Sortir de l'anesthésie féroce de nos cœurs, C. SINGER
“Ouvrir les yeux, ouvrir nos cœurs, sortir de l'anesthésie féroce de nos cœurs. Nous laisser attendrir, toucher par la gratitude d'être vivants !” Telle était l'invitation de Christiane Singer à la fin de son intervention au Forum "Terre du ciel" de 2003 qui avait pour thème "Retour à l'essentiel" en 2003. Cette intervention est transcrite ici.
Christiane Singer est décédée le 4 avril 2007 à Vienne en Autriche, à 64 ans. Elle a grandi en France avant d’enseigner à Fribourg, puis, ayant épousé un aristocrate autrichien, elle s’est établie près de Vienne, au château de Rastenberg. Elle fut l’élève de Karlfried Graf Dürckheim.Elle était amie de Jacques Breton.
Elle est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, des Cahiers d’une hypocrite publié en 1965, jusqu’à Seul ce qui brûle, paru en 2006, en passant par Chronique tendre des jours amers ; la Mort viennoise qui obtint le prix des Libraires en 1978 ; Histoires d’âmes ; Une passion, prix des Écrivains croyants en 1993 ; Du bon usage des crises ; Rastenberg ; Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies ; les Sept Nuits de la reine ; N’oublie pas les chevaux écumants du passé. Le dernier livre, Derniers fragments d'un long voyage a été publié après sa mort.
"Terre du ciel" n'existe plus. C'est l'Université « À Ciel Ouvert – Les chemins de la sagesse » créée en 2014 par Alain et Évelyne Chevillat qi a pris la suite.
À propos de C. Singer, plusieurs messages figurent déjà sur le blog, voir le tag Christiane Singer.
Sortir de l'anesthésie féroce de nos cœurs
Intervention de Christiane SINGER en 2003
Présentation faite par la revue.
Romancière et essayiste, conférencière au fort charisme, Christiane Singer a placé au cœur de son œuvre la prise en compte de la nature divine qui nous habite tous. Elle proclame sa foi en la vie, dénonçant les profanations à son encontre contre les dogmatismes. Passant à toutes les sources du beau et du bon, elle célèbre le vivant et l'espérance qui s'y attache. Elle touche le cœur et interpelle l'esprit pour nous engager à épouser la vie, dans une attitude faite d'abandon et de contemplation, d'attention et de générosité, seule à même de nous ouvrir à une dimension inconnue, où nous pourrons renouer avec ce qui en nous est plus grand que ce que nous imaginons.
C'est une joie, et une émotion pour moi, d'être une nouvelle fois devant vous. Me remontent mémoire tous les moments où, au cours des précédents forums, nous avions tous étés touchés au plus profond. Si nous pouvions raviver l'esprit de ces instants, nous aurions immédiatement l'expérience de cet essentiel.
Laissez-moi évoquer quelques-uns de ces moments ; ils ont en commun non pas le spectaculaire, mais la fragilité. Dans la tonalité de la narration que faisait Graf Dürckheim d'une rencontre traditionnelle au Japon des plus grands maîtres du tir à l'arc à laquelle il assista.
Ils étaient tous là, impressionnants. Apparaît soudain un tout vieux maître, le dos cassé, tremblant. Il traîne son arc plus grand que lui. Il se place face à la cible, décoche une flèche qui vient se planter au sol à quelques mètres de lui. Une part de l'assistance fait l'expérience du satori.
Moi, je revois Yvan Amar assis ici sur une chaise, dans un faisceau de lumière, quelque temps avant son départ, ne pouvant plus guère tenir debout, et nous disant : « Laissez mourir en vous tout ce que vous entendez ici, ne vivez pas selon des mots que vous aurez entendus, vous vous aliéneriez à d'autres prisons. Transformez tout cela en vous-même ! » Ou encore André Chouraqui, quittant la salle dans sa chaise roulante poussée par sa femme ; et toute la salle se lève ! Ou Thich Nhat Hanh, entouré par ses nonnes. Ou sœur Emmanuelle montant à la tribune, dépassent de sa robe de toile grise les frêles jambes d'une enfant de douze ans, prises dans des socquettes blanches dont l'élastique avait un peu lâché. À travers cette vertigineuse fragilité passe quelque chose d'indicible : ce qui nous réunit ici.
