie, abbaye de Fleury           Ce moine n'est plus sous l'empire tyrannique des besoins, il laisse émerger son unique désir, celui qui laisse le cœur sans repos tant que Dieu ne le comble pas. C'est "le repos et la satisfaction intime de l'esprit humain dans la possession du Dieu trinitaire". Repos proposé par Jésus lui-même dans cette même exultation prononcée au cœur de l'épreuve : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai le repos » (Mt 11,28).

 

            S'il y a un bonheur insolent, celui du riche insouciant et dominateur, il y a un bonheur humble, celui du disciple du Christ, qui n’éclabousse pas les gens aux prises avec la souffrance, car on le trouve non en-deçà ni en dépit des épreuves, mais à l'intérieur et au-delà ; de même qu'il y a une paix qui n'est pas la tranquillité des gens sans histoire, mais l'assurance qui traverse la tourmente, car elle est ancrée dans la foi. Saint François d'Assise a expliqué à Frère Léon que la joie parfaite advient dans la plus cuisante humiliation, celle d'être laissé à la porte de son propre couvent, dans la nuit et le froid, par un frère portier sans pitié qui ne le reconnaît même pas. Saint Maximilien Kolbe, enfermé avec ses co-détenus dans le cachot de la mort, a fait de celui-ci, par sa sérénité et sa joie, l'antichambre de la vie éternelle. Le bienheureux pape Paul VI a écrit son exhortation à la joie Gaudete in Domino alors que la maladie l'affligeait dans son corps et que contestations et abandons dans l'Église le tourmentaient en son cœur. Au pays de ce bonheur, on n'accède que par la voie pascale. Ainsi priait saint Augustin : « Loin de mon cœur, Seigneur, la pensée de trouver le bonheur dans n’importe quelle joie. Car il est une joie qui n’est pas donnée aux impies mais à ceux qui te servent de façon désintéressée : c’est toi-même qui es cette joie. C’est cela le bonheur ! »

 

 

          3/ "POUR QUE MA JOIE SOIT EN VOUS..." (Jn 15,11)

 

            C'est au moment d'entrer dans sa passion que Jésus promet et donne sa joie : « Maintenant, je viens vers toi pour qu'ils aient ma joie dans sa plénitude en eux-mêmes » (Jn 17,13). La plénitude de la joie à l’acmé de la souffrance ! Nous pensons à sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, traversant la nuit de la foi et de la souffrance sans cesser d'être heureuse. C’est une troisième étape dans la découverte du bonheur. Comment associer le bonheur et la mort ?

 

Christ, tympan de la basilique de Saint-Benoît            La joie est un fruit de la croix ! Et puisqu'elle est aussi contagieuse que l'amour, Jésus ne peut la garder pour lui, il nous la donne. Comment est-ce possible ? Parce que Jésus n'a pas souffert replié sur lui-même, mais le cœur ouvert et aimant, sans maudire quiconque, ni son Père ni ses frères, ni ses apôtres qui l'abandonnaient ni ses bourreaux qui le crucifiaient. À nous autres, pécheurs, qu'est-ce qui rend la souffrance si pesante ? C'est le sentiment de subir un sort injuste, c'est la rancœur contre nos adversaires, c'est la révolte contre Dieu et contre le monde entier, c'est le non-sens de tout cela... Cette croix alourdie de tant de négativité, Jésus nous propose de nous en soulager et de prendre à la place la sienne : « Prenez mon joug sur vous, car il est doux et mon fardeau léger » (Mt 11,29-30). Ce qui rend légère la croix du Christ, c'est qu'elle est remplie d'amour ; Jésus a bu jusqu'au bout le fiel de sa passion sans la moindre amertume dans son cœur. Il nous ouvre ainsi une troisième étape dans le bonheur que même la mort ne met pas en échec.

