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Voies d'Assise : vers l'Unité
Voies d'Assise : vers l'Unité
  • Blog dédié à Jacques Breton (prêtre, habilité à transmettre le zen, assistant de K.G. Dürckheim, instructeur de kinomichi) et au Centre Assise qu'il a créé en le reliant à l'abbaye de St-Benoît-sur-Loire (France) et au monastère zen du Ryutakuji (Japon).
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20 février 2021

Les cheminements d'une vocation, par Jacques Breton

Jacques Breton nous a quittés le 19 février 2017, il y a donc maintenant quatre ans. Pour marquer ce moment voici un article qu'il avait écrit pour le journal du groupement paroissial dont il faisait partie : l’Écho des Vallées[1] n°106 (juillet-août-septembre 2014). La photo qui est mise est celle de la messe qui a eu lieu le 21 juin 2014 lors de la fête pour ses 60 ans de sacerdoce.

 
 

Les cheminements d'une vocation

 

Les chemins qui mènent à une vie de prêtre sont très divers. Trop sans doute pour que l'on puisse y discerner un parcours type. Le mien en tout cas fut particulièrement sinueux et plein d'imprévus.

 

Seize ans, une nouvelle naissance. J'ai eu une enfance très perturbée. Mon père, gazé à la guerre de 1914, fut atteint de tuberculose. Cette maladie inguérissable à l'époque était aussi très contagieuse.

Lorsque j'eus quatre ans, mes parents ont dû partir en sanatorium. Ma mère, quand elle allait un peu mieux, venait nous voir mais nous n'avions pas le droit de l'approcher.

À mes seize ans, mon père était déjà mort et ma mère nous quittait à son tour. Il nous fallut, mes sœurs et moi, laisser la maison familiale à Pontoise pour aller habiter à Paris chez notre grand-mère qui devint aussi notre tutrice. Quitter Pontoise c'était aussi quitter mon collège Saint-Martin, ma paroisse Saint-Maclou et surtout mes amis.

À Paris, j'ai vécu un moment dans un désert, une sorte de mort. Et c'est pourtant aussi à seize ans, que je me suis senti envahi par un amour qui m'a saisi tout entier. Non seulement je retrouvai le goût de vivre mais surtout je pouvais donner un sens à mon existence : devenir instrument de cet amour. Cette expérience, j'allai la revivre dans une retraite de fin d'études. À ce moment-là, je décidai de me consacrer au Christ, sans savoir ni où ni comment cela se réaliserait.

 

J Breton juin 2014Prêtre ou religieux ? On me conseilla d'entrer au séminaire pour approfondir ma vocation. Mais ma tutrice s'y opposa violemment car j'étais le seul fils de la famille. À cette époque, l'âge de la majorité était à 21 ans. En attendant de pouvoir décider par moi-même, j'entrai à Saint-Cyr mais je n'étais pas fait pour la vie militaire ...

À 21 ans, j'ai donc quitté Saint-Cyr pour entrer au séminaire, ce qui ne se fit pas sans douleur. Une partie de ma famille soutenait ma grand-mère qui versait toutes les larmes de son corps. Néanmoins, j'ai tenu bon, et finalement, c'est ma grand-mère qui a vécu une véritable conversion.

Lors de la première retraite, au bout de trois ans de séminaire, j'ai encore ressenti cette puissance d'amour. Cette expérience a confirmé ma décision : j'étais sur la bonne voie. Ainsi, j'ai passé six ans au séminaire des Carmes, relié à l'Institut Catholique de Paris. Cependant, mon attente n'était pas comblée car les études proposées étaient plus axées sur la philosophie et la théologie que sur la pastorale et la mystique. Malgré tout, j'y étais heureux car tous mes temps libres, je les consacrais à une vie plus contemplative inspirée par mes lectures de Saint Jean de la Croix[2].

À ces interrogations s'ajoutait le fait que, à cette époque, l'Église s'intéressait peu à la vie psychique. Freud n'était-il pas un athée ? Tous les problèmes affectifs vécus depuis mon enfance créaient en moi des tensions et des blocages qui me rendaient très timide. Le sacerdoce me faisait peur.

J'étais arrivé à la dernière année de mon séminaire et je pensais me tourner vers la congrégation de l'Oratoire qui proposait une certaine forme de vie de famille. Mais finalement, Dieu et l'archevêque de Paris en décidèrent autrement.

 

Prêtre et aumônier. Tout avait été organisé et prévu pour mon ordination en l'église paroissiale de Pierrefitte-sur-Seine. Il ne m'était plus possible de renoncer au sacerdoce. Tout s'est d'ailleurs bien passé. À peine ordonné, l'absence temporaire du curé et de son vicaire pour raisons de santé me laissèrent la responsabilité de la cure pour une semaine .... N'était-ce pas un signe du Seigneur que de me donner une telle charge ?

Le 15 août suivant, je rejoignis la paroisse de la Croix-de-Berny à Antony où je fus nommé en tant que vicaire, plus particulièrement chargé de l'éducation religieuse des jeunes. Au bout de trois ans, je renonçai finalement à entrer à l'Oratoire pour demeurer au service du diocèse.