Le lieu d'où je vous parle n'est pas un lieu de savoir. Plus les années passent, plus ce savoir se dilue et il reste simplement ce désir ardent de communiquer de la présence. Une phrase de Bergès m'est revenue ce matin en arrivant ici : « Nos néants diffèrent à peine. Le fait est fortuit et sans importance que ce soit moi le rédacteur de ces lignes et vous le lecteur. » C'est un peu ce que je voudrais vous dire. Je suis devant vous dans une grande humilité. Combien parmi vous auraient à nous transmettre l'essentiel de leur trajectoire, de leur histoire de vie, de la même manière que moi je vais tenter de le faire ? Le fait est donc fortuit que ce soit moi qui parle et vous en cet instant qui écoutiez. Mon seul souhait est que à certains moments, après toute une vie où je tente de capter l'invisible, j'aie la chance de vêtir de mots une intuition qui est peut-être aussi la vôtre.
Je déplore le monde dans lequel nous vivons, entreprise colossale pour détourner l'homme de l'essentiel, incroyable machine mise en marche pour nous distraire en permanence. Quand je pense à Blaise Pascal parlant de ce divertissement qui nous écarte de l'essentiel, que penserait-il aujourd'hui de toute cette industrie mise en œuvre pour nous détourner de nous-même et de la lumière qui nous habite ? Deepak Chopra a forgé à ce propos l'expression d' "hypnose socialement programmée". Ce que nous prenons pour la réalité est une construction parfaitement artificielle, et c'est dans cette réalité fabriquée que nous vivons ensemble. La réalité réelle, si je puis dire, respire derrière cette structure.
Un épisode récent m'a remis en mémoire l'époque de l'enfance où cette réalité construite n'obscurcit pas encore le Réel. Je visitais avec une amie l'abbaye d'Altenburg, qui recèle la plus belle bibliothèque baroque de toute cette région du Danube. Alors que nous entrions dans l'imposante salle, le petit garçon de mon amie pousse un cri déchirant. Je me dis que cet enfant possède un sens aigu de l'art : il se précipite vers une colonne où, sur le relief d'une corniche… était posée une petite sauterelle verte. Parmi toute la splendeur déployée qui nous entourait, il était allé tout droit vers la vie, vers ce que nous n'aurions probablement jamais remarqué. Autre situation récente : une mère détourne de force la tête de son enfant qui, plein d'interrogation vibrante, fixe un jeune étudiant africain assis en face de lui. Au lieu de dire : « Monsieur, vous voyez l'intérêt que vous porte mon enfant. Pourriez-vous nous dire de quel pays vous venez ? En rentrant, nous le chercherions sur notre atlas, et en vous adressant la parole nous aurions ainsi ouvert un espace du monde. » Non, l'intérêt que porte cet enfant au monde est immédiatement détourné, et le voilà précipité dans une programmation mortifère qui consiste à ne regarder ni à droite ni à gauche.
Dès que je me mets à parler ainsi de notre monde, je sens monter en moi une colère, et en même temps quelque chose de terrible se produit, je crée l'adversaire. Vous sentez que les deux vont ensemble. Cette indignation que je laisse monter en moi donne une énergie colossale au Léviathan qui est là devant moi. Ainsi me précipite-t-il où il me veut : dans la réaction – c'est-à-dire aussi dans la guerre.
Me vient en mémoire un des contes de ma grand-mère hongroise, une petite femme transparente qui fut une lumière de ma vie. Une belle bergère est retenue prisonnière par un ogre. Toute la journée il ne la quitte pas des yeux, et la nuit il lui fait détacher ses longs cheveux pour qu'elle les déploie au sol et qu'il puisse se coucher dessus. Ainsi, le moindre mouvement l'alerte. Mais il ignore que la belle bergère est l'amie des fourmis ; et celles-ci viennent et s'affairent, et cheveu par cheveu, libèrent la chevelure et permettent à la bergère de s'enfuir. C'est là une parabole prodigieuse, n'est-ce pas ? J'imagine que chacune de nos vies est semblable à un cheveu, un seul, que nous allons tirer doucement de dessous la tête de l'ogre, mais doucement, sans l'éveiller, sans surtout entrer dans la confrontation ! Il s'agit de délivrer la chevelure de l'humanité tenue prisonnière par l'ogre, sans provoquer sa colère destructrice.
