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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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11 avril 2019

Par J. BRETON : Vivre la Pâque par les grands symboles. 2e symbole : Le SOUFFLE

 Le souffle est le deuxième grand symbole que Jacques Breton abordait lors de la semaine sainte. Le souffle, c'est d'abord la respiration et Jacques Breton en parle ici de façon concrète, lui qui animait aussi des sessions de zazen (méditation assise) et qui pratiquait le kinomichi issu de l'aïkido. Il aborde aussi l'Esprit-Saint en tant que Souffle de Dieu - en hébreu et grec "esprit" et "souffle" c'est le même mot - et là, il est plus dans son rôle de prêtre ! A noter que par moments il préfère utiliser le mot "Être" plutôt que le mot "Dieu".

Pour la présentation et les autres enseignements de Jacques Breton sur les symboles de Pâques, voir 

 

Le SOUFFLE

 

I Symboliques du souffle

 

Le souffle est le deuxième grand symbole et c'est ce qu'il y a de plus présent à nous-mêmes. Le souffle est un des plus grands symboles de l'Être divin présent dans l'Ancienne Alliance sous le nom de rouah (en hébreu) et de la Nouvelle Alliance sous celui de pneuma (en grec).

Le mot esprit vient du latin spiritus qui désigne aussi le vent. Et de même en grec le mot pneuma peut se traduire aussi bien par "souffle" que par "esprit" ou par "vent". En hébreu également le mot rouah signifie le souffle (souffle de l'air, souffle vital, souffle de Dieu) et désigne aussi l'esprit et le vent.

 Comme nous l'avons vu le premier grand symbole est le corps : il exprime l'Être en tant qu'il est la réalité – c'est par le corps que je peux m'ouvrir à Lui –, et le souffle, lui, ouvre à une autre forme de réalité.

 

Le souffle nous est présent sous deux aspects :

  • Le souffle, c'est la respiration : on ne peut pas vivre sans respirer, ça fait partie intégrante de notre corps, de notre vie.
  • Le souffle c'est aussi le vent ; or le vent apporte ce qui fait vivre l'humanité.

 Plus encore, dans l'Ancien Testament, la rouah de Dieu désigne sa force, sa puissance de vie. Non seulement elle donne vie, mais elle intervient dans l'existence humaine pour l'inspirer, la transformer, la renouveler.

 

●   Le symbolisme du vent.

Le vent, c'est quelque chose de fort, de puissant, mais aussi quelque chose d'insaisissable : on ne sait ni d'où il vient ni où il va comme dit saint Jean (Jn 3), c'est quelque chose de très mystérieux. Il peut apporter l'eau mais il peut aussi dessécher ; il peut être murmure mais aussi être ouragan. Quand il devient tempête le vent peut effrayer, tellement c'est fort. On ne peut le découvrir que par ses effets.

Le souffle est donc le symbole de l'Être en tant qu'il est :

  • d'une part puissance, puissance de vie, puissance de recréation,
  • d'autre part quelque chose d'insaisissable qui est présent à tout.

La respiration est totalement présente dans tout mon corps – je respire avec tout mon corps – et pourtant le souffle est quelque chose d'insaisissable que je ne peux prendre, saisir, capter puisque, quand j'essaie de le faire, il m'échappe toujours. Pourtant il n'y a pas plus présent en moi.

Le symbole du souffle c'est donc ce mystère de l'Être en tant que force intérieure, vie, création, et en même temps quelque chose d'insaisissable pour moi et, à cause de cela, ce qu'il y a de plus présent à moi-même.

 

●   Le souffle de Dieu dans la Bible.

Il est étonnant de découvrir combien ce symbole est présent dans toute la Bible, depuis la Genèse jusqu'au Nouveau Testament. Dès le début de la Genèse : « La terre était tohu bohu; les ténèbres couvraient l'abîme, et la rouah de Dieu (souffle de Dieu, esprit de Dieu) se mouvait au-dessus des eaux. » (Gn 1, 2). Donc la présence du souffle de Dieu préside à la création. Dans ce récit de Genèse 1, le souffle est d'une part symbole de création par la parole, et d'autre part il est comme une présence qui plane. Par ailleurs, lorsque Dieu crée l'homme, il le crée à son image et à sa ressemblance.