C'est ainsi que je fus nommé aumônier au Lycée Henri IV. L'aumônier principal était très exigeant : Pas une minute à perdre ! Pour ma part, j'étais responsable des classes du CE2 à la seconde, ce qui correspondait à quarante heures de cours par semaine. À cela s'ajoutaient toutes les réunions des Jeunesses Étudiantes Catholiques (JEC). Autant dire que ma semaine était très chargée. Je ne pouvais même pas profiter des congés scolaires que je devais consacrer à mes préparations de cours, aux camps de jeunes et aux retraites personnelles. Toute ma vie sacerdotale était essentiellement consacrée aux jeunes. Je ne prenais pas assez de temps pour me ressourcer. Cependant, étant affilié à l'Institut Jésus-Caritas où nous avions l'obligation d'accomplir une heure d'oraison par jour, je priais dans une chapelle après ma journée au lycée.

 

Des Carmes à l'ermite bûcheron. Je dus quitter le lycée car ma santé se dégradait. J'obtins donc, de l'archevêque de Paris, l'autorisation d'entrer chez les Carmes. L'année de noviciat passée chez eux me permit de restaurer ma santé et surtout de m'ouvrir à une vie intérieure dans l'esprit du Carmel.

Mais cela ne résolut pas mes problèmes psychiques et je demeurai très tendu.

Au bout d'un an, je me retrouvai dans l'apostolat diocésain, aumônier au Lycée Buffon et également au collège privé de jeunes filles à Bourg-la-Reine, ce qui était tout à fait nouveau pour moi. La création des nouveaux diocèses de la région parisienne m'obligea à quitter Bourg-la-Reine pour retrouver mon diocèse de Paris.

Je fus nommé aumônier du Lycée Saint-Louis. J'avais acquis, alors, une bonne expérience auprès des jeunes et l'aumônerie intérieure au lycée devint un lieu de partages et d'échanges. C'est ainsi que je m'ouvris à l’œcuménisme car le pasteur me demanda de prendre en charge les jeunes protestants. Cela me permit de sortir de l'opposition entre catholiques et protestants, reçue dans mon éducation. Cette expérience fut, pour les jeunes comme pour moi, d'une grande richesse car je découvris chez les protestants des valeurs spirituelles que nous vivions mal en tant que catholiques. Cela se traduisit par des rencontres œcuméniques car l'aumônerie très ouverte accueillait des jeunes de divers horizons.

Mai 68 allait tout bouleverser. Le Lycée Saint-Louis, face à la Sorbonne, se trouvait au cœur des événements et comme je fus un des rares adultes à demeurer auprès des jeunes, je me remis moi-même en question : je parlais de Dieu mais en avais-je vraiment l'expérience intérieure ? Aussi, suis-je allé trouver l'archevêque pour lui demander de quitter le ministère afin d'approfondir davantage ma vie spirituelle. Je revois toujours l'archevêque levant les bras : Les prêtres, actuellement, viennent me voir pour demander leur réduction à l'état laïc et vous, c'est pour la prière ! Je ne peux pas vous refuser !

Par la suite, il l'a regretté car j'avais pas mal de responsabilités dans le diocèse… mais il avait accepté ma demande. Je vécus une longue période de vie plus contemplative, d'abord dans une fraternité de Carmes à Orléans, puis en tant qu'ermite, pendant quatre ans, dans une petite maison en pleine Sologne où je travaillais comme bûcheron ...

 

Rencontre de K. Graf Dürckheim. Pendant cette période, j'allais vivre les fêtes à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Néanmoins, cela ne résolvait pas mes problèmes psychologiques. Bien au contraire, le silence et la solitude les accentuaient. Avec l'autorisation de l'évêque d'Orléans, dont je dépendais, je pus me rendre, en Allemagne, dans le centre de K. Graf Dürckheim que j'avais rencontré auparavant au cours d'un stage. Ce séjour se prolongea en fait toute une année. Il me permit de retrouver l'Unité en moi-même tant au niveau corporel, psychique, que spirituel. De retour à Paris, j'organisais des stages et des entretiens individuels au cours desquels j'accordais plus de place à une liberté au service du psychisme.

 

Séjour dans un monastère zen au Japon. En 1983, je fus invité à participer à un échange monastique, au Japon, entre moines bouddhistes zen et moines catholiques[3]. Je prolongeai mon séjour prévu pour un mois, de deux mois, au monastère zen le Ryutakuji. Cette vie très rigoureuse m'aida particulièrement à me recentrer. Par la suite, je suis retourné régulièrement dans ce monastère, pendant trente ans[4]. Grâce à ces séjours, j'ai pu entrer dans l'expérience bouddhiste de vide et d'illumination.

 

Partage d'expérience. A un moment donné, le rôshi (le maître) m'avait posé la question suivante : Comment vivez-vous cette expérience en tant que chrétien ? Ma réponse a spontanément jailli : Cette expérience, je la reçois ! - Là, me dit-il, se situe notre différence. Pour ma part, ce fut une révélation car je prenais conscience que tout est grâce et ma vie allait en être transformée. Rien ne m'appartenait plus, tout m'était donné pour que moi-même je devienne Don.

C'est ainsi que le père abbé de Saint-Benoît me demanda de faire partager aux autres mon expérience. Je décidai donc de créer un centre que j'appelai Assise car, à cette même période, avait lieu la rencontre inter-religieuse de prière, à Assise. Au début, l'archevêque de Paris me donna une simple reconnaissance pour ne pas engager l’Église dans ce nouvel apostolat à la fois évangélique et ouvert au zen bouddhiste. Grâce à deux évêques auxiliaires de Paris, Mgr Soubrier et Mgr d'Ornelas, le centre fut reconnu comme une nouvelle voie d'évangélisation. Aujourd'hui, le responsable spirituel est mandaté par l'archevêque de Paris et l'évêque de Pontoise pour que vive l'esprit d'Assise.

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