C'est avec cette métaphore que je m'engage avec vous dans cette réflexion sereine sur l'essentiel. À vrai dire, j'ai un peu de peine avec le titre du forum – "Retour à l'essentiel" –, comme si l'essentiel était un lieu auquel on puisse retourner, qui aurait déjà existé dans un âge d'or, un lieu qu'il s'agirait de retrouver. Or il n'est de fidélité au passé que dans l'avenir, que dans cet élan vers l'avant ! Dès que l'on situe un lieu, c'est déjà un casus belli qui s'annonce, parce qu'il va falloir le préserver, le défendre. Prenons le tombeau du Christ : des générations entières ont cru qu'Il était là, dans ce tombeau et qu'il fallait Le défendre. La vérité est bien sûr que le tombeau du Christ est dans nos cœurs ; nous tenons le Christ mort dans nos cœurs de pierre. Le fait de situer l'essentiel dans un lieu reste problématique.
La femme de Weinreb, le grand philosophe juif, racontait à ce sujet une histoire très émouvante. Elle était seule juive dans une école en Pologne, où le maître lui demanda de montrer Jérusalem sur la carte. Elle resta immobile et les yeux baissés sous les quolibets de la classe. La tradition de son père rabbin lui avait enseigné que Jérusalem n'était pas sur la carte – mais en devenir au cœur des hommes. Elle ne put donc la montrer.
L'essentiel ne peut pas non plus être cherché dans le temps horizontal, le temps qui passe – chronos. Il ne peut advenir qu'à l'improviste – comme une déchirure. Le grec distingue chronos et kaïros, le temps qui se mesure et le temps de qualité. Kaïros relie terre et ciel. Moments bénis où la pesanteur est abrogée, où la Loi s'écarte devant l'Amour. Instants d'éternité où le temps est aboli. Ce sont ces instants qui construisent notre corps invisible – le matériau même de notre corps d'éternité, de notre corps de gloire.
Ce qu'il s'agit de développer en nous, c'est cette porosité à la Présence, cette subtilité de l'être, cette capacité d'être à l'écoute. Je ne suis pas particulièrement amie des chasseurs, mais j'ai rencontré un vieux voisin qui m'a parlé de la chasse au coq de bruyère, et ce qu'il m'en a dit nous éclairera éloquemment. Le coq de bruyère est inapprochable, il a l'ouïe trop fine. Mais il y a un seul moment dans l'année ou il cesse un court instant d'entendre : lorsqu'il pousse son cri d'amour, son appel. Le chasseur peut alors faire un pas, un seul. Mais si un rameau craque, c'en est fait… frrrrt, il s'est envolé. Imaginez la tension aiguë et ramassée avec laquelle le chasseur avance… C'est au fond à une chasse semblable que je vous invite, dans ce sous-bois où nous sommes ensemble. Chaque fois qu'une qualité d'amour nous touche, nous pouvons faire un pas de plus vers cet essentiel que nous poursuivons.
Mais comment le décrire ? N'est-il pas cette certitude déchirante et fulgurante qui parfois assaille l'homme, que derrière ce monde respire un autre monde, une Présence. Et cette fulgurance, cette surgie d'éternité qui a lieu dans les circonstances les plus imprévisibles, bouleverse tout ce qui a précédé.