Adam, Hortus deliciarum, Mont Ste Odile, XIIeAu chapitre 2 on a l'insufflation de Dieu lors du modelage de l'homme: « Le Seigneur Dieu modela l'homme avec la poussière prise du sol et il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. » (Gn 2, 7). Cette "haleine de vie" vient directement de Dieu pour faire naître l'homme.

Et on retrouve cela chez saint Jean quand le Christ ressuscité apparaît aux apôtres : « Il souffla sur eux et leur dit : "Recevez l'Esprit Saint (le Souffle Saint)” » (Jean 20, 22). Le Christ donne son souffle pour que l'homme puisse devenir totalement Esprit. L'Esprit divin est maintenant totalement présent à l'homme pour le recréer à nouveau, afin qu'il devienne aussi Christ.

Le souffle est une réalité : le Christ réellement souffle sur eux pour leur transmettre son Esprit, l'Esprit divin. L'Esprit est alors non seulement créateur ou re-créateur, mais il est aussi l'Esprit de résurrection : c'est-à-dire que, de celui qui est mort et esclave, il fait un homme libre et ressuscité.

 

Ézéchiel 37, 1-10.

« La main du Seigneur fut sur moi ; il me fit sortir par l’esprit du Seigneur et me déposa au milieu de la vallée : elle était pleine d’ossements. Il me fit circuler parmi eux en tout sens ; ils étaient extrêmement nombreux à la surface de la vallée, ils étaient tout à fait desséchés. Il me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je dis : « Seigneur DIEU, c’est toi qui le sais ! » Il me dit : « Prononce un oracle contre ces ossements ; dis-leur : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur. Ainsi parle le Seigneur DIEU à ces ossements : Je vais faire venir en vous un souffle pour que vous viviez. Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître sur vous de la chair, j’étendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous un souffle et vous vivrez ; alors vous connaîtrez que je suis le Seigneur. » Je prononçai l’oracle comme j’en avais reçu l’ordre ; il y eut un bruit pendant que je prononçais l’oracle et un mouvement se produisit : les ossements se rapprochèrent les uns des autres. Je regardai : voici qu’il y avait sur eux des nerfs, de la chair croissait et il étendit de la peau par-dessus ; mais il n’y avait pas de souffle en eux. Il me dit : « Prononce un oracle sur le souffle, prononce un oracle, fils d’homme ; dis au souffle : Ainsi parle le Seigneur DIEU : Souffle, viens des quatre points cardinaux, souffle sur ces morts et ils vivront. » Je prononçai l’oracle comme j’en avais reçu l’ordre, le souffle entra en eux et ils vécurent ; ils se tinrent debout. »

C'est un texte très fort parce qu'il exprime très bien non pas seulement le souffle créateur, mais le souffle re-créateur, le souffle qui restaure à l'intérieur et qui redonne vie à ce qui est mort. Il est excessivement important de savoir que ce souffle vous est donné, que vous l'avez reçu, qu'il est présent à vous-même, et que, de mort que vous étiez, il fait de vous des vivants.

 

●   (Re)vivre grâce au dynamisme divin du souffle.

vent, souffle de DieuNous passons tous par des états d'esclavage, des états de mort, des états de dépression, et il nous faut reconnaître que c'est seulement par le souffle intérieur que nous pouvons réellement vivre. Pour être pleinement, il faut tout le dynamisme intérieur et divin, ce n'est pas par nous-même, par notre petit esprit, par notre petite volonté, par notre petite intelligence, par notre petit dynamisme… Il n'y a pas d'autre solution. Il ne s'agit pas pour nous d'éteindre vos désirs, il ne s'agit pas de détruire, il s'agit de faire revivre ce que nous sommes grâce au dynamisme divin du souffle. Tout le mystère du chemin est là.

Et quand nous nous heurtons à des murs, à des obstacles, à des épreuves, à des angoisses, c'est pour nous rappeler que seul, on ne peut s'en sortir. Si vous n'êtes pas animés de l'intérieur, si vous ne vous réveillez pas, si vous ne vous remettez pas dans ce souffle divin, il est impossible que vous deveniez vraiment des hommes et que vous acquériez une liberté.