 

            Saint Benoît ne gomme pas la mort, il nous demande même de "l'avoir chaque jour devant les yeux" (RB 4,47) ! Non pour fuir la vie, mais pour garder l'horizon qui est de "suivre Jésus jusqu'à la gloire" et "de faire dès maintenant ce qui nous profitera pour toute l'éternité" (prol. 7.44) ; car on ne peut vivre sans horizon ! L'horizon ouvert par la résurrection de Jésus nous permet d'affirmer que rien n'est jamais sans avenir, sans espérance pour celui qui en appelle à la miséricorde de Dieu dont saint Benoît nous demande de ne jamais désespérer (4,74). L'horizon permet de "vouloir tout à long terme et de se contenter de peu dans l'immédiat", de tendre vers Dieu sans l'atteindre autrement que dans l'expérience de l'éloignement, d'accepter que Dieu nous dépasse et pourtant nous attire, de le préférer à tout dans le renoncement, d'insérer son désir de sainteté dans un genre de vie imparfait. Spontanément, nous rapprocherions l'horizon, nous rabaisserions l'idéal parce que nous ne l'atteignons pas ; mais le seul moyen de vivre l'écart avec l'horizon, c'est l'espérance ; car l'idéal ne nous condamne pas, il nous appelle et garde notre désir orienté vers le Royaume. Pour le moine qui avance en âge, le grand défi est de garder l’enthousiasme du premier jour et la vision de l’horizon.

 

            Car la fidélité à sa vocation ne s'obtient pas en vertu d'habitudes passivement entretenues, mais au prix d'un engagement décidé. Il n'y a pas de bonheur pour les velléités d'amour vite assoupies dans la banalité du quotidien, il n'y en a que dans la vigilance sur soi et le don de soi : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20,35) ; « La joie ne peut se dissocier du partage ; en Dieu tout est joie parce que tout est don ». Le bonheur en communauté passe par la déception de cette même communauté et le renoncement à ses illusions, surmontés dans le don de soi. De même, "dans un ménage, c'est celui qui aime le plus qui souffre davantage, mais c'est l'autre qui s'ennuie". Entre l'amour qui paie de sa personne et l'ennui, le bonheur choisit l'amour, et l’amour persévère jusqu’à la fin. « Durant neuf ans un frère fut tenté de quitter le monastère. Chaque jour il préparait son manteau pour partir et, quand le soir venait, il se disait : "Je partirai d’ici demain." Le lendemain, il se disait : "Obligeons-nous à rester encore aujourd’hui pour le Seigneur." Quand il eut fait cela de jour en jour neuf ans durant, Dieu lui enleva toute tentation et il fut tranquille. »

 

 

            CONCLUSION

 

            Le philosophe Jean Lacroix se demandait : « Quelle est la fin de l’homme, la liberté ou le bonheur ? Peut-il donc y avoir conflit entre les deux ? L’observation la plus superficielle montre combien la liberté est pour l’homme source des plus hautes douleurs ». Bonheur ou liberté : c’est le choix qui se présenta aux Hébreux au cours l’Exode. Alors que Dieu voulait les libérer pour en faire le peuple de sa louange, ils furent souvent tentés de rester dans leur servitude où ils pouvaient satisfaire leurs instincts : « Laisse-nous tranquilles… Mieux vaut pour nous servir les Égyptiens que de mourir dans le désert » (Ex 14,12). Esclave est celui qui achète sa vie contre sa liberté, fils, celui qui la reçoit gratuitement et la donne gratuitement. Dieu appelle l’homme à être fils: « Laisse partir mon peuple, qu’il me rende un culte dans le désert » (Ex 7,16), quitte ta servitude pour entrer au service de Dieu. « Au-delà du bonheur de l’esclave qui ne souffre même pas de son esclavage, il y a la joie de l’homme libre, qui se réjouit de la souffrance même qui l’a sauvé ». C’est cet appel qu’entend le moine et, en y répondant, il accomplit sa vocation d’homme appelé à s’épanouir dans le culte éternel, la fête sans fin avec Dieu, ses anges et ses saints.

 

 

fr. Étienne Ricaud,

abbé de Fleury.

 

 

 

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