Que la volonté de s'en saisir et de la mettre sous boisseau apparaisse aussitôt n'étonnera personne. C'est ainsi que se fonde toute religion. Se saisir de la grâce ! Quelle tentation fatale ! On l'a ! On la détient ! Oui, la voilà – voilà la Vérité détenue, prisonnière de l'institution ! À la vérité, on s'en doute, elle s'est volatilisée depuis longtemps et s'en est allée agir ailleurs. Quand on demande : « Montre-la-moi, la vérité » à ceux qui la détiennent, on ne parvient pas à leur faire ouvrir leur poing clos. Depuis longtemps, ce qu'ils tenaient si fort dans leur main fermé est écrasé, mort… Il leur faut désormais dissimuler la triste vérité.
Ce que je dis là est dur bien sûr et mérite un autre éclairage. Souvent, c'est le respect d'une tradition, le champ de conscience qu'elle engendre qui crée précisément les conditions pour l'apparition de cette grâce. Mais cette vérité ne se laisse ni enfermer, ni sécher, ni conserver, ni pasteuriser, ni lyophiliser. Elle est insaisissable. Elle change à tout instant de substance, de forme. Elle peut nous traverser comme la foudre, nous frôler comme la brise ou se poser comme saveur sur notre langue.
Il en est de même pour les êtres que nous admirons, qui sont nos guides à un moment et dont nous aimerions qu'ils soient à tout jamais les garants de cet essentiel. Mais il arrive qu'ils nous déçoivent. Récemment, un grand écrivain tchèque que nous admirons tous beaucoup, un dissident de la première heure, nous a atterrés en prenant parti pour la politique de George Bush. Le premier choc passé, n'est-ce pas là aussi un message précieux : ne mets pas ton espérance dans un lieu, dans une personne. Mets la dans l'invisible.
Le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. Rien n'est stable, même pas la pierre. Chaque jour nouveau, je suis appelée à réactualiser l'espérance, à renouveler l'alliance. Chaque jour de neuf. Un bon exemple : l'amour. Quand nous entrons en amour pour une personne, ce que nous allons vivre contient déjà en germe toutes les catastrophes ! Pourquoi ? Parce que nous nous leurrons. Nous croyons que l'amour c'est elle, alors que l'amour n'est ni elle ni personne mais ce qui a lieu entre nous de miraculeux et d'insaisissable. Être en amour nous met dans un état de transparence, de bienveillance envers le monde entier, d'ouverture de cœur, de solidarité toute naturelle. Voilà le miracle. Mais si je fais une idole de cette personne et que je lui attribue la responsabilité de cette transformation, elle va devenir soit mon despote, soit mon esclave – ce qui revient au même – et je rate alors le grand rendez-vous. Ce qui se passe en amour, c'est entre nous que cela a lieu, entre nous que se glisse la Présence, entre nous que respire l'infini. C'est cet espace qu'il s'agit de respecter. C'est de cet espace entre qu'il faut prendre soin. Il n'y a aucune matière plus précieuse. Ce qui se tisse entre les hommes et les femmes qui s'aiment est le matériau même des mondes en devenir. Nous sommes ici ensemble pour en prendre conscience.
L'espace qui respire entre nous… comme autrefois dans le ventre de notre mère, le liquide amniotique où nous voguions. C'est l'espace entre et l'espace autour qui est pure reliance à la Présence.
Souviens-toi que l'essentiel est dans le mouvement de navette entre les bords, entre les rives de cet instant à l'instant où nous nous séparerons, de l'instant de la naissance à l'instant de la mort, de ma bouche à votre oreille, de votre cœur au mien, de l'aube au crépuscule. Le mouvement entre l'homme et la femme, l'espérance et la désespérance, le monde visible et le monde invisible, le temps horizontal et l'éternité. L'essentiel respire entre.
En approchant de la fin, nous pouvons oser un constat : l'essentiel n'est pas où notre raison, notre intellect le cherchent (bien qu'il puisse y être aussi, comme partout ailleurs). Il n'est pas au lieu où on l'a rencontré la dernière fois et où l'on retourne le cœur battant (bien qu'il puisse y être aussi comme partout ailleurs).