 

Comment nous remettre dans ce souffle intérieur ?

Comment faire pour que nous soyons davantage ouverts à ce souffle qui est en nous, qui nous a été insufflé à la création, à la recréation, à la résurrection… ce souffle qui est le souffle du Christ ?

Le Christ dit « Il vous est bon que je m'en aille en effet, si je ne pars pas, le Paraclet (l'Esprit) ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai.  » (Jean 16, 7). Pourquoi ? Si le Christ reste encore extérieur à vous-mêmes, à ce moment-là vous êtes encore en état de dualité par rapport au souffle : il faut donc que le Christ meure totalement pour vous donner véritablement son Esprit, qu'il ne vienne pas à l'extérieur, mais qu'il vienne en vous. Il vous insuffle son propre esprit, l'Esprit par lequel il a vaincu, lui, la mort ; l'Esprit qui permet de pouvoir dépasser la souffrance et de pouvoir la transformer, de pouvoir renaître.

Le Christ nous a vraiment transmis cet Esprit. L'esprit Saint, c'est aussi l'Esprit qui s'est incarné, qui était continuellement présent dans le Christ et qui est toujours présent à nous-mêmes pour nous aider à tous ces passages que nous avons à vivre. L'esprit et les paroles vont se lier pour pouvoir nous aider à faire ce qu'il était.

Nous, Européens, nous ne sommes pas comme les Orientaux, nous avons toujours besoin d'une parole, nous avons toujours besoin de savoir en quoi l'Esprit agit, quel est cet Esprit pour que je puisse me donner à lui. Par exemple si quelqu'un nous demande de faire un mouvement, si on ne sait pas pourquoi on le fait, alors on ne le fait pas, on a besoin encore plus que les Orientaux de savoir. De même nous avons besoin de savoir quel est cet Esprit pour pouvoir nous laisser guider par lui.

 

II – Le souffle dans la respiration

 

Souvent la respiration reste très haute et les gens vivent alors au niveau de leur plexus, de leur sentimentalité. Mais plus la respiration va s'approfondir en eux, et plus ils vont vivre une dimension plus profonde d'eux-mêmes. Or c'est l'expiration qui va permettre de descendre dans son centre.

L'enfant, le bébé, est naturellement dans son centre, au niveau du hara : il respire à ce niveau. C'est quand il commence à objectiver, à s'extérioriser, que sa respiration se modifie.

 

"Expirer" n'est-ce pas, comme ce mot l'indique, mourir à soi-même, c'est-à-dire s'abandonner ? "Inspirer", en revanche, n'est-ce pas recevoir l'intuition profonde qui va animer les pensées, les activités ?

 

●   Le rôle de l'expiration.

C'est le souffle qui, en nous, va chasser, vider notre cerveau. Ce qui nous empêche d'exister, ce sont toutes les idées reçues, qu'elles soient d'ordre moral, religieux, culturel… ce sont tous les a priori, les jugements qu'on porte. Au départ, nous sommes encombrés de toutes sortes d'idées et c'est difficile à lâcher. L'expiration doit libérer en vous tous ces a priori, toutes ces croyances, mais cependant, on ne peut lâcher les idées reçues que dans la mesure où on découvre en nous une sagesse qui va nous éclairer. Je n'ai pas à obéir à des idées reçues, j'ai à obéir au sentiment intérieur.

Apprenez à écouter, faites travailler votre intelligence et votre cœur. Cela bouge, vous vous transformez. Par exemple, vous aviez une forme d'agir il y a dix ans qui n'est plus la vôtre aujourd'hui. La sagesse est mobile. Elle est continuellement à l'œuvre, c'est ce qui est très difficile. Il faut se restructurer tous les jours, avoir une discipline importante mais aussi être souple pour s'adapter à chaque instant.

Autre exemple, toutes les images de mon enfance que j'ai fixées, je m'en libère pour entrer dans le vide et l'esprit va créer à travers le vide. Il faut faire le vide pour que la sagesse puisse faire son œuvre.

L'expiration, c'est lâcher toutes les images que vous avez sur vous, qu'elles soient flatteuses ou non. Il faut pouvoir les abandonner, elles ne sont pas vraies…

 

eau vive●   Le rôle de la respiration par rapport aux blocages.