Le symbole qui me paraît le représenter au mieux : c'est le nœud de la tradition talmudique. Dieu laisse voir son dos à Moïse et lui révèle le nœud qui le couvre. Le secret du monde, c'est le nœud. Tout est relié à tous, mais comment ? Tu ne sauras jamais ce qui est au bout du fil que tu tires. À chaque instant, le secret reste entier. Si l'essentiel te semble parfois n'être nulle part, c'est en fait qu'il peut être partout à tout instant. Voilà de quoi décourager la logique des faiseurs !
« Quand tu fends du bois, je suis là. Quand tu soulèves une pierre, je suis sous la pierre. Ne me cherchez pas ailleurs que partout. » Ainsi saint Thomas dans le logion 77 [Évangile de Thomas].
La voix est dans la vigilance – une vigilance de tout notre être, vibrante. Nos sens sont le plus souvent devenus des tentacules qui tentent de tirer le monde à eux pour le posséder. Il est temps qu'ils redeviennent des antennes, les antennes du vivant, et que notre corps entier s'anoblisse. Oui, « souviens-toi de ta noblesse ! » (saint Augustin).
Cet élan, cette ouverture de tout l'être nous rendent poreux, perméables à l'essentiel.
Il existe néanmoins un autre moyen pour entrer en contact avec cet essentiel : c'est le drame. Lorsque nous souffrons cruellement, lorsque nous sommes précipités dans ce que nous redoutions le plus – maladie, deuil, échec –, souvent l'inattendu a lieu. Toutes ces expériences semblent ôter à notre corps et à notre âme leur opacité, les abraser au papier de verre afin qu'ils laissent à nouveau filtrer la lumière.
Un chauffeur de taxi me racontait l'autre jour que, pris dans un violent carambolage, au milieu du fracas des tôles entrechoquées, une vague d'amour était montée en lui qui l'avait submergé. Il pleurait en me le racontant. Quelqu'un lui disait en quelque sorte : « Il y a mille ans que tu dors, réveille-toi ! » Quant à mon vieil ami le prince Andreï Bolkonsky, que j'ai beaucoup fréquenté depuis mon enfance dans Guerre et Paix de Tolstoï, ne traverse-t-il pas aussi – au prix de sa vie quant à lui – une invitation semblable ? Cet homme puissant et adulé, aussi perdu qu'un adolescent et qui attend que la vie veuille bien enfin commencer pour de bon… sensation connue, non ? Obsédé par l'héroïsme, mais déjà en butte à la désillusion, il reçoit au cours de la bataille de Borodino un obus en plein ventre – passe à vif aux mains du chirurgien dans le rugissement des blessés entassés – et voilà qu'à l'instant où on le soulève pour le déposer à l'écart, quelque chose se déchire dans sa poitrine – et l'amour infini s'engouffre en lui. Il est alors acculé à l'amour comme l'est sans le savoir l'humanité entière. Car nous finirons tous, morts ou vifs, le dos contre l'amour. Il n'y a pas d'autre issue. Andreï Bolkonsky doit traverser l'enfer de la souffrance pour comprendre que Tout est Grâce.
Si l'essentiel est partout, il ne manque plus que nos yeux ouverts pour le voir… et si la seule voie de la souffrance ne nous plaît guère, ce qu'il y a à modifier, c'est notre relation au monde.
Ouvrir les yeux, ouvrir nos cœurs, sortir de l'anesthésie féroce de nos cœurs. Nous laisser attendrir, toucher par la gratitude d'être vivants ! Non pas des voyeurs, des (télé)spectateurs, consentants à la destruction du monde, mais des témoins de la merveille du monde créée.
Pic de la Mirandole, le grand savant et mystique de la Renaissance, mort à trente et un ans, fait dans son Oratio de hominis dignitate parler Dieu : « Ô, Adam, nous ne t'avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, afin que, maître de toi-même et ayant pour ainsi dire l'honneur et la charge de façonner et de modeler ton être, tu te composes la forme que tu préfères. Tu pourras dégénérer en formes inférieures qui sont animales, tu pourras, par décision de ton esprit, être régénéré en formes supérieures, qui sont divines. » Tu as le choix !
Ce n'est pas une menace qui résonne dans ces paroles prêtées au Créateur, c'est une invitation, et je vous la transmets.