La respiration entraîne la vie comme un courant jusque dans les parties les plus éloignées du corps. C'est là que nous pouvons prendre conscience de barrages qui, en nous, s'opposent au courant de la vie. Il s'agit alors simplement de laisser couler le souffle, sans forcer, en donnant une attention très fine et réceptive. L'aide d'une personne compétente est souvent nécessaire par la présence d'un contact dans ce travail car elle permet de ranimer les parties inertes. Combien de fois on m'a dit chez Graf Dürckheim[1] : « Respirez sous ma main ».

 

●   Présence à la respiration.

Le Souffle est présence en moi, il est au plus intime de moi-même ; c'est cette présence que j'ai à retrouver continuellement dans toute ma vie, dans tout mon quotidien.

C'est pour cela que, dans le zazen (assise zen), ce qui est le support de la méditation, c'est la respiration. D'ailleurs, cela se vit aussi dans la prière de Jésus, la prière du cœur. On comprend bien pourquoi : la respiration, en effet, me rappelle à moi-même – j'expire… j'inspire… – cette présence en moi du souffle intérieur.

Lorsque j'expire et que j'inspire, la respiration est quelque chose de biologique, elle reste quelque chose qui fait partie de mon corps[2]. Mais, dans le zazen comme dans d'autres formes de cheminement, j'essaie de prendre conscience progressivement de cette respiration pour que petit à petit elle devienne en moi souffle : je prends conscience de ce souffle qui, en moi, crée le mouvement de la vie. Dans ce cheminement, je prends conscience qu'au-delà de ce souffle qui respire, il y a cet autre Souffle qui est sous-jacent, présent au souffle de la respiration. Progressivement ce n'est plus moi qui expire et qui inspire, c'est cet autre moi-même qui est présent et qui respire en moi.

Le symbole c'est ce qui unit : à travers cette réalité qui est ma respiration, il s'agit d'arriver à m'unir à cette autre réalité qui est le souffle intérieur. Vous commencez à rentrer vraiment dans la méditation à la mesure où ce n'est plus vous qui respirez, mais petit à petit, c'est le souffle en vous qui expire et inspire… Ce souffle divin expire en vous, c'est comme un vent qui souffle, souffle purificateur qui entraîne tout ce qui est obstacle à la vie, aux énergies, tout ce par quoi vous êtes trop attaché sur tous les plans (idées, images, sentiments, émotions…).

– prendre conscience que ce n'est plus mon expiration, mais que c'est l'Esprit qui expire en moi et me fait entrer petit à petit dans cette mort à moi-même ;

– alors[3] l'inspir, comme un souffle intérieur puissant, une force intérieure immense, va me remplir, et alors que j'étais mort à un certain savoir, à un certain pouvoir, il va redynamiser par l'intérieur toutes ces énergies. Il va "l'amoriser", le faire amour en moi pour que tout retrouve en moi à la fois cette unité et en même temps cet engendrement nouveau de ma personne qui ne s'enracine plus seulement dans mes instincts mais qui va au-delà de mes instincts. Ce souffle va ressaisir tout votre intérieur et redonner à votre dynamisme toute sa réalité spirituelle : votre corps c'est aussi vos instincts, et donc votre corps va, par ce souffle intérieur, se spiritualiser et devenir amour. C'est tout le travail.

 

inspiration cadeau, K G DürckheimPrendre conscience de sa respiration c'est redécouvrir les trois attitudes spirituelles fondamentales :

  • l'expiration qui permet l'abandon, la mort à soi-même ;
  • l'inspiration où nous accueillons toutes les énergies et où nous nous laissons aimer –  il s'agit de se laisser inspirer ;
  • la fin de l'inspiration où s'unissent en nous les deux mouvements.

 

En guise de conclusion

 

L'Esprit, vous comprenez, on ne peut le saisir, on ne peut le toucher, on ne peut le voir. Il est impalpable, et à cause de cela il ne peut pas faire obstacle à ce que je suis puisqu'il est comme le souffle intérieur qui est présent à tous, à condition que je dise oui. Il ne prend jamais ma place, mais il est comme un moteur, une force, une puissance infiniment supérieure, mais sans que moi-même je puisse dire : il est là ou bien il n'est pas là. C'est à ses effets que je le rencontrerai.

L'Esprit ne prend pas ma place, mais cela n'empêche pas qu'il faut que je réfléchisse, que je travaille. Il ne me retire en rien mon esprit créateur, mais il va donner à cet esprit qui est le mien une autre dynamique, une autre force, une autre dimension, une autre sagesse qui va aller beaucoup plus loin que ce que je pourrais faire, moi, avec ma petite personne. C'est comme ça que, par le souffle, tout se recrée en moi petit à petit, sans rien retirer à mes désirs, à mon intelligence, à ma volonté tout en leur donnant une autre dimension.

  • à l'expir il m'aide à mourir à moi-même ;
  • à l'inspir il me fait revivre comme corps donné : il va me permettre de m'ouvrir de plus en plus pour me donner aux autres…


[1] Graf Dürckheim a développé ce qu'i appelait la thérapie initiatique, voir les messages à ce sujet dans le tag thérapie initiatique

[2] Graf Dürckheim qui était un des maîtres de Jacques Breton disait : «On passe totalement à côté de la question si la respiration n'est qu'un phénomène corporel ! En vérité elle est le Souffle de la grande Vie, le Souffle qui imprègne tout ce qui vit, et l'homme dans sa totalité : corps, âme, esprit. Si la respiration n'est pas correcte, l'homme tout entier est en désordre. Tout dérèglement de la respiration montre un dérèglement de l'homme qui influe sur tout ce qu'il est et fait. Bien plus : il bloque la manifestation de l'Être et influe sur l'ensemble du développement intérieur et tout le devenir de la Personne. En fait, toute mauvaise respiration est la conséquence du petit moi dominateur qui a retiré le Souffle du centre profond animé par le diaphragme, et l'a installé dans la partie supérieure et volontaire de la poitrine, activée alors par les muscles auxiliaires. La respiration juste, elle, est le grand mouvement de la Vie qui d'un battement se donne, et d'un autre se reçoit ; vécue consciemment durant la méditation, ce mouvement s'empare peu à peu de tout l'homme pour le transformer à travers une mort et une renaissance continuelles, sans cesse approfondies. Ce grand « meurs et deviens » est la formule fondamentale de la vie présente au sein de la respiration comme d'ailleurs dans la création entière. Il s'agit d'un processus de métamorphose dans lequel la domination unilatérale du petit moi existentiel est abandonnée en faveur d'une nouvelle naissance, et l'éclosion de l'Être essentiel. C'est un véritable ensevelissement du vieil homme, toujours à reprendre, une mort à toutes les formes figées de l'existence pour renaître sur un tout autre plan comme une personne, avec toute la dimension que ce terme implique.» (Dialogue sur le chemin initiatique - Ed Albin Michel)

[3] L'expiration est première, et l'inspiration est alors donnée comme le dit maître Noro ("Prière du corps, le Kinomichi" : Entretien de Pierre Willequet avec Maître Masamichi NORO, revue Source n° 23, 1989). C'est ce que Graf Dürckheim dit aussi : « La respiration est le mouvement transformant par excellence, il nous est inné. Il faut être extrêmement vigilant à la relation entre expiration et inspiration. Lorsqu'on a compris qu'il ne faut pas inspirer, capter l'inspiration, mais que « ça nous inspire », au sens propre du mot, alors on pourra vivre à fond la respiration. Il faudra donc mettre d'abord l'accent sur l'expiration, c'est-à-dire se lâcher. Ce n'est qu'après avoir lâché prise que l'on peut recevoir ; l'inspiration vient d'elle-même. Dès que l'inspiration est active et volontaire, on ferme la porte au lieu de l'ouvrir. L'inspiration comporte trois aspects dans un même mouvement : l'ouverture, la visitation et la plénitude. Si vous demandez à quelqu'un d'expirer profondément, la plupart du temps il fera une grande inspiration persuadé qu'il faut d'abord prendre pour pouvoir donner. C'est juste sur le plan existentiel : il faut avoir pour donner mais sur le plan spirituel c'est exactement le contraire ; il faut tout donner pour recevoir. » (Dialogue sur le chemin initiatique)

 

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